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mardi, 18 septembre 2012

Peur sur la ville - Verneuil, Belmondo, Denner, Morricone, Dante (suite)

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Film : Peur sur la ville (1975, durée2h)

Réalisateur : Henri Verneuil

Musique : Ennio Morricone

Le commissaire Jean Letellier (Jean-Paul Belmondo), l'inspecteur Charles Moissac (Charles Denner), le commissaire divisionnaire Sabin (Jean Martin), un inspecteur de police (Henry Djanik), le préfet (Georges Riquier), l'inspecteur de police (Henry Djanik), l'inspecteur Duvielle (Louis Samier), Jacques Paoli (Jacques Paoli lui-même), le commissaire de quartier (Philippe Brigaud), le préfet (Georges Riquier), le sous-préfet (Jean-Louis Le Goff), un inspecteur (Maurice Auzel)

Julien Dallas l'étudiant (Jean-François Balmer), le psychologue (Roland Dubillard), un journaliste de RTL (André Valardy), Cacahuète (Jacques Rispal)
 
Pierre Valdeck le chef de clinique (Adalberto Maria Merli), Marcucci (Giovanni Cianfriglia), Cortes (Henri-Jacques Huet), l'invité qui se trompe de porte (Maurice Vallier)
 
Nora Elmer (Lea Massari), Germaine Doizon (Rosy Varte), Hélène Grammont (Catherine Morin), Pamela Sweet (Germana Carnacina), Eugène Merclin le gardien de l'immeuble de Nora (Roger Riffard), la concierge de Germaine (Gilberte Geniat), Julio Cortes l'amant de Nora (Henri-Jacques Huet)
 

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Jean Letellier : C'est qui, ça ?  (Il montre des photos au mur)

Cacahuète le patron du café : Laszlo Papp.

Jean Letellier : Bien. Et ça ?

Cacahuète : Max Cohen ?

Jean Letellier : Très bien. Et ça ? C'est un acteur, non ?

Cacahuète : Jean Gabin.

Jean Letellier : Très très bien. Et lui ? (Il tend une photo de sa poche)

Cacahuète : Je connais pas.

Jean Letellier : C'est pas un acteur... C'est pas un boxeur... Qu'est-ce qu'il y a là-dessous ?

Cacahuète : Mais, rien. C'est une cave. Des bouteilles, des saloperies qui s'entassent comme dans toutes les caves.

 

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Jean Letellier : Vous venez d'où comme ça ?

Un clandestin : D'Afrique. Du Mali.

Jean Letellier : Et vous vivez là-dedans ?

Le clandestin : Oui, patron.

Jean Letellier : Combien êtes-vous ?

Le clandestin : Quarante.

Jean Letellier : Combien payez-vous ?

Le clandestin : Chacun trente francs, tous les mois.

Charles Moissac : Benh il la rentabilise bien, sa cave, la salope.

 

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Jean Letellier : Eh benh, tu vois, on te doit des excuses. Tu avais raison. C'est une cave tout ce qu'il y a de plus normal. Avec des bouteilles, un tas de trucs qui s'entassent. Une vraie cave, quoi. Oh, mais dis donc, tu saignes, toi ?

Charles Moissac : Oui.

Jean Letellier : Mais dis, mon grand, c'est pas un coup de couteau, ça ?

Charles Moissac : Benh maintenant que tu me l'dis...

Jean Letellier : Hé, qui est-ce qui a pu te donner un coup de couteau ? Y'a personne dans la cave...

Charles Moissac : Ah non.

Jean Letellier : Y'a personne dans la salle... Qui est-ce qui a pu te faire ça ?

Cacahuète : Ca va pas, non ?

Jean Letellier : Frapper un policier à coup de couteau, est-ce que c'est sérieux, hein ?

Cacahuète : J'ai frappé personne !

Jean Letellier : Et ça ?

Cacahuète : Mais c'est pas à moi, ça !

Jean Letellier : Oui, mais y'a tes empreintes dessus maintenant. Donc, ce n'est pas un acteur, ce n'est pas un boxeur.

Charles Moissac : Je vais te souffler, pour t'aider un peu. Le hold up de la banque à Asnières, ça te dit quelque chose ?

 

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Le poste de radio : Z2 appelle TV108, Z2 appelle TV108 

Jean Letellier : TV108, j'écoute.

Le poste de radio : Où étiez-vous, bon Dieu, ça fait une heure que je vous appelle ! 

Jean Letellier : On a été acheter des cacahuètes.

 

¤     ¤     ¤

 

L'invité qui s'est trompe de porte, appelons-le Maurice.  

Jean Letellier : Quand vous avez sonné, vous n'avez entendu ni cri ni bruit de lutte ?

Maurice : Seulement son cri à elle, rien d'autre.

Jean Letellier : Une femme cri au secours dans la nuit, et vous allez tranquillement passer la soirée chez vos amis.

Maurice : Elle n'a pas crié au secours. Elle a tout simplement poussé un cri. C'était la première fois que je venais chez monsieur et madame Chisco, je me suis tout simplement trompé de porte, c'est tout.

 

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Jean Letellier : Vous êtes le gardien de l'immeuble ?

Le gardien : Eugène Merclin, quarante-cinq ans, célibataire !

Jean Letellier : A quelle heure madame Elmer est-elle rentrée ce soir ?

Le gardien : Attendez, j'ai regardé les informations, il devait être huit heures, ouais c'est ça, huit heures à peu près.

Charles Moissac : Et comment était-elle ?

Le gardien : Il me semble bien qu'elle portait un pantalon de toile, un peu style blue jean, vous voyez ?

Jean Letellier : C'est pas ce qu'on vous demande, mon toto. Elle était bouleversée, inquiète, nerveuse ?

Le gardien : Ah, pardon. Benh non, pas plus que d'habitude. Il faut dire qu'elle venait de perdre son mari dans un accident de voiture. Alors...

Jean Letellier : C'est lui ?

Le gardien : Ah benh ouais, ça c'est... hmm... enfin, c'était monsieur Elmer.

Charles Moissac : Elle vivait seule depuis ?

Le gardien : Même avant ! Il voyageait beaucoup, son mari. Il la laissait souvent seule.

Jean Letellier : Et lui, qui est-ce ?

Le gardien : Je ne sais pas. Ca me dit quelque chose, mais... Aah ! Il me semble bien que je l'ai vu dans l'immeuble.

Charles Moissac : Elle recevait beaucoup ?

Le gardien : Allez savoir où vont les gens ? Il y a quarante-huit étages dans cette putain de tour !

Jean Letellier : Raccompagne ces messieurs à cette putain de porte, on leur enverra une putain de convocation.

 

¤     ¤     ¤

 

Jean Letellier au téléphone : Letellier, brigade criminelle. Vous avez reçu l'appel d'une nommée Nora Elmer ?

Le commissaire de quartier : Euh exact. Elle se plaignait d'un maniaque du téléphone.

Jean Letellier : Vous avez envoyé quelqu'un ?

Le commissaire de quartier : Oh benh ça arrive dix fois par nuit. On ne va pas se déranger chaque fois.

Jean Letellier : Ce coup-ci vous auriez dû.

Le commissaire de quartier : Pourquoi ?

Jean Letellier : Parce qu'elle vous dérangera plus, celle-là.

 

¤     ¤     ¤

 

Charles Moissac : Dis donc, j'ai un peu regardé sa correspondance. Des condoléances, le patron de son mari, des amis, une petite cousine de la Nièvre, mais voilà, là, c'est autre chose : "Ma chérie, je sais que je vais te faire un peu de peine mais je dois quitter la France et je ne sais pas si je reviendrai un jour. Oublie-moi. Tu gardes toute ma tendresse, mon cœur saigne." Et c'est signé : Julio Cortès."

 

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Jean Letellier : Vous devez pas vous ennuyer dans ce quartier avec toutes ces tours.

Charles Moissac : Ca doit tomber comme des mouches.

: Comment ?

Jean Letellier : Quel beau métier que le nôtre. Les gens sautent, on les ramasse. C'est chouette, non ? Tu sais ce que j'ai envie de faire ?

Charles Moissac : Benh non.

Jean Letellier : J'ai envie de sauter, moi aussi. Tu diras que, passionné par cette affaire, qui doit sûrement être l'affaire du siècle, j'ai voulu procéder à une reconstitution.

 

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Jean Letellier : C'est vrai qu'il a le cœur qui saigne.

Cortes : A... Appelez une ambulance...

Charles Moissac : Qu'est-ce que tu dis ?

Jean Letellier : Hein ? J'ai rien dit.

Charles Moissac : Ah bon.

Jean Letellier qui allume une cigarette : Merci. C'est bon de se détendre après l'effort.

Cortes : Vous voyez... vous voyez pas que je pisse mon sang ? Je vais crever.

Jean Letellier : Qu'est-ce qu'il veut ?

Charles Moissac : Il dit qu'il est en train de mourir.

Jean Letellier : Dis-lui que je m'en fous.

Charles Moissac : Il s'en fout.

Cortes : A... Appelez une ambulance... Ah... Ah... Bon D...

Charles Moissac : Pourquoi tu as tiré ?

Jean Letellier : Tu parles d'abord, on appelle l'ambulance après.

Cortes : Et si je meurs ? Vous serez responsables ?

Jean Letellier : Tu crois qu'on pourra survivre à ce remords ?

Charles Moissac : Ce sera dur.

Jean Letellier : On essaie ? Allez ! On le laisse mourir pour voir si on supporte le choc, mmmh ?

Cortes : Revenez !

Jean Letellier : Il nous a appelés ?

Cortes : La valise... ah... le double fond... ... ... uuh... l'ambulance... vite...

Jean Letellier : Nora Elmer, tu connais ?

Cortes : Quoi ?

Jean Letellier : "Ma chérie, je sais que je vais te faire un peu de peine mais je dois quitter la France..."

Cortes : Vous n'avez jamais eu l'intention d'appeler une ambulance, vous vouliez me descendre, c'est tout.

Jean Letellier : Comment ?

Cortes : Je vous ai refilé la drogue, je suis en train de crever, vous me lisez une lettre d'amour. Allez-vous-en.

Jean Letellier : Elle est morte.

Cortes : Nora ? Aaah... Uuuuh...

Charles Moissac : C'est toi qui l'a tuée.

Cortes : Moi ? ... Huh... Oh...

Charles Moissac : Allez, tu nous dis la vérité, tu es à l'hôpital dans cinq minutes.

Cortes : Tuer Nora Elmer, moi, mais pourquoi faire ?

Charles Moissac : Je crois qu'on peut laisser tomber. Appelle-lui... son ambulance.

Jean Letellier : Allô ? Ici le commissaire Letellier, oui. Envoyez-moi une... attendez une seconde. Dis donc, pendant qu'on y est, dis-moi comme ça, très vite, qui te fournissait la drogue ?

Cortes : Oh merde... Je recevais un coup de fil, ça se passait au bar La Frégate, place Pereire, c'était jamais le même type.

Jean Letellier : Eh benh voilà.

 

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Charles Moissac, qui répond au téléphone : Le commissaire Letellier est occupé. Je suis son adjoint.

L'assassin : Je veux parler au commissaire Letellier. C'est au sujet de la mort de Nora Elmer.

Jean Letellier : Commissaire Letellier, j'écoute.

L'assassin : Justice est faite. Cette nuit, Nora Elmer a payé de sa mort ses instincts les plus bas. C'était une ignoble salope qui salissait même le deuil le plus sacré. Je serai désormais le bras d'une justice qui condamnera et exécutera sans pitié toutes celles qui se vautreront dans cette immense boue sexuelle qui submerge le monde.

Jean Letellier : Qui êtes-vous ?

L'assassin : Je vais vous le dire, commissaire.

Jean Letellier, à son équipé : Essayer de localiser l'appel.

L'assassin : Permettez-moi de raccrocher d'abord, au cas où vous tenteriez de repérer mon appel. A tout de suite.

Jean Letellier : Merde ! Qu'est-ce que c'est que cette connerie... Commissaire Letellier, j'écoute.

L'assassin : Vous avez lu L'enfer de Dante, commissaire ? Sans doute pas. Eh bien, je suis Minos. Après chacune de mes condamnations, vous recevrez une lettre. Le double en sera envoyé à la presse, elle contiendra le nom de ma victime et une photo qui représentera une partie de mon corps. Vous les assemblerez comme un puzzle et vous obtiendrez un jour mon portrait tout entier, vous connaîtrez donc Minos. Mais, d'ici là, le monde aura tremblé.

 

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Le commissaire divisionnaire Sabin : "J'ai tué Nora Elmer", c'est ce qu'affirme un mystérieux correspondant dans une lettre adressée à France Soir et signée Minos.

Jean Letellier : C'est pas la première fois qu'un foldingue revendique un crime ? Ca arrive souvent. Et ceux qui en général écrivent aux journaux ou nous téléphonent... sont pas bien méchants. Et pour Nora Elmer, rien ne prouve encore que ce soit un assassinat. Bon, eh benh, voilà. Pas bien méchant, tout ça.

Sabin : Letellier ! Vous avez fait beaucoup de karaté, je crois.

Jean Letellier : Oui.

Sabin : Et puis du judo, aussi ?

Jean Letellier : Oui.

Sabin : Et au tir rapide, vous ne vous débrouillez pas mal non plus ?

Jean Letellier : Ecoutez, je vous arrête tout de suite, on m'a déjà fait le coup à l'armée. Vous savez parler l'anglais ? Oui ? Bon, alors corvée de chiottes.

Sabin : Je veux la liste de toutes les femmes qui depuis trois mois ont demandé le changement de leur numéro de téléphone. Je veux aussi savoir pourquoi elles ont demandé ce changement.

Jean Letellier : Navré de vous avoir coupé votre effet, monsieur Sabin.

Sabin : Letellier. Vous n'imaginez pas le nombre d'affaires de police qui ont été résolues par des corvées de chiottes.  

 

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Jean Letellier : Ouvre-le !

Charles Moissac : Je l'aimais bien, cette voiture. Je m'étais habitué.

Jean Letellier : Hein ?

Charles Moissac : C'est peut-être une bombe.

Jean Letellier : Il commence à me courir, ton copain, hein. D'ailleurs, c'est toute cette affaire qui commence à me courir. Sept-cent quatre-vingt demandes de changement de ligne dont deux cent soixante femmes. On en a déjà vu sept ce matin et j'en ai plein les bottes. Arrête de lire quand je te parle.

Charles Moissac : Oui-oui.

Jean Letellier : La dame, dont le numéro est à une chiffre près celui du radio taxi. La pute qui travaillait par téléphone et qui veut tirer un trait sur son passé. L'infirmière réveillée toutes les nuits par un maniaque. Aucun intérêt tout ça ! Mais arrête de lire !

Charles Moissac : Tiens, écoute. "Minos, c'est la terrible voix de la conscience qui juge les intentions et qui prononce les condamnations." Mais ça t'inquiète pas, ce type qui nous suit.

Jean Letellier : Mais c'est un foldingue ! Il fait joujou et j'ai pas de temps à perdre, moi. Bon, la prochaine s'appelle Germaine Doizon. y'a aucune raison qu'on s'emmerde à deux, on va tirer à pile ou face celui qui y va. Face, c'est moi, pile, c'est toi. Pour la peine, c'est moi.

Charles Moissac : Ca fait mille ou deux mille fois qu'on tire à pile ou face, tu perds toujours. La pièce est truquée.

Jean Letellier : C'est toi qui la lance.

Charles Moissac : Alors tu es cocu.

Jean Letellier : C'est toi qui est marié.

Charles Moissac : Alors, merde.

Jean Letellier : Allez, détends-toi. Elle est peut-être passionnante cette Germaine Doizon ? 

 

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Germaine Doizon : Mon mari était bijoutier. Il avait un port d'arme.

Un "policier" : Il est chargé ?

Germaine Doizon : Ah benh bien sûr ! Ce salaud m'a menacée plusieurs fois de venir. Eh benh, je l'attends. Voulez-vous une cigarette ?

