Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 18 décembre 2012

Tous surréalistes - Dali, Man Ray

 

Source : Madame Figaro supplément au Figaro n°21229 et 212230 des 2 et 3 novembre 2012

"Que reste-t-il des surréalistes ?" 

 

Ils voulaient transformer le monde... et aujourd'hui notre monde leur ressemble. C'est en tout cas la conviction de Michel Meffesoli, professeur de sociologie, auteur d' "Homo eroticus"*. En cinq principes clés, il nous en fait la démonstration. Propos recueillis par Philippe Nassif 

* "Homo eroticus" vient de paraître aux Editions CNRS ; Michel Maffesoli est aussi l'auteur, avec Brice Perrier, de "l'Homme postmoderne", chez François Bourin Editeur.

 

surréalisme,dali,man ray
Leda Atomica, Dali

 

"L'amour fou"* ou l'érotisation du lien social

 "Nous ne prêtons jamais assez attention au mot même de "surréalisme". Il nous rappelle que le réel ne se réduit pas à la réalité, qu'il est bien plus riche que ce principe de réalité à courte vue et déconnecté de la société que brandissent les politiques, les universitaires, les économistes ou les journalistes. Car ce qui fut l'apanage des surréalistes et reste la marque de bien des pratiques juvéniles contemporaines, c'est l'idée que la vie sociale est toujours d'abord portée par une dimension de surréel ou d'irréel. La religion, par exemple, pendant longtemps. Fondamentalement, les avant-gardes rappelaient qu'on ne peut pas réduire l'existence à un plan épargne-logement. Parce qu'il est d'autres exigences : l'amour fou de Breton, la vie festive, la dépense chère à Georges Bataille. Autrement dit, ce qui compte, c'est le prix des choses sans prix. Ce qui se déploie à travers l'idée que c'est bien plus beau lorsque c'est inutile, c'est une érotisation du lien social : un "homo eroticus" vient désormais compenser le rationalisme abstrait par une culture émotionnelle."

* André Breton

 

surréalisme,dali,man ray
La madone de port Ligat, Dali

 

"Tout est dada"* ou la chute du bourgeois

 "La métamorphose des sociétés obéit à une loi que je résumerai ainsi : un mouvement est d'abord secret, puis discret et enfin affiché. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, une poignée de romantiques, happy few très marginaux, tels Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, vont secrètement expérimenter un mode de vie alternatif au bourgeoisisme alors triomphant. Et cela va réapparaître de manière discrète dans l'entre-deux-guerres à travers les avant-gardes, de dada à la grande aventure du surréalisme, puis plus tard avec l'Internationale situationniste. Là il y a une exploration à 360 degrés des préceptes romantiques. Et ces valeurs viennent contaminer, à partir des années 1960, et cette fois de manière affichée, la jeunesse occidentale. Ce que j'ai appelé la "conquête du présent" domine le corps social. Un exemple a priori anecdotique : les titres des journaux qui, dans le sillage de "Libération", procèdent par détournement et collage pour faire jaillir un sens nouveau. C'est devenu une banalité de soigner les titres. Mais on oublie que de tels procédés ont été mis en œuvre par les situationnistes et avant eux par les lettristes et les surréalistes."

* Tristan Tzara

 

surréalisme,dali,man ray
La main de Dali retirant la toison d'or, Dali

 

"La toute-puissance du rêve"* ou la culture du virtuel

"La toute-puissance du rêve, le jeu désintéressé... : ce que le "Manifeste du surréalisme" a promu est aujourd'hui au fondement de la culture du virtuel sur le Web, dans les jeux vidéo ou à travers les mondes imaginaires du cinéma. Mais, en France, ce virtuel est encore peu étudié. Parce que "ce n'est pas réel", que "ça ne mange pas de pain", qu' "on ne sait pas à quoi ça sert" ? Précisément, il s'opère à travers les technologies numériques un véritable réenchantement du monde. "J'ai plusieurs vies dans ma vie." Ainsi, sur le Web, 70% des pseudos féminins sont utilisés par des hommes. Moi, dont la réalité physico-chimique est masculine, je vais pouvoir laisser libre cours à mes fantasmagories, me défouler réellement. C'est cela, la virtualité : une perte de son identité stable et étroite dans quelque chose qui nous dépasse. Un apprivoisement quelque peu païen de l'entièreté de sa personne, que les surréalistes, déjà fascinés par le cinématographe, avaient anticipé."

