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mardi, 22 mai 2012

Le Cinéma frappe à ma porte

C'est peut-être à force de prêter mes yeux et mes oreilles au cinéma,

Intensément et depuis de nombreux mois,

Non seulement mes yeux et mes oreilles, mais mes mains de surcroît,

Espérant, en vous offrant ici lecture de remarquables dialogues, engendrer en vous quelque émoi,

Mais le voici - le Cinéma en personne - qui frappe littéralement à ma porte,

cet instant précis, oui, en ce moment même, il projette ses lumières au coin de ma fenêtre.

Voyez donc, ce que je raconte est dans le tracte et les images qu'avec zèle je vous rapporte.

Ou si vous ne me croyez pas, vous avez le choix entre venir voir de vous-mêmes ou aller paître.

 

 

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Pour agrandir le tracte tournage film Grand Ecart David Moreau.pdf

 

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Canon à pluie

 

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Le jour la nuit

 

 

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Le camion-cantine qui fait monter des odeurs de cuisine à ma fenêtre.

 

 

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Nous souhaitons un franc succès à David Moreau et ses équipes.

 

dimanche, 20 mai 2012

Un amour de Swann - Proust, Irons, Delon, Muti, Ardant

 

Ce qu'il y a de gentil avec vous, c'est que vous n'êtes pas gaie.

 Comment veux-tu que je t'aime si tu es une eau informe qui coule selon la pente
qu'on lui offre, un poisson sans mémoire ni volonté.

 

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Film : Un amour de Swann (1984, durée 1h50)

Réalisateur : Volker Schlöndorf

D'après Proust.

Charles Swann (Jeremy Irons), Odette de Crécy (Ornella Muti), le baron de Charlus (Alain Delon), la duchesse de Guermantes (Fanny Ardant), le duc de Guermantes (Jacques Boudet), madame Verdurin (Marie-Christine Barrault), monsieur Verdurin (Jean-Louis Richard), madame de Cambremier (Charlotte de Turckheim), Forcheville (Geoffroy Tory), Chloé (Anne Bennent).

 

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Voix off de Charles Swann :

L'air est chaud et frais, plein d'ombres et de songes. Mon amour pour Odette va bien au-delà des régions du désir physique. Il est si étroitement mêlé à mes actes, à mes pensées, à mon sommeil, à ma vie, que sans lui je n'existerais plus.

Cela ne vous gêne pas que je remette droites les orchydées de votre corsage ?

Comme ça, en les enfonçant un peu moi-même.

Et si je les respirais ? Je n'en ai jamais senties.

Chaque matin au réveil, je sens à la même place la même douleur. Je sacrifie mes travaux, mes plaisirs, mes amis, finalement toute ma vie, à l'attente quotidienne d'un rendez-vous avec Odette.

Cette maladie qu'est mon amour en est arrivée à un tel degré qu'on ne pourrait me l'arracher sans me détruire tout entier. Comme on dit en chirurgie, il n'est plus opérable.

Lorsqu'un soir au théâtre le baron de Charlus me présenta Odette, elle m'était apparue, non pas sans beauté, mais d'un genre de beauté qui me laissa indifférent, me causa même une sorte de répulsion physique.

 

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Charles Swann : Mémé, vous ne pourriez pas aller la voir et lui dire en passant que j'irai à Bagatelle cet après-midi disons à partir de cinq heures. Où allez-vous ?

Le baron de Chalus : Mais porter votre message.

Charles Swann : Surtout, surtout ne lui dites pas que je la demande. Enfin, si elle veut venir avec vous, ne l'empêchez pas de le faire. Dites-moi Mémé.

Le baron de Charlus : Oui ?

Charles Swann : Vous avez couché avec Odette ?

Le baron de Charlus : Pas que je sache.

 

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La duchesse de Guermantes : Comme c'est ennuyeux de ne plus vous voir. Avouez que la vie est une chose affreuse.

Charles Swann : Oh oui, affreuse.

La duchesse de Guermantes : Il y a des jours où l'on aimerait mieux mourir. Il est vrai que mourir, c'est peut-être tout aussi ennuyeux puisqu'on ne sait pas ce que c'est.

Charles Swann : Ce qu'il y a de gentil avec vous, c'est que vous n'êtes pas gaie.

 

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Charles Swann : Odette, mon chéri, je sais bien que je suis odieux, mais il faut que je te demande des choses. Tu te souviens de l'idée que j'avais eue à propos de toi et de madame Verdurin. Dis-moi si c'était vrai. Avec elle ou avec une autre.

Odette : Qui est-ce qui a pu te mettre une idée pareille dans la tête ? Je ne comprends rien. Qu'est-ce que tu veux dire ?

Charles Swann : Est-ce que tu as déjà fait des choses avec des femmes ?

Odette : Avec des femmes, non.

Charles Swann : Tu en es sure ?

Odette : Tu le sais bien.

Charles Swann : Non, ne me dis pas tu le sais bien ! Dis-moi "je n'ai jamais fait ce genre de chose avec aucune femme". A mon âge on a besoin de connaître la vérité.

Odette : Je n'ai jamais fait ce genre de chose avec aucune femme.

Charles Swann : Tu peux me le jurer sur ta médaille de notre Dame de Laghet ?

Odette : Mais tu auras bientôt fini ! Qu'est-ce que tu as aujourd'hui ? Tu as décidé qu'il fallait que je te déteste.

Charles Swann : Tu as tort de te figurer que je t'en voudrais. Je ne t'en voudrais pas du tout. J'en sais toujours beaucoup plus que je ne dis. Si je suis en colère contre toi, ce n'est pas à cause de ce que tu fais, je te pardonne tout, puisque je t'aime. C'est à cause de ta fausseté. Ta fausseté absurde ! Pourquoi nier des choses que je sais ! Si tu veux ce sera fini dans une seconde. Tu seras délivrée pour toujours. Alors dis-moi, sur ta médaille si, oui ou non, tu l'as fait !

Odette : Mais je n'en sais rien. Peut-être il y a très longtemps. Sans me rendre compte de ce que je faisais. Peut-être deux ou trois fois !

Charles Swann : C'est fini. C'est fini... Dis-moi, c'était avec quelqu'un que je connais ?

Odette : Mai non, bien sûr. Je te le jure. D'ailleurs, je crois que j'ai un peu exagéré. Je n'ai jamais été jusque là.