Un "policier" : Non merci. Pourquoi "ce salaud" ?

Germaine Doizon : Vous avez raison, je devrais dire "ce malade". C'est sûrement un... un irresponsable. Mais il me rend la vie tellement impossible que moi j'ai du mal à lui trouver des excuses. Voulez-vous boire quelque chose, commissaire ? Un petit café, hein ?

Un "policier" : Non merci.

Germaine Doizon : Ah, vraiment ?

Un "policier" : Pourquoi "un malade" ?

Germaine Doizon : Oh benh, parce que... benh il est par normal, ce type, c'est évident.

Un "policier" : Vous trouvez anormal de stigmatiser le vice, la pourriture qui nous entoure ?

Germaine Doizon : Comment ?

Un "policier" : C'est plus simple de le traiter de fou, n'est-ce pas ? Ca permet de fermer les yeux sur soi-même, de continuer sa petite vie sans remords.

Germaine Doizon : J'avoue que j... je ne vous suis pas du tout.

Un "policier" : J'essayais de comprendre, c'est tout. Un policier qui a un minimum de sensibilité doit essayer de comprendre les criminels, vous ne croyez pas ?

Germaine Doizon : Oui, mais enfin lui, y'a rien à comprendre. C'est un pauvre fou. Puis il doit être impuissant en plus.

Un "policier" : Ah oui ?

Germaine Doizon : Ah oui ! Ca alors, pour dire toutes ces saletés ! Il doit rêver de les faire et ne pas pouvoir. Ah oui, ça alors, c'est sûrement un impuissant.

Un "policier" : Comment l'imaginez-vous physiquement ? Enfin, d'après sa voix.

Germaine Doizon : Je sais pas. Je peux pas lui voir un visage normal comme vous et moi. Ni même un corps. C'est... oh, c'est pas un monstre non plus, non, mais plutôt quelque chose d'informe. Oh, il faut dire que je suis encore dans un demi-sommeil quand il me parle, c'est comme un cauchemar en fait. Oh, et puis quand il se met à baver sur ma vie privée, j'imagine une espèce de grosse chenille pleine de haine.

Un "policier" : Et bien sûr, votre vie privée à vous est irréprochable.

Germaine Doizon : Ah mais absolument ! Mais je baise moi, commissaire ! Je suis veuve depuis cinq ans et parfaitement normale. Alors, j'allais pas entrer au couvent, non ? Vous me pardonnerez ma franchise mais je m'envoie en l'air de temps en temps et j'aime ça.

Un "policier" : Je prendrais bien un café finalement.

Germaine Doizon : Oui ? Je nous apporte ça tout de suite. Vous l'aimez très fort ?

Un "policier" : En fait, nous savons un peu à quoi ressemble Minos. Nous avons fait une sorte de portrait robot.

Germaine Doizon : Ah bon ?

Un "policier" : Ce n'est pas une grosse chenille. Il est plutôt beau. Assez beau pour inspirer le désir à n'importe quelle salope... et assez fort pour ne pas lui céder !

 

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Charles Moissac : J'ai pas besoin de la voiture, moi. Prends-la. T'en meurs d'envie.

Jean Letellier : Tu crois ?

Charles Moissac : Ouais. Je rentrerai en bus.

Jean Letellier : Benh non, y'a déjà trois types en faction. T'as une cigarette.

Charles Moissac : Non, terminé.

Jean Letellier : Dis-donc, c'est incompréhensible, ce truc-là.

Charles Moissac : Ouais, c'est pas facile à lire.

Jean Letellier : Si l'autre dingue a été jusqu'au bout, ça vaut une remise de peine.

Charles Moissac : Bon, je vais voir Germaine.

Jean Letellier : Bonne bourre !

Charles Moissac : Ca vole haut avec toi. Je t'accompagne, alors fais-moi un beau sourire.

 

¤     ¤     ¤

 

Jean Letellier : N'importe quel flic supplierait à genoux qu'on la lui donne. Pas moi. Marcucci, dans un, cinq, dix ans, j'aurais fini par l'avoir. C'est ma catégorie. Mais le schyzo-machin à tendance paranoïde, c'est pas mon truc ça, je trouverai pas la distance. Alors, monsieur le directeur, je vous demande de me retirer de l'affaire. Voilà.

Sabin : Letellier ! Vous ne trouvez pas que vous en faites un peu trop ? Dans le style petite tronche et gros bras, rien dans la tête, tout dans les muscles !?

Jean Letellier : Dans le fond, qu'est-ce que c'est que les muscles ? Quelques grammes de gélatine durcie placés où il faut. Ca sert aussi quelques fois à faire des flics vivants.

Sabin : Letellier, vous êtes commissaire principal de la brigade criminelle, pas videur dans une boite de nuit. Que vous préfériez le western à l'explication psychologique, ça vous regarde. Mais on ne fait pas toujours ce qu'on aime. Minos vous a dénoncé, Letellier, il vous a cafté ! Et vous avez un compte à régler avec lui maintenant. Le schyso-machin à tendance paranoïde, il vous a foutu dans la merde jusqu'au cou ! Et si vous n'essayez pas de vous en sortir, vous pouvez compter sur moi pour vous appuyer sur la tête et pour vous y enfoncer complètement !! Je vous demande pardon, monsieur le directeur.

Jean Letellier : Je peux me retirer ?

 

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Jean Letellier : Vous allez sursauter longtemps comme ça ? C'est horripilant à la fin. Ca fait deux nuits qu'on passe ensemble, et chaque fois que je rentre quelque part, vous sursautez. Vous devriez commencer à vous habituer.

Hélène Grammont : Ne prenez pas ce verre.

Jean Letellier : Pourquoi ?

Hélène Grammont : Il est ébréché.

Jean Letellier : S'il est ébréché, pourquoi vous le gardez ?

Hélène Grammont : Je ne sais pas !!

Jean Letellier : Je garde pas les verres ébréchés, moi.

 

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Jean Letellier : Vous feriez mieux d'aller vous coucher.

Hélène Grammont : Non ! Arrêtez de hocher la tête. Ca fait deux jours que vous hochez la tête, ça aussi c'est horripilant !

 

¤     ¤     ¤

 

Pierre Valdeck, au téléphone : Hélène ?

Hélène Grammont, au téléphone : Oui.

Pierre Valdeck : Je te réveille ?

Hélène Grammont : Non, tu ne me réveilles pas, je ne suis pas seule. Je suis avec quelqu'un de la police pour ce que tu sais.

Pierre Valdeck : Et alors ?

Hélène Grammont : Rien de neuf. [...]

Jean Letellier : Dites à votre gugusse de plus appeler la nuit.

Hélène Grammont : Il appelle parce qu'il s'inquiète pour moi. Et c'est pas un gugusse !

Jean Letellier : Je sais, il est chef de clinique, marié et père de deux enfants. Vous vouliez garder secrets vos rapports, c'est raté. Je vous rappelle que vous êtes sur écoute et que nous vérifions toutes les communications.

Hélène Grammont : Je lis les journaux tous les matins. On vous traîne dans la boue depuis trois jours. Vous avez sans doute des raisons d'être nerveux mais moi aussi, figurez-vous ! Entre les urgences la nuit et les appels de Minos, je ne dors plus depuis des semaines.

Jean Letellier : Allez vous coucher ! Je ne vous demande pas de me tenir la main.

Hélène Grammont : Non ! Vous êtes arrivé ici d'une humeur de chien et c'est moi qui paie. Et je n'ai aucune raison de supporte ça. Allez-vous-en, je n'ai pas besoin de vous !

Jean Letellier : Ne - criez - pas.

Hélène Grammont : Allez-vous en.

 

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Jean Letellier : "L'as de la brigade joue les westerns en plein Paris." J'aurais eu Marcucci il y a un an, j'étais un héro. 

 

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Jean Letellier : Commissaire principal à la brigade criminelle, attendre vissé dernière un téléphone l'appel d'un dingue. Ah, non de Dieu, quand je pense à ce que j'imaginais quand j'étais gosse.

Hélène Grammont : Ah oui ?

Jean Letellier : Ah oui, alors.

Hélène Grammont : Et qu'est-ce que vous imaginiez ?

Jean Letellier : Sur la police, sur tout, quoi. Y'a un truc qui m'avait frappé, une image. Les g-men américains qui escortaient les voitures officielles. Ils marchaient la main sur le capot, la voiture avançait au pas, et leur regard était extraordinaire. Ils cherchaient un type sur les toits, ou derrière une fenêtre, embusqué. J'étais tout gosse, moi. Et quand je voyais ces types, aux actualités, ces g-men, je me disais "c'est ça, un flic". Je crois que j'ai jamais raconté ça à personne.

Hélène Grammont  : Heureusement.

Jean Letellier : Hein ?

Hélène Grammont : Je dis, heureusement que vous n'avez jamais raconté ça à personne.

Jean Letellier : Pourquoi ?

Hélène Grammont : Parce que c'est consternant.

Jean Letellier : Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?

Hélène Grammont : Ca veut dire que le rêve du commissaire Letellier depuis trente ans, c'est de devenir un gorille. Excusez-moi, mais je trouve ça complètement débile. Oh mais je l'avais pressenti en lisant les journaux, "le commissaire flingueur", "l'as de la brigade anti-gangs". Je m'attendais à tomber sur un demeuré. Mais à ce point-là... Douze ans d'âge mental ! Et encore, mon petit frère a neuf ans et il est plus évolué.

Jean Letellier : Peut-être pas très évolué mais vous, c'est pas mal non plus. Vous avez lu les journaux et moi j'ai écouté les communications. Votre roman photo avec le chirurgien, c'est dégoulinant de connerie. Elle l'aime. Il est marié, père de deux enfants. Trouveront-ils le bonheur ? En vente tous les jeudis dans les kiosques. Lui : "Allô, ma chérie, excuse-moi, je ne pourrai pas passer la soirée avec toi. Un confrère étranger qui débarque, sans crier gare." Elle : "Ne mens pas, tu vas encore passer la soirée avec ta femme." Lui : "Enfin, ma chérie, tu sais très bien qu'il n'y a plus rien entre ma femme et moi." Elle : "Pourquoi ne divorces-tu pas ?" Lui : "Les enfants ne comprendraient pas, mon amour." Moi : je me prends peut-être pour un cow-boy mais au moins je ne joue pas les backstreets avec mon chef de service !

Hélène Grammont : Vous êtes content ?

Jean Letellier : Je suis fatigué.

Hélène Grammont : Enlevez votre chemise.

Jean Letellier : Pardon ?

Hélène Grammont  : Allez, enlevez-moi ça et venez par ici. Je fais de la rééducation à l'hôpital, vous en avez sérieusement besoin. Venez vous allonger ici.

 

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Hélène Grammont : C'est bon ?

Jean Letellier : Formidable... Vous savez, quand je vous ai traitée de conne, tout à l'heure, je le pensais pas vraiment.

Hélène Grammont : Et moi, quand je vous ai traité de demeuré, je le pensais.

 

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L'assassin, au téléphone : Vous avez encore vu votre amant aujourd'hui.

Hélène Grammont, au téléphone : J'ai le droit de faire ce que je veux de ma vie.

L'assassin : La loi vous en donne le droit. L'Eglise ferme hypocritement les yeux. Le monde moderne vous applaudit. Mais ma justice, car il faut qu'il y en ait une, vous a déjà condamnée.

Jean Letellier : Continuez.

Hélène Grammont : Quand vous avez appelé, j'étais sur le point de faire l'amour avec un homme. Un homme avec un corps d'homme, des mains d'homme. Faire l'amour, Minos, vous ne savez sans doute ce que ça veut dire, mais ça peut être très beau. Il était si près de moi, il est presque nu. Et nous vous plaignons beaucoup, tous les deux.

L'assassin : Sale putain ! Vous êtes en train de localiser mon appel.

Jean Letellier : Vous n'auriez pas dû le provoquer comme ça.

Hélène Grammont : C'est vous que je provoquais.

Jean Letellier : Il doit pas être content.

Le téléphone sonne.

Jean Letellier : Il est pas content du tout.

Hélène Grammont : Allô ?

Un homme : Mademoiselle Grammont ?

Hélène Grammont : Oui.

Un homme : Ici l'hôpital de la Trinité, c'est pour une urgence. Le professeur Hermione entre en salle d'opération, on vous attend.

Hélène Grammont : J'arrive.

 

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Hélène Grammont : Salut cow-boy.

Jean Letellier : Le cow-boy débile et demeuré évidemment.

Hélène Grammont : Je ne sais pas. Mais je peux vous assurer quelque chose, c'est que si vous aviez eu la tête d'Einstein, je ne vous aurais pas massé les épaules.

Jean Letellier : Euh, quel âge il a déjà votre petit frère ?

Hélène Grammont : Neuf ans ?

Jean Letellier : Eh benh je vais quand même essayer de le rattraper.

Hélène Grammont : Oh, si vous devez rester encore quelque temps à la maison, je vous achéterai un rasoir.

Jean Letellier : Mécanique ! Avec un blaireau et du savon qui fait beaucoup de mousse.

 

lundi, 17 septembre 2012

Peur sur la ville - Verneuil, Belmondo, Denner, Morricone, Dante

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Film : Peur sur la ville (1975, durée2h)

Réalisateur : Henri Verneuil

Musique : Ennio Morricone

Le commissaire Jean Letellier (Jean-Paul Belmondo), l'inspecteur Charles Moissac (Charles Denner), le commissaire divisionnaire Sabin (Jean Martin), un inspecteur de police (Henry Djanik), le préfet (Georges Riquier), l'inspecteur de police (Henry Djanik), l'inspecteur Duvielle (Louis Samier), Jacques Paoli (Jacques Paoli lui-même), le commissaire de quartier (Philippe Brigaud), le préfet (Georges Riquier), le sous-préfet (Jean-Louis Le Goff), un inspecteur (Maurice Auzel)

Julien Dallas l'étudiant (Jean-François Balmer), le psychologue (Roland Dubillard), un journaliste de RTL (André Valardy), Cacahuète (Jacques Rispal)
 
Pierre Valdeck alias Minos (Adalberto Maria Merli), Marcucci (Giovanni Cianfriglia), Cortes (Henri-Jacques Huet), l'invité qui se trompe de porte (Maurice Vallier)
 
Nora Elmer (Lea Massari), Germaine Doizon (Rosy Varte), Hélène Grammont (Catherine Morin), Pamela Sweet (Germana Carnacina), Eugène Merclin le gardien de l'immeuble de Nora (Roger Riffard), la concierge de Germaine (Gilberte Geniat), Julio Cortes l'amant de Nora (Henri-Jacques Huet)

 

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Nora Elmer : Comment vous le savez ? Hein ? Hein ?? [...] Quoi !? Vous êtes rentré chez moi, vous.

Le tueur : C'est joli chez vous, j'aime beaucoup. Surtout votre lit. Je l'ai essayé. Il est doux, moelleux, un vrai lit pour l'amour. Un lit qui doit vous rappeler un amant et un pauvre mari qui est mort maintenant, n'est-ce pas, Nora ?

Nora Elmer : Vous étiez... vous étiez un ami de Pierre, n'est-ce pas ?

Le tueur : Ha ha ha ha, non, rassurez-vous. Mais vous pourrez me parler de lui, puisque je viens.

Nora Elmer : Oh non !! 

 

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Le concierge: Allô ?

Nora Elmer : Allô, monsieur Merclin ? 

Le concierge: Oui.

Nora Elmer : Je suis Nora Elmer. Je viens d'être menacée par téléphone. Je vous en supplie, ne laissez monter personne !

Le concierge : Menacée ?

Nora Elmer : Oui, menacée ! Je vous en supplie, personne.

Le concierge: Je surveillerai, mais vous savez bien qu'on peut monter directement par le parking. Alors là, j'y peux rien. Vous devriez plutôt prévenir la police.

Nora Elmer : Je viens de téléphoner ! mais ça ne répond pas. Qu'est-ce que je dois faire là ?

