lundi, 30 juin 2014
Kiki de Montparnasse
"Le Paris bohème de Kiki de Montparnasse", in A Paris, le magazine de la ville de Paris, n°50 Printemps 2014 :
Femme libérée et muse des plus grands artistes, Kiki est l'une des figures emblématiques des Années folles.
Avant d'être couronnée "reine de Montparnasse" dans les années 1920, Kiki naît quasiment la tête dans le ruisseau, le 2 octobre 1901. Alice Ernestine Prin de son vrai nom, cette gamine illégitime élevée par sa grand-mère à Châtillon-sur-Seine, en Bourgogne, connaît une enfance miséreuse.
Elle débarque à Paris, gare de l'Est, en 1913, à l'âge de 12 ans. Sa mère l'a fait venir pour qu'elle apprenne un métier et reçoive un minimum d'instruction. L'école communale, celle de la rue de Vaugirard, au coin de la rue Dulac (15e) où elles habitent, Alice ne la fréquentera qu'un an. Mais ce quartier de Montparnasse, elle ne le quittera jamais.
Dès l'âge de 13 ans, elle gagne son pain : elle devient livreuse, brocheuse pour la reliure du Kamasutra, puis bonne à tout faire chez une boulangère. Renvoyée, elle accepte pour survivre de poser nue chez un sculpteur. Quand sa mère l'apprend, elle la met à la rue.
Alice a 16 ans. La vie est dure et elle ne sait pas toujours où dormir. Mais elle est une battante, et futée. Elle qui a toujours rêvé d'une vie d'artiste pose comme modèle pour les peintres et les sculpteurs qui ont investi le quartier du Montparnasse.
Elle fréquente la brasserie Le Dôme, 108, boulevard du Montparnasse (14e), et surtout La Rotonde, au numéro 105 (6e). En 1918, elle y rencontre le peintre polonais Maurice Mendjisky et emménage avec lui. Il la surnomme Kiki, son nom de femme libre et libérée. La brune au tempérament aussi généreux que volcanique adopte alors une coupe courte, souligne ses yeux de khôl et redessine ses lèvres d'un rouge flamboyant. Elle est immortalisée par Kisling, Foujita, Calder, Modigliani...
Mais l'une de ses plus grandes rencontres reste celle avec Man Ray. En décembre 1921, le peintre et photographe américain s'éprend de la jeune femme alors âgée de 20 ans. Durant sept ans, elle sera son égérie et sa passion.
Après avoir séjourné à l'hôtel Istria, au 29, rue Campagne Première (14e), le couple emménage dans le bâtiment voisin, au 31 bis, composé d'ateliers d'artistes. Man et Kiki fréquentent de nombreux peintres, poètes et écrivains, parmi lesquels Picasso, André Breton, Paul Eluard, Henri Matisse... En 1922, Kiki se met elle aussi à la peinture. Dans un style naïf et joyeux, ses œuvres représentent des scènes de sa vie, des lieux, des portraits, comme celui de Jean Cocteau, devenu un ami. Lors de sa première exposition, à la galerie Au sacre du printemps, 5, rue du Cherche-Midi (6e), en 1927, Robert Desnos écrit : "A travers tes beaux yeux, que le monde est joli."
Kiki par Man Ray Kiki par Moïse Kisling
Son centre du monde à elle ne change pas, c'est toujours Montparnasse. Kiki fait fureur au Jockey, premier cabaret de nuit ouvert en 1923 au 146, boulevard du Montparnasse (14e). Elle y chante, danse le french cancan, puis anime les soirées du cabaret Le Bœuf sur le toit, rue de Penthièvre (aujourd'hui au 34, rue du Colisée, 8e), ou encore celles de La Coupole, nouvelle brasserie inaugurée fin 1927 au 102, boulevard du Montparnasse (14e).
En 1929, c'est le sacre. A 28 ans, Kiki est désignée "reine de Montparnasse" lors d'un gala de bienfaisance organisé à Bobino, rue de la Gaîté (14e). Elle publie avec succès un livre de souvenirs* et s'installe avec son nouvel amant et éditeur, le journaliste Henri Broca, dans une maison avec jardin à Arcueil (Val-de-Marne). Mais il sombre rapidement dans la folie, Kiki doit le faire internet. En 1931, à 30 ans, elle avoue un cafard terrible, pèse 80 kilos et boit pour rester gaie. Quand elle arrête l'alcool, c'est pour la drogue.