Charles Swann : Ca ne fait rien. Mais c'est malheureux que tu ne puisses pas au moins me dire le nom. Si je pouvais me représenter la personne, je suis sûr que je n'y penserais plus. Et je ne t'ennuierais plus. Ce qui est affreux, c'est ce qu'on ne peut pas imaginer. Tu as déjà été si gentille. Je ne veux pas te fatiguer. Je te remercie, de tout mon cœur, c'est fini, c'est fini... Un mot seulement : il y a combien de temps ?

Odette : Charles, tu ne vois pas que tu me tues. Tout ça c'est de l'histoire ancienne. Je n'y avais jamais repensé. On dirait que tu veux absolument me redonner ces idées-là. Tu seras bien avancé.

Charles Swann : Je voulais seulement savoir si c'est depuis que je te connais. Est-ce que ça se passait ici ? Mais dis-moi au moins un soir pour que je puisse me rappeler ce que je faisais ce soir-là ! Et ne me dis pas que tu ne te rappelais pas avec qui, parce que ça ça n'est pas possible !

Odette : Mais je ne sais pas moi ! Je crois que c'était au bois. Le soir où tu es venu nous retrouver dans l'île. Tu te rappelles ? Il y avait une femme à la table voisine. Je ne l'avais pas vue depuis très longtemps. Elle me dit : "Venez donc derrière le petit rocher voir l'effet du clair de lune sur l'eau." D'abord j'ai baillé, j'ai répondu : "Non, je suis fatiguée, je suis très bien ici." Elle a insisté : "Vous avez tort, vous n'avez jamais vu un clair de lune pareil." Je lui ai répondu : "Cette blague !" Je savais très bien où elle voulait en venir. Charles, tu es un misérable. Tu te plais à me torturer, n'est-ce pas ? Tu me fais dire des tas de mensonges et je les dis pour que tu me laisses tranquille.

Charles Swann : Jamais je n'aurais pensé que c'était aussi récent. Pardonne-moi. Je sens que je te fais de la peine. C'est fini, je n'y pense plus. Alors, ce catleya...

Odette : Pas maintenant, il faut que je m'habille.

 

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Charles Swann : Et si je te demandais de ne pas y aller ?

Odette : Et pourquoi ?

Charles Swann : Oh ça n'est pas à cause d'Une nuit de Cléopâtre, non, ça ne compte pas. Si je te demande de ne pas sortir ce soir, c'est pour voir si tu m'aimes assez pour renoncer à un plaisir. Je dois savoir qui tu es. Comment veux-tu que je t'aime si tu es une eau informe qui coule selon la pente qu'on lui offre, un poisson sans mémoire ni volonté.

Odette : Toi et tes laïus vous allez finir par me faire rater l'ouverture.

Charles Swann : Je te jure que je ne pense qu'à toi en te demandant cela. Je serais même bien embarrassé si tu restais avec moi car j'ai mille choses à faire ce soir.

Odette : Eh bien fais-les, ce n'est pas moi qui t'en empêcherais.

Charles Swann : Vraiment, tu es bien moins intelligente que je ne le croyais... D'ailleurs j'ai réfléchi, je viens avec toi. Ah oui, ça me fera du bien de voir et d'entendre jusqu'où les gens s'abaissent.

Odette : Mais tu n'es même pas en tenue de soirée. Tu veux seulement afficher notre liaison. Tu me traites comme une fille. Donne-moi ma cape.

 

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Charles Swann : Elle vous ressemble, vous ne trouvez pas ? La saillie des pommettes, la cadence de la nuque, la flexion des paupières. L'air mélancolique.

Odette : Qui est-ce ?

Charles Swann : Zephora, la fille de Jéthro, par Boticelli. Il l'a peinte à la Détrempe au XVème siècle sur des murailles de la Chapelle Sixtine.

Odette : Mais je ne suis pas une pièce de musée, moi.

 

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Odette à Charles Swann : Vous êtes un être si à part. J'aimerais connaître ce que vous aimez. Deviner un peu ce qu'il y a sous ce grand front qui travaille tant.

 

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Charles Swann : J'imagine que vous devez être très prise.

Odette : Moi ? Je n'ai jamais rien à faire. Je suis toujours libre. Et je le serai toujours pour vous. A toute heure du jour ou de la nuit, appelez-moi et je serais trop heureuse d'accourir. Vous le ferez, vous m'appellerez souvent ?

Charles Swann : Je vous demande pardon, mais les amitiés nouvelles m'effrayent un peu.

Odette : Vous avez peur d'une affection ? Comme c'est étrange. Je ne cherche que ça. Je donnerais ma vie pour en trouver une.

 

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Charles Swann à Odette : Tu as mis du sérieux dans ma vie. Et de la délicatesse dans mon cœur. Grâce à toi je vois le monde entier baigné dans une lumière mystérieuse. Si tu savais la sécheresse de ma vie avant toi.

 

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Au dernier moment, Odette décide de rentrer en calèche avec les Verdurin et Forcheville, et non pas avec Charles Swann.

Le cocher : Qu'est-ce qui se passe monsieur, il vous est arrivé un malheur ?

Charles Swann : Non, Rémi. Je vais marcher un peu, suivez-moi.

Charles Swann à lui-même : Vulgaire ! Pauvre petite ! Aaaah ! Surtout tellement bête !! Cette maquerelle ! L'entremetteuse ! La mère Verdurin. Ah c'est vraiment le plus bas dans l'échelle humaine. Ca croit aimer l'art. Quelle idiote. Cette plaisanterie fétide. Moi qui ai voulu tirer Odette de là. Ah c'est vraiment les bas-fonds de la société, le dernier cercle de Dante ! Ah et moi, pourquoi je me soumets à cette humiliation ? Au début je la trouvais laide ! Il a fallu que je décide de l'aimer ! Que je décide qu'elle me rappelait un Botticelli. Et maintenant je décide de ne plus l'aimer, je ne peux pas ! Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas. Ce soir, ce soir, j'ai compris, que son amour pour moi, que j'ai d'abord refusé, que ce sentiment qu'elle a eu, pour moi, ne renaîtra plus jamais. Et sans elle je n'existerais plus. Je sens que c'est une maladie, dont je peux mourir. En même temps j'ai peur de guérir ! Parfois je me dis qu'il vaudrait mieux qu'Odette meurt, sans souffrance, dans un accident. Ce serait fini.

