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mardi, 10 mars 2015

Napoléon

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Téléfilm : Napoléon, quatre épisodes (2002, 1/1h45, 2/1h50, 3/1h55, 4/1h50)

Réalisateur : Yves Simoneau

D'après Max Gallo

Napoléon (Christian Clavier), Charles Talleyrand (John Malkovich), Joseph Fouché (Gérard Depardieu), Joachmin Murat (Claudio Amendola), Jean-Baptiste Muiron (Guillaume Depardieu), Jean Lannes (Sébastian Koch), le tsar Alexandre Ier (Toby Stephens), Armand Augustin Louis (Heino Ferch), Joseph Bonaparte (Ennio Fantastichini)

Joséphine de Beauharnais (Isabelle Rossellini), Letizia Bonaparte (Anouk Aimée)

 

¤   ¤   ¤   deuxième partie   ¤   ¤   ¤

 

Joséphine : Si vous saviez, ma chère mère, comme je suis contente de vous voir.

Letizia : Et de m'éblouir avec votre palais ?

Joséphine : Voyons, c'est juste une jolie maison de campagne.

Letizia : A la campagne, en Corse, nous on élevait des chèvres. Qu'est-ce que c'est que ces bêtes bizarres que j'ai aperçues sur vos pelouses, en train de sautiller de façon grotesque ?

Joséphine : Ce sont des kangourous, ils sont drôles, n'est-ce pas ? Je ne sais pas si je pourrai les garder, ils m'ont saccagé un parterre de tulipes, à quatre mille francs l'oignon.

Letizia : Quatre mille francs pour une seule fleur ?

Joséphine : Mais la beauté, la beauté n'a pas de prix.

Letizia : Moi, avec quatre mille francs, j'élevais toute la famille pendant toute une année.

Joséphine : Napoléon ne manque jamais de rendre hommage à la façon dont vous les avez élevés, lui et ses frères et sœurs. Le jour où il aura un enfant...

Letizia : Vous auriez déjà dû lui en donner un.

Joséphine : Croyez-moi, ma chère mère, c'est mon vœu le plus profond, mais seulement...

Letizia : Seulement quoi ?

Joséphine : Tout ce que j'ai tenté a échoué, les diètes, les neuvaines, la magie. J'ai même fait venir un sorcier des Caraïbes.

Letizia : Il n'y a pas besoin d'avoir recours à toutes ces bêtises, pour la chose la plus simple du monde. A moins évidemment que... vous ne soyez devenue stérile.

Joséphine : Il faut aussi un père pour faire un enfant.

Letizia : N'allez pas imaginer que je veux absolument être grand-mère. Non, je ne veux rien de vous. C'est pour Napoléon que je m'inquiète. C'est pas seulement un enfant qu'il lui faut, c'est un héritier.

Joséphine : Un héritier, mais pourquoi donc ? Napoléon n'est pas un roi, c'est un républicain. Il ne jure que par les idées de la République.

Letizia : De toute façon, sans héritier, sa vie est en danger. 

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Talleyrand : Le poseur de bombe a été guillotiné ce matin, quant aux autres, ils ont été arrêtés et interrogés. Nous avons découvert que derrière l'attentat se tramait un complot, car après votre élimination, un prince de la maison de Bourbon devait prendre le pouvoir en France.

Napoléon : Quel prince ? Le gros benêt qui se fait appeler Louis XVIII ? Non, il est trop vieux, trop impotent pour se lancer dans l'aventure de la prise du pouvoir.

Talleyrand : Peut-être, mais il y a son frère, le comte d'Artois. Réfugié en Angleterre, il a pu trouver là-bas des appuis et de l'argent.

Napoléon : Oui, c'est possible, c'est possible. Les Anglais ont toujours été prêts quand il s'agit de me nuire. Mais Artois manque d'envergure, il est trop timoré et puis tellement brouillon.

Talleyrand : Il est certain que vous avez raison. Il faudrait plutôt imaginer quelqu'un d'un peu plus jeune et plus exalté pour ne pas dire plus fou. Pourquoi pas le duc d'Enghein ?

Napoléon : Le cousin de Louis XVI ?

Talleyrand : Il possède tous les critères et c'est un Bourbon, et il a assez de fougue pour plaire au peuple et assez de panache pour séduire la noblesse. Et quant au retour à la royauté, ce serait comme une sainte croisade pour lui.

 

¤    ¤    ¤

 

Joséphine : J'ai entendu du bruit. Tu n'étais pas couché ? Regarde-moi, pourquoi tu ne me regardes pas ? Tu as fait cette chose-là ? Cette chose atroce, malgré mes supplications, celles de ta mère et celles de toute ta famille.

Napoléon : Cette affaire ne concerne ni toi, ni ma famille. C'est une affaire d'Etat. Ça concerne le gouvernement de la France. Et moi.

Joséphine : Oui, toi, oui, tu pouvais lui faire grâce, tu n'avais besoin de personne, tu n'avais qu'un seul mot à dire.

Napoléon : Si lui m'avait demandé de l'épargner. Seulement, ces gens-là, ces Bourbons, sont tellement prétentieux.

Joséphine : Prétentieux ? Mais innocents ! Ils n'étaient même pas en France au moment de l'attentat de saint-Nicaise.

