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mardi, 10 mars 2015

Napoléon

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Téléfilm : Napoléon, quatre épisodes (2002, 1/1h45, 2/1h50, 3/1h55, 4/1h50)

Réalisateur : Yves Simoneau

D'après Max Gallo

Napoléon (Christian Clavier), Charles Talleyrand (John Malkovich), Joseph Fouché (Gérard Depardieu), Joachmin Murat (Claudio Amendola), Jean-Baptiste Muiron (Guillaume Depardieu), Jean Lannes (Sébastian Koch), le tsar Alexandre Ier (Toby Stephens), Armand Augustin Louis (Heino Ferch), Joseph Bonaparte (Ennio Fantastichini)

Joséphine de Beauharnais (Isabelle Rossellini), Letizia Bonaparte (Anouk Aimée)

 

¤   ¤   ¤   deuxième partie   ¤   ¤   ¤

 

Joséphine : Si vous saviez, ma chère mère, comme je suis contente de vous voir.

Letizia : Et de m'éblouir avec votre palais ?

Joséphine : Voyons, c'est juste une jolie maison de campagne.

Letizia : A la campagne, en Corse, nous on élevait des chèvres. Qu'est-ce que c'est que ces bêtes bizarres que j'ai aperçues sur vos pelouses, en train de sautiller de façon grotesque ?

Joséphine : Ce sont des kangourous, ils sont drôles, n'est-ce pas ? Je ne sais pas si je pourrai les garder, ils m'ont saccagé un parterre de tulipes, à quatre mille francs l'oignon.

Letizia : Quatre mille francs pour une seule fleur ?

Joséphine : Mais la beauté, la beauté n'a pas de prix.

Letizia : Moi, avec quatre mille francs, j'élevais toute la famille pendant toute une année.

Joséphine : Napoléon ne manque jamais de rendre hommage à la façon dont vous les avez élevés, lui et ses frères et sœurs. Le jour où il aura un enfant...

Letizia : Vous auriez déjà dû lui en donner un.

Joséphine : Croyez-moi, ma chère mère, c'est mon vœu le plus profond, mais seulement...

Letizia : Seulement quoi ?

Joséphine : Tout ce que j'ai tenté a échoué, les diètes, les neuvaines, la magie. J'ai même fait venir un sorcier des Caraïbes.

Letizia : Il n'y a pas besoin d'avoir recours à toutes ces bêtises, pour la chose la plus simple du monde. A moins évidemment que... vous ne soyez devenue stérile.

Joséphine : Il faut aussi un père pour faire un enfant.

Letizia : N'allez pas imaginer que je veux absolument être grand-mère. Non, je ne veux rien de vous. C'est pour Napoléon que je m'inquiète. C'est pas seulement un enfant qu'il lui faut, c'est un héritier.

Joséphine : Un héritier, mais pourquoi donc ? Napoléon n'est pas un roi, c'est un républicain. Il ne jure que par les idées de la République.

Letizia : De toute façon, sans héritier, sa vie est en danger. 

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Talleyrand : Le poseur de bombe a été guillotiné ce matin, quant aux autres, ils ont été arrêtés et interrogés. Nous avons découvert que derrière l'attentat se tramait un complot, car après votre élimination, un prince de la maison de Bourbon devait prendre le pouvoir en France.

Napoléon : Quel prince ? Le gros benêt qui se fait appeler Louis XVIII ? Non, il est trop vieux, trop impotent pour se lancer dans l'aventure de la prise du pouvoir.

Talleyrand : Peut-être, mais il y a son frère, le comte d'Artois. Réfugié en Angleterre, il a pu trouver là-bas des appuis et de l'argent.

Napoléon : Oui, c'est possible, c'est possible. Les Anglais ont toujours été prêts quand il s'agit de me nuire. Mais Artois manque d'envergure, il est trop timoré et puis tellement brouillon.

Talleyrand : Il est certain que vous avez raison. Il faudrait plutôt imaginer quelqu'un d'un peu plus jeune et plus exalté pour ne pas dire plus fou. Pourquoi pas le duc d'Enghein ?

Napoléon : Le cousin de Louis XVI ?