 

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Le jeune homme : Je croyais que vous vouliez vraiment regarder ce clair de lune avec moi.

Le baron de Charlus : Monsieur ! La plus grande des sottises est de trouver ridicules les sentiments que l'on n'éprouve pas ! J'aime la nuit et vous la redoutez. Adieu ! Ma sympathie pour vous est bien morte. Rien ne peut la résusciter.

Le jeune homme : Monsieur, je vous jure que je n'ai rien dit pour vous offenser.

Le baron de Charlus : Et qui vous dit que je suis offensé ! Vous ne savez donc pas quel prodigieux personnage je suis ! [...] Adieu monsieur, nous allons nous quitter pour toujours. Il n'est pas indigne de moi de confesser que je le regrette. Je me sens comme le booz de Victor Hugo. Je suis seul, je suis veuf, et sur moi le soir tombe.

 

Le baron se repoudre le nez. 

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Charles Swann :  Il  est grand temps que je me mette à travailler, s'il n'est pas trop tard déjà. Quand je me suis réveillé ce matin, j'étais tout à coup délivré d'Odette. Maintenant, même son image s'éloigne de moi, son teint pâle, ses pommettes saillantes. Elle m'a peut-être aimé plus que je n'ai cru.

Le baron de Charlus : Elle vous a aussi trompé davantage.

Charles Swann : Elle va partir pour l'Egypte avec Forcheville et les Verdurin.

Le baron de Charlus : C'est vous qui payez le voyage ?

Charles Swann : Oui. Dire que j'ai gâché des années de ma vie. Puis j'ai voulu mourir. J'ai eu mon plus grand amour pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre.

Le baron de Charlus : Quand l'épouserez-vous ?

 

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La duchesse de Guermantes : Ah Charles, comme c'est bien de venir saluer sa vieille amie. D'ailleurs en vous Charles, tout est comme il faut, ce que vous portez, ce que vous dites, ce que vous lisez et ce que vous faites.

 

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mardi, 15 mai 2012

Firefox - Clint Eastwood

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Film : Firefox (1982, durée 2h16)

Réalisateur : Clint Eastwood

Mitchell Gant le pilote américain (Clint Eastwood), Pavel Upenskoy son complice russe (Warren Clarke), le Premier Secrétaire soviétique (Stefan Schnabel)

 

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Premier contrôle dans la station de métro.

 

Officier soviétique: Vos passeports, monsieur... Monsieur Lewis, américain ?

Gant : Oui.

Officier : On dirait un autre homme sur cette photo. La chevelure... est plus foncée.

Gant : A cette époque, j'étais plus gros aussi.

Officier : S--- est une belle ville à ce qu'on dit.

Gant : Oui, surtout au printemps.

Officier : Vous n'avez pas l'air en bonne santé, vous êtes malade ?

Gant : En ce moment, j'ai des problèmes d'estomac. La nourriture...

Officier : La nourriture est mauvaise à l'hôtel ?

Gant : Ce n'est pas ça, elle est trop riche pour moi.

Officier : Ah. Merci, monsieur Lewis.

Gant : Merci.

  

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Deuxième contrôle aux latrines.

 

Officier soviétique : *ù%§¤£µé"'_çè('-($$£^^$**§§ù !

Gant : C'est occupé.

Officier : Vous êtes étranger ? Sécurité Nationale. Vos papiers, s'il vous plaît.

Gant : Euh, attendez une minute.

Officier : Bien, mais faites vite.

 

Gant sort.

 

Officier : Vos papiers, s'il vous plaît... Vous êtes malade ou vous avez PEUR ?

Gant : J'ai une espèce de dérangement d'estomac, c'est pas grave.

Officier : Vos papiers, ils sont pas en règle.

Gant : Ils sont en règle ! Regardez-bien.

Officier : Non-non. Non, j'ai regardé.

 

L'officier semble sortir un pistolet de sa poche, en fait non. Gant le frappe quand même, presque à mort, puis attrape le bâton en bois du dévidoir de l'essuie-main et l'utilise pour étrangler l'officier. Arrive Upenskov.

 

Upenskoy :  Tu n'es qu'un pauvre imbécile ! Tu l'as tué, il est mort.

Gant : Il a sorti son pistolet, il était au courant !

 

L'officier a effectivement sorti un pistolet au cours de la bagarre, il se trouve au sol.

 

Upenskoy :  C'est un KGB. Tu sais ce que ça signifie ? Tu sais, oui ou non !? Prends l'escalier. Monte vite jusqu'à la sortie. Si on t'arrête de nouveau, obéis ! Montre-leur tes papiers, tu es malade, joue-leur la comédie comme tout à l'heure.

Gant : Il a dit que mes papiers n'étaient pas en règle !

Upenskoy :  Tu es stupide ! Ils SONT en règle ! J'ai AUSSI été arrêté par le KGB et mes papiers AUSSI étaient en REGLE ! Sors d'ici en vitesse ! Dès qu'ils découvriront le corps, toute la station sera bouclée. Tire-toi !

 

Upenskoy cache le cadavre.

 

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Troisième contrôle qui se déroule près de la sortie concomitamment avec la découverte du cadavre.

 

Officier soviétique : *ù%§¤£µé"'_çè('-($$£^^$**§§ù !

Gant : Je vous demande pardon, je suis étranger, je ne sais pas me diriger.

Autre officier soviétique : Vous êtes américain ?

Gant : Oui.

Officier : Vous devez rester dans la queue.

Gant : Mais je ne s...

Officier : Vos papiers, je vous prie ! ... Vous devez faire la queue, monsieur Lewis. Ce n'est pas bien d'être antisocial dans votre comportement.

Gant : Veuillez m'excuser.

Officier : Attendez. Qu'est-ce que nous avons là, on ne va pas vous retarder sans nécessité. Vous êtes à l'hôtel Varsovie.

Gant : Oui.

Officier : J'ai envie de les appeler pour voir si quelqu'un là-bas vous connaît... Non, je vous ferai confiance, vos papiers sont tout à fait en règle. Excusez-nous de ce dérangement. Nous sommes à la recherche d'une bande de criminels, en quelque sorte. Vous êtes libre en tant que touriste de circuler la nuit dans notre capitale. 

Gant : Merci.

