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mercredi, 25 juillet 2012

Le choix de Jane - Jane Austen

 

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Téléfilm : Le choix de Jane / Miss Austen regrets (2008, durée 1h30)

Réalisateur : Jeremy Lovering

Musique : Jennie Muskett

Jane Austen (Olivia Williams), Cassandra Austen sa soeur (Greta Scacchi), madame Austen sa mère (Phyllida Law), Fanny Austen-Knight sa nièce (Imogen Poots), Henry Austen son frère (Adrian Edmondson), Edward Austen-Knight un autre de ses frères (Pip Torrens)

John Plumptre le prétendant de Fanny (Tom Hiddleston), le révérend Brook Bridges (Hugh Bonneville), le révérend Clarke et bibliothécaire du roi (Jason Watkins), le révérend Charles Papillon (Harry Gostelow), le docteur Charles Haden (Jack Huston), madame Bigeon (Sylvie Herbert), Anna Lefroy (Sally Tatum), Stephen Lushington (Tom Goodman-Hill)

 

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Jane : Dites-moi que j'ai fait le bon choix. Dites-moi que j'ai eu raison de changer d'avis. Seigneur, faites que je ne regrette jamais ce jour.

 

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Lettre de Jane à Fanny : Ma très chère Fanny, ta dernière lettre m'intrigue au plus haut point. Tu me fais une telle description de ton étrange petit cœur. Ce nouveau jeune homme que tu adores, est-il l'homme de ta vie ? Si seulement nous pouvions prévoir l'avenir et savoir par avance si nous avons fait le bon choix. Hélas, tu dois prendre la décision la plus importante de ta vie en ayant pour seul conseil que celui de ta tante Jane. En venant au mariage de ta cousine, prépare-toi à discuter avec moi de chaque délicieux détail. 

 

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Le prêtre au mariage : Seigneur, considérez ces nouveaux époux avec bonté. Que cette femme soit aimante, qu'elle soit aimable, fidèle et obéissante envers son mari. Seigneur, accordez-leur votre bénédiction. 

 

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Fanny : Aide-moi à me décider, j'en suis incapable.

Jane : Je dois absolument rencontrer ton cher monsieur Plumtre dans les meilleurs délais. C'est très urgent. Plumtre, Plumtre, madame Plumtre !

Fanny : Chh-chht ! Je t'en prie, arrête, tout le monde va entendre !

Jane : Avec un nom aussi grotesque, je suppose que tu vas le trouver irrésistible. [...] Ne t'imagine pas que tu arriveras avant moi devant l'autel. On doit me faire une demande en mariage d'un jour à l'autre.

Fanny : Quelle mauvaise plaisanterie !

Jane : Ecoute-moi bien, Fanny. Tout homme n'attend qu'une chose, une opportunité. 

 

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Jane : Monsieur Papillon.

Le révérend Papillon : Oh ! Miss Austen.

Jane : Charmant office.

Le révérend Papillon : Vous êtes trop bonne, miss Austen. Mes efforts ne peuvent rivaliser avec votre... intelligence supérieure.

Jane : Comme cela est romantique.

Le révérend Papillon : Romantique ? Mon Dieu, non.

Jane : Tout le monde devrait pouvoir se marier. Vous n'êtes pas d'accord ?

Le révérend Papillon : ... Saint Paul lui-même nous dit qu'il vaut mieux se marier que se consumer de désir.

Jane : Hoh, comment résister... Je suis convaincue, monsieur Papillon, qu'il n'est pas une seule de nos dames de la société anglaise, même la plus endurcie des vieilles filles, qui échouerait à trouver le bonheur si seulement ces messieurs voulaient bien... saisir l'opportunité. Toute opportunité !

Le révérend Papillon : Vous avez certainement raison.

 

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Cassandra : Tu ne devrais pas torturer ce pauvre homme. On dirait une chatte avec un mulot, c'est cruel.

Jane : Monsieur Papillon est aussi sec qu'un hareng saur. Je parie qu'il n'a rien remarqué. Je suis moi aussi fille de pasteur. Pourquoi ne ferais-je pas une charmante femme de pasteur ?

Cassandra : Tu donnes le mauvais exemple à ta propre nièce.

Jane : Cette petite est délicieuse. Et quand je pense qu'elle va épouser un quelconque gentleman habitant le Kent.

Cassandra : Quelqu'un qui vit dans le Kent est forcément aimable.

Jane : Je n'aime pas que les gens soient trop aimables. Sinon je me sens obligée de les aimer.

Cassandra : Tu crois que tu auras du temps pour écrire dans le Kent ?

Jane : Je prendrai le temps. Aide-moi, Cassandra, je vais être en retard !

Cassandra : Ecris-moi tous les jours.

 

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La mère : Tu te rends compte du nombre de connaissances qu'elle va faire ?

Cassandra : Mère...

La mère : Toi, toi tu as décidé de t'entourer de murs il y a des années. Mais Jane, ne me dis pas que les hommes ne l'intéressent pas.

Cassandra : Elle connaît tous les hommes du Kent.

La mère : Ah, mes pauvres filles.

 

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Fanny : Qu'est-ce qui est pire à ton avis ? Faire un mauvais mariage ou mourir seule comme une vieille fille ?

Jane : Il y a pire que mourir.

Fanny : Tu n'es pas vieille.

Jane : J'aurai bientôt quarante ans. Assez vieille pour pouvoir m'en vanter.

Fanny : Nous devons donc chercher un vieux veuf fortuné avec six enfants !

Jane : Charmante perspective.

Fanny : Tu devais avoir des centaines de demandes quand tu avais mon âge.

Jane : Des milliers.

Fanny : Je parie que tous les jeunes hommes de ton voisinage se mouraient d'amour pour toi.

Jane : Hélas... pas pour moi.

Fanny : Des demandes en mariage ?

Jane : Non, aucune, ma chère. Crois-moi, je suis bonne que pour la théorie et rien de plus. Et malgré ma honte de vieillir, je suis heureuse qu'il en soit ainsi. C'est moins compliqué.

Fanny : Tu n'as donc jamais été amoureuse ?

Jane : ... La vérité, Fanny, et je te demande de garder le secret, de ne jamais le dire à qui que ce soit, la vérité, c'est que... c'est moi qui ai été amoureuse et quittée.

Fanny : Qui était-ce ? Dis-moi.

Jane : J'ai aimé sans retour. J'ai brûlé. J'ai languis. Et ensuite, je me suis juré de faire de la solitude et de l'écriture une espèce de consolation.

Fanny : Non, c'est vrai ?

Jane : Tu lis beaucoup trop de romans, chère Fanny.

 

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Fanny : Oh, je serais désespérée si tu n'apprécies pas monsieur Plumtree.

Jane : Mais voyons, je suis déjà en adoration devant lui.

Fanny : Ne t'attends surtout pas à un monsieur Darcy.

Jane : Ma chérie, je crois que tu confonds fiction et vie réelle. La seule façon de rencontrer un monsieur Darcy est de l'inventer de toutes pièces, comme moi.

 

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John Plumptre : Je rêve du jour où chacun d'entre nous sur cette terre sera assez adulte et assez fort pour se détourner des joies futiles de ce monde et pour ne penser qu'aux jours infinis que nous réserve notre Seigneur dans les cieux.

Jane : Certes, mais en attendant, voulez-vous...

John Plumptre : En attendant, un écrivain comme vous, miss Austen, possède une telle influence qu'il peut encourager les gens à devenir vertueux. Et c'est pourquoi, mais je vous demande de ne pas le prendre en mauvaise part, c'est pourquoi cela me chagrine de voir que la plupart de vos hommes d'église sont des sujets de moquerie.

Jane : Ma mère... ma mère aime mes pasteurs, c'est ridicule.

John Plumptre : Mais votre père est...

Jane : Pasteur, oui. Un pasteur, bien réel. Tandis que mes pasteurs sont... de pures fictions, est-ce clair ? Ce ne sont que des histoires.

 

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Jane : Il est beau, n'est-ce pas ? Et sa foi est un bon point en sa faveur. Il a des manières de gentleman qui me plaisent. Plus raisonnable que brillant. Mais personne n'est brillant de nos jours.

Edward : Est-il recommandable ?

Jane : Grand Dieu, comment pourrais-je le savoir ?

Edward : Bien sûr. Néanmoins...

Jane : Les jeunes filles de vingt ans veulent tellement tomber amoureuse. Il est si difficile de savoir si c'est vraiment de l'amour. Chacun de nous devrait avoir la chance de faire au moins une fois un mariage d'amour, si c'est possible.

 

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Lettre de Jane à Cassandra : Me voici enfin seule, quel bonheur. A l'heure présente, je dispose de cinq tables, de vingt-huit chaises et de deux cheminées pour moi toute seule. Je suis pour ainsi dire seul maître à bord.  

 

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Jane : Etes-vous heureux à Ramsgate, monsieur Bridges ?

Le révérend Bridges : Oui ! Et vous dans le Hampshire, miss Austen ?

Jane : Oui !

Le révérend Bridges : J'ai été surpris d'apprendre que vous aviez quitté Bath.

Jane : Il y a une affreuse prolifération de femmes laides à Bath. Et d'hommes aussi d'ailleurs. Je n'ai pas écrit le moindre mot valable ou utile durant dix ans. Ensuite nous sommes allés dans le cottage du Hampshire, et j'ai su que c'était pour la vie. Je savais que ma mère se plairait là-bas, et que ma sœur s'y sentirait plutôt bien.

Le révérend Bridges : Vous avez oublié quelqu'un.

Jane : ... Et que je pourrai écrire. Tout finit toujours par s'arranger, n'est-ce pas ?

Le révérend Bridges : C'est possible.

 

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Stephen Lushington : Fanny, ma chère, une vraie jeune fille !

Fanny : Monsieur Lushington. 

Edward : Ma soeur, miss Austen. Jane, je te présente monsieur Stephen Lushington, représentant de Kanterburry au parlement.

Stephen Lushington : Je me réjouis de voir que vous êtes aussi charmante en personne qu'au travers de vos écrits, miss Austen.

Jane : Oh, je-je n'ai encore rien dit, il me semble.

Stephen Lushington : Certains hauts personnages du palais de Westminster font la queue pour avoir la chance de vous voir.

Jane : Ah, vont-ils m'observer ainsi qu'un animal sauvage dans un zoo ?

Stephen Lushington : Un animal sauvage, pris dans mes rets ici dans cette bibliothèque, votre domaine, où vous êtes entourée, épaulée par la sagesse des anciens. Avec crainte, je foule les sentiers silencieux cousus d'or. Oh, nature, demeure éternelle des morts.

Jane : Vous aimez George Crane.

Stephen Lushington : J'ai toujours un exemplaire de ses poèmes dans ma poche, quand la chambre des communes devient trop ennuyeuse.

Jane : Ses œuvres complètes tiennent donc dans votre poche.

Stephen Lushington : Orgueils et Préjugés tiennent dans l'autre. Mansfield Park est sous mon chapeau ! Et Raisons et Sentiments est coincé sous mon bras.

Jane : Oh... Et où allez-vous mettre mon Emma ?

Stephen Lushington : Une nouvelle héroïne ! Ma chère miss Austen, permettez-moi de monopoliser votre attention sans vergogne, jusqu'à la fin du dîner, et même au-delà.

 

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Fanny : Tu as laissé cet horrible politicien flirter avec toi toute la soirée.

Jane : Je suis un peu amoureuse de lui. Il est brillant. Et il a bon goût.

Fanny : Ambitieux et hypocrite.

Jane : C'est une bonne chose. Ca m'empêche de jeter mon dévolu sur un homme qui possède déjà une femme et dix enfants !

Fanny : En outre, il est laid.

Jane : Bien joué, Fanny. Tu as enfin découvert la véritable raison pour laquelle je n'ai jamais choisi de mari.

Fanny : Parce que tu n'en as jamais trouvé un qui soit assez beau.

Jane : Pas du tout ! Je n'en ai jamais trouvé un qui vaille la peine qu'on dépasse le flirt.

 

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Lettre de Jane à Cassandra : Ma chère Cassandra, je pense que j'ai bu un peu trop de vin hier soir. Je ne sais comment expliquer autrement le tremblement de mes mains aujourd'hui. Au moins, ma coiffure n'en a pas souffert. Et pour l'instant, je n'ai pas d'autre ambition.

 

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Edward : Ah, tu es là. Tout le monde est sorti, est allé prendre l'air.

Jane : Je sais. Je me suis levée très tard.