Le concierge : La nuit, il faut appeler le commissariat d'arrondissement. Je vous donne le numéro.

Nora Elmer : Oui, merci, attendez. Dites-moi.

Le concierge : Défense 44 52.

 

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Le commissaire de quartier : Ne vous inquiétez pas, madame, nous avons l'habitude de ce genre d'appels. Ce sont des détraqués, ils s'excitent de la frayeur qu'ils provoquent. Ils disent tous qu'ils vont venir, ça fait partie de leur petit cinéma mais ils ne viennent jamais.

Nora Elmer : Mais s'il vient quand même ? Qu'est-ce que je dois faire, moi ?

Le commissaire : Rappelez-nous. En moins de cinq minutes, on est chez vous. Mais rassurez-vous, il ne viendra pas. Bonsoir, madame.

Nora Elmer : Bonsoir, monsieur, merci.

 

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Le policier : Quarante-sept avenue George Méliès. Défénestration. Nom de la victime, Nora... Elmer. Je préviens la criminelle. 

 

A suivre...

 

mercredi, 08 août 2012

Taxi driver - Martin Scorsese, Robert De Niro, Jodie Foster, Harvey Keitel, Cybill Shepherd

 

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Film : Taxi driver (1976, durée 1h55)

Réalisateur : Martin Scorsese

Musique : Bernard Herrmann

Travis Bickle le chauffeur de taxi (Robert De Niro), Iris la jeune prostituée (Jodie Foster), Sport son maquereau (Harvey Keitel), Betsy militante (Cybill Shepherd), Charles Palantine le candidat (Leonard Harris), Wizard un autre chauffeur de taxi (Peter Boyle)

 

¤   ¤   ¤

 

Le journal intime de Bickle : Un jour viendra où une bonne pluie lavera les rues de toute cette racaille. [...] Chaque matin, quand je rends le taxi au garage, faut que je nettoie les traces de toutes leurs cochonneries. Encore bien beau quand c'est pas du sang. [...] Douze heures de travail et je n'arrive toujours pas à dormir. Merde. Les jours passent l'un après l'autre mais ils finissent jamais. Il avait toujours manqué à ma vie le sentiment du port d'attache. Je ne pense pas qu'on doive vouer son existence à la contemplation morbide de soi. Je crois qu'on doit devenir une personne comme les autres. La première fois que je l'ai vue, c'était à la permanence électorale de Palantine, à l'angle de la soixante-troisième et Broadway. Elle portait une robe blanche, elle avait l'air d'un ange  sorti de cette pourriture infecte. Elle est unique. Et ils peuvent tout souiller sauf elle.

 

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Bickle : Si ça se trouve, c'est un Italien.

Betsy : Non.

Bickle : Tu en es sure et certaine ?

Betsy : C'est un noir.

Bickle : Parce que s'il avait été italien, il pouvait être de la mafia. C'est vrai, c'est signé, la mafia fait ça constamment. Tu prends, tu prends, tu prends un voleur qui loupe son coup, par exemple. Eh benh, pof ! ils lui flinguent les doigts. Je sais, ça a l'air d'une blague, comme ça, mais c'est vrai ! Ils flinguent un gars qui les a pigeonnés. Qu'est-ce qu'ils mettent sur le cadavre ? Une mouche, ça rappelle que c'était un mouchard.

Betsy : Ils pourraient mettre un pigeon puisqu'on les a pigeonnés.

Bickle : C'est vrai ça, ça devrait être un pigeon. Je sais pourquoi ! Il faut l'attraper le pigeon. Alors qu'une mouche, tu peux trouver ça partout. Ca s'attrape facilement, boum ! vite pris, vite tué. Et puis une mouche, sur un cadavre, c'est normal.

 

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Bickle : Bonjour. Je viens offrir mes services.

Le collègue de Betsy : Bravo, allez m'attendre là-bas.

Bickle : C'est à mademoiselle que je les offre, si ça vous gêne pas.

Betsy : Et pourquoi croyez-vous que c'est à moi que vous devez offrir vos services ?

Bickle : Parce que je pense que vous êtes la plus belle femme que j'ai jamais rencontrée.

Betsy : Merci. Que pensez-vous de Palantine ?

Bickle : Euh... euh...

Betsy : Charles Palantine, le sénateur que vous voulez aider à devenir président.

Bickle : Moi, j'suis persuadé qu'il fera un excellent président. Vous dire exactement sa politique, ça j'en sais rien mais j'pense qu'il fera des bons trucs.

Betsy : Vous ferez sa propagande ?

Bickle : Oui, j'la ferai.

Betsy : Qu'est-ce que vous pensez de son statut d'aide à la famille ?

Bickle : J'connais pas très bien son statut d'aide à la famille mais j'pense que c'est un excellent statut, hé-hé.

Betsy : Vous en êtes bien sûr ?

Bickle : Ouiii.

 

¤   ¤   ¤

 

Bickle : Est-ce que vous accepteriez de venir prendre un petit café avec moi ?

Betsy :  Pourquoi ?

Bickle : Pourquoi !? Je vais vous dire pourquoi. J'trouve que vous avez l'air bien seule. Souvent je passe dans mon taxi là-devant et je vous vois, j'vois tout plein de gens autour de vous, j'vois tous ces téléphones, tous ces machins sur votre bureau et... et j'pense que c'est l'vide. Dès le moment où je suis entré, où je vous ai parlé, j'ai senti dans votre regard, à votre façon d'agir, dans tout, que vous n'étiez pas heureuse. Y'a quelque chose qui vous manque, et s'il faut appeler ça un ami, alors disons que c'est un ami.

Betsy : Vous voulez être mon ami, c'est ça ?

Bickle : Oui... Ca vous va ? Ca va faire drôle si on reste là à discuter le coup. Juste pour cinq minutes, c'est tout, on va là au coin, et après on revient. Et moi je vous protège.

Betsy : Ha-ha-ha...

Bickle : Venez, vous faites une petite pause.

Betsy : J'ai une pausé café à quatre heures. Si vous êtes là, je...

Bickle : A quatre heures, aujourd'hui ?

Betsy : Oui.

Bickle : Eh benh, je serai là.

Betsy : Eh benh voyons.

Bickle : C'est d'accord ? A quatre heures ?

Betsy : Mais oui.

Bickle : On se retrouve là-devant ?

Betsy : Mmmh.

Bickle : D'accord. Oh, je m'appelle Travis, Betsy.

Betsy : Travis ?

Bickle : Oui. J'suis bien content, Betsy.

 

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Le journal intime de Bickle : Vingt-six mai, à quatre heures de l'après-midi, j'ai emmené Betsy dans un snack à Columbus Circus. Moi j'ai pris un café, une part de tarte aux pommes et une bonne portion de fromage. Je crois que j'ai bien choisi ce qu'il fallait. Betsy a pris un café et une salade de fruits. Mais elle aurait pu commander ce qu'elle voulait, elle l'aurait eu.

Betsy : Quinze mille volontaires, rien qu'à New York, c'est déjà très bien. Mais, pour organiser tout ça, que de problèmes.

Bickle : Mmmh. Je mets à votre place. Moi aussi, j'ai des problèmes. Faut aussi que je m'organise. Vous savez, y'a à faire avec mon appartement,... mes petites affaires... Je devrais mettre au mur un écriteau "un de ces jours, il va falloir que je m'organicise."

Betsy : Vous voulez dire "organise" ?

Bickle : Non, "ogranicise". "Organicise", c'est une astuce, quoi. "O, R, G, A, N, I, C, I, S, E, R".

Betsy : Ah, vous mettriez "organiciser" dans le genre du slogan "je pense donc je suis."

Bickle : Vous vous plaisez là où vous travaillez ?

Betsy : On a de bons éléments qui travaillent pour nous. Et je crois que Palantine a une chance sérieuse.

Bickle : Mmmmh. Vous savez que vous avez de beaux yeux ? Euh... il est gentil ce gars qui travaille avec vous ?

Betsy : Y'a rien à en dire.

Bickle : Oui, mais il vous plaît, ce garçon ?

Betsy : Eh bien, il me fait rire et dans le travail il est très très bien, rien à redire. Mais je crois qu'il a des petits problèmes.

Bickle : Ah, j'vais vous dire, ça se voit qu'il a des problèmes. J'ai l'impression qu'il tape un peu à côté de la plaque. Quand je vous ai vus, vous étiez assis, l'un à côté de l'autre. Et je me suis dit, rien qu'à votre allure, "y'a rien entre eux deux, sur aucun plan". Mais par contre, dès que je vous ai vue, j'ai senti que le courant passait entre nous. Y'avait une impulsion qui me poussait vers vous. J'ai senti que j'avais le droit de m'adresser à vous. Autrement, jamais j'aurais pensé que j'avais ce droit-là, de vous parler, de vous dire quoi que ce soit. J'aurais jamais eu le courage d'aller de l'avant. Quand j'me suis aperçu qu'entre vous y'avait rien, et ça je l'ai senti dès les premières minutes, je me suis dit "t'as eu raison." Ca vous fait cet effet ?

Betsy : Autrement je ne serais pas là.

Bickle : Vous êtes de New York ?

Betsy : Oui, de Park Avenue.

Bickle : J'aime pas le gars avec lequel vous travaillez. Enfin, c'est pas que je l'aime pas, c'est que... qu'il a l'air idiot. Je crois qu'il n'a aucun respect pour vous.

Betsy : Moi, c'est bien la première fois que je vois un garçon comme vous.

Bickle : Vous voulez allez au... au... au ciné avec moi ?

Betsy : Il faut que je retourne au bureau.

Bickle : J'disais pas tout de suite, je pensais une autre fois.

Betsy : ... Bien sûr. Vous savez à quoi vous me faites penser ?

Bickle : A quoi ?

Betsy : A cette chanson... par... Kris Kristofferson.

Bickle : Qui c'est ?

Betsy : Un chanteur moderne. Hhh, c'est un prophète. C'est un prophète, un pourvoyeur, moitié réel, moitié fiction, ambulante contradiction.

Bickle : Et c'est moi, ce type-là ?

Betsy : Bien sûr. De qui voulez-vous que je parle ?

Bickle : J'suis pas un pourvoyeur, j'touche pas à la came, moi.

Betsy : Hhh, non, je disais ça en pensant au mot "contradiction." C'est ce que vous êtes.

 

¤   ¤   ¤

 

Le journal intime de Bickle : J'ai rappelé Betsy à son bureau et elle m'a dit qu'on pourrait peut-être aller au cinéma après qu'elle aurait fini son travail demain. C'est mon jour de congé. D'abord elle a hésité et je l'ai rappelée et là elle a accepté. Betsy, Betsy, oh que j'suis con, Betsy quoi ? J'ai encore oublié de lui demander son nom. Merde ! des trucs comme ça, faut que je m'en souvienne !

 

¤   ¤   ¤

 

Bickle : Vous êtes Charles Palantine, le candidat !?

Palantine : Oui-oui, c'est moi.

 

¤   ¤   ¤

 

Palantine : Je vais vous faire un aveu, j'en ai beaucoup plus appris sur l'Amérique en prenant des taxis qu'en montant dans des limousines avec chauffeur.

Bickle : Ah  oui !?

Palantine : Et comment ! Je peux vous poser une question, Travis ?

Bickle : Allez-y.

Palantine : Quel est selon vous le domaine où ça va le plus mal dans ce pays ?

Bickle : J'en sais rien. Vous savez, les affaires politiques, faut être dans le coup, hein. J'en sais rien.

Palantine : Vous voyez peut-être ce qu'il faut changer.

Bickle : Oh, y'aura qui on voudra à la tête, ce sera d'abord le coup de torchon, parce que New York, c'est... c'est un dépôt d'ordures à ciel ouvert, foutu merdier, moi je vous dis ça. Y'a des moments où je peux plus supporter. Celui qui va devenir président, faudra qu'il passe la serpillère, vous voyez de quoi je parle ? Y'a des moments, quand je roule et que je renifle, où j'ai des maux de tête tant qu'c'est moche. J'vous jure, si c'est pas une blague. Des maux de tête qui m'lâchent plus. Je crois que le président, il faudra qu'il prenne le taureau par les cornes et qu'il foute la merde en l'air, y'a pas autre chose à faire.

Palantine : Eh bien, je crois vous avoir compris, Travis. Mais la tâche ne sera pas aisée. Il va falloir se préparer à des changements radicaux.

Bickle : Un peu, oui.

Palantine : Tenez, Travis, et gardez la monnaie. Je suis content de vous avoir parlé, Travis.

Bickle : Moi aussi, très content, m'sieur. Vous êtes très bien, je sais que vous gagnerez.

Palantine : Merci. Merci.

 

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Bickle : Je te connais bien, mais on n'a jamais beaucoup discuté. Je me suis dit que t'as dû en voir, alors tu pourrais...

Wizard : Ecoute, on m'appelle le sorcier, c'est pas pour rien.

Bickle : C'est que, tu vois, c'est que, j... y'a d...

Wizard : Benh quoi, c'est la vie qu'est pas une vie ?

Bickle : Voilà. C'est la vie qui...

Wizard : Tout ça c'est normal, ça arrive à des gens très biens.

Bickle : J'ai plus le moral, j'suis déprimé. Ah y'a des moments où je me demande, tu vois, si... mais il va falloir que j'en sorte et, après faudra... faudra que ça... pète ou que tout ça dise pourquoi.

Wizard : C'est le taxi à vie que te fait peur ?

Bickle : Oui, enfin... Non, c... j'en sais rien. J'veux descendre dans la rue parce que j'ai vraiment... Tu sais, j'ai vraiment envie de... Y'a des moches d'idées qui me travaillent dans la tête.

Wizard : Non, tu vois, il faut voir les choses comme ça. Un mec, un mec il a un travail, tu vois ? Et son travail, comment j'te dirais ça, voyons, il se confond avec, tu comprends ? C'est vrai, quoi... tu fais un truc, eh benh tu deviens ce truc-là. Et moi qui te parle, j'fais le taxi depuis déjà dix-sept ans, tu vois ? Dix ans de nuit, eh benh j'suis toujours pas patron et tu veux savoir pourquoi ? Parce que j'ai pas envie. Tu vois, moi il faut que j'fasse c'que j'veux. Moi il faut que je fasse la nuit et que je conduise le bahut d'un autre. Tu me suis ? Tu comprends, vieux, on devient finalement un travail et puis on n'est plus que ça. Tu prends un gars, il vit à Brooklyn, un autre, il habite à Sutton Place ; un, c'est un avocat, l'autre il est docteur ; t'as un gars qui agonise, un autre qui est en forme et... et puis ça se renouvelle. Remarque, si j'étais jeune comme toi... j'vais te dire, à ton âge, on tringle... on se soûle, on a toujours plein de choses à faire. Benh, de toute façon, t'as pas le choix ! On est tous baisés... enfin, plus ou moins.

Bickle : Des conneries, j'en ai entendues, mais des comme ça, j'dois dire qu'y'en a d'autres.

Wizard : J'suis pas Einstein, j'suis un mec ordinaire, j'fais le taxi, moi, c'est tout. Tu veux que je te dise ? Je suis même pas foutu de comprendre de quoi t'as voulu m'parler.

Bickle : Benh j'en sais rien moi-même, c'est te dire.

Wizard : Ne te fatigue pas les méninges. Laisse glisser, vieux, n'appuie pas. Tu sais, j'en ai vu un tas dans ma putain de vie et... je sais, OK ?

Bickle : Oui, merci. Hhh, j'crois que... Hhhh...

Wizard : Et oui, laisse rouler, ça ira, tu verras ça ira.

 

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Le journal intime de Bickle : Toute ma vie, j'ai été suivi par la solitude. Partout, dans les bars, les voitures, sur les trottoirs, dans les magasins, partout. Y'a pas d'issue, j'suis abandonné de Dieu. Huit juin, je viens de tourner une nouvelle page de ma vie. Les jours passent avec régularité, encore et encore. Chaque jour, indiscernable de celui qui le suit, une longue chaîne continue. Et puis soudain, un changement.