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Le Premier Secrétaire : Ici le Premier Secrétaire. Je m'adresse à cet individu qui a eu l'audace de dérober un bien appartenant à l'U.R.S.S. Est-ce que vous m'entendez ?

Gant à son camp : Nous avons droit à des égards princiers.

Gant au Premier Secrétaire : Oui, allez-y, parlez.

Le Premier Secrétaire : Etes-vous content de votre escapade aérienne ? Notre joujou vous plaît ?

Gant : On peut l'améliorer.

Le Premier Secrétaire : Ah, vous êtes expert en la matière, monsieur Gant.

Gant : C'est ce qu'on dit. Alors je vais avoir les pires ennuis, pas vrai ?

Le Premier Secrétaire : Je vous les dirai plus tard si vous le désirez. Mais d'abord je vous demanderai de destituer ce qui ne vous appartient pas, Colonel.

Gant : Et vous pardonnerez ce petit larcin ?

Le Premier Secrétaire : Si je vous disais oui, vous n'en croiriez pas un mot, monsieur Gant, n'est-ce pas ? Bien sûr que non. Sachez pourtant que vous resterez en vie si vous rentrez sans plus tarder. Selon nos ordinateurs, il vous suffit d'un temps de vol de quatre minutes et demie pour être de retour sur la piste d'envol de Biliarsk.

Gant : Quelle est l'alternative ?

Le Premier Secrétaire : Nous ferons tout pour vous empêcher de livrer le MIG 31 aux services de renseignements de votre pays. Cela est hors de question.

Gant : C'est naturel. Toutes mes excuses, cher monsieur, je dois dire non.

Le Premier Secrétaire : Il va sans dire que vous êtes déjà perdu, quelle que soit votre destination. Adieu, monsieur Gant.

Gant à son camp : Ca y est, le bluff a bien pris. Direction nord vers l'Oural.

 

lundi, 14 mai 2012

Le concert - Tchaikovsky

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Film : Le concert (2009, durée 1h59)

Réalisateur : Radu Mihaileanu

Côté russe : Andreï Filipov le chef d'orchestre devenu homme de ménage (Aleksey Guskov), Sasha le violoncelliste devenu ambulancer (Dmitri Nazarov), Ivan Gavrilov l'organisateur (Valeriy Barinov)

Côté français : Anne-Marie Jacquet la violoniste (Mélanie Laurent), Guylène de la Rivière l'agent de la violoniste (Miou-Miou), Olivier Duplessis le directeur du Châtelet (François Berléand), Jean-Paul Carrère employé du Châtelet (Lionel Abelanski) 

 

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Sacha : On ne sort jamais indemne deux fois d'une dictature communiste. Vas-y molo.

Andreï Filipov : Sacha, je te considère comme un excellent violoncelliste. Alors, est-ce que tu veux rejouer, ou conduire une ambulance toute ta vie ? Ivan Gavrilov nous doit un concert, on finira ce concert.

 

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Ivan Gavrilov : Et pourquoi moi ?

Andreï Filipov : Ah-ah tu le sais ! Tu connais parfaitement l'art de la négociation, tu as l'expérience, tu as toujours été le meilleur et c'est grâce à toi si les concerts du fameux Bolchoï ont fait date.

Ivan Gavrilov : Paris... J'organiserai ce concert, c'est d'accord.

Sacha : Répète un peu. Où est l'arnaque ?

Andreï Filipov : Allez, on t'écoute, vas-y dis la vérité. Ca va nous coûter combien ?

Ivan Gavrilov : Rien du tout.

Sacha : Il va nous baiser.

Andreï Filipov : Rien du tout, Ivan ?

Ivan Gavrilov : Pas un sou.

Andreï Filipov : Ah, c'est gentil. Si tu veux avoir une carte de vétéran de guerre, je te l'offrirai, en plus tu peux obtenir la gratuité dans le métro, dans les autobus et dans le chemin de fer.

Ivan Gavrilov : J'men fiche, je l'ai déjà. Je vous l'ai dit : je suis d'accord. Ce qui est dit est dit. Vous avez ma parole.

 

Andréï Filipov et Sacha sortent. (On apprendra plus tard au cours du film qu'Ivan Gavrilov avait d'autres motivations pour se rendre à Paris...).

 

Sacha : Tu as vu son regard ? Il a même souri ! Ce mec est un vicelard ! Tu devrais pas lui faire confiance ! Andréï, apporte le fax s'il te plaît.

Andréï Filipov : Je n'ai vu que du désir dans son regard. Il le veut ce concert.

 

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Jean-Paul Carrère : Monsieur Duplessis, je vous en supplie, remboursez-moi. Ma carte de crédit est bloquée, je dois déposer un chèque à ma banque cet après-midi avant 16 heures.

Olivier Duplessis : Calmez-vous Carrère, chaque chose en son temps.

Jean-Paul Carrère : Mais il est temps ! J'les ai sauvés hier ! Ils ont investi un restaurant russe hier, par le Trou Normand ! Et j'ai dû payer toute la note alors qu'ils avaient leur défrayement ! A 6 heures du matin, 1536 euros rien qu'en alcool, ils ont rien mangé ! J'ai fait un chèque en bois !

Olivier Duplessis : Si vous les avez sauvés comme vous le dites, où sont-ils ? Vous entendez de la musique, vous ? Un Tchaikosvy inédit ? Du silence pour violon et orchestre ?

Jean-Paul Carrère : Il y a un malentendu ou peut-être un problème de traduction ?

Olivier Duplessis : C'est un orchestre ou un quatuor ? Où est votre orchestre monsieur Filipov ? Où est-il ?

Ivan Gavrilov : Je suis ravissant de vous rencontrer ! Ne vous perturbez pas, ils seront tous ici très immédiatement. Ils ne sont pas français, monsieur, ni allemands, loin de là. En tant que russes, c'est une affaire de politesse que de parvenir un peu en retard, essayez de comprendre, faire preuve de la courtoisie.

Olivier Duplessis : Ivan Gavrilov ?

Ivan Gavrilov : Oui.

Olivier Duplessis : Vous êtes en retard ! et TOUT votre spasiba Bolchoï aussi !

 

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Andreï Filipov : Ce concert... il... c'est comme, n'est-ce pas, confession, un cri. Dans chaque note de musique, il y a la vie, Anne-Marie. Notes, toutes, recherchent harmonie, recherchent bonheur.