Edward : Je pensais te trouver assise dans un coin, en train de gribouiller.

Jane : Ce matin, je ne suis pas d'humeur à gribouiller.

Edward : Ca avance comme tu veux ?

Jane : Ca va. Emma est presque terminé. Mais monsieur Egerton refuse de publier une nouvelle édition de Mansfield Park. Alors je me disais qu'on pourrait peut-être faire appel à un nouvel éditeur pour publier Emma. Peut-être qu'on devrait demander un peu plus d'argent aussi.

Edward : Je te répète que tu ne dois pas espérer gagner de l'argent avec tes romans.

Jane : Raisons et Sentiments m'a rapporté plus de cent-quarante livres. Il me semble que je peux en être fière, non ?

Edward : Essaie d'imaginer l'image que cela donne de nous, tes frères. D'avoir une sœur de ton âge qui n'est pas mariée, et qui en outre cherche un emploi. Sache que je veillerai toujours sur toi, sur Cassandra et notre mère. Mais je suis veuf, j'ai onze enfants à élever, j'ai hérité d'une demeure que je n'a pas les moyens d'entretenir et d'un domaine avec un tas de complications.

Jane : Quelles complications ?

Edward : Huh... Ma succession est remise en cause. L'acte notarié a été mal rédigé, paraît-il. S'ils ont gain de cause, je perdrai la moitié de tout ce que je possède.

Jane : Cette maison aussi ?

Edward : Non-non-non-non, cette maison est à l'abri. Je crois que je me suis mal exprimé. En fait, l'assignation ne concerne que mes droits sur le domaine du Hampshire.

Jane : Le cottage...

Edward : Je ne veux pas que tu t'inquiètes. Il y aura toujours de la place ici pour vous tous.

Jane : Edward, le cottage est l'endroit où j'écris.

Edward : Ah, Jane, si seulement tu étais moins orgueilleuse. Si seulement tu t'étais mariée.

 

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Jane : Vous avez toujours été enthousiaste, ce que toute femme attend d'un homme.

Le révérend Bridges : J'attendais la nouvelle de votre mariage.

Jane : Comme toute femme vous le dira, il y a une grande pénurie d'hommes en général et une encore plus grande d'hommes biens. 

Le révérend Bridges : Vous vous dissimulez derrière de belles phrases, comme toujours, Jane.

Jane : Tant mieux ! Parce que mes belles phrases me permettront de mettre un toit sur ma tête. Ou celle de ma mère, ou de ma soeur. Je vais moi-même être obligée de jouer le rôle du mari. On en est là.

Le révérend Bridges : J'aurais mis un toit sur leur tête et vous, Jane, je vous aurais aimée jusqu'à ce que la mort nous sépare.

 

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Jane : La publication est prévue pour quand ?

Henry : Il n'y a pas encore de date, en tout cas de date officielle.

Jane : Mais il y a un contrat ?

Henry : Le contrat... est en cours d'élaboration. Oh, Jane, il propose bien peu d'argent. Il veut tous tes romans contre quatre-cent cinquante livres.

Jane : Mais c'est une misère !

Henry : Je suis banquier, et s'il y a une chose que les banquiers connaissent bien, c'est l'argent. Tu sais que tu peux compter sur moi.

 

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Jane : Je suis folle d'imaginer que les lecteurs vont pouvoir aimer... une horrible petite snob qui va mettre son nez partout.

Henry : Emma ? Tout le monde va l'aimer. 

Jane : Et si tout le monde jugeait que ce n'est pas aussi bien qu'Orgueils et Préjugés et que mes meilleurs livres appartiennent au passé ?

 

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Jane : Je suis étonnée d'apprendre que vous lisez des romans, monsieur Haden. Je doute d'être assez intelligente à vos yeux. Les hommes, en général, lisent de meilleurs livres.

Le docteur Haden : A vrai dire, j'ai lu plus de romans sentimentaux qu'il n'est bon pour mon âme immortelle.

Jane : Je crains que vous ne deviez retirer le mot "sentimental", si vous tenez à prouver que vous avez lu mes livres.

Le docteur Haden : J'ai été particulièrement intéressé de constater que lady Bennett se rend compte qu'elle aime monsieur Darcy lorsqu'elle voit sa magnifique demeure.

 

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Le docteur Haden : Il n'a besoin que de repos et de calme, c'est-à-dire de vous. Je lui ai pris un demi-litre de sang, mais je crains de devoir renouveler l'opération demain.

Jane : Oh, excellent ! ... Je veux dire, faites ce qu'il faut.

Le docteur Haden : Au revoir, miss Austen. Mesdames.

Jane : A demain alors.

Le docteur Haden : Avec grand plaisir.

 

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Le docteur Haden : Votre frère ne vous l'a peut-être pas dit, miss Austen, mais mon chef de service a, parmi ses patients, des personnages très haut placés, plus haut que vous ne pouvez l'imaginer.

Jane : Mais mon imagination peut voler très haut.

Le docteur Haden : Eh bien, j'ai appris par hasard que le prince régent aimait vos romans.

Jane : Hhh, je déteste cet homme. Je prends toujours le parti de sa femme !

Le docteur Haden : Alors cachez vos sentiments autant que possible, je dois recevoir une invitation royale d'un jour à l'autre.

Jane : Nous allons rencontrer son altesse royale ?

Le docteur Haden : Non, pas nous. Vous, rien que vous. Je ne suis que le messager.

Jane : Oh, je vais décliner dans ce cas. Le prince régent est un être si désagréable que je me serais bien passé d'être appréciée par lui.

Le docteur Haden : Oh, donc vous ne souhaitez être lue que par les hommes que vous estimez ?

Jane : Pourquoi est-ce que je ne choisirais pas mes lecteurs tout comme je choisis mes amis ?

Le docteur Haden : Mais parce que ce n'est pas comme ça qu'on fait fortune.

Jane : Alors je serai à jamais pauvre, obscure et méconnue.

Le docteur Haden : Non, au contraire, je donnerais cher pour vous voir briller de tous vos feux parmi la meilleure compagnie.

 

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Jane : Nous sommes de bien étranges créatures. Aussitôt que nous sommes sures de l'attachement d'un homme, nous ne pensons qu'à nous en détacher. Pauvre monsieur Plumtre. Il faut lui rendre sa liberté. Quand tu es avec lui, montre-lui une telle froideur qu'il puisse se convaincre qu'il a pris ses rêves pour la réalité.

Fanny : Il ne va pas le supporter.

Jane : En effet, pendant quelques temps, il va beaucoup souffrir, je n'en doute pas. Mais je crois dur comme fer que ce genre de déception amoureuse n'a jamais tué personne. Et je suis maintenant à Londres, où les rues sont pavées d'une foule de jeunes gens impatients. Fanny, rien ne peut être comparé au malheur d'un mariage sans amour, au fait d'être lié pour la vie à quelqu'un et de préférer quelqu'un d'autre. C'est un châtiment que même toi tu ne mérites pas.

Fanny : Tes cheveux sont très joliment bouclés aujourd'hui.

 

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Jane : Monsieur Haden, j'ignore ce que je dois faire, je n'ai aucune expérience.

Le docteur Haden : Vous avez quelque chose de beaucoup important et de beaucoup plus enviable que l'expérience.

Jane : Quoi donc ?

Le docteur Haden : De l'imagination. Songez à moi qui vous encourage, votre plus grand supporter croit en votre victoire.

  

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Le bibliothécaire du roi : Miss Austen, l'honneur de votre visite est immense, incommensurable ! Sachez que le régent a lu et admiré tous vos romans, miss Austen. Son altesse royale en possède un exemplaire dans chacune de ses résidences, si-si. Et moi, son humble bibliothécaire, j'aime Stanley Clarke. Je les ai également lus. Deux fois. Voulez-vous des gâteaux ? 

 

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Jane : Volontiers.

Le bibliothécaire du roi : Je suis persuadé qu'Emma sera un grand succès.

Jane : J'ai quand même un peu peur que les lecteurs qui ont goûté Orgueils et Préjugés le trouvent trop sérieux et que ceux qui ont goûté Mansfield Park le trouvent au contraire trop frivole.

Le bibliothécaire du roi : Non, c'est impossible, madame, car chaque œuvre nouvelle montre que votre esprit a encore grandi en énergie et en puissance de discernement. Vos livres reflètent la très haute idée de votre génie, et de vos principes.

Jane : Ce sont mes très chers enfants. Je les envoie à travers le monde. Et ils se mesurent aux autres enfants, ceux de Walter Scott ou Lord Byron.

Le bibliothécaire du roi : Aucune comparaison, chère madame, ces... ces deux messieurs sont illisibles.

Jane : Voyez-vous, j'ai accompli jusqu'ici si peu de choses. Ma vie a été si ordinaire. Mon œuvre est encore si mince. Mes livres sont...

Le bibliothécaire du roi : Miss Austen...

Jane : Ce sont des miniatures en ivoire, de cinq centimètres de large, sur lesquels je travaille avec des pinceaux extrêmement délicats.

Le bibliothécaire du roi : Vous avez l'entière liberté de dédicacer Emma... à son altesse royale. L'entière liberté ! Hum... peut-être dans un de vos prochains ouvrages, euh... pourriez-vous décrire... la ville, les habitudes, le caractère et l'enthousiasme d'un clergyman. Le montrer par exemple en train d'enterrer sa mère, ce que j'ai fait et dont je ne me suis jamais remis. Ou... ou...

 

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Jane : "Faites de votre clergyman un aumônier de la royale navy, un ami des grands officiers de marine !" "Monsieur Clarke, ai-je dit, je suis fort honorée, mais un personnage comme celui-là devrait aborder des sujets tels que la science, la philosophie et une femme telle que moi n'y connaît rien. Hélas, toute modestie mise à part, je crois bien que je me peux me vanter d'être la plus inculte de toutes les femmes qui ont jamais osé s'attribuer le titre de femme de lettres."

Le docteur Haden : Bravo !

Fanny : C'est très vilain, Jane. Tu n'as pas eu pitié de ce pauvre homme ?

Jane : Je n'ai jamais pitié de quelqu'un qui n'est pas de ma famille.

Henry : Une raison de plus pour me féliciter chaque jour d'être ton frère. 

 

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Jane : Comme le savent bien tous les éditeurs, la plupart des lecteurs aime surtout les histoires d'amour sérieuses. Hélas, si j'en écrivais une, ce ne serait que pour survivre. Je préfère laisser d'autres plumes ruminer sur la culpabilité et le malheur.

Henry : Un toast à Culpabilité et Malheur !

Le docteur Haden : Et donc, si nous voulons vraiment contribuer à votre fortune, miss Austen, nous devons vous aider à écrire le parfait roman moderne.

Jane : Le genre d'histoire où l'héroïne est forcément la fille d'un clergyman, la perfection incarnée, tendre, sentimentale, bonne, dénuée du moindre sens de l'humour, parlant plusieurs langues étrangères, bien sûr, et divinement douée pour la musique, cela va de soi.

Le docteur Haden : Et notre héroïne jouera de quel instrument ?

Jane : Du pianoforte, ce qui permettra de mettre en valeur ses bras splendides.

Le docteur Haden : Et quel jeune homme sera digne d'une telle perfection ?

Jane : Un héro aussi parfaitement mortel que mortellement parfait. Je vous laisserai le soin d'écrire ces chapitres, monsieur Haden. La peinture de la perfection me rend malade et mauvaise.

Le docteur Haden : C'est vrai, la méchanceté a beaucoup plus de charme.

Jane : Totalement dénué de scrupules et de grandeur d'âme, désespérément amoureux de l'héroïne, il la poursuit de son inexorable passion. Notre héroïne est désespérément belle, et son vieux père est un cas désespéré.

Henry : Oh mon Dieu, ne dites rien à mon frère.

Le docteur Haden : Dans tous les lieux où passe notre héroïne, partout les gens tombent amoureux d'elle, et elle reçoit de nombreuses demandes en mariage.

Jane : Ensuite, après avoir réussi environ une vingtaine de fois à échapper de justesse aux bras de notre héro et après des torrents de larmes, au dernier moment...

Le docteur Haden : Elle épouse celui auquel elle était destinée depuis toujours. Au fait, est-ce que vous y croyez, miss Austen, qu'on finit toujours par trouver la compagne ou le compagnon idéal ?

Jane : J'y crois... quand j'écris un roman.

Fanny : Comme tout ça est peu romantique.