Napoléon : Ses amis l'étaient. S'ils ne l'ont pas fait en son nom, ils l'ont fait pour lui. Et contre moi.

Joséphine : Cette infamie nous portera malheur. Malheur à toi et malheur et à moi qui n'ai pas su t'empêcher. Et malheur à tous ceux qui ont trempé dans ce crime. 

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A partir de maintenant, lorsqu'on voudra me parler, il faudra désormais employer cette formule "son altesse impériale le grand électeur."

Julie : Et moi, ta femme, on m'appellera comment dans tout ça ?

Caroline : Ecoutez, Julie, vous n'êtes que la belle-sœur de l'Empereur, il ferait beau voir que vous ayez un titre alors que nous, ses véritables sœurs, nous ne sommes même pas princesses.

Pauline : Parle pour toi, Caroline. Moi je suis princesse.

Eh bien, ce n'est pas juste. C'est vrai ça, pourquoi elle, et pas nous ?

Napoléon : Parce que Pauline a épousé le prince Borgese. Est-ce ma faute à moi si toi et Caroline avez préféré vous marier avec les généraux ?

Murat : Mon cher Bonaparte, j'espère que tu ne considères par mon mariage avec Caroline comme une mésalliance.

Napoléon : Tu es mon ami, Murat. Et ça vaut tous les titres. Quand je donne mon amitié, je ne la reprends jamais, tandis qu'une couronne, ça peut se perdre. Mais je te saurais gré de ne plus m'appeler "ton cher Bonaparte". Quand tu me parles, souviens-toi de me dire "Sire". Cette nouvelle vous concerne également.

Murat : Nous sommes en famille.

Bonaparte : Oui, la famille impériale désormais, sur laquelle tous les princes d'Europe ont le regard fixé et n'en croient pas leurs yeux. Quoi, ces Bonaparte, même pas aristocrates, à peine français, prétendent au titre d'altesse.

Caroline : Nous aurons leur prouver que nous sommes leurs égaux.

Napoléon : Ne te fais pas d'illusion, Caroline. Si nous voulons que ces gens-là nous traitent en égaux, nous devons nous exprimer et nous comporter comme eux. Au moindre faux-pas ils nous accableront de leur mépris. Ça me serait personnellement tout à fait égal. Sauf qu'à travers moi, c'est du respect et de l'honneur de la France qu'il s'agit.

 

[...]

 

Napoléon : Penses-tu qu'elle m'aurait abandonné si j'avais perdu la partie le 18 Brumaire, si j'avais été jeté en prison ou même exécuté ? Non, Lucien, jamais Joséphine ne m'aurait lâché. Et maintenant que je deviens le maître, je devrais la renvoyer ? J'ai décidé qu'elle serait couronné en même temps que moi. Dès lors, Joséphine ne sera plus seulement ta belle-fille, elle sera aussi l'Impératrice, tu veilleras à t'en souvenir.

Letizia : Ça ne m'empêchera pas de penser que...

Napoléon : Tu penseras en silence, à deux pas derrière elle.

 

Il ouvre la porte et sort dans le couloir.

 

Napoléon : Vous écoutez aux portes, Talleyrand ?

Talleyrand : Je ne faisais que passer par là, Sire, mais je marche lentement.

Napoléon : Vous êtes ministre des affaires étrangères pas ministre des affaires de famille.

Talleyrand : Oui, bien sûr, mais malgré tout je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter. Je dois avouer que votre frère a raison. Un empereur qui est sans héritier est un homme extrêmement fragile de par sa position et il suffit de mener à bien un attentat contre lui et tout est totalement balayé. Non seulement cela concerne l'homme mais également son œuvre. Si vous prenez le temps nécessaire, je suis sûr que vous trouverez les mots d'adieu qui ne la blesseront pas trop.

Napoléon : Ce ne sont pas les mots qui me manqueraient, Talleyrand, c'est le cœur, parce que j'aime Joséphine. Je l'ai toujours énormément aimée.

 

¤   ¤   ¤

 

Napoléon : Dieu que vous êtes belle ! Sais-tu que je te donnerais à peine vingt-cinq ans ?

Joséphine : Le maquillage. C'est un peintre qui l'a conçu. On a aidé à le poser en travaillant ombre et clarté à même mon visage, comme si j'étais un chef d’œuvre.

Napoléon : C'est ce que tu es.

Joséphine : Ton chef d’œuvre alors. Le chef d’œuvre de ton amour. Tu me permets de dire ça ?

Napoléon : Tu en doutes ?

Joséphine : Pas quand tu me regardes comme ça. Pas quand nous sommes seuls toi et moi. Ce qui me fait peur, ce qui salit tout, ce sont les autres, à qui je vais offrir la plus belle occasion de me haïr.

Napoléon : Il suffira de ne pas les voir. De n'attacher tes regards que sur moi seul.

Joséphine : Mais au moment le plus grand, il faudra bien que je te dérobe mon regard, pour incliner la tête.

Napoléon : Sache bien alors que c'est moi qui ne verrai que toi. 

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Napoléon : Où est ma mère ?

