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lundi, 28 octobre 2013

Diva - Beineix, Bohringer, Darmon, Pinon

Beneix, bohringer, darmon, pinon, diva

 

Film : Diva (1980, duré 1h55)

Réalisateur : Jean-Jacques Beineix

Jules (Frédéric Andréi), Gorodish (Richard Bohringer), Jean Saporta (Jacques Fabbri), Weinstadt (Roland Bertin), Krantz (Jean-Jacques Moreau), Zatopek (Patrick Floersheim), "l'Antillais" (Gérard Darmon), "le curé" (Dominique Pinon) 

Cynthia Hawkins (Wilhelmenia Wiggins Fernandez), Alba (An Luu Thuy), Nadia (Chantal Deruaz), Paula (Anny Romand)
 
 

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Cynthia : Pilote ?

Jules : Non, postier.

Cynthia : Did you like the recital ?

Jules : Yes, very much. 

 

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Jules : T'aimes le jazz ?

Alba : Evidemment, sinon je piquerais du mambo. Dommage que j'aime que le disco. Mais le classique, ça m'fait pas planer.

Jules : Mais j'suis pas un classique, j'suis un lyrique. Ca, c'est une ouverture.

Alba : Dépêche-toi, parce que moi j'vais fermer.

Jules : Hé, t'inquiètes pas. Ca t'embête pas trop qu'on cause ?

Alba : Si, pourquoi ?

Jules : C'était toi sur la photo ?

Alba : Non, c'était un cro-crodile.

Jules : C'est quoi ton truc ?

Alba : Ah, tiens, regarde.

Jules : Pas con.

Alba : Evidemment, c'est artisanal.

Jules : Et pour les coffrets, tu fais un pont aérien.

Alba : J'ai un autre truc.

Jules : C'est quoi ?

Alba : Dis-donc !

Jules : Et t'en fauches beaucoup comme ça ?

Alba : C'est pas pour moi, c'est pour offrir.

Jules : A qui ?

Alba : T'es pas vraiment curieux comme mec, toi ? C'est pour offrir à... un mec. Un mec qui est dans sa période cool.

Jules : C'est qui ?

Alba : Un métèque, un rasta.

Jules : Hé, marche pas si vite.

Alba : Un mec qui rêve d'arrêter les vagues. 

 

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Alba à Gorodish : Au fond, t'es un lyrique ! De toute manière, y'en a un qui m'a invitée à dîner ce soir.

 

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Alba : Alors je suis quoi ?

Jules : Dramatique.

Alba : Dramatique ?

Jules : Ouais.

Alba : T'avais dit lyrique ?

Jules : Mais non ! C'est aussi bien dramatique. C'est même mieux.

Alba : Mmmh, plutôt lugubre comme décor.

Jules : Tu crois ? Ici, on fait dans le désastre, désastre de luxe.

Alba : Celle-là, c'est quoi ?

Jules : Aaaah, mademoiselle a du goût. C'est une Rolls Royce, Corniche. Ca s'est passé à Monaco, au Casino, contre un palmier. Eh oui, on est vraiment peu de choses.

Alba : On croirait pas qu'une Rolls ça pourrait avoir un accident. Il en avait une comme ça quand il m'a prise en stop. J'ai pas hésité, j'suis montée tout de suite.

Jules : Ouais, eh benh maintenant, si mademoiselle veut bien me suivre.

[...]

Jules : Tu veux boire quelque chose ?

Alba : Ouais. Chouette...

Jules : C'ets ce que j'ai trouvé, c'est peut-être pas frais, mais ça fait des bulles.

Alba : J'sais pas boire à la boite. T'as pas une paille ?

Jules : Une paille ?

Alba : Tu sais, une paille tordue.

Jules : Une paille tordue ?

Alba : Tordue, très chic. [...]

Jules : Tiens, j'ai que ça, tordue.

Alba : C'est ça que t'appelles tordue ?

