samedi, 05 janvier 2013
L'Enfer de Dante - Chants 7 & 11 - Considérations sur l'Art et l'argent - Delacroix
Les Limbes, Delacroix
Sont représentés Cincinnatus, Orphée, Sapho, Caton d'Utique, Marc Aurèle, Virgile, Dante, Homère, Horace, Jules César, Trajan, Hannibal, Pyrrhus, Alexandre le Grand, Les Muses, Achille, Aristote, Aspasie, Alcibiade, Démosthène, Ovide, Platon, Socrate, Dante
Source à consulter : http://www.insecula.com/oeuvre/photo_ME0000051356.html
CONSIDERATIONS SUR L'ART ET L'ARGENT
Extrait de La divine comédie, L'Enfer, 1314, Dante, traduction de Jacqueline Risset, GF-Flammarion 1985 :
Chant 11
[...]
"O Soleil qui guéris la vue troublée,
tu me rends si content quand tu résous mes doutes,
que le doute m'est doux autant que le savoir.
Mais reviens encore un peu en arrière",
lui dis-je, "là où tu me dis que l'usure
offense la divine bonté, et délie-moi ce nœud."
"La philosophie", dit-il, "à qui l'entend
enseigne, et dans plus d'un écrit,
comment la nature procède
de la divine intelligence et de son art ;
et si tu lis bien ta Physique*,
tu trouveras, dans les premières pages,
que l'art humain, autant qu'il peut, suit la Nature,
comme un élève suit son maître,
si bien que l'art est comme un petit-fils de Dieu.
Des deux, Art et Nature, si tu as en mémoire
les premiers vers de la Genèse, il faut
que l'homme tire vie, et qu'il avance ;
et puisque l'usurier suit d'autres voies,
il méprise Nature pour elle et pour son art,
puisqu'il met son espoir en un autre lieu.
[...]
* Ta Physique : la physique d'Aristote.
Chant 7
[...]
Là je vis des gens, plus nombreux qu'ailleurs,
de çà, de là, avec des hurlements,
pousser des fardeaux à coups de poitrine.
Ils se cognaient l'un contre l'autre ; et à ce point
chacun se retournait, repartant vers l'arrière,
criant : "Pourquoi tiens-tu ?", "pourquoi lâches-tu ?".
C'est ainsi qu'ils tournaient par le cercle lugubre
sur chaque bord, vers le point opposé,
en criant encore leur honteux couplet ;
puis chacun se tournait, quand il était venu
par son demi-cercle à la deuxième joute.
Et moi qui en avais le cœur comme brisé,
je dis : "Mon maître, explique-moi
qui sont ces gens, s'ils furent tous clercs,
ces tonsurés à notre gauche."
Et lui, à moi : "Tous ils furent borgnes
dans leur esprit durant la vie, de sorte
qu'ils n'eurent aucune mesure en leur dépense.
Leur voix l'aboie très clairement,
quand ils parviennent à ces deux points du cercle
où le péché contraire les désassemble.
Ceux-ci furent clercs, qui n'ont pas de couvercle
de poil en tête, et papes et cardinaux,
en qui l'avarice montre sa démesure."
Et moi : "Maître, chez ces gens-là
je devrais bien en reconnaître quelques-uns
qui furent salis par ces deux vices."
Et lui à moi : "Tu as des pensées vaines :
la vie méconnaissante que firent ces méchants
les brunit à présent à la reconnaissance.
Pour toujours ils iront aux deux points de rencontre :
ceux-ci resurgiront de leur sépulcre
avec le poing fermé, ceux-là le poil rogné*.
Mal donner, mal tenir leur a ôté
le beau séjour, et mis en cette échauffourée :
Ce qu'elle est n'a pas besoin de beaux discours.
Tu peux, mon fils, voir à présent le souffle court
des biens qui sont confiés à la fortune,
pour qui les humains se combattent ;
car tout l'or qui est sous la lune
et a été, ne pourrait donner le repos
à une seule de ces âmes lassées."
"Maître", lui dis-je, "enseigne-moi encore :
cette fortune** que tu nommes, qui est-elle,
qui a tous les biens de la terre en ses griffes ?"
Et lui à moi : "Ô stupides créatures,
quelle ignorance vous opprime !
Je veux que tu saisisses ma pensée.
Celui dont le savoir surpasse tout
fit les cieux*** et leur donna des guides,
si bien que chaque partie lui sur les autres
en répandant une lumière égale.
Pareillement pour les splendeurs mondaines
il mit pour guide une intelligence ordinatrice
qui change à temps tous les vains biens
de race à race, de l'un à l'autre sang,
outre l'opposition des volontés humaines.