Avec André Laroque, son nouvel amant qui joue de l'accordéon, ils se produisent au Cabaret des Fleurs, rue du Montparnasse. Mais la guerre met fin à l'insouciance. En 1939, les folles nuits des Montparnos s'en sont allées. Man Ray est retourné à Hollywood, Kisling gagne aussi les Etats-Unis, Foujita est au Japon... et Kiki à l'asile. Arrêtée pour détention de stupéfiants, elle est enfermée à l'hôpital de la Salpêtrière (13e). La reine de Montparnasse finit dans la misère, comme elle a commencé. Quand elle est inhumée en 1953, à 52 ans, au cimetière parisien de Thiais, son convoi funèbre croule sous les "trophées" d'une gloire passée : les couronnes funéraires du Jockey, du Select, du Dôme, de la Coupole et de La Rotonde.
Kiki par Luigi Corbellini Kiki par Ernest Correleau
Kiki par Moïse Kisling Kiki par Man Ray
Kiki par Fujita Kiki par Gustaw Gwozdecki
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&...
http://ladytigerproductions.com/2012/05/14/authentically-...
A consulter également :
http://dantebea.com/tag/kiki-de-montparnasse/
http://dantebea.com/2013/10/22/kiki-de-montparnasse-alice...
http://dantebea.com/category/articles/kiki-de-montparnass...
http://aureta.typepad.com/blog/2010/03/guest-blogger-dani...
* Souvenirs d'une Montparnos, publié en 1929, le livre de souvenirs de Kiki de Montparnasse est un véritable succès. En 1930, l'édition anglaise, Kiki's Memoirs, est préfacé par Ernest Hemingway. Mais l'ouvrage, jugé trop indécent, est interdit aux Etats-Unis. Kiki en rédige une nouvelle version en 1938. Le manuscrit est égaré pendant soixante-cinq ans. Il faudra attendre sa publication intégrale en 2005 pour découvrir sous sa plume simple et joyeuse son enfance, son arrivée à Paris, ses amis, ses amants et les années folles des Montparnos.
Se procurer l'ouvrage :
Souvenirs retrouvés
Kiki
2005
Ed. José Corti
256 pages
http://www.amazon.fr/Souvenirs-retrouv%C3%A9s-Kiki-Montpa...
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vendredi, 17 mai 2013
The-blue-pipe - V - and she is soon to be mine - Alphonse Rabbe
Extrait d'Album d'un Pessimiste, 1835 (posthume), Alphonse Rabbe (1784-1829) :
Jeune homme, allume ma pipe ; allume et donne, pour que je chasse un peu l'ennui de vivre ; pour que je me livre à l'oubli de toutes choses, tandis que ce peuple imbécile, avide de grossières émotions, précipite ses pas vers la pompeuse cérémonie du sacré coeur, dans l'opulente et superstitieuse Marseille.
Image du film "Rimbaud Verlaine" (1995), Leonaro di Caprio Rimbaud croqué par Verlaine
Pour moi, je hais la multitude et son stupide empressement : je hais ces tréteaux sacrés ou profanes, ces fêtes, aux prix desquels un peuple malheureux consent si aisément à l'oubli des maux qui l'accablent. Je hais ces marques d'un servile respect, que la foule abusée prodigue à qui la trompe et l’opprime. Je hais ce culte d'erreur qui absout le crime, contriste l'innocence et pousse au meurtre le fanatique, par ses inhumaines doctrines d'exclusion.
Pardonnons aux dupes ! Tous ceux qui vont là, se sont promis du plaisir. Infortunés humains ! nous poursuivons sur toutes les routes ce fantôme attrayant. N'être pas où l'on est, changer de place et d'affections, quitter le supportable pour le pire ; voguer de nouveautés en nouveautés pour obtenir une sensation de plus ; vieillir chargé de désirs non satisfaits, mourir enfin d'avoir vécu, telle est notre destinée.
Gregory Peck Humphrey Bogart
Que cherché-je moi-même au fond de ton petit fourneau, ô ma pipe ? Je cherche, comme un alchimiste, à transmuer les chagrins du présent en passagères délices. Je pompe ta vapeur à coups pressés, pour porter dans mon cerveau une heureuse confusion, un rapide délire préférable à la froide réflexion. Je cherche le doux oubli de ce qui est, le rêve de ce qui n'est pas, et même de ce qui ne peut pas être.
Tu me fais payer tes consolations faciles : le cerveau s’use et s'alanguit peut‑être, par le retour journalier de ces mouvements désordonnés. La pensée devient paresseuse, et l'imagination se fait vagabonde, par l'habitude d'ébaucher en vacillant d'agréables fictions.