Jules : Benh, tordue, oui, c'est tout ce que j'ai de plus tordu.

Alba : Ca pue l'essence !

Jules : Benh, c'est une durite.

Alba : Ah, bon, benh oui, c'est normal. C'est ça ton agra ?

Jules : Nagra, N.

Alba : Comment ça marche ?

Jules : Eh mais qu'est-ce tu fais là ? Non-non-non-non, touche pas au matos, c'est sacré ça, non-non, faut pas toucher à ça.

Alba : Oh, t'es d'un maniac, mon vieux, j'vais pas t'le boucher ton Nagra !

Jules : Ouais benh ça c'est suisse et c'est précis, très précis.

Alba : Ta Nagra, t'as l'air suisse, toi.

 

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Alba : C'est elle ? C'est elle, Cynthia Hawkins ?

Jules : Ouais.

Alba : Qu'est-ce qu'elle est beeeeelle !

Jules : Tu trouves ?

Alba : Ouais, très belle. Oh, t'es amoureux, Jules ?

Jules : Mais non, j'suis pas amoureux.

Alba : Mais si, t'es amoureux.

Jules : Mais non, j'suis pas amoureux. Tiens attends, viens voir, on va l'écouter, mets ça. 

Alba : Attends.

Jules : Mais, qu'est-ce tu fais avec ma montre ? Mais, ma Skeleton !

Alba : Pleure pas, baigneur, j'en une entièrement en plastoc, beaucoup mieux, super pour un petit crapaud comme toi.

Jules : C'est une Rolex ?

Alba : Ouais, ma première fauche.

Jules : Non mais tu sais combien ça vaut un truc comme ça ?

Alba : Ouais. Merci Jules.

Jules : C'est la Wally, de Catalani. Ca se passe dans les montagnes. C'est une femme, elle veut mourir. Elle a un chagrin d'amour, et elle chante. Elle dit "je veux m'en aller au loin, très loin, là-bas où les nuages sont dorés, là-bas où la neige est blanche. Sans doute ne me reverras-tu plus. Plus jamais." C'est tragique. Et à la fin, à la fin elle se jette dans un couloir d'avalanche.

Alba : Mélo dis-donc, super !

Jules : Ecoute, ça va commencer.

 

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L'homme qui tient l'échoppe : Enfin ! Chômeurs ! Réfugiés ! Malheureux en amour ! La chance est une maîtresse volage ! Attention, attention ! Saissez-lui la crinière ! Un cadeau pour le gagnant, ma considération pour le perdant ! Tentez votre chance pendant que la roue tourne ! Eh oui, madame, elle tourne !

L'homme : Tu vois, j'te l'avais dit. Allez, viens !

La femme : Oh, c'est béta, on l'avait déjà sur la ch'minée (un petit buste de Beethoven).

L'homme : Viens, j'te dis.

 

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"Le curé" : J'aime pas Beethov. 

 

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Alba à Jules, devant le miroir : Dis, tu trouves pas que je commence à [...] ?

 

 

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Gorodish : T'as vu l'heure ? Tu me refais un coup comme ça et je te remets au bord de ta nationale, avec tes viet-congs.

Alba : Ecoute, m'eugueule pas. J'ai fait un truc terrible. Attends, bouge pas.

 

Elle lui fait écouter la diva.

 

Gorodish : La Wally. Cynthia Hawkins. Comment tu l'as eu ? Elle a jamais fait un seul enregistrement.

Alba : A-aaaaa...

 

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Une prostiuée : C'est gentil comme métier, postier.

Jules : Ca dépend.

Une prostiuée : C'est toi qui portes les lettres d'amour ?

Jules : Oui, des contraventions aussi.

Une prostiuée : Je m'en fous, j'ai pas de voiture. Dans ma famille, ils sont tous dans les postes, mon beau-frère, Marc, un grand, tu le connais pas ?

Jules : Peut-être, tu sais, on est nombreux.