Talleyrand : Il possède tous les critères et c'est un Bourbon, et il a assez de fougue pour plaire au peuple et assez de panache pour séduire la noblesse. Et quant au retour à la royauté, ce serait comme une sainte croisade pour lui.

 

¤    ¤    ¤

 

Joséphine : J'ai entendu du bruit. Tu n'étais pas couché ? Regarde-moi, pourquoi tu ne me regardes pas ? Tu as fait cette chose-là ? Cette chose atroce, malgré mes supplications, celles de ta mère et celles de toute ta famille.

Napoléon : Cette affaire ne concerne ni toi, ni ma famille. C'est une affaire d'Etat. Ça concerne le gouvernement de la France. Et moi.

Joséphine : Oui, toi, oui, tu pouvais lui faire grâce, tu n'avais besoin de personne, tu n'avais qu'un seul mot à dire.

Napoléon : Si lui m'avait demandé de l'épargner. Seulement, ces gens-là, ces Bourbons, sont tellement prétentieux.

Joséphine : Prétentieux ? Mais innocents ! Ils n'étaient même pas en France au moment de l'attentat de saint-Nicaise.

Napoléon : Ses amis l'étaient. S'ils ne l'ont pas fait en son nom, ils l'ont fait pour lui. Et contre moi.

Joséphine : Cette infamie nous portera malheur. Malheur à toi et malheur et à moi qui n'ai pas su t'empêcher. Et malheur à tous ceux qui ont trempé dans ce crime. 

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A partir de maintenant, lorsqu'on voudra me parler, il faudra désormais employer cette formule "son altesse impériale le grand électeur."

Julie : Et moi, ta femme, on m'appellera comment dans tout ça ?

Caroline : Ecoutez, Julie, vous n'êtes que la belle-sœur de l'Empereur, il ferait beau voir que vous ayez un titre alors que nous, ses véritables sœurs, nous ne sommes même pas princesses.

Pauline : Parle pour toi, Caroline. Moi je suis princesse.

Eh bien, ce n'est pas juste. C'est vrai ça, pourquoi elle, et pas nous ?

Napoléon : Parce que Pauline a épousé le prince Borgese. Est-ce ma faute à moi si toi et Caroline avez préféré vous marier avec les généraux ?

Murat : Mon cher Bonaparte, j'espère que tu ne considères par mon mariage avec Caroline comme une mésalliance.

Napoléon : Tu es mon ami, Murat. Et ça vaut tous les titres. Quand je donne mon amitié, je ne la reprends jamais, tandis qu'une couronne, ça peut se perdre. Mais je te saurais gré de ne plus m'appeler "ton cher Bonaparte". Quand tu me parles, souviens-toi de me dire "Sire". Cette nouvelle vous concerne également.

Murat : Nous sommes en famille.

Bonaparte : Oui, la famille impériale désormais, sur laquelle tous les princes d'Europe ont le regard fixé et n'en croient pas leurs yeux. Quoi, ces Bonaparte, même pas aristocrates, à peine français, prétendent au titre d'altesse.

Caroline : Nous aurons leur prouver que nous sommes leurs égaux.

Napoléon : Ne te fais pas d'illusion, Caroline. Si nous voulons que ces gens-là nous traitent en égaux, nous devons nous exprimer et nous comporter comme eux. Au moindre faux-pas ils nous accableront de leur mépris. Ça me serait personnellement tout à fait égal. Sauf qu'à travers moi, c'est du respect et de l'honneur de la France qu'il s'agit.

 

[...]

 

Napoléon : Penses-tu qu'elle m'aurait abandonné si j'avais perdu la partie le 18 Brumaire, si j'avais été jeté en prison ou même exécuté ? Non, Lucien, jamais Joséphine ne m'aurait lâché. Et maintenant que je deviens le maître, je devrais la renvoyer ? J'ai décidé qu'elle serait couronné en même temps que moi. Dès lors, Joséphine ne sera plus seulement ta belle-fille, elle sera aussi l'Impératrice, tu veilleras à t'en souvenir.

Letizia : Ça ne m'empêchera pas de penser que...

Napoléon : Tu penseras en silence, à deux pas derrière elle.

 

Il ouvre la porte et sort dans le couloir.

 

Napoléon : Vous écoutez aux portes, Talleyrand ?

Talleyrand : Je ne faisais que passer par là, Sire, mais je marche lentement.