Le docteur Haden : Oh mais les héroïnes de votre tante sont toutes très sages. Chacune épouse un homme fortuné, et chacune se marie par amour.

Madame Bigeon : Et vous, monsieur Haden, quelle est votre idée de la parfaite femme ?

Le docteur Haden : Hum, force spirituelle et douceur des manières.

Henry : Hmm, bien, Haden ! On ne saurait mieux.

Jane : Vous l'aurez votre douce femme, pleine de gratitude et de dévotion. Je vous souhaite qu'elle soit silencieuse, tranquille et un peu ignorante. Friande de thé vert et de pain de veau en croûte chaque après-midi. Tu as l'air fatigué, Henry. Allez viens, montons.

Henry : Pas question. Je me sens très bien et je m'amuse beaucoup.

 

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Jane : Vous étiez chacun sur une chaise ou tous les deux sur la même ?

Fanny : Tu es jalouse.

Jane : Je suis ta tante.

Fanny : Et une femme.

Jane : Et un tigre quand je vois une proie.

 

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Madame Bigeon : La passion est faite pour la jeunesse. Elle s'évanouit si vite...

Jane : Pas dans nos rêves.

Madame Bigeon : Le bien-être demeure, ainsi que demeure l'amitié, si vous avez autant de chance que j'en ai eu.

Jane : Le bonheur dans le mariage est uniquement une question de chance.  

Madame Bigeon : Mais voyez comme nous paniquons au moment de choisir. Et pourtant l'amour meurt et la fortune se dissipe. Toute femme, qu'elle soit célibataire ou femme mariée, je vous le dis, toute femme a des regrets. Alors quand nous lisons l'histoire de vos héroïnes, nous nous sentons jeunes et encore amoureuses et pleines d'espoir, comme si nous pouvions à nouveau choisir notre vie.

Jane : Et faire le bon choix.

Madame Bigeon : C'est un don que vous avez. Un vrai, un don du ciel. Et un don suffisant, je crois.

 

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Henry : En résumé, oui, j'ai trop prêté et j'ai également trop emprunté. Ne me regarde pas comme ça. Oui, ma banque a fait faillite, ce qui signifie que j'ai tout perdu. Je suis ruiné.

Jane : Edward ne peut pas t'aider. Edward a lui-même un procès, il a assez de problèmes de son côté.

Henry : Edward a garanti mes emprunts à hauteur de vingt mille livres. Je crains fort qu'il ne revoit jamais cet argent.

Jane : Oh, Henry... Oh, Seigneur.

Henry : Et maintenant je vais entraîner toute la famille avec moi.

Jane : Mère...

Henry : Pas un seul mot. Je lui dirai moi-même. Je lui parlerai demain.

 

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Jane : Je ne veux rien du tout. Je veux seulement gagner plus d'argent. Je veux que toi et notre mère viviez à l'aise, sans avoir constamment peur que nos frères soient dépossédés de la maison, et de tout ce que nous avons. Je voudrais être débarrassée de cette affreuse fatigue, Cassandra.

Cassandra : Veux-tu qu'on aille au bord de la mer.

Jane : Au bord de la mer, on a bon appétit en général. Au bord de la mer, on n'est pas sinistre en général. On n'est pas lasse et fatiguée au point de s'écrouler de lassitude.

Cassandra : Je t'en prie, dis-moi pour quelle raison tu m'en veux ?

Jane : Mais pourquoi je t'en voudrais ? Je m'en veux à moi-même. Je n'ai guère le droit d'être malade. J'ai un roman à terminer, et tellement de personnages dans ma tête, tellement d'histoires, et si peu de temps. 

 

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Madame Austen : Entre autres choses, on découvre que plus on aime l'homme qu'on a épousé, plus on aime ses enfants.

 

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Jane : C'est un luxe dangereux et coûteux que de tomber malade à mon âge.

Le révérend Bridges : Lors de notre rencontre dans le Kent, je vous ai parlé de façon irréfléchie.

Jane : Vous n'allez pas avoir l'inconvenance de revenir sur ce que vous avez dit.

Le révérend Bridges : Sachez que je ne vous aurais jamais empêché d'écrire, si c'était là votre crainte. 

Jane : Si j'avais été votre femme, comment aurais-je pu écrire ? Tous ces devoirs de maternage... Nous aurions été pauvres.

Le révérend Bridges : Vous êtes pauvre de toute façon... Nous aurions pu rire ensemble au moins.

Jane : C'est ça, le mariage, non ?

Le révérend Bridges : Je suppose qu'aucun homme en chair et en os ne sera jamais digne de la créatrice de monsieur Darcy...

Jane : Vous vous trompez sur lui. Il ne m'aurait pas convenu.

Le révérend Bridges : Si j'avais pris mon courage à deux mains après notre danse à ce bal,...

Jane : Non, nous étions trop jeunes.

Le révérend Bridges : Et plus tard, quand je vous ai demandée ?

Jane : J'ai simplement évacué toute idée de mariage de ma tête...

Le révérend Bridges : Dites-moi que vous le regrettez. Dites-moi qu'il vous arrive parfois la nuit de penser à moi. Dites-le moi même si c'est faux.

Jane : Pourquoi ? A quoi bon maintenant ?

 

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Henry : J'en ai assez de la banque, Jane. Je veux devenir pasteur.

 

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Madame Austen : Mes fils ont toujours fait de leur mieux pour aider cette famille, mais elle, elle n'est qu'une égoïste, une égoïste ! Je t'ai vue avec monsieur Bridges, en train de flirter comme une petite sotte ! C'est un homme marié. Si tu voulais vraiment être madame Bridges, la femme du pasteur, il fallait dire oui, quand il te l'a demandé.

Jane : Facile à dire. Mais je ne le voulais pas.

Madame Austen : Et après, tu as eu encore le choix d'un meilleur parti, un homme riche, sa belle demeure. Mais non, là encore, tu l'as rejeté. Tu l'as jeté comme tu as jeté ta vie en l'air, et la mienne et celle de tes sœurs en même temps ! Parce que lui n'était pas assez bon pour la sainte miss Jane et son imagination littéraire ! Non, elle est beaucoup mieux que monsieur Harris Bigg avec son beau manoir et ses cinq cent hectares.

Jane : Oh, mère, ça remonte à des années.

Madame Austen : Oui, quinze ans exactement. C'est gravé dans mon cœur ! Ca fait quinze ans qu'un soir, toi, tu l'as laissé fuir comme une enfant beaucoup trop gâtée ! Fuire le mariage et la sécurité.

Jane : Je ne pouvais pas épouser quelqu'un que je n'aimais pas.

Madame Austen : Alors pourquoi est-ce que tu lui as dit oui !? "Oui, Harris, je serai madame Bigg."

Jane : J'ai fait une erreur.

Madame Austen : Ton erreur a été, le lendemain matin, de revenir sur ton engagement.

Jane : Tu voulais que je fasse quoi ? Que je me vende pour de l'argent !?

Madame Austen : Nous aurions eu de la fortune, grâce à ça. Et tu sais ce que ça veut dire ? La fortune est juste un autre mot pour désigner la sécurité.

Cassandra : Mère, je vous en prie !

Madame Austen : Toi, arrête de la défendre, tu l'as assez fait ! Tu as sacrifié notre sécurité sur l'autel de tes principes, Jane. Est-ce que ça t'a rendue heureuse, oui ou non ? Regarde-toi, tu es malade. Personne ne me dit rien, mais j'ai des yeux derrière la tête. Oui, ma pauvre petite fille seule.

 

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Fanny : Tante Jane !

Jane : Pas maintenant, Fanny.

Fanny : Tu as dit oui parce qu'il était riche et non pas parce que tu l'aimais. C'est si romanesque.

Jane : Est-ce que tu choisirais ma vie ? Tu as peut-être le droit de m'en vouloir, mais ne t'avise surtout pas de me plaindre !

 

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Jane : Aucun de ces hommes ne m'a comblée de bonheur. Comblée de bonheur, ça ne suffit pas. Comblée de bonheur, ce n'est pas ainsi que je veux écrire la fin de mon histoire. Etre aussi pauvre est déjà presque insupportable. Le seul regret que j'ai de ne pas avoir épousé Harris Bigg, c'est que je vais mourir en ne vous laissant rien à notre mère et à toi.

Cassandra : Non, arrête. Arrête, arrête, Jane. C'est ma faute. Si j'avais gardé le silence, si je n'avais pas voulu te convaincre, tout au long de cette nuit, je t'ai harcelé jusqu'à te faire changer d'avis. C'est à cause de moi que tu l'as repoussé.

Jane : Tu m'as montré quel était le véritable enjeu de mon choix.

Cassandra : A cause de moi, tu as choisi la solitude et la pauvreté.

Jane : A cause de toi, j'ai choisi la liberté.

Cassandra : Je ne l'ai pas fait pour toi, Jane.

Jane : Je sais.

Cassandra : Comme j'ai honte, mon Dieu !

Jane : Tout ce que j'ai... tout ce que j'ai accompli dans la vie, c'est à toi que je le dois, jusqu'à cette vie qu'on a mené ici. Jusqu'à cet amour qu'on a l'une pour l'autre. Et cette vie qui fut la mienne, c'était celle pour laquelle j'étais faite. Celle que Dieu avait prévue pour moi. Jamais je n'aurais pensé que je pourrais connaître un tel bonheur. Jamais je n'aurais pensé que je le méritais. Oh mon Dieu ce que j'ai soif.

 

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Fanny : Ne sois pas triste, pas ce soir.

Cassandra : Au moins je suis heureuse pour toi, Fanny.

Fanny : Mon mari dit que je suis la seule personne au monde en présence de qui il sent qu'il a trouvé le bonheur !

Cassandra : C'est bien qu'il soit conscient de la chance qu'il a.

Fanny : Qu'est-ce que tu fais ?

Cassandra : Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas jeté celles où elle parle de toi.

 

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Fanny : Arrête ! Tu ne dois pas brûler les lettres de Jane !

Cassandra : Tu t'imagines toujours qu'il y a un amour secret à découvrir ?

Fanny : Peut-être que je l'espère en tout cas.

Cassandra : Jane était le soleil de ma vie. Elle éclairait chacun de mes jours et soulageait mes chagrins. Aucune de mes pensées ne lui était étrangère. Aujourd'hui je suis amputée d'une part de moi-même.

Fanny : Mon mari te demande de lui accorder une danse.

Cassandra : C'était Jane la meilleure danseuse de cette famille.

 

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Lettre de Jane à Fanny : Quand je contemple une nuit comme celle-ci, j'ai l'impression qu'il pourrait exister un monde sans douleur ni cruauté. Fanny, tu es la joie de mon existence. Ecoute maintenant ton propre cœur. 

 

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vendredi, 06 juillet 2012

Le Rouge et le noir - Stendhal 2/2

Nouvelle édition, augmentée... 

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Téléfilm : Le Rouge et le noir (1997, durée 1h35 & 1h50)

Réalisateur : Jean-Daniel Verhaeghe

D'après Stendhal.

Julien Sorel (Kim Rossi Stuart), Louise de Rênal (Carole Bouquet), monsieur de Rênal (Bernard Verley), Mathilde de La Môle (Judith Godrèche),  le marquis de La Môle (Claude Rich), Elisa (Camille Verhaeghe), l'abbé Pirard (Rüdiger Vogler), l'abbé Chelan (Maurice Garrel), le comte Altamira (Francesco Acquaroli), madame de Fervaques (Claudine Auger)

 

¤   ¤   ¤   deuxième partie   ¤   ¤   ¤

 

Julien Sorel : Oui, je suis le secrétaire du marquis mais je ne suis pas payé pour assister à leurs soirées. Ils croient me faire plaisir. Je serais cent fois plus heureux de dîner tout seul dans une petite auberge à quatre sous.

L'abbé Pirard : Julien, tout Paris se bat pour être invité dans cette maison. C'est une famille puissante. Leurs amis les respectent et le respect n'est jamais amusant.

Julien Sorel : Vous auriez vu le regard que porte sur eux la fille du marquis. Elle est assez prétencieuse mais elle n'est pas idiote. Tout le contraire de son fiancé, elle, elle n'est pas dupe. C'est le plus doré et le plus ridicule du groupe.

L'abbé Pirard : Calme-toi.

Julien Sorel : Alors c'est décidé ? Vous partez pour la Normandie.

L'abbé Pirard : Dès ce soir.

Julien Sorel : Si seulement vous pouviez faire quelque chose pour ces dîners, ces réceptions, si vous pouviez obtenir, je ne sais pas, que...

