lundi, 30 juin 2014
Kiki de Montparnasse
"Le Paris bohème de Kiki de Montparnasse", in A Paris, le magazine de la ville de Paris, n°50 Printemps 2014 :
Femme libérée et muse des plus grands artistes, Kiki est l'une des figures emblématiques des Années folles.
Avant d'être couronnée "reine de Montparnasse" dans les années 1920, Kiki naît quasiment la tête dans le ruisseau, le 2 octobre 1901. Alice Ernestine Prin de son vrai nom, cette gamine illégitime élevée par sa grand-mère à Châtillon-sur-Seine, en Bourgogne, connaît une enfance miséreuse.
Elle débarque à Paris, gare de l'Est, en 1913, à l'âge de 12 ans. Sa mère l'a fait venir pour qu'elle apprenne un métier et reçoive un minimum d'instruction. L'école communale, celle de la rue de Vaugirard, au coin de la rue Dulac (15e) où elles habitent, Alice ne la fréquentera qu'un an. Mais ce quartier de Montparnasse, elle ne le quittera jamais.
Dès l'âge de 13 ans, elle gagne son pain : elle devient livreuse, brocheuse pour la reliure du Kamasutra, puis bonne à tout faire chez une boulangère. Renvoyée, elle accepte pour survivre de poser nue chez un sculpteur. Quand sa mère l'apprend, elle la met à la rue.
Alice a 16 ans. La vie est dure et elle ne sait pas toujours où dormir. Mais elle est une battante, et futée. Elle qui a toujours rêvé d'une vie d'artiste pose comme modèle pour les peintres et les sculpteurs qui ont investi le quartier du Montparnasse.
Elle fréquente la brasserie Le Dôme, 108, boulevard du Montparnasse (14e), et surtout La Rotonde, au numéro 105 (6e). En 1918, elle y rencontre le peintre polonais Maurice Mendjisky et emménage avec lui. Il la surnomme Kiki, son nom de femme libre et libérée. La brune au tempérament aussi généreux que volcanique adopte alors une coupe courte, souligne ses yeux de khôl et redessine ses lèvres d'un rouge flamboyant. Elle est immortalisée par Kisling, Foujita, Calder, Modigliani...
Mais l'une de ses plus grandes rencontres reste celle avec Man Ray. En décembre 1921, le peintre et photographe américain s'éprend de la jeune femme alors âgée de 20 ans. Durant sept ans, elle sera son égérie et sa passion.
Après avoir séjourné à l'hôtel Istria, au 29, rue Campagne Première (14e), le couple emménage dans le bâtiment voisin, au 31 bis, composé d'ateliers d'artistes. Man et Kiki fréquentent de nombreux peintres, poètes et écrivains, parmi lesquels Picasso, André Breton, Paul Eluard, Henri Matisse... En 1922, Kiki se met elle aussi à la peinture. Dans un style naïf et joyeux, ses œuvres représentent des scènes de sa vie, des lieux, des portraits, comme celui de Jean Cocteau, devenu un ami. Lors de sa première exposition, à la galerie Au sacre du printemps, 5, rue du Cherche-Midi (6e), en 1927, Robert Desnos écrit : "A travers tes beaux yeux, que le monde est joli."
Kiki par Man Ray Kiki par Moïse Kisling
Son centre du monde à elle ne change pas, c'est toujours Montparnasse. Kiki fait fureur au Jockey, premier cabaret de nuit ouvert en 1923 au 146, boulevard du Montparnasse (14e). Elle y chante, danse le french cancan, puis anime les soirées du cabaret Le Bœuf sur le toit, rue de Penthièvre (aujourd'hui au 34, rue du Colisée, 8e), ou encore celles de La Coupole, nouvelle brasserie inaugurée fin 1927 au 102, boulevard du Montparnasse (14e).
En 1929, c'est le sacre. A 28 ans, Kiki est désignée "reine de Montparnasse" lors d'un gala de bienfaisance organisé à Bobino, rue de la Gaîté (14e). Elle publie avec succès un livre de souvenirs* et s'installe avec son nouvel amant et éditeur, le journaliste Henri Broca, dans une maison avec jardin à Arcueil (Val-de-Marne). Mais il sombre rapidement dans la folie, Kiki doit le faire internet. En 1931, à 30 ans, elle avoue un cafard terrible, pèse 80 kilos et boit pour rester gaie. Quand elle arrête l'alcool, c'est pour la drogue.
Avec André Laroque, son nouvel amant qui joue de l'accordéon, ils se produisent au Cabaret des Fleurs, rue du Montparnasse. Mais la guerre met fin à l'insouciance. En 1939, les folles nuits des Montparnos s'en sont allées. Man Ray est retourné à Hollywood, Kisling gagne aussi les Etats-Unis, Foujita est au Japon... et Kiki à l'asile. Arrêtée pour détention de stupéfiants, elle est enfermée à l'hôpital de la Salpêtrière (13e). La reine de Montparnasse finit dans la misère, comme elle a commencé. Quand elle est inhumée en 1953, à 52 ans, au cimetière parisien de Thiais, son convoi funèbre croule sous les "trophées" d'une gloire passée : les couronnes funéraires du Jockey, du Select, du Dôme, de la Coupole et de La Rotonde.
Kiki par Luigi Corbellini Kiki par Ernest Correleau
Kiki par Moïse Kisling Kiki par Man Ray
Kiki par Fujita Kiki par Gustaw Gwozdecki
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&...
http://ladytigerproductions.com/2012/05/14/authentically-...
A consulter également :
http://dantebea.com/tag/kiki-de-montparnasse/
http://dantebea.com/2013/10/22/kiki-de-montparnasse-alice...
http://dantebea.com/category/articles/kiki-de-montparnass...
http://aureta.typepad.com/blog/2010/03/guest-blogger-dani...
* Souvenirs d'une Montparnos, publié en 1929, le livre de souvenirs de Kiki de Montparnasse est un véritable succès. En 1930, l'édition anglaise, Kiki's Memoirs, est préfacé par Ernest Hemingway. Mais l'ouvrage, jugé trop indécent, est interdit aux Etats-Unis. Kiki en rédige une nouvelle version en 1938. Le manuscrit est égaré pendant soixante-cinq ans. Il faudra attendre sa publication intégrale en 2005 pour découvrir sous sa plume simple et joyeuse son enfance, son arrivée à Paris, ses amis, ses amants et les années folles des Montparnos.
Se procurer l'ouvrage :
Souvenirs retrouvés
Kiki
2005
Ed. José Corti
256 pages
http://www.amazon.fr/Souvenirs-retrouv%C3%A9s-Kiki-Montpa...
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Photographie, Portraits de personnalités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kiki, montparnasse, muse, man ray, moise kisling, kees van donge, gustaw gwozdecki, luigi corbellini, julian mandel, gaston paris, ernest correleau
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