lundi, 02 juillet 2012
Le destin fabuleux de Désirée Clary - Guitry 1/2
Le film est d'un tenant mais la transcription de pareil chef d'oeuvre demande la place de deux parties... 1/2
Film : Le destin fabuleux de Désirée Clary (1941, durée 1h50)
Réalisateur : Sacha Guitry
Napoléon : Bernadotte saura que vous êtes venue ?
Désirée : Non.
Napoléon : Qui trahissez-vous de nous deux ?
Désirée : Ce soir, je me le demande.
Napoléon : Faites savoir à Junot qu'il doit cesser de m'écrire sur du gras papier de deuil, c'est contraire au respect que l'on doit à un supérieur et cela me donne des idées sinistres quand je reçois ses lettres.Fournier : Madame, vous êtes l'épouse d'un véritable gentilhomme. Si vous saviez.
Désirée : Oh, mais je sais.
Fournier : Sans doute. Mais ce que vous ignorez, madame, c'est le souvenir que mon pays en a conservé, tant votre altesse est populaire en Suède. Votre fils ?
Bernadotte : Oui.
Fournier : On aime à dire qu'un bienfait n'est jamais perdu. Eh bien, tenez, en voici une preuve éclatante. Prince, vous n'ignorez pas que la Suède se trouve en un état voisin de l'anarchie. D'autre part, vous savez que notre vieux roi, Charles XIII, n'a pas de projéniture. Or, il nous faut un chef, il nous faut un prince royal. Notre pays n'a besoin ni d'un Danois, ni d'un Russe. Ce qu'il désire, c'est un Français, un Français qui adoptera notre religion, qui deviendra suédois, un Français connu pour ses exploits guerriers, pour l'estime où le tient l'auguste empereur des Français, qui appartienne à la famille de l'empereur, étant le beau-frère du roi d'Espagne, enfin qui ait un fils susceptible de lui succéder un jour. Telle est l'mouvant mission que j'avais à remplir auprès de votre altesse.
Bernadotte : Monsieur le comte, votre déclaration m'honore et me touche profondément. Mais elle me prend au dépourvu, je dois le dire. Devant une éventualité aussi considérable, certaines objections me viennent à l'esprit. Cesser d'être français, abjurer ma religion...
Fournier : ... comme l'a fait le roi Henri IV, votre concitoyen.
Bernadotte : Oui, mais... même en admettant la question résolue pour moi, il me resterait encore à poser une condition formelle, que j'hésite à formuler.
Fournier : Parlez, je vous en prie.
Bernadotte : Eh bien...
Napoléon : Je suis ravi d'en être débarrassé. En tout cas, je ne pouvais pas refuser mon consentement, car un maréchal de France sur le trône de Gustav Adolf est l'un des meilleurs tours qu'on puisse jouer à l'Angleterre. J'ai trois valets et deux rois, autant dire cinq valets.
Talma : Sire, on prétend même que si Dieu vous laissait faire, vous lui prendriez sa place.
Napoléon : Eh bien, non, je n'en voudrais pas, car c'est un cul-de-sac. A vous de jouer, Talma. Et d'ailleurs, c'est justice.
Talma : Non, sire, c'est à vous. Monsieur de Talleyrand vient d'abattre le roi.
Napoléon : Je n'en suis point surpris. Eh bien, je joue carreau.
Talleyrand : Mais, sire, puis-je vous faire observer...
Napoléon : ... que ?
Talleyrand : Que vous avez sept cartes en main.
Napoléon : Eh bien ?
Talleyrand : C'est deux de trop.
Napoléon : Nous ne jouons pas d'argent. Alors ?
Talleyrand : Et d'ailleurs, vous avez tous les droits.
Napoléon : Non, prince, je n'ai précisément pas tous les droits, et je ne peux justement pas tout faire. La boutonnière de Talma en est la preuve. Oui, je peux distribuer tous les trônes d'Europe à mes frères, personne n'ose élever la voix, mais si je veux décorer un comédien, cela fait un scandale. Cambronne, c'est à vous de parler.
Cambronne : Mmmmmh.
Napoléon : Vous ne dites rien, Cambronne ?
Cambronne : Mmmmmh.
Napoléon : Et qu'entendez-vous par "Mmmmmh" ?
Cambronne : Rien, sire, je passe.
Napoléon : Bien.
¤ ¤ ¤
Désirée : Le vieux roi de Suède trouve inacceptable la condition posée par Bernadotte.
Julie : Mais quelle est donc cette condition ?
Désirée : Devenir son fils, oui, enfin, prince héritier.
Julie : Oh, je ne savais pas. Oh...
Désirée : Tu penses bien que Bernadotte ne va pas se faire naturaliser suédois, devenir protestant, s'exiler en Suède, sans courir au moins la chance de monter sur le trône un jour.
Julie : Evidemment.
Désirée : D'autre part, ce vieux roi, n'est-ce pas, mettons nous à sa place.
Julie : C'est ce que vous étiez en train de faire justement.
Le valet : Un pli pour madame la maréchale.
Désirée : Donnez, donnez. Mon Dieu, pourquoi j'ai le pressentiment qu'un malheur est arrivé ?
Julie : Veux-tu que je ... ?
Désirée : Non-non-non-non... Oh, mon Dieu !
Julie : L'empereur ?
Désiée : Non, mais mon pressentiment ne m'avait pas trompée.
Julie : Ton mari ?
Désirée : Oui.
Julie : Mort ?
Désirée : Non, roi de Suède.
Julie :Qu'est-ce que tu dis ?
Désirée : C'est fait. Charles XIII consent à l'adopter, tiens, lis toi-même. Oh, mon Dieu, mon Dieu...
Julie : Ma chérie, oh non, ne pleure pas.
Désirée : Je le redoutais depuis trois mois. Voilà, c'est fait, je suis reine de Suède... Je ne sais même pas où est la Suède. Moi qui croyais que c'était un petit pays comme P---. Mais pas du tout, il parait que c'est immense ! C'est là-haut, tout là-haut, là-haut.
Julie : Enfin, inclinons-nous devant la destinée.
Désirée : Eh oui, et nous revoilà de nouveau toutes les deux, l'une consolant l'autre.
Julie : Comme le jour où je suis devenue reine d'Espagne.
Désirée : Oui, c'est vrai. Mais qu'est-ce que nous avons bien pu faire au bon Dieu pour qu'il nous arrive tout cela ? Encore toi, tu le sentais que c'était provisoire.
Julie : Et puis enfin moi, je ne suis pas allée en Espagne.
Désirée : Parce que tu t'imagines que je vais aller en Suède ?
Julie : Tu n'iras pas ?
Désirée : Moi ? Ah, jamais de la vie ! Quitter la France ? Non. M'en aller de Paris ? Non-non-non-non-non. Non, et puis...
Julie : Et puis il y a l'autre.
Désirée : Eh oui.
Désirée : Oui, tu y crois toi ?
Julie : Pas beaucoup. Ca n'a pas l'air sérieux tout cela.
Désirée : C'est peut-être pas sérieux, mais c'est grave.
10:06 Publié dans Films historiques, littéraires, N&B, biopics, Les mots des films, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : napoleon, bonaparte, roi, empereur, guitry
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