L'abbé Pirard : Ne compte pas sur moi.

Julien Sorel : Je serais si heureux tout seul dans ma chambre avec le Mémorial de Sainte-Hélène. J'ai eu la chance de le trouver dans une très belle édition.

L'abbé Pirard : Les leçons du Christ sont aussi profitables et moins dangeureuses pour ta réputation. Je reviendrai dans quelques mois.

Julien Sorel : Je vais être très seul.

 

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Julien Sorel : Je peux vous aider ?

Mathilde de La Môle : Rien ne vous y oblige. Vous n'êtes pas payé pour ça.

Julien Sorel : Je suis payé pour vous répondre avec politesse. Et je vis de mon salaire.

Mathilde de La Môle : Je cherche Beaumarchais et Walter Scott. Vous savez où ils se trouvent ?

Julien Sorel : Je vous demande un instant, je ne suis pas encore habitué.

Mathilde de La Môle : Et Le mémorial de Sainte-Hélène, il y a ça ici ? Ou alors dans votre chambre, peut-être.

Julien Sorel : ... Walter Scott, il me semble en avoir vu un volume ce matin... Moi, mademoiselle, je crois que la France n'a jamais été aussi haut dans l'estime des peuples que pendant les treize années au cours desquelles l'empereur a régné.

Mathilde de La Môle : Régner, c'est bien le mot. Avec ses chambellans, sa noblesse de dentelle et ses réceptions, il a rendu à la France toutes les niaiseries d'avant la révolution.

Julien Sorel : Ce n'est pas tout ce qu'il a fait.

Mathilde de La Môle : Faire tuer dix mille soldats sur les champs de bataille, c'est plus courageux en effet.

Julien Sorel : Oui, mais il y était, lui, sur les champs de bataille !! C'est plus risqué que de se retrancher dans les beaux quartiers, en tremblant de peur que la révolution ne revienne ! Walter Scott, Ivanhoé, voilà.

Mathilde de La Môle : La règle étant de ne parler à dîner ni de Dieu ni du roi, ni de l'opposition ni de la révolution, surtout pour en dire du bien, il ne nous reste plus que le temps qu'il fait. Moi aussi j'trouve ça mortel. Alors si vous avez d'autres idées, surtout ne vous gênez pas.

Julien Sorel : Si vous décidez de parler de cet incident à votre père, je partirai dans l'heure.

 

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Le comte Altamira : On ne s'amuse plus en France, plus de passion, plus de folie. Même la cruauté n'est plus drôle, quel gâchi !

L'homme qui arbitre le duel : Messieurs, quand vous voulez.

Le comte Altamira : J'ai visé l'articulation, j'espère que je ne vous ai pas fait trop mal.

[...]

Le comte Altamira à lui-même : Il y a toujours une première fois, je viens de me battre avec un domestique.

 

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: Je décide où je vais et quand je pars.

Mathilde de La Môle : Oui, mais pas avec qui. Eh bien moi, je ne crois pas que je m'ennuierais moins si je m'appelais la duchesse de Croisenoix. Tiens, regarde. Là, tu vois, je ne lui donne pas cinq minutes pour qu'il me parle de la poésie du midi, des herbes de provence et des bienfaits de l'huile d'olive.

: Mathilde ! Vous avez un teint ! Je sais, la couleur de la Provence, le teint du thin et de la marjorie.

: J'adore cette valse.

 

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: Vous cherchez quelqu'un ?

Mathilde de La Môle : On sait jamais. Il y a peut-être dans tout ça une personne qu'on connait pas, qui a une drôle de tête, je sais pas, quelqu'un d'un peu inattendu.

: Eh bien vous avez de la chance, vous avez derrière vous un condamné à mort.

 

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Le comte Altamira : Vous, les Français, vous manquez de légèreté. Les Lumières, elles sont bien éteintes aujourd'hui ! L'argent a gagné sur les idées. Que serait Danton aujourd'hui ?

Julien Sorel : Un voleur.

Le comte Altamira : Même pas, un vendu ! Mais tous ! Napoléon, n'en parlons pas, quel voleur celui-là.

Mathilde de La Môle : Faut-il mieux voler ou se vendre ? Alors comme ça vous êtes amis ?

Le comte Altamira : Nous avons des tas de choses en commun, comme souvent les personnes... comment dire, dépassées. Parsonnez-moi, j'aperçois une ordure à laquelle je dois dire deux mots.

Mathilde de La Môle : Vous êtes beaucoup sorti à Paris ? On dit que c'est le plus joli bal de la saison.

Julien Sorel : Il m'est difficile d'en juger, c'est mon premier bal, mademoiselle. Mais il a l'air magnifique.

Mathilde de La Môle : Rousseau disait "toutes ces folies m'étonnent mais ne me séduisent pas". Je suppose que mon père ne vous paie pas non plus pour me parler de Jean-Jacques Rousseau. Qu'est-ce qu'il y a ?

Julien Sorel : Rien, je regardais vos yeux. Ils sont... ils sont vraiment très beaux.

Madame la maréchalle de Fervac  : Votre père m'a tuée, je vais boire une tisane, vous en voulez une ? Ca arrêtera les battements de mon cœur.

Mathilde de La Môle : Non merci, je vais danser avec mon fiancé, je pense que ça me fera le même effet.

Madame la maréchalle de Fervac : Julien, un jour vous me la direz au moins, la vérité ? Qui était votre père ? Ne suis-je pas votre amie ? Vous pouvez me le dire, j'adore les confidences.

 

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Mathilde de La Môle : Il y a ici quelqu'un que vous aimiez ?

Julien Sorel : Oui. Il y a quelqu'un, oui. Et vous ?

Mathilde de La Môle : Ah, moi, j'viens souvent ici. J'me promène. Je regarde les noms, les dates. Parfois il y a un médaillon, une épitaphe, on imagine plein de choses. Vous savez, j'me fiche complètement de c'que les gens pensent de moi. On vous a dit pourquoi je porte le deuil le dernier jour d'avril ?

Julien Sorel : Non.

Mathilde de La Môle : Je porte le deuil par amour. Par amour pour une forme d'amour qui n'existe plus. La Môle, mon ancêtre, et Margot, la reine de Navarre, ont bravé les lois, les convenances. Il s'est damné pour elle. Et comme elle n'avait rien à lui sacrifier, à part sa réputation, elle l'a aimé devant tout le monde. Ils ont fini par le tuer. Il avait vingt ans. A la seconde où il l'a rencontrée, il a su, il a su qu'elle serait son seul amour et qu'il en mourrait. A Marguerite, on avait dit, comme on dit aux princesses, qu'elle serait plus heureuse que les autres, à cause de sa naissance et aussi parce qu'elle était très belle. Mais c'était pour mieux l'enfermer. C'est à cause de ce genre de choses que les rois deviennent fous, ou qu'ils meurent d'ennui. Quand il est mort, elle est allée chez le bourreau. Elle a embrassé ses lèvres mortes, elle a entouré sa tête, son cou ensanglanté avec des linges et elle l'a emmené. Elle l'a enterré dans un endroit secret. Et tous les trente avril du mois, jusqu'à ce qu'elle meurt, elle est revenue. Je ne veux pas qu'on les oublie. J'admire cet amour parce qu'il est hasardeux, dangeureux, fougueux. Sinon ça vaut pas la peine de vivre, non ? Il y a ici une femme que vous aimez, que vous aimez encore ? Vous pouvez me le dire, vous savez, je sais garder un secret.

Julien Sorel : Non, pas une femme. J'étais sur la tombe du maréchal Ney. Pour vous, c'est un traître, mais pour moi, non. Ce n'est pas un traître.

Mathilde de La Môle : Oh non, pas lui. A l'époque, on mourait pour une idée, jamais pour une médaille.

Julien Sorel : Moi, il y a vingt ans, j'aurais pu mourir pour de l'espoir.

Mathilde de La Môle : L'espoir d'un monde meilleur ?

Julien Sorel : Vous êtes cynique.

Mathilde de La Môle : Vous êtes bien susceptible.

Julien Sorel : Non, non, je ne suis pas susceptible, je suis jaloux. Vous avez une liberté de parole, de goût que moi je ne connaîtrai sans doute jamais, hélas.

Mathilde de La Môle : Mais pourquoi ?

Julien Sorel : Mais parce que je suis pauvre. Parce que pas même une pensée n'est... pas même une pensée n'est gratuite quand on a les poches vides. Pardonnez-moi, je n'ai... je n'ai pas l'habitude de me livrer, de cette façon.

Mathilde de La Môle : Il y a beaucoup d'orgueil de parler de sa pauvreté à quelqu'un d'aussi riche que moi. Vous méprisez l'argent ?

Julien Sorel : Non, je méprise l'aigreur de ceux qui n'ont rien et l'arrogance de ceux qui ont tout.

Mathilde de La Môle : Vous êtes bien malheureux alors.

Julien Sorel : Et vous, non ? 

 

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Julien Sorel : Et alors elle a buté contre une pierre, elle s'est agrippée à moi, elle s'est agrippée à moi pour se redresser.

Le comte Altamira : Montrez-moi.

Julien Sorel : Voilà, comme ça.

Le comte Altamira : Aussi fort ? La main, sur la main ou sur la manchette ? La peau a touché la peau ?

Julien Sorel : Bien sûr, oui, nous nous sommes effleurés. Ma peau a touché la sienne.

 

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Mathilde de La Môle : Et là tout à coup, il s'est passé une chose complètement inattendue, une chose qui je croyais ne m'arriverait jamais. J'ai arrêté de m'ennuyer. Il venait de m'avouer toute sa pauvreté, ses souffrances, ses humiliations.

 : Après tout, ce n'est qu'un domestique.

Mathilde de La Môle : J'ai eu tellement mal pour lui. Alors j'ai pensé, est-ce que je l'aime ?

 

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Julien Sorel : Pour la première fois, je l'ai trouvée belle, très belle, vraiment très belle [...]. Elle s'est mise à me parler de tout.

Le comte Altamira : Attention, ne rentre pas dans le rôle du confident.

Julien Sorel : Et puis nous sommes rentrés en calèche ensemble et j'ai voulu, j'ai eu envie qu'elle me parle de son fiancé. "Je reçois des dizaines de lettres, de lui, des autres, toutes les mêmes, mélancoliques, passionnées soi-disant, mais d'une prudence." Et là, j'ai commis une erreur, je lui ai dit "Mais il ne comprend rien", et elle "Mais, comprendre quoi ?", "Eh bien, que c'est l'imprudence qui vous intéresse".

 

¤     ¤     ¤

 

Mathilde de La Môle : J'ai détesté qu'il m'ait mise à nu de cette façon, je l'ai haï. Surtout quand il m'a dit "Vous l'aimez bien tout de même, ce que vous détestez en lui, c'est le futur mari, c'est tout." Pfff, quel aplomb, pour qui se prend-il, ce fils de charpentier ? ... Quand nous nous sommes revus dans la bibliothèque, j'ai été odieuse, insupportable.

 

¤     ¤     ¤

 

Julien Sorel : Et alors, depuis ce jour, amie, ennemie, elle passe d'un état à l'autre. Parfois elle est glaciale, hautaine, et puis soudain, elle se tourne vers moi, et elle me sourit, elle est gentille, elle me... elle me regarde mais... mais me regarde comme si...

Le comte Altamira : Elle... elle te regarde comme... comme si elle t'aimait ?

Julien Sorel : Non. Non, je connais le regard d'une femme amoureuse. Et puis pourquoi moi ? Pourquoi moi ? Philippe de Croisenoix à tout ! Il a le nom, les terres, le titre, la famille. Mais j'aime bien les batailles perdues, tu le sais. Au moindre signe d'humeur, je disparais un ou deux jours. Ou bien alors je l'ignore complètement. Et quand je l'ignore, elle vient me chercher. C'est elle qui vient me chercher, c'est toujours elle.

Le comte Altamira : Mais tout ça, c'est de la stratégie. Ce que tu veux, c'est qu'elle te choisisse, toi, plutôt qu'un descendant des Croisenoix qui a fait les croisades, hein, c'est ça, non ?

Julien Sorel : Qu'elle me choisisse. Nous verrons après si je l'aime.

 

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Julien Sorel : Me voilà.

Mathilde de La Môle : Je vous ai vu partir, revenir. J'ai cru que vous alliez jamais vous décider. Il faut enlever l'échelle. Mais arrêtez, qu'est-ce que vous faites !? J'ai préparé une corde.