Jacques-Louis David : Nulle part, Sire, madame votre mère ayant préféré ne pas assister à la cérémonie, je n'ai pas cru devoir...

Napoléon : Elle n'a pas supporté de voir glorifier Joséphine. Querelle de chattes. Mais la postérité ne comprendrait pas son absence en un pareil moment. Là, David, veuillez la peindre là, au milieu des tribunes. Je compte sur vous pour qu'elle soit bien en vue. Faites-lui une robe magnifique et veillez à ce qu'elle ait l'air radieuse.

Jacques-Louis David : Sire, je ne sais pas si votre mère appréciera.

Napoléon : Elle commencera par être furieuse. On a un caractère très entier, comme tout le reste de la famille d'ailleurs. Avec le temps, elle me sera reconnaissante de lui avoir évité de passer pour une personne à l'esprit étriqué et mesquin, voilà. Très beau, David, ça sera très beau. Dans combien de temps pensez-vous l'avoir fini ?

Jacques-Louis David : Il faut le temps, Sire ! Un an, deux ans peut-être.

Napoléon : Allons, allons, David, pressez.  

Murat : S'il faut vraiment faire couler le sang, il serait peut-être temps qu'il soit anglais, parce que la population de Boulogne...

Napoléon : Quoi, qu'est-ce qu'elle a à dire la population de Boulogne ? J'entretiens deux cent mille hommes aux portes de la ville. Deux cent mille gaillards qui, depuis qu'ils stationnent ici ont dû faire la fortune de tous les marchands de vin et toutes les putains de la région.

Murat : C'est vrai que cette armée commence à sentir la vinasse et le cul.

Napoléon : Rassure-toi, Murat, elle sentira bientôt la poudre.

 

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Talleyrand : Pardonnez-moi, Sire, je crois que vous pouvez peut-être cesser de regarder vers l'Angleterre à présent.

Napoléon : Vous m'amenez des nouvelles de l'amiral Villeneuve ?

Talleyrand : En effet, Sire, monsieur de Villeneuve a estimé que ses escadres étaient trop vulnérables et que ses marins étaient trop mal préparés pour affronter l'amiral Nelson. Il préfère attendre, Sire.

Napoléon : Derrière un rocher, comme un enfant peureux. Le lâche, l'imbécile ! Mais ne sait-il pas qu'à la guerre avoir du génie, c'est avoir de l'audace ? Ne comprend-il pas que, sans ses bateaux pour me porter, je suis ici comme un cul-de-jatte !?

Talleyrand : Mais il est peut-être préférable que votre majesté n'ait pas traversé la Manche. Parce que l'Angleterre a réussi à persuader la Russie et l'Autriche de lancer une attaque contre nous par l'est pendant que notre armée était occupée ici à l'ouest. C'est une excellente stratégie, et bien anglaise.

Napoléon : Mais les Anglais ont-ils oublié que mon arme, c'est la vitesse ? Dans vingt jours, je serai au cœur de l'Allemagne. Murat, changement de programme. Que les clairons sonnent le rassemblement. Départ immédiat, quarante kilomètres par jour, cinq minutes de pause par heure. Ça sera épuisant alors je veux que les tambours précèdent et ferment la marche, et qu'ils battent sans cesse pour donner du cœur aux hommes.

Murat : Avec vous à leurs côtés, ils n'en manqueront certes pas.

Napoléon : Non, je ne serai pas avec eux. Je serai à l'opéra, à la comédie, au bal, à la chasse, partout où l'on rit, où l'on s'amuse. Je dois donner le change. Si je suis vu à Paris, jamais l'ennemi n'imaginera que mon armée se précipite à sa rencontre. Je sais, messieurs, on n'a jamais vu deux cent mille hommes et tout leur fourniment exécuter une telle pirouette. Mais c'est parce qu'on le croit impossible que nous allons le faire. Et c'est aussi pourquoi, à compter de ce jour, on ne dira plus l'armée, mais la grande armée. 

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Napoléon : J'ai une guerre qui n'attend que moi. L'heure n'est pas aux mondanités. Allez, lève-toi, Joséphine, nous partons cette nui.

Joséphine : Nous partons ?

Napoléon : Oui, pour Strasbourg. Lorsque les hommes verront que tu fais partie du voyage, ils en déduiront que la guerre ne sera ni trop féroce ni trop longue. C'est très important pour leur moral.

Joséphine : Tu calcules toujours tout.

Napoléon : Oui, j'essaie.

Joséphine : As-tu déjà fait l'amour dans une berline lancée à toute vitesse dans la nuit ?

 

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Joséphine : Mon pauvre ami, tu es tout trempé !

Napoléon : Tout à l'heure au bivouac, Roustan me préparera un bon bain chaud. Tu sais que ça me guérit de tout.

Joséphine : Pas d'être séparé de moi, j'espère.

Napoléon : Je veux que tu m'écrives, une lettre par jour, c'est le moins, deux ça serait mieux. Non, mais écoute attentivement, s'il devait m'arriver quelque chose, c'est toi qui assurerait la régence jusqu'à ce que...

Joséphine : Jusqu'à ce que ton fils soit en âge de te succéder.

Napoléon : Mon fils ?