 

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Anne-Marie Jacquet : Je cherche le regard de mes parents depuis que je suis toute petite. Dans la rue, partout. Quand je joue, ce que j'aimerais atteindre, c'est leur regard, une seconde, rien qu'une seconde.

 

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Andreï Filipov : Bolchoï Théâtre... Pleine salle... Monde beaucoup... Journalistes monde entier, managers, collègues... Concerto... commence... miracle... arrive... rires... sublime... violon magique lever moi et orchestre... vers ciel... beaucoup... haut... nous voler... nous public ensemble voler vers ultime harmonie. Mais concerto arrêté au milieu. Nous sommes pas arrivés à harmonie ultime. Brejnev arrêter concerto au milieu pour humilier nous face à public. Brejnev couper nos ailes. Nous beaucoup tomber. Après tous juifs jetés dehors.

 

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http://www.youtube.com/watch?v=_UEs0aubxoY

 

mercredi, 09 mai 2012

Le Président - Gabin, Blier

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Film : Le Président (1960 , durée 1h45)

Réalisateur : Henri Verneuil

Dialoguiste : Michel Audiard

Emile Beaufort le Président (Jean Gabin), Philippe Chalamont son rival (Bernard Blier), mademoiselle Milleran son assistante (Renée Faure), Antoine Monteil (Henri Crémieux), François son chauffeur (Alfred Adam), Lauzet-Duchet (Louis Seigner), le docteur Fumet (Robert Vattier), sir Merryl (Charles Cullum), Jussieu (Louis Arbessier), Huguette (Françoise Delrick), la cuisinière (Hélène Dieudonné), Augustin le paysan (Pierre Larguey)

 

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Président Beaufort : Dire qu'on finit tous de la même manière. Vous trouvez pas ça humiliant ? Vous vous en foutez ?

Docteur Fumet : Ah pas du tout ! Ca je-je vous jure monsieur le Président qu'il n'y a aucune...

Président Beaufort : Mais si, vous vous en foutez ! Vous, ce qui vous excite, c'est de vous dire : ce vieux bonhomme à qui je pique les fesses tous les matins a déjà son nom dans les manuels d'histoire, et il aura une avenue dans toutes les grandes villes de France, comme Clémenceau ou ce pauvre Jaurès. Ca vous plairait à vous, d'avoir une avenue portant votre nom ? Avenue du docteur Fumet...

Docteur Fumet : Oui (en riant). Pas vous, monsieur le Président ?

Président Beaufort : Ooofff, si après tout, peut-être.

 

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Président Beaufort :  Où en étions-nous restés hier ?

Son assistante Milleran : "On ne gouverne pas sans quelques inimitiés. Tout homme de pouvoir devrait s'imprégner de cette maxime car en vertu d'un étrange paradoxe c'est la notion même du bien public."

Président Beaufort : Bon, alors écrivez en tête de chapitre : les années difficiles. Je crois avoir été un des hommes les plus détestés de son époque. Ce fut longtemps mon chagrin, c'est aujourd'hui mon orgueil. Je suis républicain depuis que je respire, et pourtant, au cours de quarante années de vie politique, j'ai eu le privilège d'avoir été traité de despote oriental par les socialistes, de voyou moscoutaire par l'acion française, de valet de Wall Street par les syndicalistes, et de faux monnayeur par la Haute Banque. Voilà pour mes adversaires. Quant à mes amis, les amis n'aiment pas être fidèles, ils ont l'impression de perdre leur personnalité, quant à mes amis donc, ils se contentèrent de me taxer d'ambition et d'intransigeance, deux appellations que je revendique. J'ai toujours été en effet extrêmement ambitieux du destin de mon pays et intransigeant sur la manière de le voir s'accomplir. Le moindre article dans un journal étranger  défavorable à la France m'a toujours beaucoup plus affecté que la chute d'un ministère Beaufort.

[...]

Président Beaufort : Pourquoi ne fumez-vous pas Milleran ? Ca rend aimable. Bon, allez, continuons. Au lendemain des émeutes, et après la dissolution des ligues fascistes, je conservais de fidèles adversaires à gauche et je n'avais désormais que des ennemis à droite. Mais je gardais derrière moi la force qui finalement gouverne les chambres : l'opinion publique. Il ne me restait plus qu'à perdre son soutien en me rendant impopulaire, ce fut chose faite du jour au lendemain. Ecrivez en sous-titre : la dévaluation. L'ordre étant rétabli, je demandais les pleins pouvoirs et les obtenais. Mais, sauf pour les dictateurs et pour les imbéciles, l'ordre n'est pas une fin en soi. L'ordre n'empêche pas le nombre des chômeurs d'augmenter, ni le déficit des chemins de fer de s'accroître, ni les faillites de se multiplier. A peine m'avait-on donné ces pleins pouvoirs que chacun se disait : que va-t-il en faire?  C'est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d'en user. Or, il fallait choisir et choisir vite entre la protection du capital et celle du travail. Il fallait choisir entre le passé et l'avenir : j'ai choisi l'avenir. Mais il ne restait pour cela qu'une ressource : celle de la dévaluation massive. Et encore fallait-il qu'elle se produise d'une façon assez inattendue pour empêcher la spéculation... pour empêcher la spéculation...

Son assistante Milleran : Vous êtes fatigué de dicter, monsieur le Président ?

Président Beaufort : Non, je pense à ce que je ne peux pas dire.

 

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Président Beaufort : Vous ne connaissez pas mon vieil ami Mulstein directeur de Paris France ? Ce journal qui a trop de lecteurs pour me défendre mais trop de lecteurs aussi pour m'attaquer.

 

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Président Beaufort : C'est prodigieux le nombre de yaourths qui défilent dans cette maison.

La cuisinière : Tout le monde en mange, monsieur le Président.

Président Beaufort :Pourquoi ?

La cuisinière : Je sais pas, moi, pour faire comme vous.

Président Beaufort : Eh benh vous avez tort, parce que moi j'ai horreur de ça. C'est une nourriture de nouveau né... Qu'est-ce qu'il y a encore, qu'est-ce que vous voulez ?

La cuisinière : Monsieur le Président, si ça vous dérange pas, j'aurais aimé avoir mon après-midi.

Président Beaufort : Pourquoi faire ?

La cuisinière : Ma grand-mère est malade.

Président Beaufort : Ah c'est bien ça. Enfin, on va dire c'est bien de votre part de vous intéresser à votre grand-mère. Prenez votre après-midi, allez.