 

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Un journaliste : Donc vous êtes contre le commerce de l'art ?

Cynthia Hawkins : Non, non, c'est au commerce de s'adapter à l'art. Et non pas à l'art de s'adapter au commerce.

Un journaliste : Et qu'en pense monsieur Weinstatt, votre impresario ?

Cynthia Hawkins : Posez-vous lui-même la question.

Un autre journaliste : Que pensez-vous des enregistrements pirates ?

Cynthia Hawkins : C'est un vol, un viol, je les méprise and I have no further comment on that subject.

Un journaliste : On parle de vous comme une diva. Est-ce que vous avez l'impression d'en être une vraiment ? Et si oui, est-ce que vous faites des caprices ?

Cynthia Hawkins : Capries ?

Un autre journaliste : Whims.

Cynthia Hawkins : Whims... !

 

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Gorodish : Il faut qu'il soit à la bonne température. La baguette. Le couteau, pas trop mince, mais pas trop épais. La mie, fraîche ! Ah, c'est tout un art. On nous envie dans le monde entier pour ça, nous autres les Français. Regarde. Tu étales. Y'en a qui se défoncent à la colle d'avion, à la lessive, enfin des trucs compliqués quoi. Tu vois, mon satori, c'est ça, le zen dans l'art de la tartine. Regarde, tu peux regarder. Y'a plus de couteau, y'a plus de pain, y'a plus de beurre ! Y'a plus qu'un geste, qui se répète, un mouvement, l'espace, le vide. Tu sais que ça coûte cher ?

Jules : Le caviar ?

Gorodish : Non, pas le caviar. Le caviar, c'est encore un cadeau d'Alba. Non, ton enregistrement. D'abord y'en a pas dans le commerce. Et en plus, le concert de l'autre soir, c'était le meilleur. Alors ?

Jules : Je fais ça parce que ça me branche moi, pour le plaisir.

Gorodish : Le plaisir. Le plaisir. Mais y'a pas de plaisir innocent.

 

 

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"Le curé" : J'aime pas les parkings.

 

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 - Nous croyons qu'il existe un enregistrement d'excellente qualité pour Cythia Hawkins. Cet enregistrement, comment dire, nous intéresse. En exclusivité, bien entendu.

Gorodish : Vous ne pensez pas qu'il encore un petit peu trop tôt pour parler d'affaires.

- Nous vous rappellerons. La patience du buffle est immense mais sa force aussi.

Gorodish : Abyssus abyssum invocat.

Alba : C'est quoi abyssus abyssum ?

Gorodish : Ca veut dire l'abime appelle l'abime. 

 

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Cynthia Hawkins : Si tu n'existais pas, il ne faudrait pas t'inventer.

Jules : Pourquoi ?

Cynthia Hawkins : Parce que tu connais trop bien la musique. Je veux dire, l'opéra.

Jules : Mais j'aime la musique.

Cynthia Hawkins : Je sais, nous l'aimons tous les deux. Et maintenant, je dois tavailler, à propos de musique.

 

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mercredi, 14 novembre 2012

Les Arcandiers - De La Brosse, Pinon

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Film : Les Arcandiers (1991, durée 1h35)

Réalisateur : Manuel Sánchez

Tonio (Simon de La Brosse), Bruno (Dominique Pinon), Hercule (Charles Schneider), Véronique (Géraldine Pailhas), "l'ingénieur" fan de Johnny (Yves Afonso), Lamotte (Rudy Moraes)

 

¤     ¤     ¤

 
 

Bruno :  Alors, Hercule, qu'est-ce qui t'arrive ?

Hercule : Devine.

Bruno : Tu vas pas me dire qu'on t'a encore piqué ta mob. Tiens, j't'en roule une !

Hercule : Non.

Bruno : Allez !

Hercule : Non, j'te dis.