Joséphine : Tu m'as prise avec une telle passion, cette nuit dans la berline, que je ne serais pas étonnée que tu m'aies fait un bel enfant.

Napoléon : En cas de malheur, c'est le fils de Louis et d'Hortense qui me succédera. Un Bonaparte, tu vois, j'ai tout prévu.

Joséphine : Prévois surtout de me revenir. Moi, je ne peux pas vivre sans toi.

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Talleyrand : Tout cela en une seule journée, Sire ?

Napoléon : En quelques heures à peine, oui. Vingt mille tués chez eux, entre six et huit mille chez nous.

Talleyrand : Sire, je crois que j'en...

Napoléon : Assez vu ? Non, Talleyrand, non, pas encore... Ouvrez grand les yeux. Regardez, écoutez, reniflez jusqu'à la nausée s'il le faut, parce que vous allez négocier la paix. Je veux que vous sachiez combien elle a coûté. 

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Napoléon : Tu joues vraiment n'importe comment aujourd'hui.

Joséphine : Veux-tu que je cède ma place à mademoiselle Denuelle ? Oh, peut-être elle ne sait pas jouer aux échecs. Elle ne peut pas être douée pour tout.

Napoléon : Mais tu devrais le savoir mieux que moi. Eléonore Denuelle est une de tes suivantes.

Joséphine : Et une de tes maîtresses.

Napoléon : Ce sont les ragots, ça.

Joséphine : Non seulement elle est ta maîtresse, mais c'est une maîtresse amoureuse.

Napoléon :  Mais enfin, supposé que ce soit vrai, la seule chose qui devrait compter, c'est si moi je suis amoureux d'elle.

Joséphine : Très bonne question. Et quelle est la réponse ? Elle t'excite ? Mais tu n'est pas amoureux, la-la-la-la, la-la-la-la,...

Napoléon : Tu vois, tu vois tu n'as rien à craindre. Joue donc.

Joséphine : Je n'ai pas peur d'Eléonore Denuelle, pas plus que toutes les autres petites... que tu as mises dans ton lit et que tu mettras encore dans ton lit. La seule chose que je craigne, c'est que tu m'aimes de moins en moins. Jusqu'au jour où tu ne m'aimeras plus du tout.

Napoléon : Ça n'arrivera jamais.

Joséphine : Mais tout arrive, mon ami. La preuve, échec au roi.

Napoléon : A moins que je sacrifie ma reine. Auquel cas...

Joséphine : Je serais échet et mat. Faisons une autre partie, celle-là ne tourne bien ni pour toi ni pour moi.

 

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Letizia : Si tu disparaissais, qu'est-ce que je deviendrais, moi ? Tu sais ce qu'il faut que tu fasses ? Il faut me faire donner une rente.

Napoléon : Quand tu penses à ma mort, c'est ça que tu vois ? Une rente ?

Letizia : Préparer l'avenir n'a jamais tué personne. Puis ce n'est pas à toi que je demande l'argent, Napoléon, c'est à l'Etat. J'ai donné mon fils à l'Etat, il peut quand même me donner un petit quelque chose en retour, non ?

Napoléon : Ces dispositions que tu me réclames, je les ai déjà prises, figure-toi. Je ne t'en ai rien dit parce que je craignais de te bouleverser en te parlant de ma mort mais je vois que je me trompais. Vous êtes tous pareils, sans cesse après moi, vous n'en avez jamais assez, une famille de vampires.

 

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La comtesse Marie Walewska :  Soyez le bienvenu, Sire, mille fois le bienvenu, sur notre terre de Pologne qui vous attend pour se relever. Et... je ne sais plus. J'avais préparé mille choses dont je voulais vous parler, et maintenant que je vous vois, je ne sais plus que dire.

Napoléon : Moi non plus je ne sais que dire, ce qui va nous obliger à nous revoir... quand nous aurons vous et moi retrouvé les mots qui nous manquent. Vous voulez bien ?

La comtesse Marie Walewska : Merci, monsieur.

 

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Napoléon : Quand un si vieil homme épouse une si jeune femme, il devrait avoir à cœur pour se faire pardonner de la couvrir de bijoux. Mais je verrai à y remédier.

La comtesse Marie Walewska : Sire, ce n'est pas cela que j'espère de votre majesté. Mon pays n'existe plus. La Prusse, l'Autriche et la Russie l'ont dépecé. Rendez-moi ma Pologne.

 

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La comtesse Marie Walewska : Doucement, Sire, venez à moi comme un homme, pas comme un conquérant.

Napoléon : Pourquoi avez-vous peur, madame ?

La comtesse Marie Walewska : C'est sans importance.

Napoléon : Ah si, si, pour moi ça en a. N'êtes-vous pas ici de votre plein gré ? J'ai cru comprendre que monsieur de Caulaincourt s'est montré persuasif, mais il n'aura pas osé vous forcer, je le connais, ça n'est pas son genre. Un marquis, pensez donc.

La comtesse Marie Walewska : D'autres que lui m'ont conseillé de profiter de cette opportunité pour peut-être pouvoir toucher le cœur de votre majesté. Le prince Poniatowski, et jusqu'à mon propre mari. C'est toute la Pologne, Sire, qui me jette dans vos bras.