 

¤   ¤   ¤

 

Bickle, devant son miroir : Hein ? ... Hein ? ... Hein ?? ...  J'flinguerais ça, moi. Feignasse, salopard ! J'te vois venir, p'tite vache ! Ordure... J'flingue plus vite que toi. J'me plante là, et tu me provoques. Alors, mec, tu provoques ? Mmmh ? Tu provoques ? Fais pas ça ou t'es foutu... C'est à moi que tu parles ? ... C'est à moi que tu parles ? ... C'est à moi que tu parles ?? Alors à qui est-ce que tu parles, t'en vois un autre que moi ici ? J'en vois pas d'autre que moi ici. A qui tu parles, alors, tu vas le dire oui ou non ? Ah oui. Ah. D'accord. Hein ?

 

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Bickle, à qui veut : Ecoutez bien, bande de dépravés. Vous avez, devant vous, un homme qui en a marre. Un homme qui n'en peut p... Ecoutez bien, bande-de-dépravés. Voilà l'homme pour qui la coupe est pleine. L'homme qui s'est dressé contre la racaille, le cul, les cons, la crasse, la merde. Voilà quelqu'un qui a refusé.

 

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Iris : Eh benh entre !

Bickle : Vous avez vraiment douze ans et demi ?

Iris : Ecoute, t'as pas de temps à perdre, c'est vite passé un quart d'heure. Quand la cigarette sera finie, ce sera fini pour toi.

Bickle : Quel âge tu as ? Tu veux pas m'le dire ? Comment tu t'appelles ?

Iris : Facilité.

Bickle : C'est pas un nom, ça, Facilité.

Iris : Mais c'est facile à se rappeler.

Bickle : Mais c'est comment, ton vrai nom ?

Iris : Je l'aime pas, mon vrai nom.

Bickle : Vas-y, dis-le, même si tu ne l'aimes pas.

Iris : Iris, tu te rends compte ?

Bickle : Qu'est-ce que tu reproches à ce nom-là ? Je le trouve très joli, moi.

Iris : Oui, toi, tu trouves ?

Bickle : Non, fais pas ça, fais pas ça. Tu te souviens pas de moi ? Mais si, enfin, tu te rappelles bien, la fois où t'es montée dans un taxi, même que c'était un taxi jaune et quand t'as ouvert, y'a un certain Mathieu qui s'est pointé et il a dit qu'il voulait pas que tu partes. Il t'a prise par le bras !

Iris : Ah, là, tu vois, j'me souviens pas.

Bickle : Tu te souviens pas du tout de ça ?

Iris : Non.

Bickle : Bon, ça fait rien. Moi je vais te tirer de là.

Iris : On ferait mieux de s'y mettre sans quoi Sport il va piquer sa rage. T'as une préférence ?

Bickle : J'suis pas venu pour ça. Qui c'est, Sport ?

Iris : Oh, c'est Mathieu, moi je l'appelle Sport. Tu veux qu'on commence tout de suite ?

Bickle : Ecoute, j... je sais pas. C'est vrai, quoi, c'est pas si difficile à comprendre. C'est toi qui est montée dans mon taxi. C'est toi qui voulait tout plaquer ce soir-là.

Iris : Mais j'devais être vachement défoncée.

Bickle : Pourquoi ? J'comprends pas, il te drogue ?

Iris : Oh, dis pas de conneries.

Bickle : Qu'est-ce que tu fais ?

Iris : Tu veux pas baiser ?

Bickle : Non, je t'ai déjà dit que non. Je veux t'aider.

Iris : C'est à moi de t'aider, m'sieur.

Bickle : Oh, merde ! Non mais c'est pas vrai ! Merde, quoi ! Qu'est-ce que t'as dans la tête, dure, hein ?

Iris : C'est vrai, au fond, t'es pas obligé.

Bickle : Mais enfin, bon Dieu, t'as pas envie de faire autre chose ? Tu comprends au moins pourquoi j'suis monté ?

Iris : Oui, oui, j'crois que oui. Un soir, c'est moi ai voulu monter dans ton taxi, et maintenant, c'est toi qui veut m'emmener. C'est ça ?

Bickle : Benh oui. Mais pourquoi t'as pas envie de partir ?

Iris : J'suis libre de partir quand ça m'chante.

Bickle : Alors pourquoi t'as fait ça ce soir-là ?

Iris : J'étais défoncée, j'te dis. Tu comprends, c'est pour ça qu'ils m'ont reprise. Et même quand je suis pas défoncée, j'peux pas aller ailleurs, alors... Tout ce qu'ils font, c'est de... de me protéger contre moi-même, tu vois ?

Bickle : Uhhhh... Moi je... uhhhh... je nage, moi. Je nage mais j'aurais toujours essayé.

Iris : J'te trouve gentil, tu sais. Je parle sérieusement cette fois.

Bickle : Ah. Bon, j'pourrais te revoir ?

Iris : T'as de ces questions.

Bickle : Non, je parle pas de ça mais je pensais te fréquenter, te sortir. C'est pas une vie que tu mènes ici.

Iris : Bon, petit déjeuner demain, ça te va ?

Bickle : Demain ?

Iris : Oui, je me lève vers une heure.

Bickle : Vers une heure.

Iris : Vers une heure.

Bickle : Uh. Benh, c'est-à-dire que... moi je p...

Iris : Faut savoir, hein, tu veux, oui ou non ?

Bickle : Oh, je veux bien, entendu, ça me va. Alors entendu, à une heure.

Iris : A une heure.

Bickle : Entendu. Alors à demain. Euh, Iris ? Je m'appelle Travis.

Iris : Merci, Travis.

Bickle : Au revoir, Iris. On se voit demain... Douce Iris.

 

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Iris : Pourquoi tu veux tellement que je retourne chez mes parents, hein ? On me déteste là-bas. Moi, si je me suis tirée, c'est que j'avais une bonne raison. C'est froid chez eux, un désert !

Bickle : J'comprends, mais tu ne peux pas vivre comme ça, ici c'est l'enfer. Une fille, ça doit être en famille.

Iris : MLF, t'as entendu parler ou pas ?

Bickle : T'es pas une femme qu'il faut libérer, enfin. Tu es encore toute gosse, tu devrais être à la maison, avec tes parents. Tu devrais porter des jolies robes, t'amuser avec des petits flirts, tu devrais même aussi aller à l'école. Le truc classique, enfin !

Iris : Mon Dieu ! Alors toi, tu dates !

Bickle : Non, je date pas ! C'est toi qui dates ! Tu déconnes, oui ! Non mais enfin, tu te vois ? Tu sors avec toutes les épaves qui traînent dans les rues, les sales types, les vicelards et tu leur vends ton... enfin, tu te vends. Et pour pas un rond en plus. Pour un sale petit maq ! Un petit maq qui relève le compteur. Et c'est moi qui date ? Mais à côté de moi, tu n'es qu'un fossile ! Jusque là, j'ai encore jamais baisé avec une bande de tueurs et de drogués, comme toi tu le fais ! Ca s'appelle "être à la cool", ça ? Ha-ha, mais de quel monde tu sors, hein ?

Iris : Qui est un tueur ?

Bickle : L'autre, là, Sport, c'est un tueur, un vrai tueur.

Iris : Sport n'a jamais tué personne.

Bickle : Il a sûrement tué quelqu'un.

Iris : Il est de la balance.

Bickle : Il est quoi !?

Iris : J'suis balance moi aussi, c'est pour ça qu'on s'entend si bien.

Bickle : C'est un tueur pour moi, pas autre chose.

Iris : J'crois que c'est les cancer qui font les meilleurs amants mais... dans la famille, on est tous des signes d'air.

Bickle : C'est aussi un type qui se drogue.

Iris : Mais d'où que tu prends le droit de faire de la morale ? Tu te crois mieux que nous ? Regarde un peu la poutre qui est dans ton œil et pas la paille du voisin.

Bickle : Comment tu vas faire avec Sport et l'autre fumier ?

Iris : Quand ?

Bickle : Quand tu t'en iras.

Iris : J'en sais rien, je les plaquerai, c'est tout.

Bickle : Tu vas t'en aller comme ça ?

Iris : Oh, ils sont pleins d'autres filles, tu sais.

Bickle : Mais c'est pas encore réussi ton coup. Comment tu vas faire ?

Iris : Et qu'est-ce tu veux qu'je fasse ? J'appelle les flics ?

Bickle : Oh, les flics, ils font rien, ça c'est connu.

Iris : Oh tu sais, Sport, il m'a jamais fait de mal. Enfin, j'veux dire, il m'a jamais maltraitée, jamais battue.

Bickle : C'est à nous de l'empêcher de recommencer avec d'autres filles. C'est à nous d'empêcher ça. Ce type, c'est une véritable petite ordure. Il faut absolument que quelqu'un le coince ! C'est une saloperie intégrale ! C'est la pire des... tssss... Oh, une sangsue comme ce fumier, j'ai jamais vu ça de ma vie, moi. Et tu sais ce qu'il a dit sur toi ? Ah, il te fait une de ces réputations. Il t'a traitée de poule !

Iris : Tu sais, ça n'a rien de méchant. Je vais aller vivre dans une communauté du Vermont.

Bickle : Tu vois, Iris, j'ai encore jamais vu de communauté, mais ça me dit rien. J'ai lu... un reportage une fois dans un magasine mais, j'sais pas, c'est pas net.

Iris : Pourquoi tu vivrais pas en communauté avec moi ?

Bickle : Qui ça, moi ? Vivre en communauté avec toi ? Ho-ho-ho.

Iris : Pourquoi pas ?

Bickle : Ces endroits-là, c'est pas mon genre.

Iris : Pourquoi pas, enfin ?

Bickle : Non, les gens qui sont là-dedans, je m'entends pas avec eux.

Iris : T'es un scorpion.

Bickle : Comment ?

Iris : Bien sûr, t'es un scorpion, ça se voit à ta façon d'agir.

Bickle : Et puis d'ailleurs, il faut que je reste ici.

Iris : M'enfin, pourquoi ?

Bickle : J'ai un travail très important à finir.

Iris : Tu fais quoi de si important ?

Bickle : Je travaille pour le gouvernement. Taxi, je fais ça à mi-temps, c'est tout.

Iris : Est-ce que t'es dans les stups ?

Bickle : J'ai l'air d'être là-dedans, moi ?

Iris : Ouais ! Ha-ha-ha !

Bickle : Alors c'est que j'y suis.

Iris : Ha-ha-ha-ha ! Oh, toi alors ! Je sais pas qui est le plus dingue de toi ou de moi ! Ha-ha-ha ! ... Alors c'est bien vrai, tu viens pas avec moi ?

Bickle : Tu sais ce que je vais faire, Iris, je vais te donner du fric pour que tu partes, d'accord ?

Iris : Oh non, je t'assure, c'est pas nécessaire.

Bickle : Si-si, si, je veux que tu acceptes. J'veux pas que tu demandes quoi que ce soit à ces salopards. J'tiens à faire ça. J'peux pas mieux employer mon argent ! ... Il se peut que moi aussi j'sois obligé de partir.

 

¤   ¤   ¤

 

Sport : Tu es fatiguée, c'est tout.

Iris : Je n'aime pas c'que j'fais, Sport.

Sport : Mais, ma biche, j't'ai jamais demandé d'aimer c'que tu fais. Si jamais tu te mettais à aimer c'que tu fais, tu ne serais plus ma petite femme.

Iris : Tu te rends compte que je ne te vois plus jamais ?

Sport : Mais il faut que je m'occupe de mes affaires, mon poussin. Ton mec te manque, hein ? Huh, tu sais que moi non plus j'aime pas être séparé de toi ? Tu sais bien c'que tu es pour moi. J'ai besoin de toi. Je serais perdu sans toi. Faut jamais oublier ça. J'ai besoin de toi, c'est fou. Viens dans mes bras, mon p'tit. Laisse-moi t'serrer. Quand tu es comme ça, tout contre moi, j'me sens si bien. Je souhaiterais à chaque homme de savoir c'que c'est que d'être aimé par toi. Je souhaiterais à chaque femme d'avoir un homme qui l'aime autant que je t'aime. Comme c'est bon de se sentir l'un contre l'autre. Une chance comme ça, ça n'arrive à personne au monde. Je serre une femme qui a envie de moi, besoin de moi. Il n'y a qu'avec toi que je me retrouve.

 

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Lettre à Bickle : Cher monsieur Bickle, je ne peux pas vous dire combien madame Steensma et moi nous avons été heureux d'apprendre que vous étiez rétabli. Nous avons voulu vous rendre visite à l'hôpital quand nous sommes venus chercher Iris à New York mais vous étiez toujours dans le coma. Nous vous serons toujours infiniment redevables de nous avoir rendu notre Iris. Nous pensions l'avoir perdue mais aujourd'hui notre vie a retrouvé tout sons sens. Inutile de vous dire que dans cette maison, vous êtes devenu une sorte de héro. Vous voudrez sûrement avoir des nouvelles d'Iris : elle a repris ses études avec assiduité. La transition a été très dure pour elle, comme vous pouvez l'imaginer, mais nous avons pris des mesures pour qu'elle n'ait plus jamais de raison de s'enfuir.  Pour terminer, madame Steensma et moi, nous tenons à vous remercier une fois encore, du fond du cœur, malheureusement nos moyens ne nous permettent pas de revenir à New York afin de vous remercie de vive voix comme nous en avons le désir. Mais si jamais vous veniez à Pittsburgh, vous serez toujours accueilli chez nous à bras ouverts. Nos plus vifs remerciements, Burt et Ivy Steensma.

 

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Betsy : J'ai appris votre aventure par la presse. Comment ça va ?

Travis : Oh, c'était rien au fond, j'ai récupéré. La presse fait toujours mousser ce genre d'histoires. Il y a encore des petites douleurs, c'est tout.

 

mardi, 31 juillet 2012

Je t'aime moi non plus - Gainsbourg, Birkin, Depardieu, Blanc

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Film : Je t'aime moi non plus (1976, durée 1h30)

Réalisateur : Serge Gainsbourg

Public averti, interdit aux moins de 16 ans.

Johnny serveuse à l'allure de garçon (Jane Birkin), Boris son patron pétomane (Reinhard Kolldehoff), Krassky (Joe Dallesandro) éboueur homosexuel en couple avec son coéquipier Padovan (Hugues Quester), un paysan fier de son engin (Gérard Depardieu), un ouvrier (Michel Blanc), Moïse (Jimmy Loverman Davis)

 

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Krassky emmène Johnny dans son camion faire les courses ches le boucher pour Boris, le patron du bar routier où elle est serveuse.

 

Johnny au boucher : Trois kilos de cheval.

Johnny à Krassky : C'est Boris, il fait passer ça pour du boeuf.

Krassky : Saloperie d'enfoiré de merde. Chier.

 

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Krassky : Vous terminez à quelle heure ?

Johnny : Minuit, une heure, ça dépend. Boris il dit que vous êtes un homosexuel.

Krassky : Saloperie d'enfoiré de merde. Chier.

Johnny : C'est pas une réponse.

 

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Le patron d'un motel : Ouvrez ! 

Krassky : Qu'est-ce que c'est ?

Le patron : On a égorgé une fille dans cette chambre, la police a fermé le motel pour six mois, vous comprenez ?

Krassky : C'est toi qui vas comprendre, mon pote.

Le patron : Moi je veux pas d'ennuis. Faut pas rester là. Vous emmenez la fille ! C'est tout.

Krassky : Connerie. Fait chier ... Les putes ça baise en silence.

 

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Le paysan (Gérard Depardieu) à Padovan : Je sais ce que tu cherches. Tu veux que je t'en file un grand coup dans les miches. Mais vaut mieux pas, p'tit. Avec c't'engin-là... j'en ai envoyé plus d'un à l'hosto. Alors, j'me dis, la police, les emmerdes, terminé, pas vrai bichon ? Salut p'tit gars.