Ainsi un peuple règne et un autre languit,
suivant la décision de cette intelligence
qui reste cachée comme serpent dans l'herbe.
Votre savoir ne peut lui résister :
elle pourvoit, juge et maintient son règne
ainsi que font les autres dieux****.
Ses mutations n'ont pas de trêve :
et la nécessité la rend rapide ;
ainsi voit-on les hommes changer souvent d'état.
C'est elle qui si souvent est mise en croix
par ceux-là mêmes qui devraient la chanter,
et qui lui font à tort mauvais renom ;
mais elle est bienheureuse et n'entend rien :
et joyeuse parmi les créatures premières,
elle tourne sa sphère et jouit de soi.
[...]
* avec le poing fermé : symbole d'avarice.
le poil rogné : symbole de prodigalité.
** cette fortune : la Fortune est ici représentée comme un Ange, chargé de régler le cours des affaires humaines. [...]
*** fit les cieux : Dieu crée les neuf cieux et leur assigne les intelligences motrices ; chacune d'elle reflète sa lumière intellectuelle sur chaque ciel matériel, sur chaque sphère céleste, en distribuant également la lumière divine dont elle est douée.
**** les autres dieux : les autres intelligences, vulgairement appelées Anges.
Se procurer l'ouvrage :
La divine comédie, L'Enfer
34 chants, écrits en 1314
Dante
1985
Traduction de Jacqueline Risset, GF Flammarion
380 pages, édition bilingue
07:35 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Foi, Peinture, Poësie, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dante, l'enfer, divine comédie, delacroix
vendredi, 04 janvier 2013
L'Enfer de Dante - Chant 5 - Considérations sur l'amour et le suicide - Rubens
La chute des anges rebelles, Rubens
CONSIDERATIONS SUR L'AMOUR ET LE SUICIDE
Extrait de La divine comédie, L'Enfer, 1314, Dante, traduction de Jacqueline Risset, GF-Flammarion 1985 :
Chant 5
Je descendis ainsi du premier cercle
dans le second, qui enclôt moins d'espace,
mais la douleur plus poignante, et plus de cris.
Minos* s'y tient, horriblement, et grogne :
il examine les fautes, à l'arrivée,
juge et bannit suivant les tours.
J'entends que quand l'âme mal née
vient devant lui, elle se confesse toute :
et ce connaisseur de péchés
voit quel lieu lui convient dans l'enfer ;
de sa queue il s'entoure autant de fois
qu'il veut que de degrés l'âme descende.
Elles se pressent en foule devant lui,
et vont l'une après l'autre au jugement :
elles parlent, entendent et tombent.
"O toi qui viens à l'hospice de douleur",
me dit Minos quand il me vit,
en oubliant de remplir son office,
"vois comme tu entres, et à qui tu te fies ;
que l'ampleur de l'entrée ne t'abuse !"
Alors mon guide : "Pourquoi cries-tu ?
N'empêche pas son voyage fatal :
on veut ainsi là où on peut
ce que l'on veut, et ne demande pas davantage."
A présent commencent les notes douloureuses
à se faire entendre ; à présent je suis venu
là où les pleurs me frappent.
Je vins en un lieu où la lumière se tait,
mugissant comme mer en tempête,
quand elle est battue par vents contraires.
La tourmente infernale, qui n'a pas de repos,
mène les ombres avec sa rage ;
et les tourne et les heurte et les harcèle.
Quand elles arrivent devant la ruine,
là sont les cris, les pleurs, les plaintes ;
là elles blasphèment la vertu divine.
Et je compris qu'un tel tourment
était le sort des pécheurs charnels,
qui soumettent la raison aux appétits.
Tout comme leurs ailes portent les étourneaux,
dans le temps froid, en vol nombreux,
ainsi ce souffle mène, de çà de là,
de haut en bas, les esprits mauvais ;
aucun espoir ne les conforte
d'aucun repos, et même de moindre peine.
Et comme les grues vont chantant leurs complaintes,
en formant dans l'air une longue ligne,
ainsi je vis venir, poussant des cris,
les ombres portées par ce grand vent ;
alors je dis : "Maître qui sont ceux-là
qui sont ainsi châtiés par l'air noir ?"
"La première de ceux dont tu voudrais
savoir quelque nouvelle", me dit-il alors,
"fut impératrice de nombreux langages ;
au vice de luxure elle fut si rouée
qu'elle fit dans sa loi la licence licite,
afin d'ôter le blâme où elle était conduite.
Elle est Sémiramis**, dont on peut lire
qu'elle fut l'épouse de Ninus, et puis lui succéda :
elle tint la terre que le Sultan gouverne.
La suivante est celle-ci qui se tua par amour***
en trahissant les cendres de Sichée ;
puis vient la luxurieuse Cléopâtre****.