Huguette : Menteuse, coureuse, et vous lui passez tout. 

Président Beaufort : Je lui passe tout, je lui passe tout. C'est le seul élément jeune de cette maison.

Huguette : Vous ne croyez tout de même pas à cette histoire de grand-mère ?

Président Beaufort : Bien sûr que non, mais elle témoigne d'une imagination délicate.

Huguette : Un certain culot, oui !

Président Beaufort : Non, le culot aurait été de me dire : Monsieur le Président, j'ai besoin de mon après-midi pour aller me faire sauter. Benh quoi, vous me parler de culot, le culot c'est ça.

 

¤   ¤   ¤

 

Le paysan Augustin : Tu veux le fond de ma pensée ? Les députés, faudrait tous les ficher dans la Seine !

Président Beaufort : Oh, sois tranquille, ils savent nager.

Augustin : La politique, c'est un métier de voyous !

Président Beaufort : Eh dis donc, j'te remercie !

Augustin : Ah, non, c'est pas pour toi que j'dis ça. Non, toi t'es d'ici, c'est pas pareil [...] A ton avis, quel nouveau voyou ils vont nous mettre au gouvernement ?

 

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Président Beaufort : S'il part doucement, c'est qu'il a l'intention d'aller loin.

Chalamont : Pour n'être pas très neuve, l'idée de fédération européenne n'en est pas moins généreuse. Généreuse mais utopique. La suppression de l'actuel système douanier, le libre échange, sont autant de formules qui relèvent du manuel de littérature mais qui constituent un défi permanent au manuel d'arithmétique élémentaire. Est-ce parce qu'il sera européen que le mètre va devenir extensible ? Est-ce parce qu'elle sera européenne que la tonne de charbon va doubler de volume ? Est-ce parce qu'elle sera européenne que la France augmentera en puissance et en prospérité ? Le projet d'union douanière sur lequel le gouvernement nous invite aujourd'hui à voter la confiance est mis en pratique depuis longtemps par les contrebandiers. Est-ce une raison suffisante pour l'adopter ?

 

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Président Beaufort : Si cette assemblée avait conscience de son rôle, elle repousserait cette Europe des maîtres de forge et des compagnies pétrolières, cette Europe qui a l'étrange particularité de vouloir se situer au-delà des mers, c'est-à-dire partout sauf en Europe. Car je les connais moi, ces Européens à tête d'explorateurs !

- La France de 89 avait une mission civilisatrice à remplir !

Président Beaufort : Et quelques profits à en tirer !

- Il y avait des places à prendre, le devoir de la France était de les occuper, pour y trouver de nouveaux débouchés pour son industrie, un champs d'expérience pour ses armes !

Président Beaufort : Et une école d'énergie pour ses soldats, j'connais  la formule ! Eh bien personnellement, je trouve cette mission sujette à caution et le profit dérisoire, sauf évidemment pour quelques affairistes en quête de fortune et quelques missionnaires en mal de conversion. Or je comprends très bien que le passif de ces entreprises n'effraie pas une assemblée où les partis ne sont plus que des syndicats d'intérêts !

 

Sifflets, cris et cloche.

 

Jussieu : Monsieur le Président de l'Assemblée, monsieur le Président de l'Assemblée, je demande que les insinuations calomnieuses que le Président du Conseil vient de porter contre les élus du peuple ne soient pas publiées au Journal Officiel !

 

Bravos et applaudissements.

 

Président Beaufort : J'attendais cette protestation. Je ne suis pas surpris qu'elle vienne de vous, monsieur Jussieu. Vous êtes je crois conseil juridique des aciéries Kremer, je ne vous le reproche pas.

Jussieu : Vous êtes trop bon.

Président Beaufort : Je vous reproche simplement de vous être fait élire sur une liste de gauche et de ne soutenir à l'Assemblée que des projets d'inspiration patronale.

Jussieu : Il y a des patrons de gauche ! Je tiens à vous l'apprendre !

Président Beaufort : Il y a aussi des poissons volants mais qui ne constituent pas la majorité du genre !

 

Cris et cloche.

 

Président Beaufort : J'ai parlé tout à l'heure de syndicats d'intérêts. Voulez-vous messieurs que je fasse l'appel de cette assemblée ? Nous allons même le faire par ordre alphabétique.

 

[...]

 

Président Beaufort : Et maintenant, permettez-moi de conclure. Vous allez faire avec les amis de monsieur Chalamont l'Europe de la fortune contre celle du travail, l'Europe de l'industrie lourde contre celle de la paix, et bien cette Europe-là vous la ferez sans moi, j'vous la laisse ! [...] J'ajouterai simplement pour quelques un d'entre vous : réjouissez-vous, fêtez votre victoire, vous n'entendrez plus jamais ma voix. Et vous n'aurez jamais plus à marcher derrière moi. Jusqu'au jour de mes funérailles. Funérailles nationales que vous voterez d'ailleurs à l'unanimité. Et ce dont je vous remercie par anticipation.

 

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Chalamont : Je pense que vous m'attendiez.

Beaufort : Je vous attends depuis vingt ans. Qu'est-ce que vous regardez ?

Chalamont : Tout cela, je ne pensais jamais revoir cette maison, ce bureau, c'est étrange. Je m'attendais à une sorte de gêne, de honte, et tout cas de malaise.

Beaufort : Vous vous surestimez.

Chalamont : Peut-être, oui. Je n'éprouve finalement que de l'émotion, c'est presque agréable.

Beaufort : Asseyez-vous.

Chalamont : J'ai cru un moment que vous refusiez de me recevoir. Je suppose que vous me haïssez toujours.

Beaufort : Oh, vous savez, j'ai soixante-treize ans.

Chalamont : Ca n'empêche pas les sentiments.

Beaufort : Ca les atténue, à mon âge, on vit en veilleuse. On peut encore marcher, manger, haïr, mais à condition de faire tout ça doucement.

Chalamont : Vous avez à peine changé. Vous avez blanchi, oui, mais... peut-être un peu plus de ventre, et encore. Et moi ?

Beaufort : En ce qui vous concerne, la surprise ne joue pas, je vous ai souvent vu à la télévision, vous étiez fort brillant, d'ailleurs c'est une justice à vous rendre. Ce qui laisse le plus à désirer chez vous, ça n'a jamais été le style. Je vous ai également vu et entendu ce matin, mais là le style était plus évasif. Il s'agissait je crois d'une réponse à donner demain matin au Président de la République, vous auriez pu économiser du temps et de l'essence en la donnant tout de suite.