Julien Sorel : Il semblerait que vous ayez l'habitude.

Mathilde de La Môle : Qu'est-ce que vous voulez dire ?

Julien Sorel : Vous avez couché avec Croisenoix et peut-être avec d'autres, non ?

Mathilde de La Môle : Vous êtes le premier à venir dans cette chambre... Vous avez si peur que ça ?

Julien Sorel : Ce n'est pas lâche d'avoir peur, beaucoup d'imbéciles sont courageux.

Mathilde de La Môle : J'ai décidé de vous aimer parce que vous n'êtes pas comme les autres. Parce que ça n'était pas prévu, parce que je sais pas qui vous êtes.

Julien Sorel : Vous avez "décidé" de m'aimer ? Vous croyez parler d'amour mais vous ne parlez que de vous.

Mathilde de La Môle : Attends ! Je veux être à toi, je suis à toi. Viens. Viens.

 

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Julien Sorel : Alors vous pensez pouvoir me traiter comme un être inférieur qui vous aimera quand ça vous amusera ?

Mathilde de La Môle : Rassurez-vous, ça ne m'amuse plus. Vous osez m'interpeler en public ! Vous voulez faire un scandale ? Crier à tout le monde que je me suis donnée à vous ? Eh bien allez-y, faites-le, allez-y !!

Julien Sorel : C'est vous qui faites un scandale.

Mathilde de La Môle : Et alors ? Je suis chez moi ici. J'ai changé d'avis, je me suis trompée. Vous m'intéressez pas. Et si dans votre petite tête de parvenu, vous vous êtes fait des illusions...

Julien Sorel : Taisez-vous, arrêtez.

Le comte Altamira : J'ai vu vos airs de trimonphe ! Je vous ai vu me regardez comme un propriétaire !

Julien Sorel : Arrêtez !

Le comte Altamira : Vous avez été le premier, benh vous serez pas le dernier !

Julien Sorel : Taisez-vous, arrêtez !

Mathilde de La Môle : Vous êtes qu'un fils de paysan, un batard en plus !

Julien Sorel : Arrêtez !

Mathilde de La Môle : Tue-moi si tu veux ! Vas-y... T'as voulu me tuer ?

Julien Sorel : Vous voyez ces débris ? Ils sont l'image exacte des sentiments que je vous portais.

 

¤     ¤     ¤

 

Julien Sorel : Mathilde, je suis devenu fou, j'ai peur de mes actes, de ce que je suis capable de faire.

Mathilde de La Môle : Plus jamais je me révolterai. Je te le jure. T'as voulu m'tuer, t'as voulu tout risquer pour moi.

Julien Sorel : Qu'est-ce que tu fais ?

Mathilde de La Môle : Si jamais j'te trompe, rappelle-moi que j'ai juré d'être à toi toute ma vie.

Julien Sorel : Mais alors tu m'aimes... Alors tu m'aimes.

Mathilde de La Môle : Benh oui je t'aime.

 

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Le Marquis de La Môle : Il y a une chose que j'aimerais savoir. Au moins y a-t-il eu pour vous, à un moment quelconque, un amour imprévu ?

Julien Sorel : Comment ça, un amour imprévu ?

Le Marquis de La Môle : Vous savez que j'ai cent mille écus de rente, que j'aime ma fille plus que tout. Tout ça vous le saviez ! J'ai du mal à croire que Mathilde, la première, a pris l'initiative, mais admettons. Pourquoi n'avez-vous pas fui ? C'était votre devoir.

Julien Sorel : Je vous l'ai demandé, je vous ai demandé de m'envoyer plutôt à Londres ! Vous vous en souvenez ?

Le Marquis de La Môle : Vos sentiments, il n'y a jamais eu de vulgarité ? De vulgarité matérielle dans vos sentiments ?

Julien Sorel : Je ne suis pas intéressé par l'argent.

Le Marquis de La Môle : Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu veux ?

Julien Sorel : J'aime la vie, je veux vivre pour mon fils maintenant ! Vous ne pouvez pas me priver de cet amour, de mon enfant, et de Mathilde. Et je sais que vous ne pouvez pas vivre sans elle. Et elle ne peut pas vivre sans moi. 

 

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Un militaire : Ce qui les énerve, c'est que vous soyez lieutenant sans jamais avoir été sous-lieutenant.

Julien Sorel : C'est compréhensible. Et ils n'ont encore rien vu. Avant mes trente ans, je serai général, c'est moi qui te le dis.  

 

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Julien Sorel : Toi aussi, tu es venu.

Le comte Altamira : Mais qu'est-ce qui t'a pris ? Tu avais tout. Quelle mouche t'a piqué ?

 

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Louise de Rênal : Comment est-il ?

: Oh, c'est difficile à dire. Il a l'air ailleurs, comme si déjà... Il doit se préparer, il paraît qu'il veut se défendre lui-même. Il m'a envoyé un ami, un Italien, il voulait savoir comment tu te portais.

Louise de Rênal : Il a demandé de mes nouvelles ? Mon Dieu, il a demandé comment je me portais...

 

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Julien Sorel : Messieurs les jurés, je n'ai pas l'honneur d'appartenir à votre classe. Je ne vois parmi vous ni artisans, ni ouvriers, ni paysans enrichis. Ce qui veut dire que je ne serai pas jugé par mes pairs, pour l'abominable crime que j'ai commis. Je ne me fais aucune illusion, je ne requiers... je ne requiers aucune faveur. Mon crime est atroce. Il était prémédité. Je mérite donc la mort pour avoir attenté à la vie d'une femme. Une femme digne de respect, pure, une femme que j'ai tellement aimée, que j'ai aimée comme... comme la mère que je n'ai jamais eue, comme une sœur, et pour laquelle j'avais une adoration, une adoration sans borne. Parce qu'elle m'a montré que la douceur et la générosité existaient dans ce monde. Elle seule m'a laissé entrevoir l'horizon du bonheur. Donc je mérite la mort, oui. Je dois être puni pour le crime que j'ai commis. Je vois dans cette salle des hommes qui souhaitent me punir pour un autre crime !! Un crime qui à leurs yeux est encore plus grave !! Je vois dans cette salle des hommes, qui à travers cette faute capitale, veulent essayer de décourager cette génération de jeunes gens !! Ces jeunes gens, nés dans les classes inférieures !! Ces jeunes gens opprimés, opprimés et révoltés par votre mépris, révoltés par l'inégalité. Ces jeunes gens qui ont l'audace de réclamer une bonne éducation, ces jeunes gens qui veulent prendre, qui veulent prendre une place dans ce que vous, les riches, vous appelez "la société" ! Pour vous, ceci est un crime. Regardez-vous, votre terreur est inscrite sur vos visages. Vous avez peur que l'on vous enlève encore une fois tous vos privilèges ! Vos économies ! Vous avez peur, peur, oui, et c'est normal. Oui, c'est normal, parce que la révolution n'est pas loin !! Elle est à vos portes !! Vous ne voulez pas l'entendre, hein !? Vous ne voulez pas l'entendre ! Vous ne voulez pas l'entendre !! Mais elle viendra !! Elle viendra !! Rien ne pourra arrêter les forces de la fraternité !! Les forces de l'égalité !!

 

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Julien Sorel : Tu n'as pas aimé ma plaidoirie ? Dommage. Pour la première fois, j'ai été sincère, j'ai improvisé. Certainement pour la dernière fois aussi.

Mathilde de La Môle : Signe, Julien, signe là et dans deux mois...

Julien Sorel : Je préfère mourir tout de suite, tant que j'ai encore du courage.

Mathilde de La Môle : Tu ne signes pas.

Julien Sorel : Non, je ne signe pas.

Mathilde de La Môle : Toi qui maudis soi-disant l'hypocrisie, t'es le plus hypocrite de tous. Alors s'il te plait, fais un effort, une dernière fois, essaie d'être sincère ! Tu aimes cette femme, tu l'aimes et tu l'as toujours aimée ! Tu crois que tu as voulu la tuer par vengeance ou par amour pour moi ? Tu te mens à toi-même. T'as voulu la tuer parce que tu l'aimes. Et si c'était elle aujourd'hui qui te suppliait de signer ton appel, tu le ferais. T'as toujours fait ce qu'elle a voulu. Et même cette lettre, cette lettre ignoble qu'elle a envoyé pour te perdre, là encore elle a réussi à te faire faire exactement ce qu'elle voulait. Se punir et te perdre. J'la hais ! J'la hais et je maudis le jour où je t'ai rencontré !

 

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Julien Sorel : Tu es venue.

Louise de Rênal : Tais-toi. Laisse-moi te regarder.

Julien Sorel : Pardonne-moi. Je t'en prie.

Louise de Rênal : Non, pardon, c'est toi qui dois m'pardonner.

Julien Sorel : Je t'ai toujours aimée, toujours aimée, tu es la seule que j'aime. Ta blessure ?

Louise de Rênal : Non !

Julien Sorel : Fais voir. Montre-moi.

Louise de Rênal : C'est fini.

Julien Sorel : Comment ai-je pu te faire ça ?

Louise de Rênal : Et moi, comment ai-je pu envoyer cette lettre abominable ? C'est pas moi qui l'ait écrite, tu sais ? Je l'ai recopiée, je l'ai signée. J'ai tellement honte. Pardonne-moi, mais j'étais jalouse, ton bonheur avec cette jeune fille. Tu peux m'le raconter maintenant ?

Julien Sorel : Tu es la seule que j'aime. Tu es la seule que j'ai jamais aimée. Il n'y a que toi.

Louise de Rênal : Pleure pas... J'ai donné une fortune au geôlier. J'pourrai venir tous les jours pendant deux mois. Il faut signer, Julien.

Julien Sorel : C'est pour cette raison que tu es venue ?

Louise de Rênal : Oui, deux mois avec toi. Puis après on se quittera.

Julien Sorel : Que veux-tu dire ?

Louise de Rênal : Rien.

Julien Sorel : Je vais signer, mais à une seule condition. Jamais, jamais tu t'attenteras à tes jours.

Louise de Rênal : Et si nous mourrions ici ensemble.

Julien Sorel : Non. Non. Je préfère passer deux mois avec toi. Tu m'le jures ?

Louise de Rênal : Je te l'jure.

Julien Sorel : Je suis si heureux. Tu viendras tous les jours ?

Louise de Rênal : Tous les jours, oui.

 

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Mathilde de La Môle : L'appel est rejeté. Je ne lui ai pas encore dit. Je pense que ça lui fera plaisir. Pourquoi veut-il mourir, vous le savez ? Il vous parle plus qu'à moi.

Louise de Rênal : Mais non. L'appel est rejeté.

Mathilde de La Môle : Je suis au courant, chacune de vos visites, combien de fois, combien de temps vous restez avec lui. J'vous ai fait surveiller. Au début, j'ai beaucoup pleuré. J'lui ai fait des scènes atroces. Mais j'ai changé. J'ai grandi peut-être. J'ai compris qu'il vous aimait plus que moi. Pourtant vous lui avez fait tant de mal. Il faut beaucoup de force pour accepter ça. Mais j'en ai. J'accepte. Je vais vous surprendre, j'l'aime plus qu'jamais.

Louise de Rênal : Vous m'surprenez pas. Mon Dieu, l'appel est rejeté.

Mathilde de La Môle : Pourquoi n'étiez-vous pas à la prison hier ?

Louise de Rênal : Parce que je suis trop faible quelques fois pour...

Mathilde de La Môle : ... faire semblant d'être bien.

Louise de Rênal : Oui.

Mathilde de La Môle : Il faut y aller demain, c'est important. Il a beau m'dire le contraire, vos visites le rendent très heureux. Vos visites et rien d'autre.

Louise de Rênal : Donnez-moi votre bras, pour que je m'y appuie. Julien est né là où il ne fallait pas, quand il ne fallait pas. Cette noblesse qu'il n'a pas eue, il essaie de la remplacer par la noblesse du cœur. C'est pour ça qu'il veut mourir simplement. Et sans affectation. Pour être digne de vous, de votre enfant.

Mathilde de La Môle : Mon père va voir le roi demain à Saint-Cloud. La grâce est notre dernière chance, mais c'est une chance.

Louise de Rênal : Et si j'y allais moi aussi ? J'me jetterai à ses genoux, je l'implorerai.

Mathilde de La Môle : J'ai voulu faire la même chose, Julien me l'a interdit.