Tu vois Hélène*****, par qui advint
un si long malheur ; tu vois le grand Achille******,
qui combattit à la fin contre Amour.
Tu vois Pâris, Tristan" ; ainsi il m'en montra
et m'en désigna du doigt plus de mille
qu'amour ôta de notre vie.
Quand j'eus ainsi entendu mon docteur
nommer les dames de jadis et les cavaliers,
pitié me prit, et je devins comme égaré.
Je commençai : "Poète, volontiers
je parlerais à ces deux-ci******* qui vont ensemble,
et qui semblent si légers dans le vent."
Et lui à moi : "Tu les verras quand il seront
plus près de nous ; alors prie-les
par l'amour qui les mène, et ils viendront."
Dès que le vent vers nous les plie,
je leur dis ces mots : "O âmes tourmentées,
venez nous parler, si nul ne le défend."
Comme colombes à l'appel du désir
viennent par l'air, les ailes droites et fixes,
vers le doux nid, portées par le vouloir ;
ainsi de la compagnie de Didon
ils s'éloignèrent, venant vers nous dans l'air malin,
si fort fut mon cri affectueux.
"O créature gracieuse et bienveillante
qui viens nous visiter par l'air sombre
nous dont le sang teignit la terre,
si le roi de l'univers était notre ami,
nous le prerions pour ton bonheur,
puisque tu as pitié de notre mal pervers.
De tout ce qu'il vous plaît d'entendre et de dire,
nous entendrons et nous vous parlerons,
tandis que le vent, comme il fait, s'adoucit.
La terre où je suis née se trouve au bord
de ce rivage où le Pô vient descendre
pour être en paix avec ses affluents.
Amour, qui s'apprend vite au cœur gentil,
prit celui-ci de la belle personne
que j'étais ; et la manière me touche encore.
Amour, qui force tout aimé à aimer en retour,
me prit si fort de la douceur de celui-ci
que, comme tu vois, il ne me laisse pas.
Amour nous a conduits à une mort unique.
La Caïne******** attend celui qui nous tua."
Tels furent les mots que nous eûmes d'eux.
Quand j'entendis ces âmes blessées,
je baissai le visage, et le gardai si bas
que le poète me dit : "Que penses-tu ?"
Quand je lui répondis, je commençai : "Hélas,
que de douces pensées, et quel désir
les ont menés ou douloureux trépas !"
Puis je me retournai vers eux et je leur dis
pour commencer : "Francesca, tes martyres
me font triste et pieux à pleurer.
Mais dis-moi ; du temps des doux soupirs,
à quel signe et comment permit amour
que vous connaissiez vos incertains désirs ?"
Et elle : "Il n'est pas de plus grande douleur
que de se souvenir des temps heureux
dans la misère ; et ton docteur le sait.
Mais si tu as telle envie de connaître
la racine première de notre amour,
je ferai comme qui pleure et parle à la fois.
Nous lisions un jour par agrément
de Lancelot*********, comment amour le prit :
nous étions seuls et sans aucun soupçon.
Plusieurs fois la lecture nous fit lever les yeux
et décolora nos visages ;
mais un seul point fut ce qui nous vainquit.
Lorsque nous vîmes le rire désiré
être baisé par tel amant,
celui-ci, qui jamais plus ne sera loin de moi,
me baisa la bouche tout tremblant.
Galehaut********* fut le livre et celui qui le fit ;
ce jour-là nous ne lûmes pas plus avant."
Pendant que l'un des deux esprits parlait ainsi,
l'autre pleurait, si bien que de pitié
je m'évanouis comme si je mourais ;
et je tombai comme tombe un corps mort.
* Minos : dans la mythologie classique, roi de Crète célèbre pour sa sévérité et son sens de la justice. Homère le place dans l'Hadès comme juge des Ames ; Dantes le reprend à travers Virgile, et en fait un démon infernal.
** Sémiramis : reine mythique de Chaldée et d'Assyrie, aux XIVe siècle avant Jésus-Christ ; célèbre par sa beauté et ses excès sexuels, elle aurait selon Orose promulgué une loi autorisant l'inceste.
*** celle-ci qui se tua par amour / en trahissant les cendres de Sichée : Didon, reine de Carthage, dont Virgile raconte qu'elle se tua lorsqu'elle fut abandonnée par Enée, trahissant par cet amour la promesse de fidélité à son mari défunt, Sichée.
**** Cléopâtre : la reine d'Egypte, maîtresse de César puis d'Antoine, exemple traditionnel de luxure.
***** Hélène : cause de la guerre de Troie.
****** Achille : d'après les légendes médiévales sur la guerre de Troie, à cause de son amour pour Polyxène, il fut attiré dans un piège et tué par traîtrise.