Napoléon : N"ayez pas peur, madame, vous n'y êtes pas encore dans mes bras. Voyez, voyez, plus je m'approche de vous et plus vous reculez.

La comtesse Marie Walewska : Je serai bientôt dos au mur.

Napoléon : Et que croyez-vous que je ferai alors ?

La comtesse Marie Walewska : On dit que vous ne vous embarrassez guère pour prendre ce que vous voulez.

Napoléon : Il ne vous arrivera rien que vous n'ayez voulu, ma chère madame. Au revoir, comtesse.

La comtesse Marie Walewska : Sire ! Rendez la Pologne souveraine.

Napoléon : C'est ça que vous êtes venue me demander ? Donner un roi à la Pologne ? Je ne peux pas prendre un tel engagement. J'ai toute l'Europe à mes basques qui cherche à me saigner. Non, mais je peux vous promettre que, je peux te jurer que, de même que je n'oublierai jamais cet instant, jamais non plus je n'oublierai ce qui t'a amenée ici ce soir. Donne-moi un peu de temps. Si je vois que les Polonais sont dignes d'être une nation...

La comtesse Marie Walewska : Bien sûr qu'ils en sont dignes. Regardez-moi. Jugez-les d'après moi. Je suis l'une d'entre eux.

Napoléon : Impétueuse, passionnée, courant vers moi comme une folle au risque de se faire étouffer par la foule. Et ensuite refusant de me revoir. Si la Pologne te ressemble, quel petit pays fantasque.

La comtesse Marie Walewska : Que faut-il faire pour que vous aimiez ce petit pays fantasque ?

Napoléon : Te laisser aimer.

 

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Caulaincourt : Les cosaques viennent d'entrer dans Paris. Les Parisiens sont prêtes à toutes les lâchetés pour protéger leur ville. Ils ont même applaudi la décision des puissances alliées exigeant votre abdication, abdication dont voici les conditions.

Napoléon : Je n'ai pas besoin de lire ça pour savoir qu'elles sont inacceptables.

Caulaincourt : Inespérées peut-être, Sire, mais inacceptables est un mot que l'on doit effacer de notre vocabulaire. On vous enjoint de quitter la France. Cependant, on vous accorde la souveraineté de l'île d'Elbe. C'est au large des côtes italiennes.

Napoléon : Je connais. Un caillou. Napoléon, roi d'un caillou. Grotesque.  

 

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Garde : Le prince de Bénévent demande à être reçu par sa majesté le roi. 

Le roi Louis XVI : Prince de Bénévent, et quoi encore ? Vous m'obligeriez, monsieur, en renonçant à vous affubler de ces titres de carnaval dont vous a gratifié l'usurpateur. Qu'est-ce que c'est ?

Talleyrand : Une dépêche de Chappe, administrateur en chef du Télégraphe. A voir son agitation, cela semble de la plus haute importance.

Le roi Louis XVI : L'agitation, est-ce que je me suis agité, moi, durant toutes les années que l'inénarrable Bonaparte a passées à se prélasser dans ce fauteuil ? J'ai attendu mon heure et mon heure est venue. Et à présent, le fauteuil est à moi. On y est très mal d'ailleurs, je vais le faire refaire. Vous savez ce qu'elle raconte, votre dépêche ?

Talleyrand : Bien sûr que non.

Le roi Louis XVI : Bonaparte a débarqué en Provence. Portez donc ça au ministre de la guerre, il verra ce qu'il convient de faire.

 

¤     ¤     ¤

 

Murat : Sire, me voici.

Napoléon : Je vois. Tu es passablement en retard. Je croyais que tu devais venir me rejoindre après être passé à Naples chercher des soi-disant renforts.

Murat : C'était il y a plus d'un an déjà.

Napoléon : Oui, je ne te le fais pas dire.

Murat : Je sais que vous et moi avons eu une déplorable année, Sire. Mais à quelque chose malheur est bon, dit-on. Lorsque j'ai perdu la couronne de roi de Naples, je suis pleinement redevenu ce que j'étais, le maréchal Murat, Murat le grand cavalier, celui dont vous aurez besoin pour cette guerre qui s'annonce.

Napoléon : Besoin ? Je ne crois pas. Ni besoin, ni surtout envie. Je te remercie de tes offres de services mais je préfère m'en passer.

Murat : Vous êtes donc à ce point rancunier ?

Napoléon : Rancunier. Je t'ai donné ma sœur, je t'ai donné un royaume, tu me trahis. Comment oses-tu te présenter devant moi, Murat ? Je n'ai plus confiance en toi. Ney te remplacera à la tête de la cavalerie.

 

vendredi, 31 août 2012

Où traîner ses guêtres pour faire plaisir à ses yeux ?