La pipe est la pierre de touche des nerfs : le véritable dynamomètre de la fibre déliée. Jeunes gens qui cachez une organisation délicate et féminine sous des vêtements d'hommes, ne fumez pas, ou redoutez de cruelles convulsions ; et, ce qui serait plus cruel encore, la perte des faveurs de Vénus.
Fumez, au contraire, amants malheureux, esprits ardents et inquiets, obsédés du poids de vos pensées.
Mallarmé par Manet
Van Gogh, autoportrait
Monet, autoportrait
Les savants de l'Allemagne tiennent une pipe à côté de leur écritoire. C'est à travers les flots de fumée de tabac, qu'ils poursuivent les vérités de l'ordre intellectuel et transcendantal. Voilà pourquoi leurs ouvrages, toujours un peu nuageux, passent la portée de nos philosophes français, que la mode et les salons obligent de s'imbiber de parfums plus suaves et plus gracieux.
Lorsque le député des muses d'Erlangen arriva dans la maison de Kotzebue, le vieillard, avant que de venir le joindre, lui fit présenter du café et une pipe. Ce signe d'une hospitalité touchante ne désarma point l'intrépide jeune homme : une larme vint mouiller sa paupière ; mais il persista. Pourquoi ? il s'immolait pour la liberté.
Le malheureux travaille le jour ; et le soir, quand son pain est gagné, les bras croisés, devant sa porte en ruines, il dissipe dans la fumée de sa pipe le peu de pensée que le repos de ses membres pourrait lui laisser.
J'honore vos intentions, philosophes modernes qui voulez que cet homme réfléchisse, raisonne, discute, approuve ou blâme, tout comme vous. Par l'exercice de sa pensée, il évitera, je l'avoue, quelques‑uns des nombreux écueils de la vie ; il échappera à quelques embûches ; mais il tombera dans l'abîme du doute et s'instruira tristement du néant de son propre coeur. Ah ! tant que l'ordre éternel ne lui fera pas des destins meilleurs, laissez-le boire et fumer; c'est le plus sûr.
Maupertuis ne fut pas un homme vulgaire : il avait mesuré le pôle, et sondé les mystères de la génération. Enhardi par ses premiers succès, il entreprit de lever le voile qui cache à nos yeux le monde inconnu. Il voulut relever le trépied prophétique de l'avenir ! L'infortuné ! son châtiment suivit de près cette audace insensée...
Bientôt, se plongeant dans l'oubli de lui‑même, il se tua par l'usage immodéré des spiritueux. N'eût‑il pas mieux valu pour lui, fumer et moins penser ? s'étourdir doucement chaque jour, au lieu de s’empoisonner en désespéré, à grands flots d'eau-de-vie! Objet digne de pitié, même pour ces misérables Lapons, qu'il avait si curieusement observés !
Cary Grant Clarck Gable
Gary Cooper Henry Fonda
O ma pipe, que je te dois de biens ! Qu'un importun, un sot discoureur, un méprisable fanatique vienne à m'aborder, soudain je tire un cigare de mon étui ; je commence à fumer, et dès lors si je suis condamné au déplaisir de l'entendre, j'échappe du moins au supplice de lui répondre.
Par intervalles, un sourire amer fait contracter mes lèvres ; et le sot s'applaudit, croyant que je l'approuve. Il attribue à l'effet du cigare indiscret 1’expression équivoque dont je paie son babil... il redouble d audace... Mais suffoqué de son impertinence, je pousse tout à coup les flots d'une épaisse fumée amassée dans ma bouche, comme le dépit dans mon sein.
J'exhale tout à la fois une vapeur brûlante et une indignation contrainte. Oh ! que la sottise d'autrui est nauséabonde à qui déjà est mécontent et las de son propre poids !... je le submerge de fumée... que ne puis-je 1’asphyxier, le sot, de la lave de mon petit volcan ! ...
Dali Errol Flynn
Mais lorsqu'un ami, aimable d'esprit et de coeur, vient au‑devant de moi, le plaisir de la pipe me rend plus vif encore le bonheur de cette rencontre. Après les premiers discours qui s'élancent rapides, tandis que le punch enflammé dissipe, dans la flamme pétillante, les parties spiritueuses dont la liqueur surabonde, les verres se touchent... Ami, de ce jour en un an, puissions‑nous vider la coupe fraternelle, sous des auspices meilleurs !