Napoléon : Vous êtes ministre des affaires étrangères pas ministre des affaires de famille.

Talleyrand : Oui, bien sûr, mais malgré tout je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter. Je dois avouer que votre frère a raison. Un empereur qui est sans héritier est un homme extrêmement fragile de par sa position et il suffit de mener à bien un attentat contre lui et tout est totalement balayé. Non seulement cela concerne l'homme mais également son œuvre. Si vous prenez le temps nécessaire, je suis sûr que vous trouverez les mots d'adieu qui ne la blesseront pas trop.

Napoléon : Ce ne sont pas les mots qui me manqueraient, Talleyrand, c'est le cœur, parce que j'aime Joséphine. Je l'ai toujours énormément aimée.

 

¤   ¤   ¤

 

Napoléon : Dieu que vous êtes belle ! Sais-tu que je te donnerais à peine vingt-cinq ans ?

Joséphine : Le maquillage. C'est un peintre qui l'a conçu. On a aidé à le poser en travaillant ombre et clarté à même mon visage, comme si j'étais un chef d’œuvre.

Napoléon : C'est ce que tu es.

Joséphine : Ton chef d’œuvre alors. Le chef d’œuvre de ton amour. Tu me permets de dire ça ?

Napoléon : Tu en doutes ?

Joséphine : Pas quand tu me regardes comme ça. Pas quand nous sommes seuls toi et moi. Ce qui me fait peur, ce qui salit tout, ce sont les autres, à qui je vais offrir la plus belle occasion de me haïr.

Napoléon : Il suffira de ne pas les voir. De n'attacher tes regards que sur moi seul.

Joséphine : Mais au moment le plus grand, il faudra bien que je te dérobe mon regard, pour incliner la tête.

Napoléon : Sache bien alors que c'est moi qui ne verrai que toi. 

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Napoléon : Où est ma mère ?

Jacques-Louis David : Nulle part, Sire, madame votre mère ayant préféré ne pas assister à la cérémonie, je n'ai pas cru devoir...

Napoléon : Elle n'a pas supporté de voir glorifier Joséphine. Querelle de chattes. Mais la postérité ne comprendrait pas son absence en un pareil moment. Là, David, veuillez la peindre là, au milieu des tribunes. Je compte sur vous pour qu'elle soit bien en vue. Faites-lui une robe magnifique et veillez à ce qu'elle ait l'air radieuse.

Jacques-Louis David : Sire, je ne sais pas si votre mère appréciera.

Napoléon : Elle commencera par être furieuse. On a un caractère très entier, comme tout le reste de la famille d'ailleurs. Avec le temps, elle me sera reconnaissante de lui avoir évité de passer pour une personne à l'esprit étriqué et mesquin, voilà. Très beau, David, ça sera très beau. Dans combien de temps pensez-vous l'avoir fini ?

Jacques-Louis David : Il faut le temps, Sire ! Un an, deux ans peut-être.

Napoléon : Allons, allons, David, pressez.  

Murat : S'il faut vraiment faire couler le sang, il serait peut-être temps qu'il soit anglais, parce que la population de Boulogne...

Napoléon : Quoi, qu'est-ce qu'elle a à dire la population de Boulogne ? J'entretiens deux cent mille hommes aux portes de la ville. Deux cent mille gaillards qui, depuis qu'ils stationnent ici ont dû faire la fortune de tous les marchands de vin et toutes les putains de la région.

Murat : C'est vrai que cette armée commence à sentir la vinasse et le cul.

Napoléon : Rassure-toi, Murat, elle sentira bientôt la poudre.

 

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Talleyrand : Pardonnez-moi, Sire, je crois que vous pouvez peut-être cesser de regarder vers l'Angleterre à présent.

Napoléon : Vous m'amenez des nouvelles de l'amiral Villeneuve ?

Talleyrand : En effet, Sire, monsieur de Villeneuve a estimé que ses escadres étaient trop vulnérables et que ses marins étaient trop mal préparés pour affronter l'amiral Nelson. Il préfère attendre, Sire.

Napoléon : Derrière un rocher, comme un enfant peureux. Le lâche, l'imbécile ! Mais ne sait-il pas qu'à la guerre avoir du génie, c'est avoir de l'audace ? Ne comprend-il pas que, sans ses bateaux pour me porter, je suis ici comme un cul-de-jatte !?