Tonio : Putain de blème. Tu peux rien laisser cinq minutes. Moi, j'vous l'dis, les gars, hein, il faut s'casser. Bon, moi j'vais aller bouffer, moi. A tout à l'heure chez Lamotte.

Hercule : Qu'est-ce qu'il a ?

Bruno : Il veut s'casser.

 

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Tonio : Si on allait au Brésil, hein ?

Hercule : Qu'est-ce qu'on irait foutre au Brésil ? Je parle pas espagnol, moi.

Tonio : L'espagnol ? Mais c'est le portuguais là-bas, nez-de-boeuf.

Hercule : Parlent pas l'espagnol, les Portuguais ?

Tonio : ...

Hercule : Forcément, tu m'causes tout l'temps, comment veux-tu qu'je joue, moi ?

Tonio : J'ai un oncle à mon vieux là-bas. Si je l'trouve, il nous aidera, c'est sûr.

Bruno : Tu parles. Les Da Silva, au Brésil, tu tapes d'un arbre, il en tombe quinze.

Tonio : Combien tu paries qu'on l'trouve ? T'as jamais ouvert un bottin, toi !

Bruno : Mais comment on va faire ? On est secs comme les couilles au Taupin. On a jamais quitté notre bled sauf pour aller en colo à la Bourboule. Toi, tu veux aller au Brésil. Allez, laisse tomber.

Tonio : Moi je m'demande ce que j'fous avec deux glands pareils.

Hercule : On s'demande, ouais.

Bruno : C'est vrai, on s'demande. Un mec aussi intelligent que toi, qu'est-ce qui peut bien foutre avec deux débiles comme nous.

Hercule : On s'demande.

 

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Tonio : Qu'est-ce que vous en pensez ?

Bruno : Fais voir ? ... C'est pas mon genre.

Hercule : Moi j'en ai rien à foutre de sainte Bernadette.

Tonio : Benh j'en suis tombé amoureux. Quand j'l'ai regardée, ça a été la révélation, le déclic. J'l'ai regardée, elle m'a regardé, on s'est compris.

Bruno : T'as picolé, Tonio.

Tonio : On va tirer la sainte, les gars.

Hercule : On va tirer une morte ?

Bruno : J't'ai déjà dit, c'est pas mon genre.

Hercule : Remarque, elle est pas mal.

Tonio : Bruno, qu'est-ce t'en penses ?

Bruno : J'en pense que... ça va encore merder.

Hercule : Il a pas tort.

 

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Bruno : "Je ne vous promets pas d'être heureuse en ce monde, mais dans l'autre". Elle annonce la couleur, Bernadette. On la transporte comment ? 

 

 

 à suivre...

 

lundi, 30 juillet 2012

La lune dans le caniveau - Beneix, Yared, Depardieu, Kinski, Abril, Pinon

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Film : La lune dans le caniveau (1983, durée 2h17)

Réalisateur : Jean-Jacques Beneix

D'après le roman The Moon in the Gutter de David Goodis

Musique : Gabriel Yared

Gérard (Gérard Depardieu), Loretta dont Gérard tombe amoureux (Nastassja Kinski), Bella la compagne de Gérard (Victoria Abril), Newton le frère de Loretta (Vittorio Mezzogiorno), Franck (Dominique Pinon), Tom le père de Gérard (Gabriel Monnet), Lola la compagne de Tom (Bertrice Reading), Catherine la sœur de Gérard qui s'est suicidée après avoir été violée (Katia Berger), Frieda (Milena Vukotic).

 

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Newton : C'était magnifique.

Gérard : Qu'est-ce qui était magnifique ?

Newton : Le calendrier.

Gérard : Le calendrier ?

Newton : Le calendrier avec la photo de la fille. Elle portait un manteau d'hermine, il était pas boutonné. Au-dessous, elle avait rien. C'était de ça que je rêvais.

Gérard : Comment elle s'appelait, la fille ?