 

Bichon est son cheval.

 

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Krassky : Dis-donc, t'as couché avec Boris ?

Johnny : Quoi !? Ce gros porc ? Ca va pas, non ? T'es malade dans ta tête ?... Merde ! J'ai quelque chose dans l'oeil.

Krassky : Fais voir. C'est parti ?

Johnny : Parti, mon œil.

Krassky : Ca s'en ira à la première larme.

Johnny : Pourquoi, tu veux déjà me quitter ? ... Krass travaille dans la crasse...

Krassky : Moi je trouve ça beau, cette montagne de merde. C'est la nausée des villes. La vomissure des hommes. La source du Styx.

Johnny : Qu'est-ce-c'est qu'ça ?

Krassky : Le fleuve des enfers, coco. Dans la mythologie grecque. Sur ses bords erraient ceux qui n'avaient pas été ensevelis, et pour l'éternité.

Johnny : Dis donc, t'es vachement calé. Quand même, tu parles d'un job. Tu vas chercher des saloperies pour les mettre ailleurs.

Krassky : Et alors ? Les hommes aussi, quand ça crève, on les met ailleurs.

Johnny : Ca y est, je suis morte. Tu m'emmènes ?

Krassky : Ouais.

Johnny : Où ça ?

Krassky : Je sais pas, on verra. Allez, debout.

Johnny : Oh non, tu vas me faire mal encore.

Krassky : Debout.

 

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Krassky : Avec tes gueulantes on n'y arrivera jamais.

Johnny : C'est pas ma faute si ça fait mal.

Krassky : OK. On va se baigner.

Johnny : J'ai pas de maillot de bain.

Krassky : T'inquiète.

Johnny : J'sais pas nager.

Krassky : Pas de problème.

 

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Krassky : On va rester ici jusqu'à ce que le soleil se fasse la malle.

Johnny : Non, j'peux pas. Faut que je rentre. Je vais me faire engueuler par Boris.

Krassky : Saloperie d'enfoiré de merde. Chier. Tu vois, c'est comme ça la vie : amer.

Johnny : Tu trouves ? Moi pas. Ca dépend de ce que tu lui demandes... Dis-moi, avec un nom comme ça, t'es sûrement pas un mec.

Krassky : Polak.

Johnny : Les yeux slaves... Mais pourquoi t'as toujours l'air triste comme ça ?

Krassky : Y'a des jours, j'sais pas ce que je donnerais pour me chier tout entier. Quand j'étais gosse, mon rêve, c'était de conduire des locomotives à vapeur, tu sais, celles où tu mets du charbon. Aujourd'hui elles sont toutes électriques, c'est con, non ?

 

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Krassky : Qu'est-ce-c'est que ça ?

Johnny : Quoi !?

Krassky : Ce déguisement là, qu'est-ce que c'est ?

Johnny : Benh tu m'as dit.

Krassky : Quoi, j't'ai dit ? J't'ai dit... J'tai dit d'te fringuer, c'est tout !

Johnny : Benh j'suis une fille !! Merde alors !

Krassky : Ok, ça va, grimpe.

 

Johnny porte une robe.

 

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Johnny : Je t'aime... Je t'aime... Je t'aime... Je t'aime... Je t'aime... Je t'aime... Toi, tu m'aimes un petit peu quand même ?

Krassky : C'qui compte, c'est pas par quel côté j'te prends, c'est l'fait qu'on s'mélange, et qu'on ait un coup d'épilepsie synchrone. C'est ça l'amour, bébé, et crois-moi, c'est rare.

 

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Padovan surprend Johnny dans son bain et l'étouffe dans un sac plastic allant presque jusqu'à la tuer. Krassky arrive, en prenant tout le temps pour renverser des tables sur son passage.

 

Krassky : Pauvre con.

Padovan : J'voulais juste lui faire peur, c'est tout.

Johnny : Tu lui casses pas la gueule ? Non mais vas-y ! Qu'est-ce t'attends ?

Krassky : Qu'est-ce que ça changerait ? Regarde-le. Tu veux que j'lui fasse la tronche comme un tartare ?

Johnny : Il manque de m'étrangler et c'est tout ce que tu trouves à dire ? Ne me touche pas !!

Krassky : Ecoute, Johnny.

Johnny : Tu me dégoûtes, fous-le camp. Pédale !!

Krassky : Ok. Allez, Padovan, on s'en va.

Johnny : Je voulais pas dire ça !! Je voulais pas dire ça. Je voulais pas dire ça. Je voulais pas dire ça. 

 

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lundi, 30 juillet 2012

La lune dans le caniveau - Beneix, Yared, Depardieu, Kinski, Abril, Pinon

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Film : La lune dans le caniveau (1983, durée 2h17)

Réalisateur : Jean-Jacques Beneix

D'après le roman The Moon in the Gutter de David Goodis

Musique : Gabriel Yared

Gérard (Gérard Depardieu), Loretta dont Gérard tombe amoureux (Nastassja Kinski), Bella la compagne de Gérard (Victoria Abril), Newton le frère de Loretta (Vittorio Mezzogiorno), Franck (Dominique Pinon), Tom le père de Gérard (Gabriel Monnet), Lola la compagne de Tom (Bertrice Reading), Catherine la sœur de Gérard qui s'est suicidée après avoir été violée (Katia Berger), Frieda (Milena Vukotic).

 

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Newton : C'était magnifique.

Gérard : Qu'est-ce qui était magnifique ?

Newton : Le calendrier.

Gérard : Le calendrier ?

Newton : Le calendrier avec la photo de la fille. Elle portait un manteau d'hermine, il était pas boutonné. Au-dessous, elle avait rien. C'était de ça que je rêvais.

Gérard : Comment elle s'appelait, la fille ?

Newton : Elles ont jamais de nom. Que des numéros de téléphone. Celle-là, elle avait même pas le téléphone. Je les préfère sans téléphone. Celles que j'aime le mieux, c'est les mortes. Elles viennent jamais m'embêter les mortes. Peut-être que je te dois quelque chose ?

Gérard : Pourquoi ?

Newton : Pour avoir arrêté ce rêve. Tu veux que je te paie un rêve ?

Gérard : Peut-être que t'as besoin d'une femme.

Newton : Qui es-tu ?

Gérard : Je suis désolé, monsieur, on ne se connaît pas. Je savais que je vous avais jamais vu mais j'avais besoin de parler à quelqu'un. Je m'appelle Gérard Delmas.

Newton : Moi c'est Newton Channing.

Gérard : Je m'en souviendrai. Vous habitez où ?

Newton : En ville.

Gérard : En haute ville ?

Newton : Oui, la haute. Maison blanche, stores pudiques, pelouse et jets d'eau, parties de tennis invisibles dans des bosquets d'arbres aux essences rares, cris d'enfants blonds, propres, trop propres, purement bourgeois. J'habite avec ma sœur. On s'entend bien. Un soir, la semaine dernière, elle m'a mis KO. C'est vraiment une fille très bien, ma sœur. J'essayais tranquillement de foutre le feu à la baraque, elle a pris sa chaussure, talon aiguille, et paf ! KO, pendant au moins dix minutes.

 

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Loretta : Allez Newton, finis ton verre, on rentre.

Newton : Le dernier tram... Tu es mon ange gardien.

Loretta : Viens, on rentre.

Newton : Je suis pas prêt. Il faut encore que je boive.

Loretta : Tu veux que j'appelle une ambulance ?

Newton : Ca ne fait pas encore d'effet, faut que je reste, jusqu'à ce que ça me fasse de l'effet.

Loretta : Un jour, ça te fera vraiment de l'effet, on t'emportera sur un brancard, c'est ce que tu veux ?

Newton : Ce que je veux, c'est qu'tu me foutes la paix. Tu peux ?

Loretta : Non, je ne peux pas, je tiens beaucoup trop à toi.

Newton : Beaucoup trop. C'est gentil. J'en ai de la chance.

Gérard : Ca n'existe pas, la chance.

Loretta : Tu es mal élevé, Newton. Tu ne m'as pas présentée à ton ami... J'attends toujours, Newton.

Newton : Ici, on ne fait pas de présentations.

Loretta : Je suis désolée, monsieur, je ne pense pas que ce soit cela qu'il veuille dire. C'est parce qu'il a bu.

Gérard : Ca fait rien.

Loretta : Ne le prenez pas mal.

Gérard : Non, j'ai dit ça fait rien.

Newton : Evidemment que ça fait rien.

Loretta : Je m'appelle Loretta.

Newton : C'est très important qu'il sache ton nom. Et ton adresse, invite-le à dîner aussi. Dis-lui : "Vous serez le bienvenu". Prends-lui la main, pour un temps super.

Loretta : Je vais te gifler.

Gérard : C'est pas la peine. Je m'appelle Gérard Delmas.  Votre frère a raison, mademoiselle, vous pouvez venir manger quand vous voulez. J'habite au 7, chemin de l'océan, le 7 ça porte bonheur. C'est la maison la plus pourrie du quartier, vous pouvez pas vous tromper.

 

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Bella : On se marie ou pas ?

Gérard : Je sais pas.

Bella : On se plaît, non ?

Gérard : Ca suffit pas, Bella. T'es trop jalouse.

Bella : J'ai tous les droits d'être jalouse. Peut-être t'as d'autres projets, te fous pas de ma gueule, Gérard.

Gérard : Tu voudrais peut-être que je m'enferme dans un placard.

Bella : Oui. J'aimerais bien. Mais qu'est-ce qui m'arrive !? J'ai ce mec dans la peau, je pense qu'à ça. Je pense qu'à ça. Y'a des nuits, j'peux pas dormir. J'essaie de comprendre. Chaque fois il y a des bonnes femmes, des milliers de femmes, qui veulent toutes t'avoir, elles te courent après.

Gérard : Y'en a pas d'autre, Bella.

Bella : Je peux pas m'empêcher. Je suis jalouse, jalouse ! Tu comprends ça ?

Gérard : J'ai pas regardé un cul depuis qu'on est ensemble.

Bella : Mais c'est pas toi ! C'est pas toi. Comment elles te regardent. T'as vu la gueule que t'as ? Tu vois ta gueule ?

 

Elle lui tend un miroir.

 

Bella : Penche-toi. Encore. Là. Tu vois ta gueule ? C'est cette gueule-là que t'as quand t'es au-dessus d'une femme. Quand tu baises, quand tu me baises... Viens, viens, on rentre, viens ! [...] Tu viens ?

Gérard : J'prends l'air.

Bella : Combien de temps ?

Gérard : J'sais pas.

Bella : J'ai pas envie d'attendre.

 

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Gérard : Vous êtes sure de pas vous gourrer d'adresse ?

Loretta : On peut pas se tromper, c'est la maison la plus pourrie de tout le quartier. J'accepte votre invitation.

Gérard : Il est un peu tard pour dîner.

Loretta : Non, c'est juste une visite, j'avais envie de vous voir.

Gérard : C'est gentil. C'est gentil. Il est deux heures du matin, vous me voyez.

Loretta : Oui, j'espérais que vous ne seriez pas couché.

Gérard : Vous m'auriez réveillé. Vous auriez défoncé la porte de ma chambre.

Loretta : Non, je ne vais jamais jusque là. Jamais.

Gérard : Je n'en suis pas si sûr.

 

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Voix off : Il savait que dans quelques heures la frénésie reviendrait. Des hordes de camions envahiraient le port, le ventre des navires s'ouvrirait, les bras de métal se tendraient, les câbles siffleraient, une chaleur de plomb s'abattrait sur le port et les hommes sueraient au travail.

 

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Loretta : Pourquoi vous serrez toujours les poings ?

Gérard : J'suis un docker, je vois pas les choses comme vous.

Loretta :On voit tous les deux la même chose.

Gérard : Regardez de plus près. Vous êtes venue voir la saleté, alors regardez-là.

Loretta : Pourquoi vous dites saleté ? C'est magnifique.

Gérard : Un rêve, une ville propre, blanche, avec de jets d'eau, des arbres. C'était ça que je rêvais quand vous me réveillez pour me montrer l'endroit où je travaille.

Loretta : Tu n'as jamais voulu t'en aller sur un bateau ?

Gérard : Si.

Loretta : Alors ?

Gérard : Peut-être que j'en ai trop vu partir.

 

¤   ¤   ¤

 

Gérard : Vous faites une promenade, mais faites attention. Vous êtes dans un monde de brutes.

Loretta : Mais vous n'êtes pas une brute, vous vous êtes souvenu de mon nom. Je vous plais ?... Emmenez-moi. Loin.

Gérard : Laissez tomber.

Loretta : Je ne peux pas. J'attends depuis si longtemps.

Gérard : C'est dommage.

Loretta : Dommage pour nous deux.

Gérard : Pas pour moi.

Loretta : C'est faux. Regardez-moi. S'il vous plaît, regardez-moi. Regardez-moi.

Gérard : Foutez le camp.

Loretta : Je te fais peur. Un jour, vous parlerez, vous laisserez s'ouvrir votre cœur, il y aura du bleu dans votre ciel et une route infinie vers le soleil, des bateaux comme des oiseaux, la douceur. Vous n'aurez plus peur. Il fera beau. Il n'y a pas de fatalité au malheur.

Gérard : Foutez le camp.

 

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Gérard : Je voulais pas te frapper, mais y'a un moment où...

Loretta : Ne t'excuse pas ! Ne t'excuse pas. J'aurais pas dû venir sur ce quai, ah non, j'avais pas le droit de te photographier.

Gérard : Tu l'as fait.

Loretta : Oui, je n'ai pas d'excuse, c'est tout, j'ai honte. Pardonne-moi.

Gérard : C'est classé, oublie ça.

Loretta : Je peux pas, je regrette ! Je veux te le dire !

Gérard : Voilà, c'est fait.

Loretta : T'as perdu ton boulot ?

Gérard : Oui, la vie c'est pas un pique-nique.

Loretta : C'est de ma faute. Laisse-moi t'aider.

Gérard : M'aider ?

Loretta : Je connais l'armateur, je vais aller le voir. Ca marchera.

Gérard : Si je retrouve mon travail, ce serait important.

Loretta : Oh oui, oui, pour moi aussi, je suis responsable. Tu me dois rien. C'est de ma faute.

Gérard : Au revoir.

Loretta : Alors je pense qu'on se reverra plus. Hein ?

Gérard : Non. Non.

 

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Frieda : Il te faut une femme, tu peux pas continuer comme ça.

Newton : Une femme comme toi, Frieda.

Frieda : Le couple, ça équilibre. C'est important, l'équilibre.

Newton : Quel âge t'as, Frieda ?

Frieda : Je suis comme neuve.

Newton : Tu pèses combien ?

Frieda : Quarante... habillée.

Newton : Tu sais faire la cuisine ?

Frieda : C'est pas c'que je sais faire de mieux.

Newton : Tu devrais apprendre.

Frieda : Vraiment ?

Newton : Oui, je voudrais que tu apprennes.

Gérard : Il se fout de ta gueule ! Il se fout de ta gueule, j'te dis, pauv'conne ! Il en veut pour son argent.

Frieda : C'est ça qu'il fait ? T'es juste en train de te moquer de moi ?

Newton : T'es belle, Frieda, t'es belle.

Frieda : Ca fait rien. Tu sais, c'est juste pour rire. Ca peut pas être sérieux. Ca fait rien.

Newton : Tu te trompes, crois-moi.

 

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Gérard : T'es belle, t'es pure.

Loretta : Aujourd'hui tu le dis franchement ? C'est toi que je veux, j'ai ressenti tout de suite quelque chose, fort, une sensation, un sentiment que je n'avais jamais eu avant. C'est tout ce que je sais. Seulement, être, près de toi.

Gérard : Pour toujours... Loretta, ne pars jamais.

 

¤   ¤   ¤

 

Gérard : Tu l'aimes, ton frère ?

Loretta : C'est un ivrogne, un paresseux, un excentrique mais, quelques fois, il est très tendre. Oui, je l'aime, je l'aime.