Talleyrand : Mais il est peut-être préférable que votre majesté n'ait pas traversé la Manche. Parce que l'Angleterre a réussi à persuader la Russie et l'Autriche de lancer une attaque contre nous par l'est pendant que notre armée était occupée ici à l'ouest. C'est une excellente stratégie, et bien anglaise.

Napoléon : Mais les Anglais ont-ils oublié que mon arme, c'est la vitesse ? Dans vingt jours, je serai au cœur de l'Allemagne. Murat, changement de programme. Que les clairons sonnent le rassemblement. Départ immédiat, quarante kilomètres par jour, cinq minutes de pause par heure. Ça sera épuisant alors je veux que les tambours précèdent et ferment la marche, et qu'ils battent sans cesse pour donner du cœur aux hommes.

Murat : Avec vous à leurs côtés, ils n'en manqueront certes pas.

Napoléon : Non, je ne serai pas avec eux. Je serai à l'opéra, à la comédie, au bal, à la chasse, partout où l'on rit, où l'on s'amuse. Je dois donner le change. Si je suis vu à Paris, jamais l'ennemi n'imaginera que mon armée se précipite à sa rencontre. Je sais, messieurs, on n'a jamais vu deux cent mille hommes et tout leur fourniment exécuter une telle pirouette. Mais c'est parce qu'on le croit impossible que nous allons le faire. Et c'est aussi pourquoi, à compter de ce jour, on ne dira plus l'armée, mais la grande armée. 

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Napoléon : J'ai une guerre qui n'attend que moi. L'heure n'est pas aux mondanités. Allez, lève-toi, Joséphine, nous partons cette nui.

Joséphine : Nous partons ?

Napoléon : Oui, pour Strasbourg. Lorsque les hommes verront que tu fais partie du voyage, ils en déduiront que la guerre ne sera ni trop féroce ni trop longue. C'est très important pour leur moral.

Joséphine : Tu calcules toujours tout.

Napoléon : Oui, j'essaie.

Joséphine : As-tu déjà fait l'amour dans une berline lancée à toute vitesse dans la nuit ?

 

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Joséphine : Mon pauvre ami, tu es tout trempé !

Napoléon : Tout à l'heure au bivouac, Roustan me préparera un bon bain chaud. Tu sais que ça me guérit de tout.

Joséphine : Pas d'être séparé de moi, j'espère.

Napoléon : Je veux que tu m'écrives, une lettre par jour, c'est le moins, deux ça serait mieux. Non, mais écoute attentivement, s'il devait m'arriver quelque chose, c'est toi qui assurerait la régence jusqu'à ce que...

Joséphine : Jusqu'à ce que ton fils soit en âge de te succéder.

Napoléon : Mon fils ?

Joséphine : Tu m'as prise avec une telle passion, cette nuit dans la berline, que je ne serais pas étonnée que tu m'aies fait un bel enfant.

Napoléon : En cas de malheur, c'est le fils de Louis et d'Hortense qui me succédera. Un Bonaparte, tu vois, j'ai tout prévu.

Joséphine : Prévois surtout de me revenir. Moi, je ne peux pas vivre sans toi.

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Talleyrand : Tout cela en une seule journée, Sire ?

Napoléon : En quelques heures à peine, oui. Vingt mille tués chez eux, entre six et huit mille chez nous.

Talleyrand : Sire, je crois que j'en...

Napoléon : Assez vu ? Non, Talleyrand, non, pas encore... Ouvrez grand les yeux. Regardez, écoutez, reniflez jusqu'à la nausée s'il le faut, parce que vous allez négocier la paix. Je veux que vous sachiez combien elle a coûté. 

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Napoléon : Tu joues vraiment n'importe comment aujourd'hui.

Joséphine : Veux-tu que je cède ma place à mademoiselle Denuelle ? Oh, peut-être elle ne sait pas jouer aux échecs. Elle ne peut pas être douée pour tout.

Napoléon : Mais tu devrais le savoir mieux que moi. Eléonore Denuelle est une de tes suivantes.

Joséphine : Et une de tes maîtresses.