Alors nous allumons nos cigares : pressé de lui parler de mille choses diverses, je laisse souvent éteindre le mien, et il me donne de son feu... je suis comme un vieil époux qui rallume vingt fois de suite, sur les lèvres d'une jeune beauté, 1’énergie de sa flamme vingt fois impuissante ; ô mon ami, quand donc luiront des jours plus heureux ?
Dis‑le moi, mon ami : dans les lieux d'où tu viens, les hommes sont‑ils pleins d'espérance et de courage ? Gardent‑ils une fidélité constante au culte de notre grande divinité ? Combien de temps encore nous faudra‑t‑il ronger le frein humiliant qui nous condamne au silence...
Qu'il me tarde de jeter ma part de servitude ! Qu'il me tarde de voir réduire en poudre les titres vains de la tyrannie qui nous opprime ! De voir les cendres d'un diadème déshonoré se dissiper au souffle des patriotes, comme la cendre de ma pipe se dissipe au mien. Mon âme est lasse d'attendre je calcule avec effroi les manoeuvres d'une ténébreuse perversité.
Regarde comme ce peuple, soulevé tout entier par l'infâme secte de Loyola, court se précipiter au-devant de leurs bizarres processions : vieux et jeunes, hommes et femmes, tous s'empressent de recevoir leurs hypocrites et inutiles bénédictions. Les imbéciles ! Si la peste passait en procession, ils iraient la voir aussi. Dis‑moi ? Un tel peuple est‑il fait pour la liberté ? N'est‑il pas plutôt condamné à vieillir enfant dans les langes d'un double esclavage ?
Rainier André Breton
Heureusement la liberté a ses secrets et ses ressources. Ce peuple, qui nous semble à jamais abruti, s'instruit cependant, et s'éclaire chaque jour : pardonnons aux esclaves de courir aux distractions. Souffrons qu'une mère impudique se flatte que ses filles passeront pour vierges, quand elles auront été bénies. Ne nous étonnons pas que de vieux scélérats espèrent suer le levain du crime, en se fatiguant à porter des simulacres méprisés.
Les hommes sont encore enfants ; pourtant le genre humain grandit, et brise, en marchant, ses lisières. Le temps approche où il n'écoutera plus le boiteux qui criera d'arrêter, où il ne demandera plus son chemin à l'aveugle. Que le monde s'éclaire, Dieu le veut... Pour nous, fumons en attendant une aurore nouvelle.
O ma pipe ! Je te dois chaque jour cet emblème expressif d’humilité que la religion ne place qu’une fois par an sur le front de 1’adorateur chrétien. L'homme n est que cendre et poussière... C'est, en effet, tout ce qui reste à la fin, du coeur le plus tendre ou le plus magnanime, du coeur le plus enivré de joie et d'orgueil, ou le plus consumé de peines amères.
Ce faible reste, ces cendres mêmes le plus léger zéphyr les dissipe dans le vague de l'air. Où donc est maintenant la poussière d'Alexandre, la cendre de Gengis ? Ils ne sont plus que de vains fantômes historiques ; que es noms sonores, objet d'enthousiasme vain, ou d'inutiles malédictions.
Man Ray Alain (philosophe)
Je périrai bientôt : tout ce qui compose mon être et le nom même dont on me nomme, disparaîtra comme cette légère fumée... Dans quelques jours, peut‑être, à la place où j'écris, on ne saura pas même si ai jamais vécu... Mais, de ce corps si périssable, s'exhalera‑t‑il quelque chose qui ne périsse pas et s'élève en haut ? Réside‑t‑il en effet dans l'homme une étincelle digne d'allumer le calumet des anges sur le parvis des cieux ? ...
O ma Pipe ! chasse, bannis ce désir ambitieux et funeste de l'inconnu, de l'impénétrable.
Celles-ci sont des pipes de lecture
A consulter également :
Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
En Littérature : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
En chansons, textes, poëmes : http://fumeursdepipe.net/litterature.htm
Pour une encyclopédie de portraits : http://fumeursdepipe.net/personnalites.htm
Se fournir en articles pour fumer : http://www.pipe.fr/boutique/liste_rayons.cfm
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vendredi, 28 décembre 2012
Le surréaliste sommeil amoureux - Picasso, Proust
Les dormeurs, Picasso
Extrait de La Recherche du temps perdu, V "La Prisonnière", Marcel Proust :
Je pouvais mettre ma main dans sa main, sur son épaule, sur sa joue, Albertine continuait de dormir. Je pouvait prendre sa tête, la renverser, la poser contre mes lèvres, entourer mon cou de ses bras, elle continuait à dormir comme une montre qui ne s'arrête pas, comme une bête qui continue de vivre quelque position qu'on lui donne, comme une plante grimpante, un volubilis qui continue de pousser ses branches quelque appui qu'on lui donne. Seul son souffle était modifié par chacun de mes attouchements, comme si elle eût été un instrument dont j'eusse joué et à qui je faisais exécuter des modulations en tirant de l'un, puis de l'autre de ses cordes, des notes différentes.