Gérard : Qu'est-ce qu'il vient faire par ici ?

Loretta : Ici, il croit pouvoir se cacher, cacher.

Gérard : De quoi ?

Loretta : De lui-même.

Gérard : Je comprends pas.

Loretta : C'est pas la peine d'en parler.

 

Gérard et Loretta se marient.

 

¤  ¤   ¤

 

Bella : Où tu vas ?

Gérard : J'ai un lit.

Bella : Ah oui ? Ecoute voir un peu, espèce de pouilleux !

Gérard : Ne m'parle pas comme ça !

Bella : Tu vas me raconter, hein, maintenant.

Gérard : Il faut que je dorme, j'ai la gueule de bois.

Bella : Justement, t'as fait quoi hier soir ? Tu bois jamais !

Gérard : Rien !

Bella : Rien ? Je te retrouve dans le coma en train de bécoter une sainte Vierge (une statuette) et c'est normal ?

Gérard : Et alors ?

Bella : Et alors je suis jalouse. Et ça me rend curieuse. Tu pèses lourd, tu sais, je t'ai traîné jusqu'ici.

Gérard : Merci.

Bella : C'est pas pour que tu me dises merci. C'est pour être sure d'être là, raconte !

Gérard : Non, tu manques pas de culot, toi. Mais j't'ai pas demandé de m'amener dans ton pieu. 

Bella : Comme si c'était la première fois. D'habitude il faut pas te traîner, mon salaud. Tu vas pas dormir.

Gérard : Si.

Bella : Tu vas pas dormir, je te dis ! Tu vas me raconter.

 

Il essaie de la calmer avec un câlin.

 

Bella : Non, c'est trop facile.

Gérard : Alors mets quelque chose.

Bella : Ca t'excite ? Tu veux pas que ça t'excite ?

Gérard : Ecoute, Bella. Ecoute.

Bella : J'vais t'aider. Elle est bien restée à t'attendre dans sa belle bagnole. Elle a bien pleuré avec ses beaux yeux. Mais elle s'est tirée, tiens ! Moi je suis plus patiente.

Gérard : J'étais venu chercher mes affaires, tu comprends ? C'est fini, tous les deux.

Bella : Quoi ?

Gérard : Je me suis marié, hier soir.

Bella : C'est pas vrai.

Gérard : Chez le vieux.

Bella : Non.

Gérard : Elle a signé. Moi aussi.

Bella : C'est pas vrai, ça. C'est pas vrai. C'est pas vrai. Avec cette pute de riche ! Tu mens. T'as pas d'alliance.

Gérard : Ah oui. Dans ma chemise.

Bella : Mais c'est du plastic ça, t'étais bourré, t'étais bourré, tu savais pas ce que tu faisais, ça compte pas, ça compte pas !

Gérard : On a bu après.

Bella : Chambre d'hôtel ? Raconte. Les détails, je veux tout savoir, vas-y.

Gérard : Il s'est rien passé, si c'est ça que tu veux savoir. J'suis venu chercher mes affaires. Elle m'attendait. J'sais pas c'qui s'est passé, j'étais bourré, j'suis tombé, j'me suis trompé d'chambre.

Bella : Non, tu t'es trompé pas beaucoup, maintenant t'es dans la bonne, t'es dans la bonne chambre. J'suis là. Baise-moi, baise-moi.

Gérard : J'ai plus envie, Bella. J'ai plus envie.

Bella : Attends ! Attends. T'en veux une ? Tu veux une cigarette ?

Gérard : Faut qu'tu comprennes un truc, Bella. J'suis marié.

Bella : Où elle est ? Où elle est ? Où elle est, la mariée ? Où elle est ? Où elle est la mariée ? Tu sais pas ? Je vais te dire. Elle est dans son p'tit lit bien propre. Elle dort d'un sommeil bien propre. Mais elle dormira jamais dans un taudis ! Elle s'est taillée, la mariée ! Mais vraiment, on peut pas lui en vouloir, c'est dur de vivre ici, faut y être né ! Ca se casse la gueule, on roule sur les bouteilles, c'est crasseux, ça pue ! Tu sais ce qu'elle va faire, hein ? Elle va aller au coiffeur, elle va se nettoyer la tête, s'asperger de DDT, elle va se laver et s'astiquer !!

Gérard : Arrête !! Tu la fermes ! Tu la fermes. Ou j'te casse la tête.

Bella : Là haut, on respire, dans les beaux quartiers.

Gérard : T'as rien compris, Bella, t'as rien compris. Elle est partie mais elle m'a pas quitté.

Bella : C'est toi qui a rien compris. Peut-être qu'elle t'aime, oui, mais elle, elle quittera jamais son quartier. Et toi, toi, t'es d'ici, et tu seras toujours d'ici.

Gérard : Il suffit d'un ticket de train, Bella.

Bella : Mais non.

Gérard : Un ticket.

Bella : Mais non, dépense pas ton fric pour rien. Dépense pas ton fric pour rien !

Gérard : Elle m'attend, là-haut. Dis à la grosse que j'mangerai pas là ce soir.

Bella : Crétin !

 

mercredi, 25 juillet 2012

Le choix de Jane - Jane Austen

 

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Téléfilm : Le choix de Jane / Miss Austen regrets (2008, durée 1h30)

Réalisateur : Jeremy Lovering

Musique : Jennie Muskett

Jane Austen (Olivia Williams), Cassandra Austen sa soeur (Greta Scacchi), madame Austen sa mère (Phyllida Law), Fanny Austen-Knight sa nièce (Imogen Poots), Henry Austen son frère (Adrian Edmondson), Edward Austen-Knight un autre de ses frères (Pip Torrens)

John Plumptre le prétendant de Fanny (Tom Hiddleston), le révérend Brook Bridges (Hugh Bonneville), le révérend Clarke et bibliothécaire du roi (Jason Watkins), le révérend Charles Papillon (Harry Gostelow), le docteur Charles Haden (Jack Huston), madame Bigeon (Sylvie Herbert), Anna Lefroy (Sally Tatum), Stephen Lushington (Tom Goodman-Hill)

 

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Jane : Dites-moi que j'ai fait le bon choix. Dites-moi que j'ai eu raison de changer d'avis. Seigneur, faites que je ne regrette jamais ce jour.

 

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Lettre de Jane à Fanny : Ma très chère Fanny, ta dernière lettre m'intrigue au plus haut point. Tu me fais une telle description de ton étrange petit cœur. Ce nouveau jeune homme que tu adores, est-il l'homme de ta vie ? Si seulement nous pouvions prévoir l'avenir et savoir par avance si nous avons fait le bon choix. Hélas, tu dois prendre la décision la plus importante de ta vie en ayant pour seul conseil que celui de ta tante Jane. En venant au mariage de ta cousine, prépare-toi à discuter avec moi de chaque délicieux détail. 

 

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Le prêtre au mariage : Seigneur, considérez ces nouveaux époux avec bonté. Que cette femme soit aimante, qu'elle soit aimable, fidèle et obéissante envers son mari. Seigneur, accordez-leur votre bénédiction. 

 

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Fanny : Aide-moi à me décider, j'en suis incapable.

Jane : Je dois absolument rencontrer ton cher monsieur Plumtre dans les meilleurs délais. C'est très urgent. Plumtre, Plumtre, madame Plumtre !

Fanny : Chh-chht ! Je t'en prie, arrête, tout le monde va entendre !

Jane : Avec un nom aussi grotesque, je suppose que tu vas le trouver irrésistible. [...] Ne t'imagine pas que tu arriveras avant moi devant l'autel. On doit me faire une demande en mariage d'un jour à l'autre.

Fanny : Quelle mauvaise plaisanterie !

Jane : Ecoute-moi bien, Fanny. Tout homme n'attend qu'une chose, une opportunité. 

 

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Jane : Monsieur Papillon.

Le révérend Papillon : Oh ! Miss Austen.

Jane : Charmant office.

Le révérend Papillon : Vous êtes trop bonne, miss Austen. Mes efforts ne peuvent rivaliser avec votre... intelligence supérieure.

Jane : Comme cela est romantique.

Le révérend Papillon : Romantique ? Mon Dieu, non.

Jane : Tout le monde devrait pouvoir se marier. Vous n'êtes pas d'accord ?

Le révérend Papillon : ... Saint Paul lui-même nous dit qu'il vaut mieux se marier que se consumer de désir.

Jane : Hoh, comment résister... Je suis convaincue, monsieur Papillon, qu'il n'est pas une seule de nos dames de la société anglaise, même la plus endurcie des vieilles filles, qui échouerait à trouver le bonheur si seulement ces messieurs voulaient bien... saisir l'opportunité. Toute opportunité !

Le révérend Papillon : Vous avez certainement raison.

 

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Cassandra : Tu ne devrais pas torturer ce pauvre homme. On dirait une chatte avec un mulot, c'est cruel.

Jane : Monsieur Papillon est aussi sec qu'un hareng saur. Je parie qu'il n'a rien remarqué. Je suis moi aussi fille de pasteur. Pourquoi ne ferais-je pas une charmante femme de pasteur ?

Cassandra : Tu donnes le mauvais exemple à ta propre nièce.

Jane : Cette petite est délicieuse. Et quand je pense qu'elle va épouser un quelconque gentleman habitant le Kent.

Cassandra : Quelqu'un qui vit dans le Kent est forcément aimable.

Jane : Je n'aime pas que les gens soient trop aimables. Sinon je me sens obligée de les aimer.

Cassandra : Tu crois que tu auras du temps pour écrire dans le Kent ?

Jane : Je prendrai le temps. Aide-moi, Cassandra, je vais être en retard !

Cassandra : Ecris-moi tous les jours.

 

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La mère : Tu te rends compte du nombre de connaissances qu'elle va faire ?

Cassandra : Mère...

La mère : Toi, toi tu as décidé de t'entourer de murs il y a des années. Mais Jane, ne me dis pas que les hommes ne l'intéressent pas.

Cassandra : Elle connaît tous les hommes du Kent.

La mère : Ah, mes pauvres filles.

 

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Fanny : Qu'est-ce qui est pire à ton avis ? Faire un mauvais mariage ou mourir seule comme une vieille fille ?

Jane : Il y a pire que mourir.

Fanny : Tu n'es pas vieille.

Jane : J'aurai bientôt quarante ans. Assez vieille pour pouvoir m'en vanter.

Fanny : Nous devons donc chercher un vieux veuf fortuné avec six enfants !

Jane : Charmante perspective.

Fanny : Tu devais avoir des centaines de demandes quand tu avais mon âge.

Jane : Des milliers.

Fanny : Je parie que tous les jeunes hommes de ton voisinage se mouraient d'amour pour toi.

Jane : Hélas... pas pour moi.

Fanny : Des demandes en mariage ?

Jane : Non, aucune, ma chère. Crois-moi, je suis bonne que pour la théorie et rien de plus. Et malgré ma honte de vieillir, je suis heureuse qu'il en soit ainsi. C'est moins compliqué.

Fanny : Tu n'as donc jamais été amoureuse ?

Jane : ... La vérité, Fanny, et je te demande de garder le secret, de ne jamais le dire à qui que ce soit, la vérité, c'est que... c'est moi qui ai été amoureuse et quittée.

Fanny : Qui était-ce ? Dis-moi.

Jane : J'ai aimé sans retour. J'ai brûlé. J'ai languis. Et ensuite, je me suis juré de faire de la solitude et de l'écriture une espèce de consolation.

Fanny : Non, c'est vrai ?

Jane : Tu lis beaucoup trop de romans, chère Fanny.

 

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Fanny : Oh, je serais désespérée si tu n'apprécies pas monsieur Plumtree.

Jane : Mais voyons, je suis déjà en adoration devant lui.

Fanny : Ne t'attends surtout pas à un monsieur Darcy.

Jane : Ma chérie, je crois que tu confonds fiction et vie réelle. La seule façon de rencontrer un monsieur Darcy est de l'inventer de toutes pièces, comme moi.

 

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John Plumptre : Je rêve du jour où chacun d'entre nous sur cette terre sera assez adulte et assez fort pour se détourner des joies futiles de ce monde et pour ne penser qu'aux jours infinis que nous réserve notre Seigneur dans les cieux.

Jane : Certes, mais en attendant, voulez-vous...

John Plumptre : En attendant, un écrivain comme vous, miss Austen, possède une telle influence qu'il peut encourager les gens à devenir vertueux. Et c'est pourquoi, mais je vous demande de ne pas le prendre en mauvaise part, c'est pourquoi cela me chagrine de voir que la plupart de vos hommes d'église sont des sujets de moquerie.

Jane : Ma mère... ma mère aime mes pasteurs, c'est ridicule.

John Plumptre : Mais votre père est...

Jane : Pasteur, oui. Un pasteur, bien réel. Tandis que mes pasteurs sont... de pures fictions, est-ce clair ? Ce ne sont que des histoires.

 

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Jane : Il est beau, n'est-ce pas ? Et sa foi est un bon point en sa faveur. Il a des manières de gentleman qui me plaisent. Plus raisonnable que brillant. Mais personne n'est brillant de nos jours.

Edward : Est-il recommandable ?

Jane : Grand Dieu, comment pourrais-je le savoir ?

Edward : Bien sûr. Néanmoins...

Jane : Les jeunes filles de vingt ans veulent tellement tomber amoureuse. Il est si difficile de savoir si c'est vraiment de l'amour. Chacun de nous devrait avoir la chance de faire au moins une fois un mariage d'amour, si c'est possible.

 

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Lettre de Jane à Cassandra : Me voici enfin seule, quel bonheur. A l'heure présente, je dispose de cinq tables, de vingt-huit chaises et de deux cheminées pour moi toute seule. Je suis pour ainsi dire seul maître à bord.  

 

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Jane : Etes-vous heureux à Ramsgate, monsieur Bridges ?

Le révérend Bridges : Oui ! Et vous dans le Hampshire, miss Austen ?

Jane : Oui !

Le révérend Bridges : J'ai été surpris d'apprendre que vous aviez quitté Bath.

Jane : Il y a une affreuse prolifération de femmes laides à Bath. Et d'hommes aussi d'ailleurs. Je n'ai pas écrit le moindre mot valable ou utile durant dix ans. Ensuite nous sommes allés dans le cottage du Hampshire, et j'ai su que c'était pour la vie. Je savais que ma mère se plairait là-bas, et que ma sœur s'y sentirait plutôt bien.

Le révérend Bridges : Vous avez oublié quelqu'un.

Jane : ... Et que je pourrai écrire. Tout finit toujours par s'arranger, n'est-ce pas ?

Le révérend Bridges : C'est possible.

 

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Stephen Lushington : Fanny, ma chère, une vraie jeune fille !

Fanny : Monsieur Lushington. 

Edward : Ma soeur, miss Austen. Jane, je te présente monsieur Stephen Lushington, représentant de Kanterburry au parlement.

Stephen Lushington : Je me réjouis de voir que vous êtes aussi charmante en personne qu'au travers de vos écrits, miss Austen.

Jane : Oh, je-je n'ai encore rien dit, il me semble.

Stephen Lushington : Certains hauts personnages du palais de Westminster font la queue pour avoir la chance de vous voir.

Jane : Ah, vont-ils m'observer ainsi qu'un animal sauvage dans un zoo ?

Stephen Lushington : Un animal sauvage, pris dans mes rets ici dans cette bibliothèque, votre domaine, où vous êtes entourée, épaulée par la sagesse des anciens. Avec crainte, je foule les sentiers silencieux cousus d'or. Oh, nature, demeure éternelle des morts.

Jane : Vous aimez George Crane.

Stephen Lushington : J'ai toujours un exemplaire de ses poèmes dans ma poche, quand la chambre des communes devient trop ennuyeuse.

Jane : Ses œuvres complètes tiennent donc dans votre poche.

Stephen Lushington : Orgueils et Préjugés tiennent dans l'autre. Mansfield Park est sous mon chapeau ! Et Raisons et Sentiments est coincé sous mon bras.

