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lundi, 30 juillet 2012

La lune dans le caniveau - Beneix, Yared, Depardieu, Kinski, Abril, Pinon

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Film : La lune dans le caniveau (1983, durée 2h17)

Réalisateur : Jean-Jacques Beneix

D'après le roman The Moon in the Gutter de David Goodis

Musique : Gabriel Yared

Gérard (Gérard Depardieu), Loretta dont Gérard tombe amoureux (Nastassja Kinski), Bella la compagne de Gérard (Victoria Abril), Newton le frère de Loretta (Vittorio Mezzogiorno), Franck (Dominique Pinon), Tom le père de Gérard (Gabriel Monnet), Lola la compagne de Tom (Bertrice Reading), Catherine la sœur de Gérard qui s'est suicidée après avoir été violée (Katia Berger), Frieda (Milena Vukotic).

 

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Newton : C'était magnifique.

Gérard : Qu'est-ce qui était magnifique ?

Newton : Le calendrier.

Gérard : Le calendrier ?

Newton : Le calendrier avec la photo de la fille. Elle portait un manteau d'hermine, il était pas boutonné. Au-dessous, elle avait rien. C'était de ça que je rêvais.

Gérard : Comment elle s'appelait, la fille ?

Newton : Elles ont jamais de nom. Que des numéros de téléphone. Celle-là, elle avait même pas le téléphone. Je les préfère sans téléphone. Celles que j'aime le mieux, c'est les mortes. Elles viennent jamais m'embêter les mortes. Peut-être que je te dois quelque chose ?

Gérard : Pourquoi ?

Newton : Pour avoir arrêté ce rêve. Tu veux que je te paie un rêve ?

Gérard : Peut-être que t'as besoin d'une femme.

Newton : Qui es-tu ?

Gérard : Je suis désolé, monsieur, on ne se connaît pas. Je savais que je vous avais jamais vu mais j'avais besoin de parler à quelqu'un. Je m'appelle Gérard Delmas.

Newton : Moi c'est Newton Channing.

Gérard : Je m'en souviendrai. Vous habitez où ?

Newton : En ville.

Gérard : En haute ville ?

Newton : Oui, la haute. Maison blanche, stores pudiques, pelouse et jets d'eau, parties de tennis invisibles dans des bosquets d'arbres aux essences rares, cris d'enfants blonds, propres, trop propres, purement bourgeois. J'habite avec ma sœur. On s'entend bien. Un soir, la semaine dernière, elle m'a mis KO. C'est vraiment une fille très bien, ma sœur. J'essayais tranquillement de foutre le feu à la baraque, elle a pris sa chaussure, talon aiguille, et paf ! KO, pendant au moins dix minutes.

 

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Loretta : Allez Newton, finis ton verre, on rentre.

Newton : Le dernier tram... Tu es mon ange gardien.

Loretta : Viens, on rentre.

Newton : Je suis pas prêt. Il faut encore que je boive.

Loretta : Tu veux que j'appelle une ambulance ?

Newton : Ca ne fait pas encore d'effet, faut que je reste, jusqu'à ce que ça me fasse de l'effet.

Loretta : Un jour, ça te fera vraiment de l'effet, on t'emportera sur un brancard, c'est ce que tu veux ?

Newton : Ce que je veux, c'est qu'tu me foutes la paix. Tu peux ?

Loretta : Non, je ne peux pas, je tiens beaucoup trop à toi.

Newton : Beaucoup trop. C'est gentil. J'en ai de la chance.

Gérard : Ca n'existe pas, la chance.

Loretta : Tu es mal élevé, Newton. Tu ne m'as pas présentée à ton ami... J'attends toujours, Newton.

Newton : Ici, on ne fait pas de présentations.

Loretta : Je suis désolée, monsieur, je ne pense pas que ce soit cela qu'il veuille dire. C'est parce qu'il a bu.

Gérard : Ca fait rien.

Loretta : Ne le prenez pas mal.

Gérard : Non, j'ai dit ça fait rien.

Newton : Evidemment que ça fait rien.

Loretta : Je m'appelle Loretta.

Newton : C'est très important qu'il sache ton nom. Et ton adresse, invite-le à dîner aussi. Dis-lui : "Vous serez le bienvenu". Prends-lui la main, pour un temps super.