Réponse 3 : Dans le quartier latin

 

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Rue Bonaparte

 

 

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Eglise Saint-Germain-des-Prés

 

 

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Eglise Saint-Germain-des-Prés

 

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 Eglise Saint-Germain-des-Prés

 

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Eglise Saint-Sulpice

 

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Jardin du Luxembourg

 

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Jardin du Luxembourg

 

  

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Place du Panthéon, statue de Corneille

 

 

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Boulevard Raspail

 

lundi, 02 juillet 2012

Le destin fabuleux de Désirée Clary - Guitry 1/2

Le film est d'un tenant mais la transcription de pareil chef d'oeuvre demande la place de deux parties... 1/2

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Film : Le destin fabuleux de Désirée Clary (1941, durée 1h50)

Réalisateur : Sacha Guitry 

Désirée (Gaby Morlay), Désirée jeune (Geneviève Guitry), Julie Clary (Yvette Lebon) 
 
Bonaparte (Jean-Louis Barrault), Bernadotte (Jacques Varenne), Talleyrand (Jean Périer), Fouché (Noël Roquevert) 
 
Le conteur (Sacha Guitry)
 
 

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Napoléon : Bernadotte saura que vous êtes venue ?

Désirée : Non.

Napoléon : Qui trahissez-vous de nous deux ?

Désirée : Ce soir, je me le demande. 

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Napoléon : Faites savoir à Junot qu'il doit cesser de m'écrire sur du gras papier de deuil, c'est contraire au respect que l'on doit à un supérieur et cela me donne des idées sinistres quand je reçois ses lettres. 

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Benadotte : Sire, j'ai pensé longtemps que la France ne pouvait être heuseuse qu'en république. C'est à la sincérité de cette conviction que votre majesté doit attribuer mon attitude pendant trois ans. Mes illusions sont dissipées. Je vous prie d'être persuadé de mon empressement à exécuter les mesures que votre majesté pourra prescrire dans l'intérêt de la patrie.
 
Napoléon : Monsieur le maréchal, la conviction que j'ai que votre langue a toujours été l'interprète fidèle de votre cœur donne à l'aveu que vous venez de faire une grande valeur à mes yeux. C'est seulement par une union complète que nous pouvons espérer achever la gloire, la tranquillité et la prospérité de la France. 

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Napoléon : Tenons-nous prêts à partir en campagne à la fin de l'année. L'Angleterre n'ayant pas respecté les clauses du traité d'Amiens, je forme le projet de porter la guerre dans l'île. Lannes, je te prie de te taire.
 
Lannes : Mais je...
 
Napoléon : Si tu n'es pas content, va-t-en.
 
Lannes : Non.
 
Napoléon : Comment, non ?
 
Lannes : Non. Tu as trop besoin de moi. 

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Et pendant trois années, de juin 1804 à juillet 1807, l'empereur ne va guère quitter des yeux cette carte d'Europe, tandis que Désirée continuera de le haïr. 

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Désirée : Chaque étape de sa prodigieuse carrière est comme une nouvelle humiliation que je ressens, qui me torture et qui m'exaspère.
 
Julie : Je m'en rends compte, hélàs. Et je suis bien obligée de l'admettre. Mais entre nous, ce que je ne comprends pas, c'est que Bernadotte éprouve lui ce sentiment à son égard.
 
Désirée : Mais il est tout différent du mien, son sentiment ! Il ne le déteste pas, lui.
 
Julie : Bernadotte ne déteste pas l'empereur ?
 
Désirée : Pas du tout ! Il admire son génie. Mais, que veux-tu, il le considère comme un homme néfaste.
 
Julie : Sincèrement ?
 
Désirée : Sincèrement oui. Parce qu'il ne sait pas la vérité.
 
Julie : Et quelle est donc la vérité ?
 
Désirée : La vérité, c'est qu'il l'envie, c'est tout. Et c'est l'explication de tout. Depuis le premier jour, il l'envie. Depuis Toulon, depuis Arcole, enfin depuis toujours.  Mais il ne s'en rend pas compte. Car, s'il est incroyablement ambitieux, il est le plus honnête homme du monde.
 
Julie : Ambitieux, il me semble pourtant que l'empereur l'a comblé.
 
Désirée : Oh, oui, de toutes les manières, argent, dignités, faveurs, il lui a tout donné.
 
Julie : Alors, que peut-il envier ?
 
Désirée : Sa place. La seule chose évidemment que l'autre ne lui donnera jamais. Mais Bernadotte ne désespère pas de la lui prendre un jour.
 
Julie : Mais toi non plus.
 
Désirée : Mais moi non plus. Avec cette différence que si même un jour Bernadotte prenait la place de l'empereur, moi je n'occuperais pas celle de Joséphine.
 
Julie : Et cependant, tu l'aurais, sa place.
 
Désirée : Oui, mais pas dans son lit. Parlons d'autre chose, tu veux... [...] Joseph !
 
Joseph : Oui, bonjour, bonjour chérie . J'ai des nouvelles de Bernadotte que l'empereur vient à l'instant de me communiquer. Elles sont excellentes et mon frère m'a prié de vous les transmettre. Ah, pendant que j'y pense, pardon, je suis roi de Naples.
 
Julie : Qu'est-ce que tu dis ?
 
Joseph : Tu as bien entendu.
 
Julie : Tu es roi de... ?
 
Joseph : Oui, et toi reine de Naples.
 
Julie : Et tu ne me l'dis pas ?!
 
Joseph : Mais je te l'dis ! Je l'avais oublié un instant, excuse-moi, chérie, il m'a dit tant de choses aujourd'hui.
 