******* ces deux-ci : fait divers devenu légende. Francesca da Rimini, fille de Guido da Polenta, épouse Giovanni Malatesta en 1275 ; s'éprend de son beau-frère Paolo da Malatesta ; Giovanni les surprend et les tue.
******** la Caïne : c'est la première des quatre régions du dernier cercle de l'Enfer, le Cocyte. Elle est assignée aux damnés traîtres à leurs parents.
********* Lancelot : différentes version des romans de la Table Ronde racontent ses amours avec Genièvre, femme du roi Arthur.
********** Galehaut : sénéchal de la reine, témoin d'un pacte d'amour. Dans les textes connus, il pousse Genièvre à embrasse Lancelot. Selon la version inconnus que suit Dante (ou suivant sa propre version) c'est Lancelot qui embrasse Genièvre.
Se procurer l'ouvrage :
La divine comédie, L'Enfer
34 chants, écrits en 1314
Dante
1985
Traduction de Jacqueline Risset, GF Flammarion
380 pages, édition bilingue
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Foi, Peinture, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'enfer, dante, rubens, divine comédie
jeudi, 03 janvier 2013
L'Enfer de Dante - Introduction, Chants 7, 32 & 33 - Bouguereau
Dante et Virgile visitant l'enfer, William-Adolphe Bouguereau
Extrait de La divine comédie, L'Enfer, 1314, Dante, traduction de Jacqueline Risset, GF-Flammarion 1985 :
Introduction
[...]
A chaque instant c'est ce corps encombrant qui rappelle l'enjeu et la progression chamanique du récit : escaladant la montagne du Purgatoire il sera de plus en plus léger ; au Paradis il se fera si docile et si transparent au vouloir qu'il saura voler parmi les sphères.
En Enfer - première étape - il trébuche, il tombe : "Et je tombai comme tombe un corps mort" : Dante s'évanouit en entendant Francesca, à cause de l'excès d'émotion, à cause de son identification de poète de l'amour avec les amoureux rendus coupables par un livre, et à cause de sa brusque compréhension d'un caractère infiniment dangereux de la littérature, et précisément de la sienne : car c'est lui, poète du Dolce Stil Nuovo, qui avait écrit dans la Vita Nuova : "Farei parlando innamorar la gente" ("je ferai en parlant enamourer les gens"). L'évanouissement mime la mort, dans le royaume des morts. Dante, ici, suggère qu'il a failli y rester ; pour un peu, il restait là, au chant V, puni parmi les luxurieux - propagateur de luxure, comme la reine Sémiramis. [...]
Chant 7
[...]
Nous recoupâmes le cercle vers l'autre rive
au-dessus d'une source* qui bout et se reverse
par un canal qui dérive d'elle.
L'eau était noire plutôt que perse**,
et nous, en compagnie de son flot trouble,
nous entrâmes plus bas par une voie étrange.
Il va dans le marais qui a nom Styx***
le sinistre ruisseau, quand il arrive
au pied des affreuses berges grises.
Et moi qui regardais très fixement,
je vis des gens boueux dans ce marais,
tous nus, et à l'aspect meurtri.
Ils se frappaient, mais non avec la main
avec la tête, avec la poitrine et avec les pieds,
tranchant leur corps par bribe, avec les dents.
Le bon maître dit : "Fils, tu vois maintenant
les âmes de ceux que la colère vainquit ;
et je veux encore que tu saches
qu'il y a dans l'eau des gens qui soupirent
et font pulluler cette onde jusqu'en haut,
comme tes yeux te montrent, où qu'ils se posent.
Plantés dans la boue ils disent : "Nous étions tristes
dans l'air doux que le soleil réjouit,
ayant en nous les fumées chagrines :
à présent nous nous attristons dans la boue noire."
Cet hymne ils le gargouillent dans leur gorge,
car ils ne peuvent le dire par mots entiers."
Ainsi nous parcourûmes dans le marais fangeux
un grand arc entre le sec et le mouillé,
les yeux tournés vers les mangeurs de boue.
Enfin nous arrivâmes au pied d'une tour.
* une source : toutes les eaux de l'Enfer dérivent d'une seule source - celle de l'Achéron.
* perse : couleur des tapis persans. Dante entend par là "une couleur mêlée de pourpre et de noir, mais où domine le noir" (Convivio, IV,XX, 2).
** Styx : dans la mythologie classique, c'est un fleuve des Enfers ; Dante en fait (suivant en cela Virgile), un marais, qui entoure ici la ville de Dité. Entre l'Achéron et le Styx sont punis les péchés d'incontinence. Au-delà du Styx se dressent les murailles en flammes de Dité, où sont punies la violence et la fraude.