Newton : Elles ont jamais de nom. Que des numéros de téléphone. Celle-là, elle avait même pas le téléphone. Je les préfère sans téléphone. Celles que j'aime le mieux, c'est les mortes. Elles viennent jamais m'embêter les mortes. Peut-être que je te dois quelque chose ?

Gérard : Pourquoi ?

Newton : Pour avoir arrêté ce rêve. Tu veux que je te paie un rêve ?

Gérard : Peut-être que t'as besoin d'une femme.

Newton : Qui es-tu ?

Gérard : Je suis désolé, monsieur, on ne se connaît pas. Je savais que je vous avais jamais vu mais j'avais besoin de parler à quelqu'un. Je m'appelle Gérard Delmas.

Newton : Moi c'est Newton Channing.

Gérard : Je m'en souviendrai. Vous habitez où ?

Newton : En ville.

Gérard : En haute ville ?

Newton : Oui, la haute. Maison blanche, stores pudiques, pelouse et jets d'eau, parties de tennis invisibles dans des bosquets d'arbres aux essences rares, cris d'enfants blonds, propres, trop propres, purement bourgeois. J'habite avec ma sœur. On s'entend bien. Un soir, la semaine dernière, elle m'a mis KO. C'est vraiment une fille très bien, ma sœur. J'essayais tranquillement de foutre le feu à la baraque, elle a pris sa chaussure, talon aiguille, et paf ! KO, pendant au moins dix minutes.

 

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Loretta : Allez Newton, finis ton verre, on rentre.

Newton : Le dernier tram... Tu es mon ange gardien.

Loretta : Viens, on rentre.

Newton : Je suis pas prêt. Il faut encore que je boive.

Loretta : Tu veux que j'appelle une ambulance ?

Newton : Ca ne fait pas encore d'effet, faut que je reste, jusqu'à ce que ça me fasse de l'effet.

Loretta : Un jour, ça te fera vraiment de l'effet, on t'emportera sur un brancard, c'est ce que tu veux ?

Newton : Ce que je veux, c'est qu'tu me foutes la paix. Tu peux ?

Loretta : Non, je ne peux pas, je tiens beaucoup trop à toi.

Newton : Beaucoup trop. C'est gentil. J'en ai de la chance.

Gérard : Ca n'existe pas, la chance.

Loretta : Tu es mal élevé, Newton. Tu ne m'as pas présentée à ton ami... J'attends toujours, Newton.

Newton : Ici, on ne fait pas de présentations.

Loretta : Je suis désolée, monsieur, je ne pense pas que ce soit cela qu'il veuille dire. C'est parce qu'il a bu.

Gérard : Ca fait rien.

Loretta : Ne le prenez pas mal.

Gérard : Non, j'ai dit ça fait rien.

Newton : Evidemment que ça fait rien.

Loretta : Je m'appelle Loretta.

Newton : C'est très important qu'il sache ton nom. Et ton adresse, invite-le à dîner aussi. Dis-lui : "Vous serez le bienvenu". Prends-lui la main, pour un temps super.

Loretta : Je vais te gifler.

Gérard : C'est pas la peine. Je m'appelle Gérard Delmas.  Votre frère a raison, mademoiselle, vous pouvez venir manger quand vous voulez. J'habite au 7, chemin de l'océan, le 7 ça porte bonheur. C'est la maison la plus pourrie du quartier, vous pouvez pas vous tromper.

 

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Bella : On se marie ou pas ?

Gérard : Je sais pas.

Bella : On se plaît, non ?

Gérard : Ca suffit pas, Bella. T'es trop jalouse.

Bella : J'ai tous les droits d'être jalouse. Peut-être t'as d'autres projets, te fous pas de ma gueule, Gérard.

Gérard : Tu voudrais peut-être que je m'enferme dans un placard.

