lundi, 17 décembre 2012
Etymologie Eschatologie, tour du monde en statistiques googliennes, et un peu de psychologie
Extrait de "L'apocalypse selon les gens", Laure Belot, Le Monde, 15 décembre 2012
Etymologie - Eschatologie
Par quel ressort intime 700 millions de Terriens redoutent une fin du monde, annoncée pour le 21 décembre ? Et quels éléments rationnels peuvent nourrir cette crainte ? [...]
Le discours de la fin des temps a un terme, l'eschatologie, nom féminin, entré dans le Littré en 1864. Dérivant du grec savant eskhatos ("extrême", "dernier"), et de logos ("sciences", "discours"), il désigne l'ensemble de doctrines et de croyances portant sur le sort ultime et l'homme après sa mort (eschatologie individuelle) et sur ce lui de l'univers après sa disparition (eschatologie universelle).
*
> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html
Tour du monde en statistiques googliennes : Colombiens, Haïtiens, Suisses,...
L'analyse des citoyennetés des internautes tapant "fin du monde" sur Google aide à identifier des lieux blessés, meurtris, propices à alimenter ce sentiment d'angoisse. Ainsi, selon Google Trends, les internautes anglophones les plus avides de renseignements se trouvent aux Philippines (indice d'intensité de recherche 100), où les catastrophes naturelles se succèdent. Le dernier typhon, mardi 4 décembre, a fait près de 500 morts, un bilan encore provisoire. Les internautes américains arrivent en deuxièmes (indice 89), alors que les Etats-Unis, puissance mondiale en pleine crise existentielle, voient le barycentre de la planète basculer vers l'Asie. [...]
C'est aussi le cas en Amérique du Sud, où déforestation, instabilité politique, corruption ou criminalité alimentent l'actualité. En tête des requêtes "fin del mundo", les Colombiens (100), les Boliviens (97) et les Paraguayens (88) distancent les Nicaraguayens, les Péruviens et les Equatoriens (indice 82 chacun).
Quant aux internautes francophones, les plus soucieux en ligne se trouvent en Haïti (100), pays frappé par une gigantesque épidémie de choléra. Depuis le séisme de 2010, qui a tué 2,3% de la population (10 millions d'habitants), 7 500 victimes de la maladie ont été déclarées en Haïti. Les requêtes sont également intenses à Madagascar (89), où insécurité croissante et surexploitation de la terre sont au centre des préoccupations. Notons que les francophones s'y intéressant le moins sont... les Suisse (intensité de recherche 6), qui vivent dans un pays paisible, connu pour sa neutralité à toute épreuve.
Et un peu de psychologie
Curient de connaîte l'état d'esprit de notre lectorat, Le Monde a lancé, mardi 20 novembre, un appel à témoignages en ligne : "Vous redoutez (ou non) le 21 décembre. Témoignez". Près de 200 réponses sont parvenues en quelques heures - le compteur a été arrêté sur ce chiffre rond. [...] et appel en ligne a permis de recueillir la parole de Thierry, professeur d'une quarantaine d'années. "Je suis ce qu'on pourrait appeler un "survivaliste", explique-t-il. Choqué par les images du tsunami en Thaïlande et par la multiplication des catastrophes naturelles, je me suis lancé dans la construction avec des amis d'une "arche de Noé" souterraine de 35m² où nous pouvons vivre à huit pendant au moins six mois." Thierry ajoute : "Ma femme n'a pas voulu me suivre. Je suis en instance de divorce." Pour Michel Schneider, ces personnes "ne croient pas. Elles savent et mettent de la certitude dans quelque chose d'incertain. Freud dit que tout délire se construit autour d'un noyau de vérité. C'est une manière de fuir le débat scientifique et la construction d'un savoir".
Une attitude extrême qui peut se rapprocher, selon le psychanalyste, de ceux qui raillent avec véhémence l'événement. Comme Marc, qui trouve "cet appel à témoignages complètement grotesque". C'est la catégorie "des esprits forts", note-t-il. "Ceux qui croient qu'on peut se passer de toute croyance, ce qui est encore une croyance. C'est ceux-là mêmes que moque La Bruyère quand il écrit : "Les esprits forts savent-ils qu'on les appelle ainsi par ironie ?". Le psychanalyste voit dans ces deux types de réactions opposées "un refus de penser. Or le monde humain est le monde de la croyance."
Des dizaines de lecteurs déclarent justement vouloir "profiter de cet événement pour réfléchir." Comme Sandra, infirmière : "J'espère la fin d'un système. Crises financières, guerres, destruction massive d'espèces. La colonisation a fait perdre à des peuples leur culture. Le pouvoir est laissé à une poignée d'hommes riches, alors que toute une population, même dans des pays "développés", s'appauvrit." Clément ajoute : "Si je n'ai pas poussé le vice jusqu'à me faire construire un abri antiatomique, je ne peux pas dire que le sujet n'ait eu aucun impact sur moi. Cela permet de se poser des questions sur sa vie, ce que l'on changerait si le temps nous était compté." Soit deux réactions instructives pour Michel Schneider : "Ces personnes, qui prennent en compte cette crainte sans la considérer comme une certitude et réfléchissent, ont une approche plutôt rationnelle. L'incertitude est propre au savoir."
Cet appel numérique est même arrivé en contrée maya. "Nous sommes allés à la messe dans un village au centre du pays, explique Vincent, francophone vivant au Mexique. Dans l'homélie, le célébrant a demandé si quelqu'un pensait que la fin du monde serait le 21 décembre... Réponse négative de la foule. En revanche, beaucoup d'espérance et d'attente envers le nouveau gouvernement pour qu'il apporte la paix. Pour que les narcotrafics cessent et ne conduisent pas à la fin des traditions maya, et donc de leur monde."
¤ ¤ ¤
¤ ¤ ¤
¤ ¤ ¤
08:35 Publié dans Farce et attrape, Les mots français, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Ce fut le début de la fin d'un monde et le commencement de d'un monde remplit de lumière!
Rémi!
Écrit par : Stephan Rémi | mercredi, 15 octobre 2014
Les commentaires sont fermés.