* Premier "Manifeste surréaliste"

 

surréalisme,dali,man ray
Noire et Blanche, Man Ray

 

"Être à plusieurs un seul"* ou la loi des frères

"Désormais, on n'est plus dans la loi du père, mais dans la loi des frères. Cela veut dire qu'il y a à la fois un refus du pouvoir et un besoin d'autorité. Le pouvoir, c'est le père : le supposé sachant. L'autorité qui, comme l'indique l'étymologie latine "auctoritas", renvoie à ce qui fait croître, c'est le frère. Au père qui impose se substituent des grands frères successifs, des autorités changeantes. D'où l'essor des communautés postmodernes, des tribus juvéniles aux familles recomposées, en passant par les nouvelles pratiques religieuses. Cela correspond à l'idée, à l'oeuvre dans les avant-gardes, que je n'existe que par et pour le regard de l'autre. Je ne suis pas un individu enfermé dans la citadelle de mon ego. Mais une personne aux facettes multiples, que révèle chaque nouvelle rencontre. Je le vois bien avec mes étudiants : il n'y a plus cette vénération du père, encore prégnante il y a quarante ans. Mais il y a un désir d'initiation, une logique postulant qu'il y a un trésor que chacun possède, qui n'aspire qu'à se dévoiler et à enrichir le bien commun, si je parviens à bien l'accompagner. On retrouve cela dans la culture du coaching. Là encore, les surréalistes ont été prophétiques."

* Georges Bataille

 

surréalisme,dali,man ray
En pleine occultation de Vénus, Man Ray 

 

"Ne travaillez jamais" ou créez plutôt

"Guy Debord est à l'origine de l'un des slogans les plus connus de Mai 68 : "Ne travaillez jamais !" Mais ce mot d'ordre a parfois été mal compris. Il ne s'agissait pas d'un éloge de la paresse. Mais d'une critique du travail conçu comme un instrument de torture, un "tripalium" si l'on suit l'étymologie du mot. Pour les modernes, la réalisation de soi passait nécessairement par le travail. Et cette valeur travail est aujourd'hui défendue aussi bien par la gauche que par la droite. Or, le travail n'a jamais été une valeur ! C'était réservé aux esclaves ! Et ce que Debord signale, c'est un glissement du travail vers la création. Et une capacité à intégrer le rêve, le jeu, l'intuition à mon action. Autant de paramètres que le travail salarié a évacué par souci d'efficacité. Et qui reviennent ! A travers Google, par exemple, on peut consacrer 15% à 20% du temps de travail à autre chose : se documenter sur son hobby, échanger des blagues, écrire de la poésie, draguer... Et c'est essentiel, car c'est à partir de l'appétence que se forge la compétence. L'idée s'impose que je serai, par exemple, un bon manager seulement si je sais aussi faire des confitures ou jouer de la musique ; si j'ai cultivé les capacités des sens, du corps vivant. Guy Debord et ses amis aimaient cette formule : "La vie, ce huitième art."

 

surréalisme,dali,man raySalvator Dali et Man Ray

 

> A consulter également à propos du surréalisme : 
http://garrusart.blogspot.fr/2012/01/le-surrealisme-les-p...

 

> Et à propos de Dali : http://annievorama.blogspot.fr/2007/06/salvator-dali.html

 

> Et de Man Ray: http://www.monalyz.fr/5.html

 

> Et pour d'autres photos de Man Ray : http://anthonylukephotography.blogspot.fr/2011/04/photoga...

 

Les commentaires sont fermés.