Chant 32
Si j'avais les rimes âpres et rauques
comme il conviendrait à ce lugubre trou
sur lequel s'appuient tous les autres rocs,
j'exprimerais le suc de ma pensée
plus pleinement ; mais je ne les ai point,
et non sans frayeur je m'apprête à parler :
car ce n'est pas affaire à prendre à la légère
que de décrire le fond de l'univers entier
ni celle d'une langue disant "papa, maman".
[...]
Nous avions déjà quitté cette ombre
quand je vis deux gelés dans un seul trou ;
la tête de l'un coiffait la tête de l'autre ;
et comme on mange du pain quand on a faim,
celui du haut planta ses dents sur le second,
là où le cerveau se joint à la nuque :
Tydée* dans sa fureur ne rongea pas
les tempes de Ménalippe d'autre façon
qu'il mangeait le crâne, avec le reste [...].
* Tydée : l'un des sept contre Thèbes ; blessé à mort par le Thébain Menalippe, il le tua, obtint de ses compagnons qu'ils lui apportent sa tête, et se mit aussitôt à la ronger.
Chant 33
Il souleva la bouche de son affreux repas,
ce pécheur, l'essuyant aux cheveux de la tête
qu'il avait entamée par-derrière.
Puis il commença : "Tu veux que je ravive
le désespoir qui serre encore mon cœur
rien qu'en y pensant, avant d'en parler.
Mais si mon récit peut engendrer
quelque fruit d'infamie au traître que je ronge,
tu me verras parler et pleurer à la fois.
[...]
Se procurer l'ouvrage :
La divine comédie, L'Enfer
34 chants, écrits en 1314
Dante
1985
Traduction de Jacqueline Risset, GF Flammarion
380 pages, édition bilingue
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Foi, Peinture, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dante, l'enfer, bouguereau, divine comédie
mercredi, 02 janvier 2013
L'Enfer de Dante - Introduction & Chant 1 - Turner
Eruption du Vésuve, William Turner
Extrait de La divine comédie, L'Enfer, 1314, Dante, traduction de Jacqueline Risset, GF-Flammarion 1985 :
Introduction
[...]
L'Enfer commence comme un récit de voyage : "Je me retrouvai dans une forêt obscure." Mais c'est en même temps le début typique d'un récit de rêve. Et, de fait, tout le premier chant peut se lire comme un rêve (modalité traditionnelle d'ouverture des grands récits antiques). Dès ce début et par la suite, la narration participe de façon simultanée, et parfois indiscernable, de registres opposés. Tout ce qui est décrit est allégorique (la forêt est forêt de l'erreur et du péché) ; et, en même temps, tout est concret. Chaque perception est retracée avec une précision quasi hallucinatoire, qu'on pourrait comparer de nos jours peut-être seulement à Kafka...
Dante donc dit qu'il se retrouve, il ne sait comment, dans cette forêt. Il entrevoit, au-delà des arbres, la cime d'une colline ensoleillée, où il voudrait bien aller, où il sait qu'il doit aller ; mais trois bêtes terrifiantes se dressent sur son passage ; il recule... A ce moment, une ombre apparaît tout près de lui, pâle et bienveillante : c'est Virgile, son maître en poésie, qui est aussi, pour tout le Moyen Âge, grand mage, grand sage, et, dans ses écrits, prophète secret du christianisme. Virgile propose à Dante de l'accompagner : il n'a pas le choix ; pour sortir de ce mauvais pas, il lui faudra passer par les trois règnes, les traverser de fond en comble, l'un après l'autre. Pour sortir de l'Enfer, où il va entrer, il ui faudra descendre tout l'espace du vaste entonnoir, où règnent l'obscurité, le bruit, la puanteur, jusqu'au fond, jusqu'au corps de Lucifer, qui coïncide avec le centre de la terre, qui est le centre du monde - le mal est là, indéniable et central.
"Au milieu du chemin de notre vie" : tel est le premier vers. Il va s'agir, dans le livre qui commence, d'un voyage, ou peut-être d'une vision, vécu au nom de l'humanité. Mais le nous de la dimension prophétique se mélange intimement, dès les premières lignes - dans un glissement grammatical internet - au je de l'expérience individuelle :
"Au milieu du chemin de notre vie*
Je me retrouvai dans une forêt obscure"
[...]
Chant 1
Au milieu du chemin de notre vie*
je me retrouvai par une forêt obscure**
car la voie droite était perdue.
Ah dire ce qu'elle était est chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte
qui ranime la peur dans la pensée !
Elle est si amère que mort l'est à peine plus ;
mais pour parler du bien que j'y trouvai,
je dirai des autres choses que j'y ai vues.