Loretta : Je vais te gifler.

Gérard : C'est pas la peine. Je m'appelle Gérard Delmas.  Votre frère a raison, mademoiselle, vous pouvez venir manger quand vous voulez. J'habite au 7, chemin de l'océan, le 7 ça porte bonheur. C'est la maison la plus pourrie du quartier, vous pouvez pas vous tromper.

 

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Bella : On se marie ou pas ?

Gérard : Je sais pas.

Bella : On se plaît, non ?

Gérard : Ca suffit pas, Bella. T'es trop jalouse.

Bella : J'ai tous les droits d'être jalouse. Peut-être t'as d'autres projets, te fous pas de ma gueule, Gérard.

Gérard : Tu voudrais peut-être que je m'enferme dans un placard.

Bella : Oui. J'aimerais bien. Mais qu'est-ce qui m'arrive !? J'ai ce mec dans la peau, je pense qu'à ça. Je pense qu'à ça. Y'a des nuits, j'peux pas dormir. J'essaie de comprendre. Chaque fois il y a des bonnes femmes, des milliers de femmes, qui veulent toutes t'avoir, elles te courent après.

Gérard : Y'en a pas d'autre, Bella.

Bella : Je peux pas m'empêcher. Je suis jalouse, jalouse ! Tu comprends ça ?

Gérard : J'ai pas regardé un cul depuis qu'on est ensemble.

Bella : Mais c'est pas toi ! C'est pas toi. Comment elles te regardent. T'as vu la gueule que t'as ? Tu vois ta gueule ?

 

Elle lui tend un miroir.

 

Bella : Penche-toi. Encore. Là. Tu vois ta gueule ? C'est cette gueule-là que t'as quand t'es au-dessus d'une femme. Quand tu baises, quand tu me baises... Viens, viens, on rentre, viens ! [...] Tu viens ?

Gérard : J'prends l'air.

Bella : Combien de temps ?

Gérard : J'sais pas.

Bella : J'ai pas envie d'attendre.

 

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Gérard : Vous êtes sure de pas vous gourrer d'adresse ?

Loretta : On peut pas se tromper, c'est la maison la plus pourrie de tout le quartier. J'accepte votre invitation.

Gérard : Il est un peu tard pour dîner.

Loretta : Non, c'est juste une visite, j'avais envie de vous voir.

Gérard : C'est gentil. C'est gentil. Il est deux heures du matin, vous me voyez.

Loretta : Oui, j'espérais que vous ne seriez pas couché.

Gérard : Vous m'auriez réveillé. Vous auriez défoncé la porte de ma chambre.

Loretta : Non, je ne vais jamais jusque là. Jamais.

Gérard : Je n'en suis pas si sûr.

 

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Voix off : Il savait que dans quelques heures la frénésie reviendrait. Des hordes de camions envahiraient le port, le ventre des navires s'ouvrirait, les bras de métal se tendraient, les câbles siffleraient, une chaleur de plomb s'abattrait sur le port et les hommes sueraient au travail.

 

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Loretta : Pourquoi vous serrez toujours les poings ?

Gérard : J'suis un docker, je vois pas les choses comme vous.

Loretta :On voit tous les deux la même chose.

Gérard : Regardez de plus près. Vous êtes venue voir la saleté, alors regardez-là.

Loretta : Pourquoi vous dites saleté ? C'est magnifique.

Gérard : Un rêve, une ville propre, blanche, avec de jets d'eau, des arbres. C'était ça que je rêvais quand vous me réveillez pour me montrer l'endroit où je travaille.

Loretta : Tu n'as jamais voulu t'en aller sur un bateau ?

Gérard : Si.

Loretta : Alors ?

Gérard : Peut-être que j'en ai trop vu partir.

 

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Gérard : Vous faites une promenade, mais faites attention. Vous êtes dans un monde de brutes.

Loretta : Mais vous n'êtes pas une brute, vous vous êtes souvenu de mon nom. Je vous plais ?... Emmenez-moi. Loin.

Gérard : Laissez tomber.

Loretta : Je ne peux pas. J'attends depuis si longtemps.

Gérard : C'est dommage.

Loretta : Dommage pour nous deux.