Napoléon : Ce sont les ragots, ça.

Joséphine : Non seulement elle est ta maîtresse, mais c'est une maîtresse amoureuse.

Napoléon :  Mais enfin, supposé que ce soit vrai, la seule chose qui devrait compter, c'est si moi je suis amoureux d'elle.

Joséphine : Très bonne question. Et quelle est la réponse ? Elle t'excite ? Mais tu n'est pas amoureux, la-la-la-la, la-la-la-la,...

Napoléon : Tu vois, tu vois tu n'as rien à craindre. Joue donc.

Joséphine : Je n'ai pas peur d'Eléonore Denuelle, pas plus que toutes les autres petites... que tu as mises dans ton lit et que tu mettras encore dans ton lit. La seule chose que je craigne, c'est que tu m'aimes de moins en moins. Jusqu'au jour où tu ne m'aimeras plus du tout.

Napoléon : Ça n'arrivera jamais.

Joséphine : Mais tout arrive, mon ami. La preuve, échec au roi.

Napoléon : A moins que je sacrifie ma reine. Auquel cas...

Joséphine : Je serais échet et mat. Faisons une autre partie, celle-là ne tourne bien ni pour toi ni pour moi.

 

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Letizia : Si tu disparaissais, qu'est-ce que je deviendrais, moi ? Tu sais ce qu'il faut que tu fasses ? Il faut me faire donner une rente.

Napoléon : Quand tu penses à ma mort, c'est ça que tu vois ? Une rente ?

Letizia : Préparer l'avenir n'a jamais tué personne. Puis ce n'est pas à toi que je demande l'argent, Napoléon, c'est à l'Etat. J'ai donné mon fils à l'Etat, il peut quand même me donner un petit quelque chose en retour, non ?

Napoléon : Ces dispositions que tu me réclames, je les ai déjà prises, figure-toi. Je ne t'en ai rien dit parce que je craignais de te bouleverser en te parlant de ma mort mais je vois que je me trompais. Vous êtes tous pareils, sans cesse après moi, vous n'en avez jamais assez, une famille de vampires.

 

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La comtesse Marie Walewska :  Soyez le bienvenu, Sire, mille fois le bienvenu, sur notre terre de Pologne qui vous attend pour se relever. Et... je ne sais plus. J'avais préparé mille choses dont je voulais vous parler, et maintenant que je vous vois, je ne sais plus que dire.

Napoléon : Moi non plus je ne sais que dire, ce qui va nous obliger à nous revoir... quand nous aurons vous et moi retrouvé les mots qui nous manquent. Vous voulez bien ?

La comtesse Marie Walewska : Merci, monsieur.

 

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Napoléon : Quand un si vieil homme épouse une si jeune femme, il devrait avoir à cœur pour se faire pardonner de la couvrir de bijoux. Mais je verrai à y remédier.

La comtesse Marie Walewska : Sire, ce n'est pas cela que j'espère de votre majesté. Mon pays n'existe plus. La Prusse, l'Autriche et la Russie l'ont dépecé. Rendez-moi ma Pologne.

 

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La comtesse Marie Walewska : Doucement, Sire, venez à moi comme un homme, pas comme un conquérant.

Napoléon : Pourquoi avez-vous peur, madame ?

La comtesse Marie Walewska : C'est sans importance.

Napoléon : Ah si, si, pour moi ça en a. N'êtes-vous pas ici de votre plein gré ? J'ai cru comprendre que monsieur de Caulaincourt s'est montré persuasif, mais il n'aura pas osé vous forcer, je le connais, ça n'est pas son genre. Un marquis, pensez donc.

La comtesse Marie Walewska : D'autres que lui m'ont conseillé de profiter de cette opportunité pour peut-être pouvoir toucher le cœur de votre majesté. Le prince Poniatowski, et jusqu'à mon propre mari. C'est toute la Pologne, Sire, qui me jette dans vos bras.

Napoléon : N"ayez pas peur, madame, vous n'y êtes pas encore dans mes bras. Voyez, voyez, plus je m'approche de vous et plus vous reculez.

La comtesse Marie Walewska : Je serai bientôt dos au mur.

Napoléon : Et que croyez-vous que je ferai alors ?