Je ne sais pas bien redire comment j'y entrai,
tant j'étais plein de sommeil en ce point
où j'abandonnai la voie vraie.
[...]
* de notre vie : selon Dante, suivant Isaïe, la vie humaine dessine un arc, dont le centre, et le point le plus haut, est l'âge de 35 ans. Né en 1265, Dante a 35 ans en l'an 1300, date de son voyage à Rome, au moment du grand Jubilé organisé par le pape Boniface VIII.
** une forêt obscure : au sens allégorique, les vices et l'erreur ("la forêt d'erreurs de cette vie", Convivio, IV, XXIV, 12) ; elle correspond, pour Dante, à une période d'égarement moral et intellectuel.
> A consulter également : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Divine_Com%C3%A9die
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La divine comédie, L'Enfer
34 chants, écrits en 1314
Dante
1985
Traduction de Jacqueline Risset, GF Flammarion
380 pages, édition bilingue
http://www.amazon.fr/Divine-Com%C3%A9die-LEnfer-Dante-Ali...
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samedi, 29 décembre 2012
Le Songe - Gn28, Dante, Blake
L'échelle de Jacob, William Blake
Gn 28
Il arriva d'aventure en un certain lieu et il y passa la nuit, car le soleil s'était couché.
Il prit une des pierres du lieu, la mis sous sa tête et dormit en ce lieu.
Il eut un songe : Voilà qu'une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient !
Chant 21, Le Paradis, Dante
[...]
Dans le cristal qui encercle le monde,
portant le nom de son seigneur aimé,
sous le règne de qui toute malice resta morte,
je vis, d'une couleur d'or traversée de rayons,
une échelle si longue vers le haut
que mon regard ne pouvait la suivre.
[...]
07:43 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Foi, Peinture, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 28 décembre 2012
Le surréaliste sommeil amoureux - Picasso, Proust
Les dormeurs, Picasso
Extrait de La Recherche du temps perdu, V "La Prisonnière", Marcel Proust :
Je pouvais mettre ma main dans sa main, sur son épaule, sur sa joue, Albertine continuait de dormir. Je pouvait prendre sa tête, la renverser, la poser contre mes lèvres, entourer mon cou de ses bras, elle continuait à dormir comme une montre qui ne s'arrête pas, comme une bête qui continue de vivre quelque position qu'on lui donne, comme une plante grimpante, un volubilis qui continue de pousser ses branches quelque appui qu'on lui donne. Seul son souffle était modifié par chacun de mes attouchements, comme si elle eût été un instrument dont j'eusse joué et à qui je faisais exécuter des modulations en tirant de l'un, puis de l'autre de ses cordes, des notes différentes.
¤ ¤ ¤
> A consulter également : http://doudou.gheerbrant.com/?cat=43
¤ ¤ ¤
Jeune femme endormie, Lovis Corinth
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Littérature, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : proust, picasso, man ray, sommeil, amour
mardi, 11 décembre 2012
De l'aubépine à l'orchidée - Philippe Sollers, Marcel Proust
Image du film "Un amour de Swann"
Pour les mots du film : http://fichtre.hautetfort.com/archive/2012/05/06/un-amour...
Extrait de Fleurs, 2006, Philippe Sollers, Herrmann Littérature :
[...] Et voici la reine érotique, l'orchidée, temps perdu, temps retrouvé : "Pointer de son pinceau le cœur de l'orchidée, c'est pointer le regard dans le portrait d'une femme. [...]" L'orchidée fait signe du côté des prostituées, et aller aux courtisanes s'est beaucoup dit en chinois "soigner les fleurs et s'inquiéter des saules".
Mais voici des nouvelles récentes de la revue Nature (on ne lit pas assez la revue Nature) : "La misère sexuelle est telle, chez certaines orchidées, qu'elles en sont réduites à s'autoféconder. Dans les forêts d'altitude de Simao (province du Yunnan), le vent souffle rarement et les insectes pollinisateurs sont peu nombreux. L'espèce Holcoglossum amesianum ne peut donc compter que sur elle-même pour s'assurer que des grains de pollen, porteurs de la semence mâle, se déposent sur les stigmates, l'organe femelle. Cette plante hermaphrodite - comme toutes les orchidées - a développé une technique très personnelle. Une fois la fleur ouverte, l'étamine perd son capuchon, découvrant à son extrémité deux petits sacs jaunes remplis de pollen. Ceux-ci se dressent alors vers le ciel avant de se recourber pour s'introduire dans la cavité du stigmate. L'opération, parfois, échoue. Le capuchon reste collé, ou bien les sacs de pollen ratent leur entrée. L'orchidée, pas plus que les humains, ne peut se targuer d'être performante à 100%."