Gérard : Pas pour moi.

Loretta : C'est faux. Regardez-moi. S'il vous plaît, regardez-moi. Regardez-moi.

Gérard : Foutez le camp.

Loretta : Je te fais peur. Un jour, vous parlerez, vous laisserez s'ouvrir votre cœur, il y aura du bleu dans votre ciel et une route infinie vers le soleil, des bateaux comme des oiseaux, la douceur. Vous n'aurez plus peur. Il fera beau. Il n'y a pas de fatalité au malheur.

Gérard : Foutez le camp.

 

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Gérard : Je voulais pas te frapper, mais y'a un moment où...

Loretta : Ne t'excuse pas ! Ne t'excuse pas. J'aurais pas dû venir sur ce quai, ah non, j'avais pas le droit de te photographier.

Gérard : Tu l'as fait.

Loretta : Oui, je n'ai pas d'excuse, c'est tout, j'ai honte. Pardonne-moi.

Gérard : C'est classé, oublie ça.

Loretta : Je peux pas, je regrette ! Je veux te le dire !

Gérard : Voilà, c'est fait.

Loretta : T'as perdu ton boulot ?

Gérard : Oui, la vie c'est pas un pique-nique.

Loretta : C'est de ma faute. Laisse-moi t'aider.

Gérard : M'aider ?

Loretta : Je connais l'armateur, je vais aller le voir. Ca marchera.

Gérard : Si je retrouve mon travail, ce serait important.

Loretta : Oh oui, oui, pour moi aussi, je suis responsable. Tu me dois rien. C'est de ma faute.

Gérard : Au revoir.

Loretta : Alors je pense qu'on se reverra plus. Hein ?

Gérard : Non. Non.

 

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Frieda : Il te faut une femme, tu peux pas continuer comme ça.

Newton : Une femme comme toi, Frieda.

Frieda : Le couple, ça équilibre. C'est important, l'équilibre.

Newton : Quel âge t'as, Frieda ?

Frieda : Je suis comme neuve.

Newton : Tu pèses combien ?

Frieda : Quarante... habillée.

Newton : Tu sais faire la cuisine ?

Frieda : C'est pas c'que je sais faire de mieux.

Newton : Tu devrais apprendre.

Frieda : Vraiment ?

Newton : Oui, je voudrais que tu apprennes.

Gérard : Il se fout de ta gueule ! Il se fout de ta gueule, j'te dis, pauv'conne ! Il en veut pour son argent.

Frieda : C'est ça qu'il fait ? T'es juste en train de te moquer de moi ?

Newton : T'es belle, Frieda, t'es belle.

Frieda : Ca fait rien. Tu sais, c'est juste pour rire. Ca peut pas être sérieux. Ca fait rien.

Newton : Tu te trompes, crois-moi.

 

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Gérard : T'es belle, t'es pure.

Loretta : Aujourd'hui tu le dis franchement ? C'est toi que je veux, j'ai ressenti tout de suite quelque chose, fort, une sensation, un sentiment que je n'avais jamais eu avant. C'est tout ce que je sais. Seulement, être, près de toi.

Gérard : Pour toujours... Loretta, ne pars jamais.

 

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Gérard : Tu l'aimes, ton frère ?

Loretta : C'est un ivrogne, un paresseux, un excentrique mais, quelques fois, il est très tendre. Oui, je l'aime, je l'aime.

Gérard : Qu'est-ce qu'il vient faire par ici ?

Loretta : Ici, il croit pouvoir se cacher, cacher.

Gérard : De quoi ?

Loretta : De lui-même.

Gérard : Je comprends pas.

Loretta : C'est pas la peine d'en parler.

 

Gérard et Loretta se marient.

 

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Bella : Où tu vas ?

Gérard : J'ai un lit.

Bella : Ah oui ? Ecoute voir un peu, espèce de pouilleux !

Gérard : Ne m'parle pas comme ça !

Bella : Tu vas me raconter, hein, maintenant.

Gérard : Il faut que je dorme, j'ai la gueule de bois.

Bella : Justement, t'as fait quoi hier soir ? Tu bois jamais !

Gérard : Rien !

Bella : Rien ? Je te retrouve dans le coma en train de bécoter une sainte Vierge (une statuette) et c'est normal ?