La comtesse Marie Walewska : On dit que vous ne vous embarrassez guère pour prendre ce que vous voulez.

Napoléon : Il ne vous arrivera rien que vous n'ayez voulu, ma chère madame. Au revoir, comtesse.

La comtesse Marie Walewska : Sire ! Rendez la Pologne souveraine.

Napoléon : C'est ça que vous êtes venue me demander ? Donner un roi à la Pologne ? Je ne peux pas prendre un tel engagement. J'ai toute l'Europe à mes basques qui cherche à me saigner. Non, mais je peux vous promettre que, je peux te jurer que, de même que je n'oublierai jamais cet instant, jamais non plus je n'oublierai ce qui t'a amenée ici ce soir. Donne-moi un peu de temps. Si je vois que les Polonais sont dignes d'être une nation...

La comtesse Marie Walewska : Bien sûr qu'ils en sont dignes. Regardez-moi. Jugez-les d'après moi. Je suis l'une d'entre eux.

Napoléon : Impétueuse, passionnée, courant vers moi comme une folle au risque de se faire étouffer par la foule. Et ensuite refusant de me revoir. Si la Pologne te ressemble, quel petit pays fantasque.

La comtesse Marie Walewska : Que faut-il faire pour que vous aimiez ce petit pays fantasque ?

Napoléon : Te laisser aimer.

 

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Caulaincourt : Les cosaques viennent d'entrer dans Paris. Les Parisiens sont prêtes à toutes les lâchetés pour protéger leur ville. Ils ont même applaudi la décision des puissances alliées exigeant votre abdication, abdication dont voici les conditions.

Napoléon : Je n'ai pas besoin de lire ça pour savoir qu'elles sont inacceptables.

Caulaincourt : Inespérées peut-être, Sire, mais inacceptables est un mot que l'on doit effacer de notre vocabulaire. On vous enjoint de quitter la France. Cependant, on vous accorde la souveraineté de l'île d'Elbe. C'est au large des côtes italiennes.

Napoléon : Je connais. Un caillou. Napoléon, roi d'un caillou. Grotesque.  

 

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Garde : Le prince de Bénévent demande à être reçu par sa majesté le roi. 

Le roi Louis XVI : Prince de Bénévent, et quoi encore ? Vous m'obligeriez, monsieur, en renonçant à vous affubler de ces titres de carnaval dont vous a gratifié l'usurpateur. Qu'est-ce que c'est ?

Talleyrand : Une dépêche de Chappe, administrateur en chef du Télégraphe. A voir son agitation, cela semble de la plus haute importance.

Le roi Louis XVI : L'agitation, est-ce que je me suis agité, moi, durant toutes les années que l'inénarrable Bonaparte a passées à se prélasser dans ce fauteuil ? J'ai attendu mon heure et mon heure est venue. Et à présent, le fauteuil est à moi. On y est très mal d'ailleurs, je vais le faire refaire. Vous savez ce qu'elle raconte, votre dépêche ?

Talleyrand : Bien sûr que non.

Le roi Louis XVI : Bonaparte a débarqué en Provence. Portez donc ça au ministre de la guerre, il verra ce qu'il convient de faire.

 

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Murat : Sire, me voici.

Napoléon : Je vois. Tu es passablement en retard. Je croyais que tu devais venir me rejoindre après être passé à Naples chercher des soi-disant renforts.

Murat : C'était il y a plus d'un an déjà.

Napoléon : Oui, je ne te le fais pas dire.

Murat : Je sais que vous et moi avons eu une déplorable année, Sire. Mais à quelque chose malheur est bon, dit-on. Lorsque j'ai perdu la couronne de roi de Naples, je suis pleinement redevenu ce que j'étais, le maréchal Murat, Murat le grand cavalier, celui dont vous aurez besoin pour cette guerre qui s'annonce.

Napoléon : Besoin ? Je ne crois pas. Ni besoin, ni surtout envie. Je te remercie de tes offres de services mais je préfère m'en passer.

Murat : Vous êtes donc à ce point rancunier ?

Napoléon : Rancunier. Je t'ai donné ma sœur, je t'ai donné un royaume, tu me trahis. Comment oses-tu te présenter devant moi, Murat ? Je n'ai plus confiance en toi. Ney te remplacera à la tête de la cavalerie.