Jane : Oh... Et où allez-vous mettre mon Emma ?

Stephen Lushington : Une nouvelle héroïne ! Ma chère miss Austen, permettez-moi de monopoliser votre attention sans vergogne, jusqu'à la fin du dîner, et même au-delà.

 

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Fanny : Tu as laissé cet horrible politicien flirter avec toi toute la soirée.

Jane : Je suis un peu amoureuse de lui. Il est brillant. Et il a bon goût.

Fanny : Ambitieux et hypocrite.

Jane : C'est une bonne chose. Ca m'empêche de jeter mon dévolu sur un homme qui possède déjà une femme et dix enfants !

Fanny : En outre, il est laid.

Jane : Bien joué, Fanny. Tu as enfin découvert la véritable raison pour laquelle je n'ai jamais choisi de mari.

Fanny : Parce que tu n'en as jamais trouvé un qui soit assez beau.

Jane : Pas du tout ! Je n'en ai jamais trouvé un qui vaille la peine qu'on dépasse le flirt.

 

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Lettre de Jane à Cassandra : Ma chère Cassandra, je pense que j'ai bu un peu trop de vin hier soir. Je ne sais comment expliquer autrement le tremblement de mes mains aujourd'hui. Au moins, ma coiffure n'en a pas souffert. Et pour l'instant, je n'ai pas d'autre ambition.

 

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Edward : Ah, tu es là. Tout le monde est sorti, est allé prendre l'air.

Jane : Je sais. Je me suis levée très tard.

Edward : Je pensais te trouver assise dans un coin, en train de gribouiller.

Jane : Ce matin, je ne suis pas d'humeur à gribouiller.

Edward : Ca avance comme tu veux ?

Jane : Ca va. Emma est presque terminé. Mais monsieur Egerton refuse de publier une nouvelle édition de Mansfield Park. Alors je me disais qu'on pourrait peut-être faire appel à un nouvel éditeur pour publier Emma. Peut-être qu'on devrait demander un peu plus d'argent aussi.

Edward : Je te répète que tu ne dois pas espérer gagner de l'argent avec tes romans.

Jane : Raisons et Sentiments m'a rapporté plus de cent-quarante livres. Il me semble que je peux en être fière, non ?

Edward : Essaie d'imaginer l'image que cela donne de nous, tes frères. D'avoir une sœur de ton âge qui n'est pas mariée, et qui en outre cherche un emploi. Sache que je veillerai toujours sur toi, sur Cassandra et notre mère. Mais je suis veuf, j'ai onze enfants à élever, j'ai hérité d'une demeure que je n'a pas les moyens d'entretenir et d'un domaine avec un tas de complications.

Jane : Quelles complications ?

Edward : Huh... Ma succession est remise en cause. L'acte notarié a été mal rédigé, paraît-il. S'ils ont gain de cause, je perdrai la moitié de tout ce que je possède.

Jane : Cette maison aussi ?

Edward : Non-non-non-non, cette maison est à l'abri. Je crois que je me suis mal exprimé. En fait, l'assignation ne concerne que mes droits sur le domaine du Hampshire.

Jane : Le cottage...

Edward : Je ne veux pas que tu t'inquiètes. Il y aura toujours de la place ici pour vous tous.

Jane : Edward, le cottage est l'endroit où j'écris.

Edward : Ah, Jane, si seulement tu étais moins orgueilleuse. Si seulement tu t'étais mariée.

 

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Jane : Vous avez toujours été enthousiaste, ce que toute femme attend d'un homme.

Le révérend Bridges : J'attendais la nouvelle de votre mariage.

Jane : Comme toute femme vous le dira, il y a une grande pénurie d'hommes en général et une encore plus grande d'hommes biens. 

Le révérend Bridges : Vous vous dissimulez derrière de belles phrases, comme toujours, Jane.

Jane : Tant mieux ! Parce que mes belles phrases me permettront de mettre un toit sur ma tête. Ou celle de ma mère, ou de ma soeur. Je vais moi-même être obligée de jouer le rôle du mari. On en est là.

Le révérend Bridges : J'aurais mis un toit sur leur tête et vous, Jane, je vous aurais aimée jusqu'à ce que la mort nous sépare.

 

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Jane : La publication est prévue pour quand ?

Henry : Il n'y a pas encore de date, en tout cas de date officielle.

Jane : Mais il y a un contrat ?

Henry : Le contrat... est en cours d'élaboration. Oh, Jane, il propose bien peu d'argent. Il veut tous tes romans contre quatre-cent cinquante livres.

Jane : Mais c'est une misère !

Henry : Je suis banquier, et s'il y a une chose que les banquiers connaissent bien, c'est l'argent. Tu sais que tu peux compter sur moi.

 

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Jane : Je suis folle d'imaginer que les lecteurs vont pouvoir aimer... une horrible petite snob qui va mettre son nez partout.

Henry : Emma ? Tout le monde va l'aimer. 

Jane : Et si tout le monde jugeait que ce n'est pas aussi bien qu'Orgueils et Préjugés et que mes meilleurs livres appartiennent au passé ?

 

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Jane : Je suis étonnée d'apprendre que vous lisez des romans, monsieur Haden. Je doute d'être assez intelligente à vos yeux. Les hommes, en général, lisent de meilleurs livres.

Le docteur Haden : A vrai dire, j'ai lu plus de romans sentimentaux qu'il n'est bon pour mon âme immortelle.

Jane : Je crains que vous ne deviez retirer le mot "sentimental", si vous tenez à prouver que vous avez lu mes livres.

Le docteur Haden : J'ai été particulièrement intéressé de constater que lady Bennett se rend compte qu'elle aime monsieur Darcy lorsqu'elle voit sa magnifique demeure.

 

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Le docteur Haden : Il n'a besoin que de repos et de calme, c'est-à-dire de vous. Je lui ai pris un demi-litre de sang, mais je crains de devoir renouveler l'opération demain.

Jane : Oh, excellent ! ... Je veux dire, faites ce qu'il faut.

Le docteur Haden : Au revoir, miss Austen. Mesdames.

Jane : A demain alors.

Le docteur Haden : Avec grand plaisir.

 

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Le docteur Haden : Votre frère ne vous l'a peut-être pas dit, miss Austen, mais mon chef de service a, parmi ses patients, des personnages très haut placés, plus haut que vous ne pouvez l'imaginer.

Jane : Mais mon imagination peut voler très haut.

Le docteur Haden : Eh bien, j'ai appris par hasard que le prince régent aimait vos romans.

Jane : Hhh, je déteste cet homme. Je prends toujours le parti de sa femme !

Le docteur Haden : Alors cachez vos sentiments autant que possible, je dois recevoir une invitation royale d'un jour à l'autre.

Jane : Nous allons rencontrer son altesse royale ?

Le docteur Haden : Non, pas nous. Vous, rien que vous. Je ne suis que le messager.

Jane : Oh, je vais décliner dans ce cas. Le prince régent est un être si désagréable que je me serais bien passé d'être appréciée par lui.

Le docteur Haden : Oh, donc vous ne souhaitez être lue que par les hommes que vous estimez ?

Jane : Pourquoi est-ce que je ne choisirais pas mes lecteurs tout comme je choisis mes amis ?

Le docteur Haden : Mais parce que ce n'est pas comme ça qu'on fait fortune.

Jane : Alors je serai à jamais pauvre, obscure et méconnue.

Le docteur Haden : Non, au contraire, je donnerais cher pour vous voir briller de tous vos feux parmi la meilleure compagnie.

 

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Jane : Nous sommes de bien étranges créatures. Aussitôt que nous sommes sures de l'attachement d'un homme, nous ne pensons qu'à nous en détacher. Pauvre monsieur Plumtre. Il faut lui rendre sa liberté. Quand tu es avec lui, montre-lui une telle froideur qu'il puisse se convaincre qu'il a pris ses rêves pour la réalité.

Fanny : Il ne va pas le supporter.

Jane : En effet, pendant quelques temps, il va beaucoup souffrir, je n'en doute pas. Mais je crois dur comme fer que ce genre de déception amoureuse n'a jamais tué personne. Et je suis maintenant à Londres, où les rues sont pavées d'une foule de jeunes gens impatients. Fanny, rien ne peut être comparé au malheur d'un mariage sans amour, au fait d'être lié pour la vie à quelqu'un et de préférer quelqu'un d'autre. C'est un châtiment que même toi tu ne mérites pas.

Fanny : Tes cheveux sont très joliment bouclés aujourd'hui.

 

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Jane : Monsieur Haden, j'ignore ce que je dois faire, je n'ai aucune expérience.

Le docteur Haden : Vous avez quelque chose de beaucoup important et de beaucoup plus enviable que l'expérience.

Jane : Quoi donc ?

Le docteur Haden : De l'imagination. Songez à moi qui vous encourage, votre plus grand supporter croit en votre victoire.

  

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Le bibliothécaire du roi : Miss Austen, l'honneur de votre visite est immense, incommensurable ! Sachez que le régent a lu et admiré tous vos romans, miss Austen. Son altesse royale en possède un exemplaire dans chacune de ses résidences, si-si. Et moi, son humble bibliothécaire, j'aime Stanley Clarke. Je les ai également lus. Deux fois. Voulez-vous des gâteaux ? 

 

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Jane : Volontiers.

Le bibliothécaire du roi : Je suis persuadé qu'Emma sera un grand succès.

Jane : J'ai quand même un peu peur que les lecteurs qui ont goûté Orgueils et Préjugés le trouvent trop sérieux et que ceux qui ont goûté Mansfield Park le trouvent au contraire trop frivole.

Le bibliothécaire du roi : Non, c'est impossible, madame, car chaque œuvre nouvelle montre que votre esprit a encore grandi en énergie et en puissance de discernement. Vos livres reflètent la très haute idée de votre génie, et de vos principes.

Jane : Ce sont mes très chers enfants. Je les envoie à travers le monde. Et ils se mesurent aux autres enfants, ceux de Walter Scott ou Lord Byron.

Le bibliothécaire du roi : Aucune comparaison, chère madame, ces... ces deux messieurs sont illisibles.

Jane : Voyez-vous, j'ai accompli jusqu'ici si peu de choses. Ma vie a été si ordinaire. Mon œuvre est encore si mince. Mes livres sont...

Le bibliothécaire du roi : Miss Austen...

Jane : Ce sont des miniatures en ivoire, de cinq centimètres de large, sur lesquels je travaille avec des pinceaux extrêmement délicats.

Le bibliothécaire du roi : Vous avez l'entière liberté de dédicacer Emma... à son altesse royale. L'entière liberté ! Hum... peut-être dans un de vos prochains ouvrages, euh... pourriez-vous décrire... la ville, les habitudes, le caractère et l'enthousiasme d'un clergyman. Le montrer par exemple en train d'enterrer sa mère, ce que j'ai fait et dont je ne me suis jamais remis. Ou... ou...

 

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Jane : "Faites de votre clergyman un aumônier de la royale navy, un ami des grands officiers de marine !" "Monsieur Clarke, ai-je dit, je suis fort honorée, mais un personnage comme celui-là devrait aborder des sujets tels que la science, la philosophie et une femme telle que moi n'y connaît rien. Hélas, toute modestie mise à part, je crois bien que je me peux me vanter d'être la plus inculte de toutes les femmes qui ont jamais osé s'attribuer le titre de femme de lettres."

Le docteur Haden : Bravo !

Fanny : C'est très vilain, Jane. Tu n'as pas eu pitié de ce pauvre homme ?

Jane : Je n'ai jamais pitié de quelqu'un qui n'est pas de ma famille.

Henry : Une raison de plus pour me féliciter chaque jour d'être ton frère. 

 

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Jane : Comme le savent bien tous les éditeurs, la plupart des lecteurs aime surtout les histoires d'amour sérieuses. Hélas, si j'en écrivais une, ce ne serait que pour survivre. Je préfère laisser d'autres plumes ruminer sur la culpabilité et le malheur.

Henry : Un toast à Culpabilité et Malheur !

Le docteur Haden : Et donc, si nous voulons vraiment contribuer à votre fortune, miss Austen, nous devons vous aider à écrire le parfait roman moderne.

Jane : Le genre d'histoire où l'héroïne est forcément la fille d'un clergyman, la perfection incarnée, tendre, sentimentale, bonne, dénuée du moindre sens de l'humour, parlant plusieurs langues étrangères, bien sûr, et divinement douée pour la musique, cela va de soi.

Le docteur Haden : Et notre héroïne jouera de quel instrument ?

Jane : Du pianoforte, ce qui permettra de mettre en valeur ses bras splendides.

Le docteur Haden : Et quel jeune homme sera digne d'une telle perfection ?

Jane : Un héro aussi parfaitement mortel que mortellement parfait. Je vous laisserai le soin d'écrire ces chapitres, monsieur Haden. La peinture de la perfection me rend malade et mauvaise.

Le docteur Haden : C'est vrai, la méchanceté a beaucoup plus de charme.

Jane : Totalement dénué de scrupules et de grandeur d'âme, désespérément amoureux de l'héroïne, il la poursuit de son inexorable passion. Notre héroïne est désespérément belle, et son vieux père est un cas désespéré.

Henry : Oh mon Dieu, ne dites rien à mon frère.

Le docteur Haden : Dans tous les lieux où passe notre héroïne, partout les gens tombent amoureux d'elle, et elle reçoit de nombreuses demandes en mariage.

Jane : Ensuite, après avoir réussi environ une vingtaine de fois à échapper de justesse aux bras de notre héro et après des torrents de larmes, au dernier moment...

Le docteur Haden : Elle épouse celui auquel elle était destinée depuis toujours. Au fait, est-ce que vous y croyez, miss Austen, qu'on finit toujours par trouver la compagne ou le compagnon idéal ?

Jane : J'y crois... quand j'écris un roman.

Fanny : Comme tout ça est peu romantique.

Le docteur Haden : Oh mais les héroïnes de votre tante sont toutes très sages. Chacune épouse un homme fortuné, et chacune se marie par amour.

Madame Bigeon : Et vous, monsieur Haden, quelle est votre idée de la parfaite femme ?

Le docteur Haden : Hum, force spirituelle et douceur des manières.

Henry : Hmm, bien, Haden ! On ne saurait mieux.

Jane : Vous l'aurez votre douce femme, pleine de gratitude et de dévotion. Je vous souhaite qu'elle soit silencieuse, tranquille et un peu ignorante. Friande de thé vert et de pain de veau en croûte chaque après-midi. Tu as l'air fatigué, Henry. Allez viens, montons.

Henry : Pas question. Je me sens très bien et je m'amuse beaucoup.

 

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Jane : Vous étiez chacun sur une chaise ou tous les deux sur la même ?

Fanny : Tu es jalouse.

Jane : Je suis ta tante.

Fanny : Et une femme.

Jane : Et un tigre quand je vois une proie.

 

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Madame Bigeon : La passion est faite pour la jeunesse. Elle s'évanouit si vite...

Jane : Pas dans nos rêves.

Madame Bigeon : Le bien-être demeure, ainsi que demeure l'amitié, si vous avez autant de chance que j'en ai eu.

Jane : Le bonheur dans le mariage est uniquement une question de chance.  

Madame Bigeon : Mais voyez comme nous paniquons au moment de choisir. Et pourtant l'amour meurt et la fortune se dissipe. Toute femme, qu'elle soit célibataire ou femme mariée, je vous le dis, toute femme a des regrets. Alors quand nous lisons l'histoire de vos héroïnes, nous nous sentons jeunes et encore amoureuses et pleines d'espoir, comme si nous pouvions à nouveau choisir notre vie.

Jane : Et faire le bon choix.

Madame Bigeon : C'est un don que vous avez. Un vrai, un don du ciel. Et un don suffisant, je crois.

 

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Henry : En résumé, oui, j'ai trop prêté et j'ai également trop emprunté. Ne me regarde pas comme ça. Oui, ma banque a fait faillite, ce qui signifie que j'ai tout perdu. Je suis ruiné.