Gérard : Et alors ?

Bella : Et alors je suis jalouse. Et ça me rend curieuse. Tu pèses lourd, tu sais, je t'ai traîné jusqu'ici.

Gérard : Merci.

Bella : C'est pas pour que tu me dises merci. C'est pour être sure d'être là, raconte !

Gérard : Non, tu manques pas de culot, toi. Mais j't'ai pas demandé de m'amener dans ton pieu. 

Bella : Comme si c'était la première fois. D'habitude il faut pas te traîner, mon salaud. Tu vas pas dormir.

Gérard : Si.

Bella : Tu vas pas dormir, je te dis ! Tu vas me raconter.

 

Il essaie de la calmer avec un câlin.

 

Bella : Non, c'est trop facile.

Gérard : Alors mets quelque chose.

Bella : Ca t'excite ? Tu veux pas que ça t'excite ?

Gérard : Ecoute, Bella. Ecoute.

Bella : J'vais t'aider. Elle est bien restée à t'attendre dans sa belle bagnole. Elle a bien pleuré avec ses beaux yeux. Mais elle s'est tirée, tiens ! Moi je suis plus patiente.

Gérard : J'étais venu chercher mes affaires, tu comprends ? C'est fini, tous les deux.

Bella : Quoi ?

Gérard : Je me suis marié, hier soir.

Bella : C'est pas vrai.

Gérard : Chez le vieux.

Bella : Non.

Gérard : Elle a signé. Moi aussi.

Bella : C'est pas vrai, ça. C'est pas vrai. C'est pas vrai. Avec cette pute de riche ! Tu mens. T'as pas d'alliance.

Gérard : Ah oui. Dans ma chemise.

Bella : Mais c'est du plastic ça, t'étais bourré, t'étais bourré, tu savais pas ce que tu faisais, ça compte pas, ça compte pas !

Gérard : On a bu après.

Bella : Chambre d'hôtel ? Raconte. Les détails, je veux tout savoir, vas-y.

Gérard : Il s'est rien passé, si c'est ça que tu veux savoir. J'suis venu chercher mes affaires. Elle m'attendait. J'sais pas c'qui s'est passé, j'étais bourré, j'suis tombé, j'me suis trompé d'chambre.

Bella : Non, tu t'es trompé pas beaucoup, maintenant t'es dans la bonne, t'es dans la bonne chambre. J'suis là. Baise-moi, baise-moi.

Gérard : J'ai plus envie, Bella. J'ai plus envie.

Bella : Attends ! Attends. T'en veux une ? Tu veux une cigarette ?

Gérard : Faut qu'tu comprennes un truc, Bella. J'suis marié.

Bella : Où elle est ? Où elle est ? Où elle est, la mariée ? Où elle est ? Où elle est la mariée ? Tu sais pas ? Je vais te dire. Elle est dans son p'tit lit bien propre. Elle dort d'un sommeil bien propre. Mais elle dormira jamais dans un taudis ! Elle s'est taillée, la mariée ! Mais vraiment, on peut pas lui en vouloir, c'est dur de vivre ici, faut y être né ! Ca se casse la gueule, on roule sur les bouteilles, c'est crasseux, ça pue ! Tu sais ce qu'elle va faire, hein ? Elle va aller au coiffeur, elle va se nettoyer la tête, s'asperger de DDT, elle va se laver et s'astiquer !!

Gérard : Arrête !! Tu la fermes ! Tu la fermes. Ou j'te casse la tête.

Bella : Là haut, on respire, dans les beaux quartiers.

Gérard : T'as rien compris, Bella, t'as rien compris. Elle est partie mais elle m'a pas quitté.

Bella : C'est toi qui a rien compris. Peut-être qu'elle t'aime, oui, mais elle, elle quittera jamais son quartier. Et toi, toi, t'es d'ici, et tu seras toujours d'ici.

Gérard : Il suffit d'un ticket de train, Bella.

Bella : Mais non.

Gérard : Un ticket.

Bella : Mais non, dépense pas ton fric pour rien. Dépense pas ton fric pour rien !

Gérard : Elle m'attend, là-haut. Dis à la grosse que j'mangerai pas là ce soir.

Bella : Crétin !