Louise de Rênal : Oui, mais moi je n'ai rien à perdre. Je dirai que je l'ai rendu jaloux, qu'il a menti au procès pour me protéger, que tout est de ma faute. Il y a déjà eu des cas de grâce pour des crimes de ce genre !

Mathilde de La Môle : Julien déteste les scandales. Laissez mon père agir, il y a encore de l'espoir.

Louise de Rênal : J'voudrais vous prendre dans mes bras. Attention, j'ai mal à l'épaule.

 

¤     ¤     ¤

 

Le frère de Mathilde : Le roi n'est plus le roi, il va abdiquer.

Le père de Mathilde : Ce siècle est devenu fou.

 

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Mathilde de La Môle : Pourquoi m'as-tu écrit cette lettre affreuse ? m'ordonner de ne pas te répondre, m'interdire de parler de toi à notre enfant ? Je sors de chez le directeur. J'ai juré que j'étais ta femme, que nous étions mariés secrètement. J'ai tout obtenu : un droit de visite tous les jours, j'habite à deux rues, je me suis installée à Besançon.

Julien Sorel : Mathilde... Je t'en prie, ne me fais pas répéter. Ne me fais pas répéter ce que je t'ai dit dans ma lettre.

Mathilde de Le Môle : Pour les repas, ils te seront livrés deux fois par jour par quelqu'un de chez moi. La cour, celle où il y a les arbres, dorénavant tu peux t'y promener quand tu veux.

Julien Sorel : Je ne veux pas que tu t'occupes de moi, Mathilde... Tu m'oublieras, dans un an tu épouseras Philippe de Croisenoix, tu seras heureuse, tu seras heureuse comme tout le monde. Même si aujourd'hui ça te parait impossible. Tu dois vivre, tu dois quitter le seixième siècle, Mathilde.

Mathilde de Le Môle : Pour l'avocat, j'ai le meilleur, maître Massonnet. Il a sauvé des dizaines d'assassins. Alors que toi, tu ne l'as pas tuée. Tu ne vas pas mourir pour quelqu'un que tu n'as pas tué.

Julien Sorel : Qu'est-ce que tu as dit ? Je ne l'ai pas tuée, c'est ce que tu as dit ? Tu en es certaine ?

Mathilde de Le Môle : Nous allons nous battre. Je te sauverai, Julien. Tu n'as rien fait qui vaille un tel châtiment.

Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, alors je l'ai blessée, elle doit souffrir, je l'ai blessée. Mais où je l'ai blessée ? Comment va-t-elle ? Tu le sais ? Tu peux te renseigner ? Je veux savoir.

Mathilde de Le Môle : Oui, je peux me renseigner.

Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, peut-être, va-t-elle me pardonner, peut-être.

Mathilde de Le Môle : Et dans ce cas au procès son pardon sera considéré comme...

Julien Sorel : Procès... C'est vrai, le procès....

Mathilde de Le Môle : Julien, pourquoi as-tu tiré sur cette femme ? Pourquoi ?

Julien Sorel : Il faudra que je me défende, l'éloquence des uns et les injures des autres, les journaux, toute cette vulgarité. Je préfère mourir tranquille.

Mathilde de Le Môle : Si tu meurs, je mourrai. 

 

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Louise de Rênal : Comme vous voyez, monsieur le Juge, je vais très bien. A peine deux mois se sont écoulés et je suis venue en voiture de Verrières à Besançon.

Le juge : Vous souhaitez donc assister au procès.

Louise de Rênal : Oh non, ma présence pourrait faire du tort à monsieur Sorel. On pourrait penser que je suis là pour demander vengeance. Alors que je souhaite plus que tout au monde qu'il soit sauvé.

Le juge : Mais il vous a tiré dessus.

Louise de Rênal : Mais c'était un moment de folie. Tout le monde vous dira à Verrières qu'il avait des lubies, des moments d'égarement. Il passait de l'enthousiasme à la mélancolie comme ça, sans préavis. Mon fils, qui l'adore, pourrait vous le confirmer. Il a des ennemis, qui n'en a pas. Mais personne n'a jamais mis en doute le talent, l'intelligence, la culture profonde de ce jeune homme. Ce n'est pas un être ordinaire que vous allez juger, monsieur. Il connaît la sainte Bible par cœur. C'est un homme pieux, pur.

Le juge : Vous avez écrit le contraire à monsieur de La Môle.

Louise de Rênal : Je le regrette tellement. J'ai été influencée, j'ai été trompée. J'ai perdu la tête. Je comprends que cette lettre l'ait rendu fou.

Le juge : Vous admettez donc que c'est votre lettre qui l'a poussé à ce geste effroyable. D'ailleurs il vous a tiré dessus une deuxième fois, il y a eu préméditation.

Louise de Rênal : Mais ce n'est pas vrai. Je l'ai vu, il ne savait pas ce qu'il faisait. J'ai reconnu son regard, ce regard un peu vague qu'il avait avant ses crises de délire. Je l'ai vu ! Monsieur le Juge, si par ma faute un innocent est conduit à la mort, ma vie entière en sera empoisonnée. Il n'y a pas eu préméditation. 

 

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Julien Sorel : J'ai obéi à des convenances que je ne respectais pas. J'ai été... j'ai été orgueilleux... j'ai été ambitieux... j'ai obéi à des convenances que je ne respectais pas. J'ai voulu ôter la vie de la seule femme qui pleurera ma mort. Vous voulez un peu de vin ? Ca vous f'ra du bien. Il est bon, Mathilde l'a fait venir de Toscane.

L'abbé Chelan : Continue, mon enfant. Continue.

Julien Sorel : Je n'me suis repenti qu'après l'avoir revue. Vivante. Elle était vivante ! Mon père, j'ai réalisé alors quelque chose de très étrange. Je me suis rendu compte que j'aimais follement cette femme et j'ai compris l'horreur de mon acte. Je l'aime éperduement. Merci, mon père, d'être venu. Il fallait que je vous voie.

L'abbé Chelan : J'ai eu tant de chagrin en apprenant... Je venais de recevoir ta lettre de Strasbourg, et tout cet argent que tu m'as envoyé. Et que je t'ai rapporté.

Julien Sorel : Garde-le pour vous, ou donnez-le à quelqu'un. Vous semblez tellement fatigué.

L'abbé Chelan : Je crois qu'il vaut mieux mourir jeune que d'arriver à cette décrépitude.

Julien Sorel : Je voudrais vous demander quelque chose. Avez-vous peur de la mort ?

L'abbé Chelan : La mort est une aventure individuelle. J'ai eu de la chance, je vis la mienne en compagnie de Dieu. Tu lui as tourné le dos mais il te sera beaucoup pardonné, puisque tu as beaucoup aimé.

Julien Sorel : J'aimerais tant que tout... que tout se passe bien simplement.  Et j'espère ne pas avoir honte de moi avant de mourir.

L'abbé Chelan : Si tu sens ton courage fléchir, pense aux plus beaux moments, aux plus belles lumières. Dieu, lui, ne te tournera pas le dos. Tu n'es pas un monstre, mon enfant, moi je le sais.

 

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lundi, 02 juillet 2012

Le destin fabuleux de Désirée Clary - Guitry 1/2

Le film est d'un tenant mais la transcription de pareil chef d'oeuvre demande la place de deux parties... 1/2

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Film : Le destin fabuleux de Désirée Clary (1941, durée 1h50)

Réalisateur : Sacha Guitry 

Désirée (Gaby Morlay), Désirée jeune (Geneviève Guitry), Julie Clary (Yvette Lebon) 
 
Bonaparte (Jean-Louis Barrault), Bernadotte (Jacques Varenne), Talleyrand (Jean Périer), Fouché (Noël Roquevert) 
 
Le conteur (Sacha Guitry)
 
 

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Napoléon : Bernadotte saura que vous êtes venue ?

Désirée : Non.

Napoléon : Qui trahissez-vous de nous deux ?

Désirée : Ce soir, je me le demande. 

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Napoléon : Faites savoir à Junot qu'il doit cesser de m'écrire sur du gras papier de deuil, c'est contraire au respect que l'on doit à un supérieur et cela me donne des idées sinistres quand je reçois ses lettres. 

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Benadotte : Sire, j'ai pensé longtemps que la France ne pouvait être heuseuse qu'en république. C'est à la sincérité de cette conviction que votre majesté doit attribuer mon attitude pendant trois ans. Mes illusions sont dissipées. Je vous prie d'être persuadé de mon empressement à exécuter les mesures que votre majesté pourra prescrire dans l'intérêt de la patrie.
 
Napoléon : Monsieur le maréchal, la conviction que j'ai que votre langue a toujours été l'interprète fidèle de votre cœur donne à l'aveu que vous venez de faire une grande valeur à mes yeux. C'est seulement par une union complète que nous pouvons espérer achever la gloire, la tranquillité et la prospérité de la France. 

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Napoléon : Tenons-nous prêts à partir en campagne à la fin de l'année. L'Angleterre n'ayant pas respecté les clauses du traité d'Amiens, je forme le projet de porter la guerre dans l'île. Lannes, je te prie de te taire.
 
Lannes : Mais je...
 
Napoléon : Si tu n'es pas content, va-t-en.
 
Lannes : Non.
 
Napoléon : Comment, non ?
 
Lannes : Non. Tu as trop besoin de moi. 

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Et pendant trois années, de juin 1804 à juillet 1807, l'empereur ne va guère quitter des yeux cette carte d'Europe, tandis que Désirée continuera de le haïr. 

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Désirée : Chaque étape de sa prodigieuse carrière est comme une nouvelle humiliation que je ressens, qui me torture et qui m'exaspère.
 
Julie : Je m'en rends compte, hélàs. Et je suis bien obligée de l'admettre. Mais entre nous, ce que je ne comprends pas, c'est que Bernadotte éprouve lui ce sentiment à son égard.
 
Désirée : Mais il est tout différent du mien, son sentiment ! Il ne le déteste pas, lui.
 
Julie : Bernadotte ne déteste pas l'empereur ?
 
Désirée : Pas du tout ! Il admire son génie. Mais, que veux-tu, il le considère comme un homme néfaste.
 
Julie : Sincèrement ?
 
Désirée : Sincèrement oui. Parce qu'il ne sait pas la vérité.
 
Julie : Et quelle est donc la vérité ?
 
Désirée : La vérité, c'est qu'il l'envie, c'est tout. Et c'est l'explication de tout. Depuis le premier jour, il l'envie. Depuis Toulon, depuis Arcole, enfin depuis toujours.  Mais il ne s'en rend pas compte. Car, s'il est incroyablement ambitieux, il est le plus honnête homme du monde.
 
Julie : Ambitieux, il me semble pourtant que l'empereur l'a comblé.
 
Désirée : Oh, oui, de toutes les manières, argent, dignités, faveurs, il lui a tout donné.
 
Julie : Alors, que peut-il envier ?
 
Désirée : Sa place. La seule chose évidemment que l'autre ne lui donnera jamais. Mais Bernadotte ne désespère pas de la lui prendre un jour.
 
Julie : Mais toi non plus.
 
Désirée : Mais moi non plus. Avec cette différence que si même un jour Bernadotte prenait la place de l'empereur, moi je n'occuperais pas celle de Joséphine.
 
Julie : Et cependant, tu l'aurais, sa place.
 
Désirée : Oui, mais pas dans son lit. Parlons d'autre chose, tu veux... [...] Joseph !
 
Joseph : Oui, bonjour, bonjour chérie . J'ai des nouvelles de Bernadotte que l'empereur vient à l'instant de me communiquer. Elles sont excellentes et mon frère m'a prié de vous les transmettre. Ah, pendant que j'y pense, pardon, je suis roi de Naples.
 
Julie : Qu'est-ce que tu dis ?
 
Joseph : Tu as bien entendu.
 
Julie : Tu es roi de... ?
 
Joseph : Oui, et toi reine de Naples.
 
Julie : Et tu ne me l'dis pas ?!
 
Joseph : Mais je te l'dis ! Je l'avais oublié un instant, excuse-moi, chérie, il m'a dit tant de choses aujourd'hui.
 
Julie : Mais pourquoi es-tu roi de Naples ?
 
Joseph : Mais parce qu'il l'a décidé ! Qu'est-ce que tu veux que je te dise, tu le connais, n'est-ce pas ? Et Louis et roi de Hollande.
 
Désirée : Votre fère ?
 
Joseph : Oui, lui il est enchanté.
 
Julie : Vous, non ?
 