Julie : Mais pourquoi es-tu roi de Naples ?
 
Joseph : Mais parce qu'il l'a décidé ! Qu'est-ce que tu veux que je te dise, tu le connais, n'est-ce pas ? Et Louis et roi de Hollande.
 
Désirée : Votre fère ?
 
Joseph : Oui, lui il est enchanté.
 
Julie : Vous, non ?
 
Joseph : Oh, ne me dis pas "vous", je t'en supplie. Tu sais que je n'ai jamais eu le goût des titres et des dignités. Déjà quand on m'appelle altesse, je trouve ça inconvenant, c'est bien simple. Mais revenons à Bernadotte.
 
Désirée : Pardon, comment se porte l'empereur ?
 
Joseph : Comment donc ? Il est arrivé ce matin, il repart ce soir. Il dort cinq heures par nuit, déjeune en dix minutes, va de victoire en victoire. Ah, je crois que son divorce est chose décidée.
 
Désirée : Et vous me l'dites pas ?! 
 
Joseph : Mais... j'vous l'dis. Mais revenons à Berdanotte.
 
Désirée : Pardon, un mot. Vous a-t-il dit lui-même qu'il divorçait ou bien est-ce une impression que vous avez ?
 
Joseph : Il me l'a fait comprendre. Donc, Bernadotte annonce une victoire éclatante.
 
Désirée : Je, Je voudrais savoir. Est-ce qu'il se résigne à divorcer ou bien... le désire-t-il un peu déjà ?
 
Joseph : Ca, je ne saurais le dire. Donc, Bernadotte annonce une victoire écrasante à Lübeck, la prise de la ville et la capture par lui de quinze cent Suédois qui combattaient parmi les troupes prussiennes.
 
Julie : Et où est Lübeck ?
 
Joseph : Au Danemark. Or, cette petite armée suédoise était commandée par le colonnel comte Mörner, et aussitôt après la victoire, vous allez reconnaître là votre mari, voici comment les choses se sont passées. 

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Bernadotte : Et vous direz à la maréchalle, que je suis victime d'une abominable machination de Davout et de Berthier. 

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Napoléon : Non, sa disgrâce est un fait accompli désormais. C'est en vain que vous pleurez, mesdames, c'en est fini de Bernadotte. Sa conduite à Iéna, son attitude à Wagram, après toutes ces fanfaronnades exaspérantes, mettent un point final à sa carrière militaire. Non, pas cette fois-ci. J'ai pu lui pardonner tout ce dont vous étiez coupables, ses insinuations, ses médisances, ses intrigues, ses complots eux mêmes. J'ai pu passer l'éponge enfin sur tout ce qui portait la marque de votre inspiration. Mais me désobéir en présence de l'ennemi, cela, vous ne le lui auriez jamais conseillé. C'est la troisième fois qu'il n'est pas fusillé grâce à vous ! Ne m'en demandez pas davantage. La mise en disponibilité de Bernadotte est définitive à présent. Vous pouvez vous retirer, mesdames. 

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Bernadotte : Aujourd'hui, il me nomme gouverneur de Rome, me fait grand dignitaire de l'empire et m'accorde une dotation de deux millions.
 
Désirée : Oooh....
 
Bernadotte : Comment veux-tu que j'y comprenne quelque chose ?
 
Désirée : Oooh....
 
 
Mais le soir-même, quelqu'un que nous allons reconnaître se présentait chez Bernadotte. Cette visite allait bouleverser tous les projets de l'empereur, elle allait ouvrir une voie nouvelle à l'ambition du maréchal, elle venait enfin confirmer quel destin fabuleux fut celui de Désirée Clary. 

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Bernadotte : Ah, colonnel ! Soyez le bienvenu.
 
Fournier : Monsieur le maréchal, je ne puis vous dissimuler l'émotion que j'éprouve à revoir votre altesse. Madame la maréchale ?
 
Bernadotte : Oui. 

Fournier :  Madame, vous êtes l'épouse d'un véritable gentilhomme. Si vous saviez.

Désirée : Oh, mais je sais.

Fournier : Sans doute. Mais ce que vous ignorez, madame, c'est le souvenir que mon pays en a conservé, tant votre altesse est populaire en Suède. Votre fils ?

Bernadotte : Oui.

Fournier : On aime à dire qu'un bienfait n'est jamais perdu. Eh bien, tenez, en voici une preuve éclatante. Prince, vous n'ignorez pas que la Suède se trouve en un état voisin de l'anarchie. D'autre part, vous savez que notre vieux roi, Charles XIII, n'a pas de projéniture. Or, il nous faut un chef, il nous faut un prince royal. Notre pays n'a besoin ni d'un Danois, ni d'un Russe. Ce qu'il désire, c'est un Français, un Français qui adoptera notre religion, qui deviendra suédois, un Français connu pour ses exploits guerriers, pour l'estime où le tient l'auguste empereur des Français, qui appartienne à la famille de l'empereur, étant le beau-frère du roi d'Espagne, enfin qui ait un fils susceptible de lui succéder un jour. Telle est l'mouvant mission que j'avais à remplir auprès de votre altesse.