La dernière phrase est un chef d'œuvre d'idéologie nataliste, comme si tout acte sexuel humain (performant) avait pour but la reproduction. Elle fait pouffer de rire Marcel Proust, et nous verrons pourquoi lorsque nous sortirons l'orchidée cattleya d'Amérique centrale (que Proust écrit avec un seul t : catleya) de sa serre ou de sa réserve.
Pour l'instant, voyons seulement ce nom : orchidée, du grec orkhis, testicule. Une orchite est une inflammation des testicules. Quant aux orchidées d'origine tropicale, on en compte quinze mille espèces, parmi lesquelles, outre le cattleya (usage littéraire réservé), l'orphrys, le sabot-de-Vénus, la vanille. Voulez-vous, lectrice sournoise, faire un peu de sabot-de-Vénus avec moi ? Non, c'est trop dur ? Un peu de vanille, alors, de façon plus glacée et plus électrique ?
Philippe Sollers
Après Dante, Shakespeare et Rimbaud, le jeu moisit, sauf chez les peintres. Le temps se perd, l'éternité, un moment retrouvée, s'abîme dans l'ombre, le soupçon, la frigidité, l'abstraction, le deuil. Pour aller vite à travers le siècle dernier, Gide Valéry Sartre, Malraux, Camus, Blanchot, Duras, Lacan, Foucault, Deleuze, etc. : beaucoup de discours, peu de fleurs.
Mais voici un botaniste génial, le grand aventurier intérieur : Proust. Lui aussi est seul, et il le reste.
Le narrateur de La recherche du temps perdu commence par nous entraîner dans son laboratoire tournant de sommeil et d'enfance, pour nous conduire assez vite dans "une petite pièce sentant l'iris" où il a pris très tôt l'habitude de s'enfermer. Ce sont bien, bien entendu, les toilettes, seul lieu de la maison qu'il peut fermer à clef. [...] Là, en-dehors d'opérations communes et plus "vulgaires", se déroulent des occupations qui réclament "une inviolable solitude : la lecture, la rêverie, les larmes et la volupté".
[...]
Ainsi de la révélation des aubépines : "Quand, au moment de quitter l'église, je m'agenouillai devant l'autel, je sentis tout d'un coup, en me relevant, s'échapper des aubépines une odeur amère et douce d'amandes, et je remarquai alors sur les fleurs de petites places plus blondes sur lesquelles je me figurai que devait être cachée cette odeur comme sous les parties gratinées le goût de la frangipane ou sous leurs taches de rousseur celui des joues de Mlle Vinteuil. Malgré la silencieuse immobilité des aubépines, cette intermittente odeur était comme le murmure de leur vie intense dont l'autel vibrait ainsi qu'une haie agreste visitée par de vivantes antennes, auxquelles on pensait en voyant certaines étamines presque rousses qui semblaient avoir gardé la virulence printanière, le pouvoir irritant, d'insectes aujourd'hui métamorphosés en fleurs."
Odeur, goût, métamorphoses, femme (et pas n'importe laquelle, Mlle Vinteuil, scandaleuse lesbienne), toute cette "virulence printanière" se trouve au pied d'un autel devenu un brasier érotique local.
On est du côté de Méséglise (décidément), du côté de chez Swann. Proust accentue sa pression florale : ce sont maintenant des lilas, des capucines, des myosotis, des pervenches, des glaïeuls, des lys et, plus loin, des pensées, des verveines, des jasmins, des giroflées. Mais le mystère est bien celui des aubépines (entendre, dans aubépines, aube et épines).
"La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir ; au-dessous d'elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s'il venait de traverser une verrière ; leur parfum s'étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j'eusse été devant l'autel de la Vierge, et des fleurs, aussi parées, tenaient chacune d'un air distrait son étincelant bouquet d'étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui, à l'église, ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail qui s'épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. Combien naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines qui, dans quelques semaines, monteraient elles aussi en plein soleil le même chemin rustique, en la soie unie de leur corsage rougissant qu'un souffle défait."
Proust parle en même temps des aubépines et de la phrase qu'il est en train d'écrire : les fleurs sont des mots, les mots sont des fleurs. Il cherche à s'identifier le plus possible à un phénomène qui l'enivre mais qu'il ne comprend pas. Il voudrait "s'ouvrir à son rythme", mélodie, intervalles musicaux. Il se repose un instant devant un seul coquelicot "faisant cingler au vent sa flamme rouge", puis revient aux aubépines, au plaisir obscur qu'elles lui donnent, et enfin découvre, grâce à son père qui se promène à ses côtés, une épine rose "plus belle encore que les blanches".
"Elle aussi avait une parure de fête, de ces seules vraies fêtes que sont les fêtes religieuses." Ce rose est une chose mangeable comme un fromage à la crème dans lequel on a écrasé des fraises. [...]