Joseph : Oh, ne me dis pas "vous", je t'en supplie. Tu sais que je n'ai jamais eu le goût des titres et des dignités. Déjà quand on m'appelle altesse, je trouve ça inconvenant, c'est bien simple. Mais revenons à Bernadotte.
 
Désirée : Pardon, comment se porte l'empereur ?
 
Joseph : Comment donc ? Il est arrivé ce matin, il repart ce soir. Il dort cinq heures par nuit, déjeune en dix minutes, va de victoire en victoire. Ah, je crois que son divorce est chose décidée.
 
Désirée : Et vous me l'dites pas ?! 
 
Joseph : Mais... j'vous l'dis. Mais revenons à Berdanotte.
 
Désirée : Pardon, un mot. Vous a-t-il dit lui-même qu'il divorçait ou bien est-ce une impression que vous avez ?
 
Joseph : Il me l'a fait comprendre. Donc, Bernadotte annonce une victoire éclatante.
 
Désirée : Je, Je voudrais savoir. Est-ce qu'il se résigne à divorcer ou bien... le désire-t-il un peu déjà ?
 
Joseph : Ca, je ne saurais le dire. Donc, Bernadotte annonce une victoire écrasante à Lübeck, la prise de la ville et la capture par lui de quinze cent Suédois qui combattaient parmi les troupes prussiennes.
 
Julie : Et où est Lübeck ?
 
Joseph : Au Danemark. Or, cette petite armée suédoise était commandée par le colonnel comte Mörner, et aussitôt après la victoire, vous allez reconnaître là votre mari, voici comment les choses se sont passées. 

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Bernadotte : Et vous direz à la maréchalle, que je suis victime d'une abominable machination de Davout et de Berthier. 

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Napoléon : Non, sa disgrâce est un fait accompli désormais. C'est en vain que vous pleurez, mesdames, c'en est fini de Bernadotte. Sa conduite à Iéna, son attitude à Wagram, après toutes ces fanfaronnades exaspérantes, mettent un point final à sa carrière militaire. Non, pas cette fois-ci. J'ai pu lui pardonner tout ce dont vous étiez coupables, ses insinuations, ses médisances, ses intrigues, ses complots eux mêmes. J'ai pu passer l'éponge enfin sur tout ce qui portait la marque de votre inspiration. Mais me désobéir en présence de l'ennemi, cela, vous ne le lui auriez jamais conseillé. C'est la troisième fois qu'il n'est pas fusillé grâce à vous ! Ne m'en demandez pas davantage. La mise en disponibilité de Bernadotte est définitive à présent. Vous pouvez vous retirer, mesdames. 

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Bernadotte : Aujourd'hui, il me nomme gouverneur de Rome, me fait grand dignitaire de l'empire et m'accorde une dotation de deux millions.
 
Désirée : Oooh....
 
Bernadotte : Comment veux-tu que j'y comprenne quelque chose ?
 
Désirée : Oooh....
 
 
Mais le soir-même, quelqu'un que nous allons reconnaître se présentait chez Bernadotte. Cette visite allait bouleverser tous les projets de l'empereur, elle allait ouvrir une voie nouvelle à l'ambition du maréchal, elle venait enfin confirmer quel destin fabuleux fut celui de Désirée Clary. 

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Bernadotte : Ah, colonnel ! Soyez le bienvenu.
 
Fournier : Monsieur le maréchal, je ne puis vous dissimuler l'émotion que j'éprouve à revoir votre altesse. Madame la maréchale ?
 
Bernadotte : Oui. 

Fournier :  Madame, vous êtes l'épouse d'un véritable gentilhomme. Si vous saviez.

Désirée : Oh, mais je sais.

Fournier : Sans doute. Mais ce que vous ignorez, madame, c'est le souvenir que mon pays en a conservé, tant votre altesse est populaire en Suède. Votre fils ?

Bernadotte : Oui.

Fournier : On aime à dire qu'un bienfait n'est jamais perdu. Eh bien, tenez, en voici une preuve éclatante. Prince, vous n'ignorez pas que la Suède se trouve en un état voisin de l'anarchie. D'autre part, vous savez que notre vieux roi, Charles XIII, n'a pas de projéniture. Or, il nous faut un chef, il nous faut un prince royal. Notre pays n'a besoin ni d'un Danois, ni d'un Russe. Ce qu'il désire, c'est un Français, un Français qui adoptera notre religion, qui deviendra suédois, un Français connu pour ses exploits guerriers, pour l'estime où le tient l'auguste empereur des Français, qui appartienne à la famille de l'empereur, étant le beau-frère du roi d'Espagne, enfin qui ait un fils susceptible de lui succéder un jour. Telle est l'mouvant mission que j'avais à remplir auprès de votre altesse.

Bernadotte : Monsieur le comte, votre déclaration m'honore et me touche profondément. Mais elle me prend au dépourvu, je dois le dire. Devant une éventualité aussi considérable, certaines objections me viennent à l'esprit. Cesser d'être français, abjurer ma religion...

Fournier : ... comme l'a fait le roi Henri IV, votre concitoyen.

Bernadotte : Oui, mais... même en admettant la question résolue pour moi, il me resterait encore à poser une condition formelle, que j'hésite à formuler.

Fournier : Parlez, je vous en prie.

Bernadotte : Eh bien...

 
¤     ¤     ¤
 

Napoléon : Je suis ravi d'en être débarrassé. En tout cas, je ne pouvais pas refuser mon consentement, car un maréchal de France sur le trône de Gustav Adolf est l'un des meilleurs tours qu'on puisse jouer à l'Angleterre. J'ai trois valets et deux rois, autant dire cinq valets. 

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Talma : Sire, on prétend même que si Dieu vous laissait faire, vous lui prendriez sa place.

Napoléon : Eh bien, non, je n'en voudrais pas, car c'est un cul-de-sac. A vous de jouer, Talma. Et d'ailleurs, c'est justice.

Talma : Non, sire, c'est à vous. Monsieur de Talleyrand vient d'abattre le roi.

Napoléon : Je n'en suis point surpris. Eh bien, je joue carreau.

Talleyrand : Mais, sire, puis-je vous faire observer...

Napoléon : ... que ?

Talleyrand : Que vous avez sept cartes en main.

Napoléon : Eh bien ?

Talleyrand : C'est deux de trop.

Napoléon : Nous ne jouons pas d'argent. Alors ?

Talleyrand : Et d'ailleurs, vous avez tous les droits.

Napoléon : Non, prince, je n'ai précisément pas tous les droits, et je ne peux justement pas tout faire. La boutonnière de Talma en est la preuve. Oui, je peux distribuer tous les trônes d'Europe à mes frères, personne n'ose élever la voix, mais si je veux décorer un comédien, cela fait un scandale. Cambronne, c'est à vous de parler.

Cambronne : Mmmmmh.

Napoléon : Vous ne dites rien, Cambronne ?

Cambronne : Mmmmmh.

Napoléon : Et qu'entendez-vous par "Mmmmmh" ?

Cambronne : Rien, sire, je passe.

Napoléon : Bien.

 

¤     ¤     ¤

 

Désirée : Le vieux roi de Suède trouve inacceptable la condition posée par Bernadotte.

Julie : Mais quelle est donc cette condition ?

Désirée : Devenir son fils, oui, enfin, prince héritier.

Julie : Oh, je ne savais pas. Oh...

Désirée : Tu penses bien que Bernadotte ne va pas se faire naturaliser suédois, devenir protestant, s'exiler en Suède, sans courir au moins la chance de monter sur le trône un jour.

 Julie : Evidemment.

Désirée : D'autre part, ce vieux roi, n'est-ce pas, mettons nous à sa place.

Julie : C'est ce que vous étiez en train de faire justement.

Le valet : Un pli pour madame la maréchale.

Désirée : Donnez, donnez. Mon Dieu, pourquoi j'ai le pressentiment qu'un malheur est arrivé ?

Julie : Veux-tu que je ... ?

Désirée : Non-non-non-non... Oh, mon Dieu !

Julie : L'empereur ?

Désiée : Non, mais mon pressentiment ne m'avait pas trompée.

Julie : Ton mari ?

Désirée : Oui.

Julie : Mort ?

Désirée : Non, roi de Suède.

Julie :Qu'est-ce que tu dis ?

Désirée : C'est fait. Charles XIII consent à l'adopter, tiens, lis toi-même. Oh, mon Dieu, mon Dieu...

Julie : Ma chérie, oh non, ne pleure pas.

Désirée : Je le redoutais depuis trois mois. Voilà, c'est fait, je suis reine de Suède... Je ne sais même pas où est la Suède. Moi qui croyais que c'était un petit pays comme P---. Mais pas du tout, il parait que c'est immense ! C'est là-haut, tout là-haut, là-haut.

Julie : Enfin, inclinons-nous devant la destinée.

Désirée : Eh oui, et nous revoilà de nouveau toutes les deux, l'une consolant l'autre.

Julie : Comme le jour où je suis devenue reine d'Espagne.

Désirée : Oui, c'est vrai. Mais qu'est-ce que nous avons bien pu faire au bon Dieu pour qu'il nous arrive tout cela ? Encore toi, tu le sentais que c'était provisoire.

Julie : Et puis enfin moi, je ne suis pas allée en Espagne.

Désirée : Parce que tu t'imagines que je vais aller en Suède ?

Julie : Tu n'iras pas ?

Désirée : Moi ? Ah, jamais de la vie ! Quitter la France ? Non. M'en aller de Paris ? Non-non-non-non-non. Non, et puis...

Julie : Et puis il y a l'autre.

Désirée : Eh oui.

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Julie : Enfin, quoi qu'il en soit, nous voilà reines toutes les deux.

Désirée : Oui, tu y crois toi ?

Julie : Pas beaucoup. Ca n'a pas l'air sérieux tout cela.

Désirée : C'est peut-être pas sérieux, mais c'est grave.

 

mercredi, 06 juin 2012

Camille Claudel - Rodin, Adjani, Depardieu

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Film : Camille Claudel (1988, durée 2h50)

Réalisateur : Bruno Nuytten

Auguste Rodin (Gérard Depardieu), Camille Claudel (Isabelle Adjani), Paul Claudel le frère de Camille (Laurent Grévil), Eugène Blot marchand d'art (Philippe Clévenot), Louis-Prosper Claudel le père de Camille et Paul (Alain Cuny), Louise-Athanaise Claudel la mère de Camille et Paul (Madeleine Robinson), Jessie Lipscomb amie anglaise de Camille (Katrine Boorman), Rose Beuret la compagne de Rodin (Danièle Lebrun) 

 

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Auguste Rodin à Camille Claudel : Ne comptez pas sur l'inspiration, elle n'existe pas. Qu'est-ce que vous voulez que je vous apprenne ? Une sculpture demande du temps. Il faut la laisser se reposer. L'oublier pour mieux la juger. 

 

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Auguste Rodin à Camille Claudel : On n'en parle pas, mais c'est très important, le chauffage. Quand j'avais votre âge, j'avais loué une écurie qui me servait d'atelier. Il faisait un froid de canard. Je devais y faire mon premier buste, d'après nature, une femme du monde. Alors comme je n'avais pas le sou, je suis allé chez le cordonnier du coin, chercher plein de vieilles paires de chaussures. Me voilà parti à fourguer tout ça dans le poêle pour donner un peu de chaleur, n'est-ce pas. La femme est arrivée, s'est installée. Mais l'odeur, l'odeur ! Elle n'a pas résisté. Elle tourne de l'oeil et hop ! la voilà partie dans les pommes. J'ai eu la frousse de ma vie, j'ai cru qu'elle était morte.

 

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La mère de Camille Claudel : Ca vous amuse ? Moi pas. On verra si vous baillerez dimanche devant Papa. Jusqu'ici ton père était d'accord avec cette histoire d'atelier, Camille. Mais cette fois il ne te donnera pas raison. Tu n'as pas supporté la discipline de l'académie de Colarossi. Tu préfères ta liberté, partager un atelier avec une étrangère délurée. Et tu t'en moques que ça nous coûte trois fois plus cher ! Les cours, le loyer... Et si Papa n'est pas là, c'est justement pour gagner cet argent, sou par sou, au point de tout sacrifier. Mais tu crois que c'est une vie pour un homme de son âge ! de voir sa famille une seule fois par semaine. Et pour moi ? Quand il apprendra que tu découches pour aller voler de la terre dehors, que tu nous obliges à passer des nuits blanches, que ton frère risque de tripler sa philo à cause de tes lubies, et tout ça pour ta soi-disant vocation ! Et puis tu le perturbes, à lui faire lire des cochonneries qui ne sont pas de son âge, l'âge de personne d'ailleurs.