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> A consulter également : http://doudou.gheerbrant.com/?cat=43
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Jeune femme endormie, Lovis Corinth
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Littérature, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : proust, picasso, man ray, sommeil, amour
mercredi, 26 décembre 2012
Parure de feu déposée au creux tout autour de l'aimée - Man Ray, Vivaldi
Violon d'Ingres, Man Ray
> A écouter à l'infini : 01_Piste_1 - VIVALDI.mp3
> Et http://www.youtube.com/watch?v=i2y6EFBZi0o
http://www.youtube.com/watch?v=AUTiGAoUBtE
Vivaldi, L'Estro Armonico
Vitrines du Printemps, boulevard Haussmann, Paris 2012
Crédits photographiques Jana Hobeika
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Musique, Partitions, Peinture, Photographie, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : man ray, vivaldi, estro armonico
mardi, 18 décembre 2012
Tous surréalistes - Dali, Man Ray
Source : Madame Figaro supplément au Figaro n°21229 et 212230 des 2 et 3 novembre 2012
"Que reste-t-il des surréalistes ?"
Ils voulaient transformer le monde... et aujourd'hui notre monde leur ressemble. C'est en tout cas la conviction de Michel Meffesoli, professeur de sociologie, auteur d' "Homo eroticus"*. En cinq principes clés, il nous en fait la démonstration. Propos recueillis par Philippe Nassif
* "Homo eroticus" vient de paraître aux Editions CNRS ; Michel Maffesoli est aussi l'auteur, avec Brice Perrier, de "l'Homme postmoderne", chez François Bourin Editeur.
Leda Atomica, Dali
"L'amour fou"* ou l'érotisation du lien social
"Nous ne prêtons jamais assez attention au mot même de "surréalisme". Il nous rappelle que le réel ne se réduit pas à la réalité, qu'il est bien plus riche que ce principe de réalité à courte vue et déconnecté de la société que brandissent les politiques, les universitaires, les économistes ou les journalistes. Car ce qui fut l'apanage des surréalistes et reste la marque de bien des pratiques juvéniles contemporaines, c'est l'idée que la vie sociale est toujours d'abord portée par une dimension de surréel ou d'irréel. La religion, par exemple, pendant longtemps. Fondamentalement, les avant-gardes rappelaient qu'on ne peut pas réduire l'existence à un plan épargne-logement. Parce qu'il est d'autres exigences : l'amour fou de Breton, la vie festive, la dépense chère à Georges Bataille. Autrement dit, ce qui compte, c'est le prix des choses sans prix. Ce qui se déploie à travers l'idée que c'est bien plus beau lorsque c'est inutile, c'est une érotisation du lien social : un "homo eroticus" vient désormais compenser le rationalisme abstrait par une culture émotionnelle."
* André Breton
La madone de port Ligat, Dali
"Tout est dada"* ou la chute du bourgeois
"La métamorphose des sociétés obéit à une loi que je résumerai ainsi : un mouvement est d'abord secret, puis discret et enfin affiché. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, une poignée de romantiques, happy few très marginaux, tels Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, vont secrètement expérimenter un mode de vie alternatif au bourgeoisisme alors triomphant. Et cela va réapparaître de manière discrète dans l'entre-deux-guerres à travers les avant-gardes, de dada à la grande aventure du surréalisme, puis plus tard avec l'Internationale situationniste. Là il y a une exploration à 360 degrés des préceptes romantiques. Et ces valeurs viennent contaminer, à partir des années 1960, et cette fois de manière affichée, la jeunesse occidentale. Ce que j'ai appelé la "conquête du présent" domine le corps social. Un exemple a priori anecdotique : les titres des journaux qui, dans le sillage de "Libération", procèdent par détournement et collage pour faire jaillir un sens nouveau. C'est devenu une banalité de soigner les titres. Mais on oublie que de tels procédés ont été mis en œuvre par les situationnistes et avant eux par les lettristes et les surréalistes."