L'enfance et l'adolescence, dans le flot invisible du temps, c'est le surgissement, la prolifération, la multitude, la surabondance. Vient ensuite l'axe de la fixation érotique. L'excitation, désormais, choisit sa cible. Proust passe ainsi du mystère des aubépines à la révélation de l'orchidée "aux larges pétales mauves". L'orchidée, on s'en doute, n'est pas une fleur d'église. C'est ici le catleya d'Odette (Proust écrit cattleya avec un seul t). Avec Odette, dans le langage de son amant obsédé et jaloux, Swann, faire l'amour se dit "faire catleya". Ca commence, en voiture, par des arrangements timides de la fleur dans le corsage. Ca devient ensuite un code secret. [...]
Il entend l'anglais, Proust (traduction de Sésame et les lys de Ruskin), et voici son Sésame : catleya. On dit un catleya. Dans cat, il y a chat ou chatte, suivez mon regard vers ce elle et ce il y a. Ce Proust, n'en doutons pas, est un dangereux maniaque, une sorte de psychotique stabilisé pervers, qui doit se réjouir, ces temps-ci, de voir des plants de lys sauvages, espèce désormais protégée, faire obstacle, dans un vaste champ de village français, à la construction d'un incinérateur de déchets qui exigerait leur arrachage. La commune de Combray y a pourtant un besoin urgent de cet incinérateur. Le repousser à cause de lys est encore un mauvais coup des partisans de l'art pour l'art (dirait M. de Noirpois).
Odette fait peut-être "catleya", comme son amant aux goûts raffinés mais conventionnels (Botticelli, Vermeer), elle n'en perçoit pas la nature de fleur. Encore moins peut-il être question de défloration, selon les croyances antiques, puisque nous avons affaire à une demi-mondaine, autrement dit à une prostituée de luxe, entretenue et transformée en fausse noble, Odette de Crécy. Sur la défloration, Buffon a cette phrase amusante : "Toute situation honteuse, tout état indécent dont une fille est obligée de rougir intérieurement, est une vraie défloration." Odette est loin de cette pudeur naïve, et c'est pourquoi c'est une femme artificielle, ou fleur artificielle, une actrice déjà usée [...].
Proust se lance alors dans une incroyable démonstration d'érotisme floral. Il est lui-même, dit-il, "un herboriste humain", un "botaniste moral". Il a beaucoup travaillé la question de la fécondation des fleurs, surtout des hermaphrodites. Il tient à cette imagerie pour expliquer ce qu'il ne veut pas appeler l'homosexualité (mot pour lui impropre, mais l'inversion, par rapport, donc, à une version. La perversion est l'inversion, ou plutôt la réversion, d'une version. Dans ce cas, la fécondation non reproductive est quand même une fécondation mais "au sens moral". Les hommes-femmes ("descendants de ceux des habitants de Sodome qui furent épargnés par le feu du ciel") sont comparés à des fleurs le plus souvent en difficulté, qui n'ont que rarement l'occasion de trouver une rencontre satisfaisante, d'où leur abstinence forcée pour leur affairement obsédé.
C'est la Recherche du pollen perdu. La fleur mâle, par exemple, n'est pas passive : ses étamines se tournent spontanément vers l'insecte pour mieux le recevoir. La fleur femme, elle (ici l'arbuste d'Oriane), "arquera coquettement ses "styles" et, pour être mieux pénétrée par l'insecte, fera imperceptiblement, comme une jouvencelle hypocrite mais ardente, la moitié du chemin". C'est toute la signification cryptée de la danse de Charlus autour de Jupien et de leur fascination réciproque [...].
A partir de là, Proust devient fou, compare les méduses répulsives de la mer à de "mauves orchidées", s'occupe de la stérilité de certaines fleurs ("organe mâle séparé par une cloison de l'organe femelle"), des obstacles sans nombre à surmonter pour arriver au but (attraction des insectes par les fleurs, sécrétion de liqueur qui immunise contre les pollens qui ne conviennent pas), etc. [...] C'est ce qui s'appelle travailler son sujet. [...] Proust, dans l'inversion, trouve la confirmation de la version. Les deux voies, génétique et anti-génétique, ne conduisent à aucun Paradis, mais seulement à l'enfer social, au bordel, à l'usure, à la mort. L'obsession de l'éternel retour de la reproduction est générale, y compris dans ce qui semble en nier l'effectuation. Seule triomphe l'œuvre, immense Fleur.
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Fleurs
Philippe Sollers
2006
Hermann Littérature
121 pages
08:00 Publié dans Ecrits, littérature contemporaine, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, marcel proust, aubépine, orchidée