 

¤   ¤   ¤

 

Paul Claudel à Camille Claudel : Je te remercie de m'avoir fait connaître la poésie de Rimbaud. Il m'arrache les pieds de la terre. Est-ce que j'arriverais un jour à m'enfuir comme lui ? 

 

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Rodin : Je vais peut-être vous surprendre, mais j'ai failli entrer dans les ordres. J'étais jeune, j'avais une sœur aînée,  Maria, que j'adorais. Maria est devenue novice à la suite d'une promesse de mariage qu'un ami à moi n'a pas tenu. Elle en est morte de chagrin. Alors après sa mort, je suis entré au monastère. Pour la garder vivante, j'ai mené sa vie. A ma grande surprise, mon directeur de conscience m'a demandé de faire un buste de lui. En m'obligeant à sculpter, il m'a rendu à la vie, à la mienne je veux dire.

Le père de Camille Claudel : Par miracle, cet homme-là a su faire la différence entre un chagrin et une vocation.

Rodin : Sans doute, sans doute.

Camille : Je crois que si j'avais un chagrin pareil, je ferais la même chose.

La mère : Toi, Camille, tu deviendrais religieuse ?

Camille : Je m'arrêterai.

La mère : Quel orgueil. Je me demande de qui tu tiens ça.

Le père : Camille n'est pas une orgueilleuse. Seulement elle ne cède jamais une once de ce qu'elle estime devoir lui revenir. Là où elle est violente, ce n'est que parce qu'elle est passionnée. Quand elle était enfant, elle s'amusait à reproduire avec de la glaise des os de squelette humain. Ensuite elle les mettait au four pour les cuire. Elle en perdait le boire et le manger. C'était stupéfiant. Là où elle est ombrageuse, c'est parce qu'elle est d'une grande intention.

Camille : Papa...

Le père : Monsieur Rodin, lui, a dû s'en rendre compte, n'est-ce pas monsieur Rodin ?

Rodin : ah monsieur Claudel, le témpérament, d'où nous vient le tempérament ?

La mère : Ca, on sait pas d'où ça vient mais on sait ce que ça fait, le tempérament. 

 

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Camille Claudel à Auguste Rodin : Peux-tu faire des ronds de jambes à des gens qui ne comprennent pas ce que tu fais ?

 

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Eugène Blot : Votre sœur se remet mal de sa séparation avec Rodin.

Paul Claudel : Elle a tout misé sur lui. Elle a tout perdu avec lui, ma sœur.

 

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Eugène Blot : On vous bafoue parce qu'on ne peut pas vous détuire. Un génie est toujours un effroi pour son temps.  

 

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mercredi, 23 mai 2012

Le Rouge et le noir - Stendhal

En attendant de revoir la version  de Claude Autant-Lara avec Gérard Philippe et Danille Darrieux de 1954...

 

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Téléfilm : Le Rouge et le noir (1997, durée 1h35 & 1h50)

Réalisateur : Jean-Daniel Verhaeghe

D'après Stendhal.

Julien Sorel (Kim Rossi Stuart), Louise de Rênal (Carole Bouquet), monsieur de Rênal (Bernard Verley), Mathilde de La Môle (Judith Godrèche),  le marquis de La Môle (Claude Rich), Elisa (Camille Verhaeghe), l'abbé Pirard (Rüdiger Vogler), l'abbé Chelan (Maurice Garrel), le comte Altamira (Francesco Acquaroli), madame de Fervaques (Claudine Auger)

 

¤   ¤   ¤   première partie   ¤   ¤   ¤

 

Julien  Sorel : Cette nuit ouvrez-moi votre porte, il faut que je vous parle.

Louise de Rênal : Mais vous êtes fou. 

 

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Louise de Rênal : Vous vouliez me parler ?

Julien Sorel : Je ... je ... je vous aime... je vous aime... je vous aime avec passion... Je ne sais plus quoi faire. Je ne sais plus quoi faire. Il faut que vous m'aidiez. Oh aidez-moi.

Louise de Rênal : Je vous en supplie. Il ne faut pas. Tu es si jeune.

 

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Louise de Rênal : Si mon mari a entendu quelque chose, je suis perdue. Et si je suis perdue, je m'en fiche.

Julien Sorel : Et s'il te tue, tu t'en fiches aussi ?

Louise de Rênal : Non, pas ce matin. Ce matin, pour la première fois, je regretterai la vie. 

Julien Sorel : Je me sens le maître du monde.

Louise de Rênal : Tu m'aimes encore depuis hier ?

Julien Sorel : Oh oui, je t'aime. Mais au fait, je vais devenir prêtre.

Louise de Rênal : Mais tu seras pape, cardinal, ministre, comme Richelieu. Ce portrait, tu vas finir par me le dire... ?

Julien Sorel : Non, je ne peux pas te le dire.

Louise de Rênal : Si tu ne me le dis pas je crie, j'ameute la maison, je me déshonore !

Julien Sorel : Bonaparte, c'est Bonaparte, Bonaparte, Napoléon Bonaparte.

Louise de Rênal : Bonaparte ? J'étais si malheureuse à cause de Bonaparte ? Mais il est mort Bonaparte. Mon petit bonapartiste... mon amour... mon rebelle. C'est un rival merveilleux Bonaparte.

 

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Amie de Louise de Rênal : Oh, flute !

Louise de Rénal : Trop fort, ton jeu manque de subtilité.

Amie : Le tien aussi.

Louise de Rénal : Oh je t'en prie.

Amie : Tu te ridiculises. Tu vas te perdre Louise. Je suis ton amie et je refuse d'assister à une...

Louise de Rénal : Tu crèves de jalousie. Ca fait quinze ans que tu m'abreuves de récits sucrés, salés, poivrés. Tu changes d'amant à chaque courant d'air. Alors garde tes conseils.

 

¤   ¤   ¤   deuxième partie   ¤   ¤   ¤

 

Le Marquis de La Môle : Il y a une chose que j'aimerais savoir. Au moins y a-t-il eu pour vous, à un moment quelconque, un amour imprévu ?

Julien Sorel : Comment ça, un amour imprévu ?

Le Marquis de La Môle : Vous savez que j'ai cent mille écus de rente, que j'aime ma fille plus que tout. Tout ça vous le saviez ! J'ai du mal à croire que Mathilde, la première, a pris l'initiative, mais admettons. Pourquoi n'avez-vous pas fui ? C'était votre devoir.

Julien Sorel : Je vous l'ai demandé, je vous ai demandé de m'envoyer plutôt à Londres ! Vous vous en souvenez ?

Le Marquis de La Môle : Vos sentiments, il n'y a jamais eu de vulgarité ? De vulgarité matérielle dans vos sentiments ?

Julien Sorel : Je ne suis pas intéressé par l'argent.

Le Marquis de La Môle : Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu veux ?

Julien Sorel : J'aime la vie, je veux vivre pour mon fils maintenant ! Vous ne pouvez pas me priver de cet amour, de mon enfant, et de Mathilde. Et je sais que vous ne pouvez pas vivre sans elle. Et elle ne peut pas vivre sans moi. 

 

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Un militaire : Ce qui les énerve, c'est que vous soyez lieutenant sans jamais avoir été sous-lieutenant.

Julien Sorel : C'est compréhensible. Et ils n'ont encore rien vu. Avant mes trente ans, je serai général, c'est moi qui te le dis.  

 

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Mathilde de La Môle : Pourquoi m'as-tu écrit cette lettre affreuse ? m'ordonner de ne pas te répondre, m'interdire de parler de toi à notre enfant ? Je sors de chez le directeur. J'ai juré que j'étais ta femme, que nous étions mariés secrètement. J'ai tout obtenu : un droit de visite tous les jours, j'habite à deux rues, je me suis installée à Besançon.

Julien Sorel : Mathilde... Je t'en prie, ne me fais pas répéter. Ne me fais pas répéter ce que je t'ai dit dans ma lettre.

Mathilde de Le Môle : Pour les repas, ils te seront livrés deux fois par jour par quelqu'un de chez moi. La cour, celle où il y a les arbres, dorénavant tu peux t'y promener quand tu veux.

Julien Sorel : Je ne veux pas que tu t'occupes de moi, Mathilde... Tu m'oublieras, dans un an tu épouseras Philippe de Croisenois, tu seras heureuse, tu seras heureuse comme tout le monde. Même si aujourd'hui ça te parait impossible. Tu dois vivre, tu dois quitter le seixième siècle, Mathilde.

Mathilde de Le Môle : Pour l'avocat, j'ai le meilleur, maître Massonnet. Il a sauvé des dizaines d'assassins. Alors que toi, tu ne l'as pas tuée. Tu ne vas pas mourir pour quelqu'un que tu n'as pas tué.

Julien Sorel : Qu'est-ce que tu as dit ? Je ne l'ai pas tuée, c'est ce que tu as dit ? Tu en es certaine ?

Mathilde de Le Môle : Nous allons nous battre. Je te sauverai, Julien. Tu n'as rien fait qui vaille un tel châtiment.

Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, alors je l'ai blessée, elle doit souffrir, je l'ai blessée. Mais où je l'ai blessée ? Comment va-t-elle ? Tu le sais ? Tu peux te renseigner ? Je veux savoir.

Mathilde de Le Môle : Oui, je peux me renseigner.

Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, peut-être, va-t-elle me pardonner, peut-être.

Mathilde de Le Môle : Et dans ce cas au procès son pardon sera considéré comme...

Julien Sorel : Procès... C'est vrai, le procès....

Mathilde de Le Môle : Julien, pourquoi as-tu tiré sur cette femme ? Pourquoi ?

Julien Sorel : Il faudra que je me défende, l'éloquence des uns et les injures des autres, les journaux, toute cette vulgarité. Je préfère mourir tranquille.

Mathilde de Le Môle : Si tu meurs, je mourrai. 

 

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Louise de Rênal : Comme vous voyez, monsieur le Juge, je vais très bien. A peine deux mois se sont écoulés et je suis venue en voiture de Verrières à Besançon.

Le juge : Vous souhaitez donc assister au procès.

Louise de Rênal : Oh non, ma présence pourrait faire du tort à monsieur Sorel. On pourrait penser que je suis là pour demander vengeance. Alors que je souhaite plus que tout au monde qu'il soit sauvé.

Le juge : Mais il vous a tiré dessus.

Louise de Rênal : Mais c'était un moment de folie. Tout le monde vous dira à Verrières qu'il avait des lubies, des moments d'égarement. Il passait de l'enthousiasme à la mélancolie comme ça, sans préavis. Mon fils, qui l'adore, pourrait vous le confirmer. Il a des ennemis, qui n'en a pas. Mais personne n'a jamais mis en doute le talent, l'intelligence, la culture profonde de ce jeune homme. Ce n'est pas un être ordinaire que vous allez juger, monsieur. Il connaît la sainte Bible par cœur. C'est un homme pieux, pur.

Le juge : Vous avez écrit le contraire à monsieur de La Môle.

Louise de Rênal : Je le regrette tellement. J'ai été influencée, j'ai été trompée. J'ai perdu la tête. Je comprends que cette lettre l'ait rendu fou.

Le juge : Vous admettez donc que c'est votre lettre qui l'a poussé à ce geste effroyable. D'ailleurs il vous a tiré dessus une deuxième fois, il y a eu préméditation.

Louise de Rênal : Mais ce n'est pas vrai. Je l'ai vu, il ne savait pas ce qu'il faisait. J'ai reconnu son regard, ce regard un peu vague qu'il avait avant ses crises de délire. Je l'ai vu ! Monsieur le Juge, si par ma faute un innocent est conduit à la mort, ma vie entière en sera empoisonnée. Il n'y a pas eu préméditation.

 

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Julien Sorel : Je voudrais vous demander quelque chose. Avez-vous peur de la mort ?

L'abbé Chelan : La mort est une aventure individuelle. J'ai eu de la chance, je vis la mienne en compagnie de Dieu. Tu lui as tourné le dos mais il te sera beaucoup pardonné, puisque tu as beaucoup aimé.

Julien Sorel : J'aimerais tant que tout... tout se passe bien, simplement. J'espère ne pas avoir honte de moi avant de mourir.

L'abbé Chelan : Si tu sens ton courage fléchir, pense aux plus beaux moments, aux plus belles lumières. Dieu, lui, ne te tournera pas le dos. Tu n'es pas un monstre, mon enfant, moi je le sais.