* Tristan Tzara
La main de Dali retirant la toison d'or, Dali
"La toute-puissance du rêve"* ou la culture du virtuel
"La toute-puissance du rêve, le jeu désintéressé... : ce que le "Manifeste du surréalisme" a promu est aujourd'hui au fondement de la culture du virtuel sur le Web, dans les jeux vidéo ou à travers les mondes imaginaires du cinéma. Mais, en France, ce virtuel est encore peu étudié. Parce que "ce n'est pas réel", que "ça ne mange pas de pain", qu' "on ne sait pas à quoi ça sert" ? Précisément, il s'opère à travers les technologies numériques un véritable réenchantement du monde. "J'ai plusieurs vies dans ma vie." Ainsi, sur le Web, 70% des pseudos féminins sont utilisés par des hommes. Moi, dont la réalité physico-chimique est masculine, je vais pouvoir laisser libre cours à mes fantasmagories, me défouler réellement. C'est cela, la virtualité : une perte de son identité stable et étroite dans quelque chose qui nous dépasse. Un apprivoisement quelque peu païen de l'entièreté de sa personne, que les surréalistes, déjà fascinés par le cinématographe, avaient anticipé."
* Premier "Manifeste surréaliste"
Noire et Blanche, Man Ray
"Être à plusieurs un seul"* ou la loi des frères
"Désormais, on n'est plus dans la loi du père, mais dans la loi des frères. Cela veut dire qu'il y a à la fois un refus du pouvoir et un besoin d'autorité. Le pouvoir, c'est le père : le supposé sachant. L'autorité qui, comme l'indique l'étymologie latine "auctoritas", renvoie à ce qui fait croître, c'est le frère. Au père qui impose se substituent des grands frères successifs, des autorités changeantes. D'où l'essor des communautés postmodernes, des tribus juvéniles aux familles recomposées, en passant par les nouvelles pratiques religieuses. Cela correspond à l'idée, à l'oeuvre dans les avant-gardes, que je n'existe que par et pour le regard de l'autre. Je ne suis pas un individu enfermé dans la citadelle de mon ego. Mais une personne aux facettes multiples, que révèle chaque nouvelle rencontre. Je le vois bien avec mes étudiants : il n'y a plus cette vénération du père, encore prégnante il y a quarante ans. Mais il y a un désir d'initiation, une logique postulant qu'il y a un trésor que chacun possède, qui n'aspire qu'à se dévoiler et à enrichir le bien commun, si je parviens à bien l'accompagner. On retrouve cela dans la culture du coaching. Là encore, les surréalistes ont été prophétiques."
* Georges Bataille
En pleine occultation de Vénus, Man Ray
"Ne travaillez jamais" ou créez plutôt
"Guy Debord est à l'origine de l'un des slogans les plus connus de Mai 68 : "Ne travaillez jamais !" Mais ce mot d'ordre a parfois été mal compris. Il ne s'agissait pas d'un éloge de la paresse. Mais d'une critique du travail conçu comme un instrument de torture, un "tripalium" si l'on suit l'étymologie du mot. Pour les modernes, la réalisation de soi passait nécessairement par le travail. Et cette valeur travail est aujourd'hui défendue aussi bien par la gauche que par la droite. Or, le travail n'a jamais été une valeur ! C'était réservé aux esclaves ! Et ce que Debord signale, c'est un glissement du travail vers la création. Et une capacité à intégrer le rêve, le jeu, l'intuition à mon action. Autant de paramètres que le travail salarié a évacué par souci d'efficacité. Et qui reviennent ! A travers Google, par exemple, on peut consacrer 15% à 20% du temps de travail à autre chose : se documenter sur son hobby, échanger des blagues, écrire de la poésie, draguer... Et c'est essentiel, car c'est à partir de l'appétence que se forge la compétence. L'idée s'impose que je serai, par exemple, un bon manager seulement si je sais aussi faire des confitures ou jouer de la musique ; si j'ai cultivé les capacités des sens, du corps vivant. Guy Debord et ses amis aimaient cette formule : "La vie, ce huitième art."
Salvator Dali et Man Ray
> A consulter également à propos du surréalisme :
http://garrusart.blogspot.fr/2012/01/le-surrealisme-les-p...
> Et à propos de Dali : http://annievorama.blogspot.fr/2007/06/salvator-dali.html
> Et de Man Ray: http://www.monalyz.fr/5.html
> Et pour d'autres photos de Man Ray : http://anthonylukephotography.blogspot.fr/2011/04/photoga...
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Photographie, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : surréalisme, dali, man ray