Bella : Oui. J'aimerais bien. Mais qu'est-ce qui m'arrive !? J'ai ce mec dans la peau, je pense qu'à ça. Je pense qu'à ça. Y'a des nuits, j'peux pas dormir. J'essaie de comprendre. Chaque fois il y a des bonnes femmes, des milliers de femmes, qui veulent toutes t'avoir, elles te courent après.

Gérard : Y'en a pas d'autre, Bella.

Bella : Je peux pas m'empêcher. Je suis jalouse, jalouse ! Tu comprends ça ?

Gérard : J'ai pas regardé un cul depuis qu'on est ensemble.

Bella : Mais c'est pas toi ! C'est pas toi. Comment elles te regardent. T'as vu la gueule que t'as ? Tu vois ta gueule ?

 

Elle lui tend un miroir.

 

Bella : Penche-toi. Encore. Là. Tu vois ta gueule ? C'est cette gueule-là que t'as quand t'es au-dessus d'une femme. Quand tu baises, quand tu me baises... Viens, viens, on rentre, viens ! [...] Tu viens ?

Gérard : J'prends l'air.

Bella : Combien de temps ?

Gérard : J'sais pas.

Bella : J'ai pas envie d'attendre.

 

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Gérard : Vous êtes sure de pas vous gourrer d'adresse ?

Loretta : On peut pas se tromper, c'est la maison la plus pourrie de tout le quartier. J'accepte votre invitation.

Gérard : Il est un peu tard pour dîner.

Loretta : Non, c'est juste une visite, j'avais envie de vous voir.

Gérard : C'est gentil. C'est gentil. Il est deux heures du matin, vous me voyez.

Loretta : Oui, j'espérais que vous ne seriez pas couché.

Gérard : Vous m'auriez réveillé. Vous auriez défoncé la porte de ma chambre.

Loretta : Non, je ne vais jamais jusque là. Jamais.

Gérard : Je n'en suis pas si sûr.

 

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Voix off : Il savait que dans quelques heures la frénésie reviendrait. Des hordes de camions envahiraient le port, le ventre des navires s'ouvrirait, les bras de métal se tendraient, les câbles siffleraient, une chaleur de plomb s'abattrait sur le port et les hommes sueraient au travail.

 

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Loretta : Pourquoi vous serrez toujours les poings ?

Gérard : J'suis un docker, je vois pas les choses comme vous.

Loretta :On voit tous les deux la même chose.

Gérard : Regardez de plus près. Vous êtes venue voir la saleté, alors regardez-là.

Loretta : Pourquoi vous dites saleté ? C'est magnifique.

Gérard : Un rêve, une ville propre, blanche, avec de jets d'eau, des arbres. C'était ça que je rêvais quand vous me réveillez pour me montrer l'endroit où je travaille.

Loretta : Tu n'as jamais voulu t'en aller sur un bateau ?

Gérard : Si.

Loretta : Alors ?

Gérard : Peut-être que j'en ai trop vu partir.

 

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Gérard : Vous faites une promenade, mais faites attention. Vous êtes dans un monde de brutes.

Loretta : Mais vous n'êtes pas une brute, vous vous êtes souvenu de mon nom. Je vous plais ?... Emmenez-moi. Loin.

Gérard : Laissez tomber.

Loretta : Je ne peux pas. J'attends depuis si longtemps.

Gérard : C'est dommage.

Loretta : Dommage pour nous deux.

Gérard : Pas pour moi.

Loretta : C'est faux. Regardez-moi. S'il vous plaît, regardez-moi. Regardez-moi.

Gérard : Foutez le camp.

Loretta : Je te fais peur. Un jour, vous parlerez, vous laisserez s'ouvrir votre cœur, il y aura du bleu dans votre ciel et une route infinie vers le soleil, des bateaux comme des oiseaux, la douceur. Vous n'aurez plus peur. Il fera beau. Il n'y a pas de fatalité au malheur.

Gérard : Foutez le camp.

 

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Gérard : Je voulais pas te frapper, mais y'a un moment où...