Chalamont : A condition qu'elle soit négative, n'est-ce pas ? Et vous prétendez que la haine s'atténue. Je trouve moi que vos sentiments n'ont pas varié.

Beaufort: Ce qui n'a pas varié c'est ma notion de ce que doit être un chef de gouvernement. Cette notion-là ne variera jamais.

Chalamont : Je vous admire.

Beaufort : Oh je ne vous en demande pas tant.

Chalamont : Si, si, je vous admire, car ma notion à moi a bien changé. Votre attitude lorsque vous étiez au pouvoir m'a souvent heurté. Mais aujourd'hui je la comprends. Longtemps la façon dont vous avez agi envers moi m'a semblé monstrueuse, mais aujourd'hui j'agirais de même. Voyez-vous, Président, je pense que si la croissance s'arrête de bonne heure, l'homme ne cesse jamais de grandir. Ce que j'ai longtemps refusé de comprendre et qui m'apparaît aujourd'hui comme une vérité première, c'est qu'à partir d'un certain degré de réussite, bien sûr, un homme d'Etat fait abstraction de son orgueil et de ses intérêts personnels pour devenir le prisionnier de la chose publique.

Beaufort : Vous avez découvert ça quand ?

Chalamont : Quand ? A ma première élection, peut-être à ma nomination au Conseil Monétaire, je ne sais pas, mais ma conviction est faite. Me permettez-vous de vous poser une question ? Voyez-vous, parmi les hommes politiques d'aujourd'hui un chef de gouvernement qui s'impose et qui rende ma candidature superflue ?

Beaufort : Non.

Chalamont : Voyez-vous un parti plus apte que le mien à dénouer la crise ?

Beaufort : Non.

Chalamont : Pensez-vous que je sois capable et là mieux qu'un autre de résoudre les problèmes syndicaux et d'éviter la grève générale qui menace ?

Beaufort : Oui.

Chalamont : Estimez-vous que je possède la technique, l'expérience, enfin en un mot la stature d'un homme d'Etat ?

Beaufort : Oui.

Chalamont : Bon, alors dans ce cas, levez-vous votre veto ? M'autorisez-vous à ...

Beaufort : A devenir Président du Conseil ? Voilà vingt ans que je vous dis non. Et pour être franc, je vous ai reçu ce soir pour le plaisir de vous le dire une dernière fois. Mais maintenant, sincèrement je ne sais plus.

Chalamont : Est-ce que vous êtes souffrant ? Vous ne vous sentez pas bien ?

Beaufort : Non, non, non, ce n'est rien, je n'ai plus l'habitude de veiller, excusez-moi, c'est grotesque, attendez-moi un instant.

 

Il sort prendre un cachet.

 

Chalamont : Votre malaise est passé ? Vous m'avez fait peur. Tout cela est de ma faute, je suis désolé.

Beaufort : Alors, votre programme.

Chalamont : Vous devriez prendre un peu de repos.

Beaufort : J'aurai bientôt l'éternité pour ça. Alors laissez-moi juger de ce qui est urgent de ce qui ne l'est pas. Parlez-moi de votre programme.

Chalamont : C'est à peu de choses près le programme Beaufort. L'expansion de l'économie nationale par l'ouverture des marchés étrangers, avec comme premier palier un projet d'union douanière. Ce projet que mes amis et moi avons torpillé. Mais à cette époque, l'Europe était pour nous une fiction grammaticale. Nous n'avons pas compris qu'elle était en passe de devenir une réalité économique. Vous aviez quinze ans d'avance.

Beaufort : Bon, admettons qu'il reste là-dedans deux ou trois idées à reprendre, mais la situation financière a changé. Vous êtes à la veille de l'inflation.

Chalamont : Nous prendrons les mesures appropriées.

Beaufort : Lesquelles ?

Chalamont : Mais je ne prendrai pas cette décision sans vous consulter le moment venu. Mais je suis convaincu qu'une dévaluation s'impose. A moins que vous n'ayez une meilleure solution à nous proposer ?

Beaufort : Pourquoi moi ?

Chalamont : Mais parce que je compte gouverner non seulement avec votre agrément mais avec votre appui. J'aimerais que mon entrée à Matignon soit le départ d'une nouvelle collaboration, secrète mais totale.

Beaufort : Ce que vous venez de dire me flatte, Chalamont. Si, si. Pour des raisons particulières, je vous ai longtemps pris pour un salaud et je constate avec plaisir que là aussi j'avais quinze ans d'avance. Et dire que vous avez failli m'avoir. Vous êtes intelligent, Chalamont, comme la plupart des salauds d'ailleurs. Vous savez qu'il y a des hommes qu'on peut acheter avec une enveloppe ou un bout de légion d'honneur. Moi, vous avez essayé de m'avoir par la vanité. Ce que vous venez de faire est ignoble !

Chalamont : Enfin, monsieur le Président, permettez-moi de vous demander quelques explications !

Beaufort : Vous venez d'être de la plus grande lâcheté, celle de l'esprit ! Et c'est pour ça, Chalamont, que je ne vous laisserai jamais prendre le pouvoir. Parce que c'est une saloperie de venir au pouvoir sans avoir une conviction à y appliquer !

Chalamont : Je ne serais pas le premier !

Beaufort : Savez-vous pourquoi je vous ai fait écrire cette fameuse lettre et pourquoi je l'ai gardée ?

Chalamont : Oui, je le sais figurez-vous. Par vengeance. Pour humilier un homme que vous n'aimiez pas.

Beaufort : Non, pour préserver un pays que j'aime bien !

Chalamont : Pourquoi disiez-vous tout à l'heure que j'étais un gouvernant possible ? En tout cas pas plus mal qu'un autre.

Beaufort : Pas plus mal qu'un autre ... ! Décidément vous êtes plus ambitieux pour vous que pour votre pays. Voilà tout ce que vous lui souhaitez : un homme pas plus mal qu'un autre. Quand on a cette ambition-là on ouvre un bazar, on ne gouverne pas une nation !

Chalamont : Et si je vous disais que je me fous de cette lettre ? Si je passais outre ?