Bernadotte : Monsieur le comte, votre déclaration m'honore et me touche profondément. Mais elle me prend au dépourvu, je dois le dire. Devant une éventualité aussi considérable, certaines objections me viennent à l'esprit. Cesser d'être français, abjurer ma religion...

Fournier : ... comme l'a fait le roi Henri IV, votre concitoyen.

Bernadotte : Oui, mais... même en admettant la question résolue pour moi, il me resterait encore à poser une condition formelle, que j'hésite à formuler.

Fournier : Parlez, je vous en prie.

Bernadotte : Eh bien...

 
¤     ¤     ¤
 

Napoléon : Je suis ravi d'en être débarrassé. En tout cas, je ne pouvais pas refuser mon consentement, car un maréchal de France sur le trône de Gustav Adolf est l'un des meilleurs tours qu'on puisse jouer à l'Angleterre. J'ai trois valets et deux rois, autant dire cinq valets. 

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Talma : Sire, on prétend même que si Dieu vous laissait faire, vous lui prendriez sa place.

Napoléon : Eh bien, non, je n'en voudrais pas, car c'est un cul-de-sac. A vous de jouer, Talma. Et d'ailleurs, c'est justice.

Talma : Non, sire, c'est à vous. Monsieur de Talleyrand vient d'abattre le roi.

Napoléon : Je n'en suis point surpris. Eh bien, je joue carreau.

Talleyrand : Mais, sire, puis-je vous faire observer...

Napoléon : ... que ?

Talleyrand : Que vous avez sept cartes en main.

Napoléon : Eh bien ?

Talleyrand : C'est deux de trop.

Napoléon : Nous ne jouons pas d'argent. Alors ?

Talleyrand : Et d'ailleurs, vous avez tous les droits.

Napoléon : Non, prince, je n'ai précisément pas tous les droits, et je ne peux justement pas tout faire. La boutonnière de Talma en est la preuve. Oui, je peux distribuer tous les trônes d'Europe à mes frères, personne n'ose élever la voix, mais si je veux décorer un comédien, cela fait un scandale. Cambronne, c'est à vous de parler.

Cambronne : Mmmmmh.

Napoléon : Vous ne dites rien, Cambronne ?

Cambronne : Mmmmmh.

Napoléon : Et qu'entendez-vous par "Mmmmmh" ?

Cambronne : Rien, sire, je passe.

Napoléon : Bien.

 

¤     ¤     ¤

 

Désirée : Le vieux roi de Suède trouve inacceptable la condition posée par Bernadotte.

Julie : Mais quelle est donc cette condition ?

Désirée : Devenir son fils, oui, enfin, prince héritier.

Julie : Oh, je ne savais pas. Oh...

Désirée : Tu penses bien que Bernadotte ne va pas se faire naturaliser suédois, devenir protestant, s'exiler en Suède, sans courir au moins la chance de monter sur le trône un jour.

 Julie : Evidemment.

Désirée : D'autre part, ce vieux roi, n'est-ce pas, mettons nous à sa place.

Julie : C'est ce que vous étiez en train de faire justement.

Le valet : Un pli pour madame la maréchale.

Désirée : Donnez, donnez. Mon Dieu, pourquoi j'ai le pressentiment qu'un malheur est arrivé ?

Julie : Veux-tu que je ... ?

Désirée : Non-non-non-non... Oh, mon Dieu !

Julie : L'empereur ?

Désiée : Non, mais mon pressentiment ne m'avait pas trompée.

Julie : Ton mari ?

Désirée : Oui.

Julie : Mort ?

Désirée : Non, roi de Suède.

Julie :Qu'est-ce que tu dis ?

Désirée : C'est fait. Charles XIII consent à l'adopter, tiens, lis toi-même. Oh, mon Dieu, mon Dieu...

Julie : Ma chérie, oh non, ne pleure pas.

Désirée : Je le redoutais depuis trois mois. Voilà, c'est fait, je suis reine de Suède... Je ne sais même pas où est la Suède. Moi qui croyais que c'était un petit pays comme P---. Mais pas du tout, il parait que c'est immense ! C'est là-haut, tout là-haut, là-haut.

Julie : Enfin, inclinons-nous devant la destinée.

Désirée : Eh oui, et nous revoilà de nouveau toutes les deux, l'une consolant l'autre.

Julie : Comme le jour où je suis devenue reine d'Espagne.

Désirée : Oui, c'est vrai. Mais qu'est-ce que nous avons bien pu faire au bon Dieu pour qu'il nous arrive tout cela ? Encore toi, tu le sentais que c'était provisoire.

Julie : Et puis enfin moi, je ne suis pas allée en Espagne.

Désirée : Parce que tu t'imagines que je vais aller en Suède ?

Julie : Tu n'iras pas ?

Désirée : Moi ? Ah, jamais de la vie ! Quitter la France ? Non. M'en aller de Paris ? Non-non-non-non-non. Non, et puis...

Julie : Et puis il y a l'autre.

Désirée : Eh oui.

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Julie : Enfin, quoi qu'il en soit, nous voilà reines toutes les deux.

Désirée : Oui, tu y crois toi ?

Julie : Pas beaucoup. Ca n'a pas l'air sérieux tout cela.

Désirée : C'est peut-être pas sérieux, mais c'est grave.