Loretta : Ne t'excuse pas ! Ne t'excuse pas. J'aurais pas dû venir sur ce quai, ah non, j'avais pas le droit de te photographier.

Gérard : Tu l'as fait.

Loretta : Oui, je n'ai pas d'excuse, c'est tout, j'ai honte. Pardonne-moi.

Gérard : C'est classé, oublie ça.

Loretta : Je peux pas, je regrette ! Je veux te le dire !

Gérard : Voilà, c'est fait.

Loretta : T'as perdu ton boulot ?

Gérard : Oui, la vie c'est pas un pique-nique.

Loretta : C'est de ma faute. Laisse-moi t'aider.

Gérard : M'aider ?

Loretta : Je connais l'armateur, je vais aller le voir. Ca marchera.

Gérard : Si je retrouve mon travail, ce serait important.

Loretta : Oh oui, oui, pour moi aussi, je suis responsable. Tu me dois rien. C'est de ma faute.

Gérard : Au revoir.

Loretta : Alors je pense qu'on se reverra plus. Hein ?

Gérard : Non. Non.

 

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Frieda : Il te faut une femme, tu peux pas continuer comme ça.

Newton : Une femme comme toi, Frieda.

Frieda : Le couple, ça équilibre. C'est important, l'équilibre.

Newton : Quel âge t'as, Frieda ?

Frieda : Je suis comme neuve.

Newton : Tu pèses combien ?

Frieda : Quarante... habillée.

Newton : Tu sais faire la cuisine ?

Frieda : C'est pas c'que je sais faire de mieux.

Newton : Tu devrais apprendre.

Frieda : Vraiment ?

Newton : Oui, je voudrais que tu apprennes.

Gérard : Il se fout de ta gueule ! Il se fout de ta gueule, j'te dis, pauv'conne ! Il en veut pour son argent.

Frieda : C'est ça qu'il fait ? T'es juste en train de te moquer de moi ?

Newton : T'es belle, Frieda, t'es belle.

Frieda : Ca fait rien. Tu sais, c'est juste pour rire. Ca peut pas être sérieux. Ca fait rien.

Newton : Tu te trompes, crois-moi.

 

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Gérard : T'es belle, t'es pure.

Loretta : Aujourd'hui tu le dis franchement ? C'est toi que je veux, j'ai ressenti tout de suite quelque chose, fort, une sensation, un sentiment que je n'avais jamais eu avant. C'est tout ce que je sais. Seulement, être, près de toi.

Gérard : Pour toujours... Loretta, ne pars jamais.

 

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Gérard : Tu l'aimes, ton frère ?

Loretta : C'est un ivrogne, un paresseux, un excentrique mais, quelques fois, il est très tendre. Oui, je l'aime, je l'aime.

Gérard : Qu'est-ce qu'il vient faire par ici ?

Loretta : Ici, il croit pouvoir se cacher, cacher.

Gérard : De quoi ?

Loretta : De lui-même.

Gérard : Je comprends pas.

Loretta : C'est pas la peine d'en parler.

 

Gérard et Loretta se marient.

 

¤  ¤   ¤

 

Bella : Où tu vas ?

Gérard : J'ai un lit.

Bella : Ah oui ? Ecoute voir un peu, espèce de pouilleux !

Gérard : Ne m'parle pas comme ça !

Bella : Tu vas me raconter, hein, maintenant.

Gérard : Il faut que je dorme, j'ai la gueule de bois.

Bella : Justement, t'as fait quoi hier soir ? Tu bois jamais !

Gérard : Rien !

Bella : Rien ? Je te retrouve dans le coma en train de bécoter une sainte Vierge (une statuette) et c'est normal ?

Gérard : Et alors ?

Bella : Et alors je suis jalouse. Et ça me rend curieuse. Tu pèses lourd, tu sais, je t'ai traîné jusqu'ici.

Gérard : Merci.

Bella : C'est pas pour que tu me dises merci. C'est pour être sure d'être là, raconte !