Beaufort : Oh, tous les journaux en auraient une copie dans les vingt-quatre heures !

Chalamont : Croyez-vous qu'ils la publieraient ?

Beaufort : Non, mais toute la presse saurait que cette lettre existe et ça reviendrait au même, vous le savez très bien. C'est pourquoi, moi vivant, vous ne serez jamais Président du Conseil. Moi mort non plus d'ailleurs. Foutez-moi le camp Chalamont. Courez à l'Elysée dire que vous renoncez, enveloppez ça dans le bobard que vous voulez. Allez-allez, vite-vite-vite !

Chalamont : Laissez-moi regarder une dernière fois le dépositaire de la grandeur française. Vous parlez d'ambition. Savez-vous ce que vous allez avoir au gouvernement ? Un Bergelon, un Marcel Ferchou, un crétin ! Mais un crétin comme vous les aimez, honnête.

Beaufort : Eh benh, ce sera toujours ça. Etant donné ce que ça rapport, il faut bien que ça serve à quelque chose d'être honnête.

 

Chalamont part. Beaufort brûle la lettre dans sa cheminée.

 

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Beaufort : Ecrivez. Madame la rédactrice en chef, au risque de vous décevoir, je me dois de vous informer que ma vie sentimentale fut extrêmement brève. Veuf, après dix ans d'une union parfaitement heureuse, il ne m'est jamais venu à l'idée de me remarier. Durant les trente années qui ont suivi, je n'ai eu qu'une maîtresse, la France. Pour le reste, je me suis toujours adressé aux maisons closes et aux théâtres subventionnés.

Milleran : Oh, on va pas envoyer ça ?

Beaufort : Si. Et avec une photo encore.

 

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François : Tiens, voilà de la soutane qui nous arrive.

Le curé : Bonjour monsieur le Président, comment vous portez-vous ?

Beaufort : Admirablement, vous êtes un peu en avance, mon père. Mais ça, il faudra en prendre votre parti, je mourrai avec insolence et sans vous prévenir.

 

mardi, 08 mai 2012

Jules César, naissance d'un empereur

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Film : Jules César, naissance d'un empereur (2002, durée 2h15)

Réalisateur : Uli Edel

César (Jérémy Sisto), Pompée (Chris Noth), Sylla (Richard Harris), Marcus (Christopher Walken), Calpurnia la deuxième épouse de César (Valéria Golino), Aurélia la mère de César (Pamela Bowen)

 

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Sylla : Tu as de fort facheux ascendants jeune homme !

César : Je ne vois aucun déshonneur à appartenir à une famille dont les ancêtres descendent de Vénus.

Sylla : Tu descends donc des dieux !

César : Les Iulii ont Enée parmi leurs ancêtres, le fils de ...

Sylla : Ah oui, le fils de Vénus, oui, oui, oui. Et ton oncle Marius s'en ventait tout le temps. Ah, les dieux, beaucoup prétendent en avoir parmi leurs aïeux de nos jours.

César : Nous avons l'anneau d'or pour le prouver.

Sylla : C'est le genre d'objet que l'on trouve près du Forum pour à peu près quinze sesterces.

 

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Sylla : Je n'ai qu'une seule exigence, ton divorce... Alors ?

César : C'est non. Je refuse.

Sylla : J'espère que tu te rends compte que c'est le seul moyen de sauver ta vie.

César : Elle m'a appris ce que veut dire la sagesse. Elle est plus intelligente que moi, bien plus honnête que je ne le serai jamais. Elle a beaucoup plus d'éloquence et de clarté d'esprit que moi, que n'importe quel sénateur ou que toi, ô Général. Je refuse de divorcer. Je ne changerai pas d'avis.

César : Oh, Pompée, qu'allons-nous faire de lui. Mon cœur est partagé en deux. Une moitié me dit de l'embrasser comme un fils et l'autre de le faire étrangler.

Pompée : L'exil serait une punition suffisante.

Sylla : Son oncle Marius a été mon rival jusqu'à la mort. Regarde-le, il y a plus d'une dizaine de Marius tapis au fond de lui. Et toi, tu les laisserais survivre ?

 

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Cornélia, sa femme : Tu les laisseras te tuer ?

César : Qu'ils le fassent s'ils le souhaitent, je ne quitterai pas Rome !

Cornélia : Pourquoi faut-il que tu sois aussi orgueilleux et têtu ? Pompée lui-même t'offre son aide. Pourquoi ne pas l'accepter ?

César : Tu as l'air d'oublier le lien qui le lie à Sylla. C'est peut-être un piège.

Cornélia : Tu n'as confiance en personne, tu as tort.

César : Si, je crois en toi.

Cornélia : Alors écoute-moi Caïus. Tu n'es ni Mars, ni Jupiter, tu n'es qu'un homme. Un homme qui rêve de puissance. Et il y a des enjeux qui te dépassent, tu n'es rien encore. J'ai eu si peur qu'ils t'assassinent. J'ai cru que tu étais mort. J'ai même commencé à faire le deuil.

 

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Cornélia : Caïus, tu es là !

César : Reste allongée.

Cornélia : Je veux être assise... Je me change, attends... Ca tourne, j'ai dû me lever trop vite.

César : Retourne au lit, je m'allongerai à tes côtés.

Cornélia : Non, allons manger. Laisse-moi te...

César : Cornélia

Cornélia : J'ai failli ne plus attendre ton retour. Mon cœur s'est épuisé durant toutes ces années. Il n'est que douleur. Ce n'est pas ce que l'on devait vivre tous les deux, Caïus.

César : Je suis revenu, je suis là, mon amour. Ces deux années ont été bien trop longues.

 

lundi, 07 mai 2012

La maison du docteur Edwardes - Hitchcock, Ingrid Bergman, Gregory Peck

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Film : La maison du docteur Edwardes / Spellbound (1945, durée 1h50)

Réalisateur : Alfred Hitchcock

Le docteur Alexander Brulov (Michael Chekhov), le docteur Constance Petersen (Ingrid Bergman), John Ballantine / le docteur Anthony Edwardes / John Brown (Gregory Peck)

Academy Award de la meilleure musique ; nombreuses autres nominations (meilleur second rôle pour Michael Chekhov), N&B, effets spéciaux, etc.

 

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Le docteur Brulov au docteur Petersen : La cervelle d'une femme qui aime est ramenée au niveau intellectuel le plus bas.

 

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