Jane : Edward ne peut pas t'aider. Edward a lui-même un procès, il a assez de problèmes de son côté.

Henry : Edward a garanti mes emprunts à hauteur de vingt mille livres. Je crains fort qu'il ne revoit jamais cet argent.

Jane : Oh, Henry... Oh, Seigneur.

Henry : Et maintenant je vais entraîner toute la famille avec moi.

Jane : Mère...

Henry : Pas un seul mot. Je lui dirai moi-même. Je lui parlerai demain.

 

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Jane : Je ne veux rien du tout. Je veux seulement gagner plus d'argent. Je veux que toi et notre mère viviez à l'aise, sans avoir constamment peur que nos frères soient dépossédés de la maison, et de tout ce que nous avons. Je voudrais être débarrassée de cette affreuse fatigue, Cassandra.

Cassandra : Veux-tu qu'on aille au bord de la mer.

Jane : Au bord de la mer, on a bon appétit en général. Au bord de la mer, on n'est pas sinistre en général. On n'est pas lasse et fatiguée au point de s'écrouler de lassitude.

Cassandra : Je t'en prie, dis-moi pour quelle raison tu m'en veux ?

Jane : Mais pourquoi je t'en voudrais ? Je m'en veux à moi-même. Je n'ai guère le droit d'être malade. J'ai un roman à terminer, et tellement de personnages dans ma tête, tellement d'histoires, et si peu de temps. 

 

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Madame Austen : Entre autres choses, on découvre que plus on aime l'homme qu'on a épousé, plus on aime ses enfants.

 

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Jane : C'est un luxe dangereux et coûteux que de tomber malade à mon âge.

Le révérend Bridges : Lors de notre rencontre dans le Kent, je vous ai parlé de façon irréfléchie.

Jane : Vous n'allez pas avoir l'inconvenance de revenir sur ce que vous avez dit.

Le révérend Bridges : Sachez que je ne vous aurais jamais empêché d'écrire, si c'était là votre crainte. 

Jane : Si j'avais été votre femme, comment aurais-je pu écrire ? Tous ces devoirs de maternage... Nous aurions été pauvres.

Le révérend Bridges : Vous êtes pauvre de toute façon... Nous aurions pu rire ensemble au moins.

Jane : C'est ça, le mariage, non ?

Le révérend Bridges : Je suppose qu'aucun homme en chair et en os ne sera jamais digne de la créatrice de monsieur Darcy...

Jane : Vous vous trompez sur lui. Il ne m'aurait pas convenu.

Le révérend Bridges : Si j'avais pris mon courage à deux mains après notre danse à ce bal,...

Jane : Non, nous étions trop jeunes.

Le révérend Bridges : Et plus tard, quand je vous ai demandée ?

Jane : J'ai simplement évacué toute idée de mariage de ma tête...

Le révérend Bridges : Dites-moi que vous le regrettez. Dites-moi qu'il vous arrive parfois la nuit de penser à moi. Dites-le moi même si c'est faux.

Jane : Pourquoi ? A quoi bon maintenant ?

 

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Henry : J'en ai assez de la banque, Jane. Je veux devenir pasteur.

 

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Madame Austen : Mes fils ont toujours fait de leur mieux pour aider cette famille, mais elle, elle n'est qu'une égoïste, une égoïste ! Je t'ai vue avec monsieur Bridges, en train de flirter comme une petite sotte ! C'est un homme marié. Si tu voulais vraiment être madame Bridges, la femme du pasteur, il fallait dire oui, quand il te l'a demandé.

Jane : Facile à dire. Mais je ne le voulais pas.

Madame Austen : Et après, tu as eu encore le choix d'un meilleur parti, un homme riche, sa belle demeure. Mais non, là encore, tu l'as rejeté. Tu l'as jeté comme tu as jeté ta vie en l'air, et la mienne et celle de tes sœurs en même temps ! Parce que lui n'était pas assez bon pour la sainte miss Jane et son imagination littéraire ! Non, elle est beaucoup mieux que monsieur Harris Bigg avec son beau manoir et ses cinq cent hectares.

Jane : Oh, mère, ça remonte à des années.

Madame Austen : Oui, quinze ans exactement. C'est gravé dans mon cœur ! Ca fait quinze ans qu'un soir, toi, tu l'as laissé fuir comme une enfant beaucoup trop gâtée ! Fuire le mariage et la sécurité.

Jane : Je ne pouvais pas épouser quelqu'un que je n'aimais pas.

Madame Austen : Alors pourquoi est-ce que tu lui as dit oui !? "Oui, Harris, je serai madame Bigg."

Jane : J'ai fait une erreur.

Madame Austen : Ton erreur a été, le lendemain matin, de revenir sur ton engagement.

Jane : Tu voulais que je fasse quoi ? Que je me vende pour de l'argent !?

Madame Austen : Nous aurions eu de la fortune, grâce à ça. Et tu sais ce que ça veut dire ? La fortune est juste un autre mot pour désigner la sécurité.

Cassandra : Mère, je vous en prie !

Madame Austen : Toi, arrête de la défendre, tu l'as assez fait ! Tu as sacrifié notre sécurité sur l'autel de tes principes, Jane. Est-ce que ça t'a rendue heureuse, oui ou non ? Regarde-toi, tu es malade. Personne ne me dit rien, mais j'ai des yeux derrière la tête. Oui, ma pauvre petite fille seule.

 

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Fanny : Tante Jane !

Jane : Pas maintenant, Fanny.

Fanny : Tu as dit oui parce qu'il était riche et non pas parce que tu l'aimais. C'est si romanesque.

Jane : Est-ce que tu choisirais ma vie ? Tu as peut-être le droit de m'en vouloir, mais ne t'avise surtout pas de me plaindre !

 

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Jane : Aucun de ces hommes ne m'a comblée de bonheur. Comblée de bonheur, ça ne suffit pas. Comblée de bonheur, ce n'est pas ainsi que je veux écrire la fin de mon histoire. Etre aussi pauvre est déjà presque insupportable. Le seul regret que j'ai de ne pas avoir épousé Harris Bigg, c'est que je vais mourir en ne vous laissant rien à notre mère et à toi.

Cassandra : Non, arrête. Arrête, arrête, Jane. C'est ma faute. Si j'avais gardé le silence, si je n'avais pas voulu te convaincre, tout au long de cette nuit, je t'ai harcelé jusqu'à te faire changer d'avis. C'est à cause de moi que tu l'as repoussé.

Jane : Tu m'as montré quel était le véritable enjeu de mon choix.

Cassandra : A cause de moi, tu as choisi la solitude et la pauvreté.

Jane : A cause de toi, j'ai choisi la liberté.

Cassandra : Je ne l'ai pas fait pour toi, Jane.

Jane : Je sais.

Cassandra : Comme j'ai honte, mon Dieu !

Jane : Tout ce que j'ai... tout ce que j'ai accompli dans la vie, c'est à toi que je le dois, jusqu'à cette vie qu'on a mené ici. Jusqu'à cet amour qu'on a l'une pour l'autre. Et cette vie qui fut la mienne, c'était celle pour laquelle j'étais faite. Celle que Dieu avait prévue pour moi. Jamais je n'aurais pensé que je pourrais connaître un tel bonheur. Jamais je n'aurais pensé que je le méritais. Oh mon Dieu ce que j'ai soif.

 

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Fanny : Ne sois pas triste, pas ce soir.

Cassandra : Au moins je suis heureuse pour toi, Fanny.

Fanny : Mon mari dit que je suis la seule personne au monde en présence de qui il sent qu'il a trouvé le bonheur !

Cassandra : C'est bien qu'il soit conscient de la chance qu'il a.

Fanny : Qu'est-ce que tu fais ?

Cassandra : Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas jeté celles où elle parle de toi.

 

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Fanny : Arrête ! Tu ne dois pas brûler les lettres de Jane !

Cassandra : Tu t'imagines toujours qu'il y a un amour secret à découvrir ?

Fanny : Peut-être que je l'espère en tout cas.

Cassandra : Jane était le soleil de ma vie. Elle éclairait chacun de mes jours et soulageait mes chagrins. Aucune de mes pensées ne lui était étrangère. Aujourd'hui je suis amputée d'une part de moi-même.

Fanny : Mon mari te demande de lui accorder une danse.

Cassandra : C'était Jane la meilleure danseuse de cette famille.

 

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Lettre de Jane à Fanny : Quand je contemple une nuit comme celle-ci, j'ai l'impression qu'il pourrait exister un monde sans douleur ni cruauté. Fanny, tu es la joie de mon existence. Ecoute maintenant ton propre cœur. 

 

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mardi, 24 juillet 2012

La tour infernale - Steve McQueen, Paul Newman, Fred Astaire, Robert Wagner

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Film : La tour infernale / The towering inferno (1974, durée 2h45)

Réalisateurs : John Guillermin, Irwin Allen

Doug Roberts l'architecte de la tour (Paul Newman), Susan Franklin sa compagne (Fay Dunaway), Michael O'Hallorhan chef des pompiers (Steve McQueen), Jim Duncan (William Holden), Harlee Clairborne (Fred Astaire), Roger Simmons l'ingénieur de la tour (Richard Chamberlain), Patty Simmons son épouse (Susan Blakely), Lisolette Mueller (Jennifer Jones), Harry Jernigan (O.J.Simpson), le sénateur Gary Parker (Robert Vaughn), Dan Bigelow (Robert Wagner)

3 Oscars (meilleure photographie, meilleur montage, meilleure chanson) et 2 Golden Globes (meilleur acteur Fred Astaire, révélation féminine Susan Flannery)

 

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Patty Simmons : Doug, ça pour une surprise !

Doug Roberts : Où est donc ton petit surdoué de l'ampèremètre ? On a appelé son bureau, le club, la marina, il est nulle part.

Patty Simmons : Qu'est-ce qu'il a fait ? Viens, je te sers un verre. Il a forcément fait quelque chose étant donné que mon père a appelé. Ca fait longtemps qu'il n'était pas remonté comme ça.

Doug Roberts : Est-ce que tu sais où il peut être ?

Patty Simmons : Mon mari a un périmètre d'action très, très étendu. Il peut se trouver absolument n'importe où dans un cet Etat, dans un rayon de quatre-vingt dix kilomètres. Mais patience, il finira par rentrer, il est bien obligé, ses vêtements sont ici. Je te sers à boire ?

Doug Roberts : Non merci.

Patty Simmons : J'en déduis que tu ne veux pas me dire ce que Roger a fait.

 

Roger entre.

 

Roger Simmons : Salut Doug. Chérie.

Patty Simmons : Bonjour.

Roger Simmons : Qu'est-ce que je te sers ?

Doug Roberts : Rien pour l'instant.

Roger Simmons : Tu t'es décidé à quitter ta cambrousse ? Et que nous vaut cet honneur ?

Doug Roberts : Callahan a testé un générateur de secours. Il y a eu une surtension et ensuite un court-circuit.

Roger Simmons : Comment est-ce possible ?

Doug Roberts : En principe, c'est pas possible. Sauf si tu n'as pas respecté les spécifications du matériel électrique.

Roger Simmons : Ta brutalité ne s'est pas arrangée.

Doug Roberts : Elle a même empiré.

Roger Simmons : Tu comprendras que je me montre également brutal. Je ne vois pas du tout en quoi ça te regarde.

Doug Roberts : Je me demande à qui le pot-de-vin a bien pu profiter.

Roger Simmons : Tes accusations sans preuve, tu peux les garder.

Doug Roberts : Ecoute-moi bien. On a eu un début d'incendie dans la salle de service principale. Visiblement les câbles n'étaient pas exactement ceux que j'avais commandés.

Roger Simmons : Le moindre câble que j'ai placé dans cet immeuble correspond au standard en vigueur dans le bâtiment.

Doug Roberts : Oui, mais cet immeuble est absolument hors norme. Et ça tu le savais. C'est pour ça que j'avais demandé une installation qui ne rentrerait pas dans les standards.

Roger Simmons : Mais tu vis dans un monde imaginaire. Je suis confronté aux réalités.

Doug Roberts : Je veux les schémas de tes câblages et une copie de tes bons de commande.

Roger Simmons : Il faudra des semaines pour les réunir et une personne ayant plus d'influence pour m'obliger à le faire.

Doug Roberts : Je les veux sur mon bureau, demain matin à neuf heures.

 

Doug sort.

 

Patty Simmons : On raconte qu'il se battait contre des ours bruns dans le Montana. Bien sûr, il était plus jeune, sûrement en meilleure condition.

Roger Simmons : Tout ceci a dû énormément te réjouir.

Patty Simmons : Non, loin de là. Au contraire, ça me fait de la peine pour toi et pour moi.

Roger Simmons : Que voulais-tu que je fasse ? Que j'en arrive aux mains, c'est ça ?

Patty Simmons : Si jamais tu as fait quoi que ce soit à l'immeuble de mon père, Dieu te protège.

Roger Simmons : Je n'ai pas besoin de l'aide de Dieu, pas plus que de celle de ton père. Plus maintenant. Je ne me mettrai plus au garde-à-vous chaque fois qu'il aboiera. Enfin, si c'est cela que tu veux me voir faire.

Patty Simmons : Tout ce que je veux, c'est l'homme que je croyais avoir épousé. Mais il n'y a plus beaucoup de raisons de rester mariés, d'après ce que je constate.

Roger Simmons : Il se fait tard, on devrait se préparer. 

 

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Jennifer Jones, Fred Astair

 
Lisolette Mueller : Votre villa dans le sud doit vous manquer.

Harlee Clairborne : Faire du bateau, de la natation, et puis aussi organiser des soirées. Le plus terrible dans tout ça, c'est que les femmes s'arrachent les derniers célibataires argentés, même les vieux débris dans mon genre.

Lisolette Mueller : Allons-allons, pas de fausse modestie.

Harlee Clairborne : Je vous en prie, après vous. J'ai... j'ai donc décidé de me plonger dans la réalité de San Francisco et d'envisager de nouvelles perspectives et faire preuve de modestie. Et aussi passer plus de temps à faire la seule chose pour laquelle je suis doué : jouer en bourse.

Lisolette Mueller : Monte Carlo y perdra ce que San Francisco y gagnera.

Harlee Clairborne : Merci. Croyez-vous à la destinée ?

Lisolette Mueller : Je suis prête à croire aux bonnes choses.

Harlee Clairborne : Il y a forcément une raison qui a commandé mon retour : vous connaître. 

 

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Steve McQueen, William Holden

 
 
 
Jim Duncan : Vous vouliez me voir, chef ?

Michael O'Hallorhan : Si vous êtes Duncan, oui.

Jim Duncan : Vous contrôlez la situation ?

Michael O'Hallorhan : Il faut évacuer tout ce beau monde de là.

Jim Duncan : Oh, il n'y a rien de dramatique.

Michael O'Hallorhan : Il y a le feu, monsieur, c'est toujours dramatique.

Jim Duncan : Ma foi, je ne crois pas que vous soyez familiarisé avec les moyens modernes de sécurité dont notre tour est équipée, brigadier. Nous les avons tous.

Michael O'Hallorhan : Entendu, c'est votre immeuble, mais notre incendie. Vous allez m'évacuer tous ces gens.

Jim Duncan : Vous n'écoutez pas ce que je vous dis. Un incendie au quatre-vingt-unième n'atteindra pas les étages supérieurs. Pas dans cet immeuble !

Michael O'Hallorhan : Très bien, je vais le faire.

Jim Duncan : Une seconde, une seconde. Le Maire est ici, vous voulez qu'il abuse de son autorité ?

Michael O'Hallorhan : En cas d'incendie, je suis le seul maître à bord. Nous devons éviter de déclencher la panique. Je peux le leur dire mais c'est mieux si c'est vous. Vous n'avez qu'à annoncer en douceur à tous vos invités que la réception va bientôt reprendre mais plus bas que l'étage où il y a le feu. Tout de suite.

 

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