Gérard : Non, tu manques pas de culot, toi. Mais j't'ai pas demandé de m'amener dans ton pieu. 

Bella : Comme si c'était la première fois. D'habitude il faut pas te traîner, mon salaud. Tu vas pas dormir.

Gérard : Si.

Bella : Tu vas pas dormir, je te dis ! Tu vas me raconter.

 

Il essaie de la calmer avec un câlin.

 

Bella : Non, c'est trop facile.

Gérard : Alors mets quelque chose.

Bella : Ca t'excite ? Tu veux pas que ça t'excite ?

Gérard : Ecoute, Bella. Ecoute.

Bella : J'vais t'aider. Elle est bien restée à t'attendre dans sa belle bagnole. Elle a bien pleuré avec ses beaux yeux. Mais elle s'est tirée, tiens ! Moi je suis plus patiente.

Gérard : J'étais venu chercher mes affaires, tu comprends ? C'est fini, tous les deux.

Bella : Quoi ?

Gérard : Je me suis marié, hier soir.

Bella : C'est pas vrai.

Gérard : Chez le vieux.

Bella : Non.

Gérard : Elle a signé. Moi aussi.

Bella : C'est pas vrai, ça. C'est pas vrai. C'est pas vrai. Avec cette pute de riche ! Tu mens. T'as pas d'alliance.

Gérard : Ah oui. Dans ma chemise.

Bella : Mais c'est du plastic ça, t'étais bourré, t'étais bourré, tu savais pas ce que tu faisais, ça compte pas, ça compte pas !

Gérard : On a bu après.

Bella : Chambre d'hôtel ? Raconte. Les détails, je veux tout savoir, vas-y.

Gérard : Il s'est rien passé, si c'est ça que tu veux savoir. J'suis venu chercher mes affaires. Elle m'attendait. J'sais pas c'qui s'est passé, j'étais bourré, j'suis tombé, j'me suis trompé d'chambre.

Bella : Non, tu t'es trompé pas beaucoup, maintenant t'es dans la bonne, t'es dans la bonne chambre. J'suis là. Baise-moi, baise-moi.

Gérard : J'ai plus envie, Bella. J'ai plus envie.

Bella : Attends ! Attends. T'en veux une ? Tu veux une cigarette ?

Gérard : Faut qu'tu comprennes un truc, Bella. J'suis marié.

Bella : Où elle est ? Où elle est ? Où elle est, la mariée ? Où elle est ? Où elle est la mariée ? Tu sais pas ? Je vais te dire. Elle est dans son p'tit lit bien propre. Elle dort d'un sommeil bien propre. Mais elle dormira jamais dans un taudis ! Elle s'est taillée, la mariée ! Mais vraiment, on peut pas lui en vouloir, c'est dur de vivre ici, faut y être né ! Ca se casse la gueule, on roule sur les bouteilles, c'est crasseux, ça pue ! Tu sais ce qu'elle va faire, hein ? Elle va aller au coiffeur, elle va se nettoyer la tête, s'asperger de DDT, elle va se laver et s'astiquer !!

Gérard : Arrête !! Tu la fermes ! Tu la fermes. Ou j'te casse la tête.

Bella : Là haut, on respire, dans les beaux quartiers.

Gérard : T'as rien compris, Bella, t'as rien compris. Elle est partie mais elle m'a pas quitté.

Bella : C'est toi qui a rien compris. Peut-être qu'elle t'aime, oui, mais elle, elle quittera jamais son quartier. Et toi, toi, t'es d'ici, et tu seras toujours d'ici.

Gérard : Il suffit d'un ticket de train, Bella.

Bella : Mais non.

Gérard : Un ticket.

Bella : Mais non, dépense pas ton fric pour rien. Dépense pas ton fric pour rien !

Gérard : Elle m'attend, là-haut. Dis à la grosse que j'mangerai pas là ce soir.

Bella : Crétin !