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mardi, 25 mars 2014

La peinture pour les nuls et par des nuls x 12

 

Source : http://themetapicture.com/the-best-way-to-recognize-the-a...

 

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lundi, 24 mars 2014

La peinture animée pour les nuls

 

 

Source : http://www.konbini.com/fr/inspiration-2/tableaux-maitre-v...

 

 

 Les images sont extraites de la vidéo.

 

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jeudi, 15 août 2013

L'Assomption de la Vierge Marie - Poussin, Le Brun, Rubens, El Greco, Titien, Fra Angelico, Bocelli, De Champaigne

 L'Assomption de la Vierge Marie en toiles de maîtres

  

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Poussin

 

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Murillo                                                                                Philippe de Champaigne

 

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Ricci                                                                                      Albrech Bouts

 

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Le Brun

 

Source : http://preprod.meltem-int.com/marie/blog/?tag=assomption&...

La fête de l’Assomption célèbre tout à la fois la mort, la résurrection glorieuse, l’entrée au ciel et le couronnement de la bienheureuse Vierge Marie. On dit assomption (d’un mot latin qui signifie enlever) et non ascension (monter) pour marquer que Marie fut enlevée au ciel, en corps et en âme, en vertu d’un privilège particulier. Cette fête fut célébrée à partir du Concile d’Éphèse (431) qui avait proclamé Marie Mère de Dieu. Fixée au 15 août, au commencement du VIe siècle, elle s’enrichit d’une vigile dès le début du VIIIe siècle. [...] Si Marie est aujourd’hui honorée d’une façon toute particulière, c’est parce qu’elle a accepté d’être la Mère du Sauveur. L’humble fille de Nazareth à qui l’ange Gabriel a annoncé qu’elle serait la mère du Christ a répondu "Oui". Marie a accueilli dans sa chair, celui qui est l’origine de toute vie. Les Évangiles sont d’une discrétion étonnante sur Marie. Il faut beaucoup d’attention pour apercevoir sa figure, car le cœur du message des Évangiles, c’est la Révélation d’un Dieu Père par son Fils Jésus. Si les Évangiles ne s’attardent pas sur Marie, celle-ci n’en est pas moins présente auprès de son Fils, comme à Cana ou bien encore au pied de la Croix. Marie est "la servante du Seigneur" comme le dit le Magnificat. Marie accompagne la vie de Jésus car elle est à sa manière une disciple. Une femme qui a su écouter la Parole de Vie et se mettre à son service. [...]

Marie est désignée comme la première des croyantes parce qu’elle a cru en la venue du Christ. La fête de l’Assomption est issue de cette "logique" de foi. Si Marie est la première de ceux qui ont placé leur foi en Jésus, il est naturel qu’en elle soit manifestée avant tout autre ce en quoi elle a vraiment cru. Or, la Résurrection de la chair fait partie de sa foi. L’Assomption est la célébration de l’accueil en Marie de la vie éternelle jusque dans sa chair.

Marie est une femme d’Israël. Elle a vécu sa condition humaine pleinement mais sans le péché. La solidarité avec l’humanité est cependant totale. Sa vie de jeune fille, sa vie de mère, a été marquée par les joies, les souffrances, les peines et aussi par la mort. Marie n’a pas échappé à la mort. Comme son Fils elle a assumé l’ensemble de la condition humaine. Mais, sa vie a été remplie par la présence de l’Esprit de Dieu. Marie après sa mort- nos frères chrétiens d’Orient appellent cette fête du nom de Dormition- a été enlevée à la vie terrestre pour entrer d’emblée dans la vie en Dieu. Voilà le mystère de la fête de l’Assomption. C’est un résumé du parcours du croyant. Si je place ma foi en Jésus ressuscité, je suis destiné corps et âme à vivre dans le sein de Dieu. Et Marie fut la première à vivre cela. [...]

 

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Rubens

 

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El Greco                                                                      Titien

 

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Fra Angelico

 

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Andrea Bocelli

 

 

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> Pour deux autres galeries de toiles de maîtres figurant l'Assomption :

http://imaginemdei.blogspot.fr/2011/08/assumpta-est-maria...

http://www.turnbacktogod.com/virgin-mary-assumption-pictu...

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http://2fish.co/fr/church/mary/the-assumption-of-mary/

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Mort de la Vierge, Duccio di Buoninsegna

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Ascension de la Vierge, Albrecht Bouts                            Corontion de la Vierge, Gentile Da Fabriano

  

jeudi, 30 mai 2013

La gloire de Rubens - Philippe Muray, Rubens, Rembrandt

 

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Philippe Muray (1945-2006)

 

 

Extrait de La gloire de Rubens, 1991, Philippe Muray, Grasset :

[...]

Rubens m'appelle depuis toujours. Son tumulte est si loin du bruit de ce qui a l'air de se passer ! Tellement à côté de la plaque ! De toutes les plaques tournantes et chatoyantes de l'éternel retour du Rien contemporain ! [...] Je croyais parler d'autre chose, mais c'était mon désir de lui, en rêve, qui me faisait vivre. C'était lui qui gonflait mes phrases, les prolongeait, les poussait ; lui dont j'entendais siffler les voiles et les cordages, et rouler la houle sous mes pieds ; lui dont la forêt se balançait partout où j'allais ; lui qui bouillonnait dans tout ce que j'aimais ; lui dont le ciel filait en accéléré avec ses femmes nuages plus grandes que nature bien au-dessus de mes pages.

 

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L'union de la terre et de l'eau, Rubens

 

J'avais à peine vu deux ou trois de ses tableaux, que je savais déjà que je n'en aurais plus jamais fini d'aimer les autres. Que les moindres hésitations de cette main infaillible me transporteraient. Que ses plus pâles croquis feraient de moi ce qu'ils voudraient. Que quelque chose de plus vaste, de plus hors de proportions que le reste, avait été laissé, là, par un dieu, pour moi, pour augmenter et confirmer le bonheur d'exister. "Ma confiance en lui fut immédiate", écrit Nietzsche de Schopenhauer dans la troisième des Considérations inactuelles : je pourrais faire la même observation à propos de Rubens, mais aussi de Balzac et de quelques autres, bien rares, dont l'oeuvre se déroule comme une victoire paisible et sans fin, comme un triomphe confirmé sur la maladie mentale la plus répandue, comme un baume sur la disgrâce la moins guérissable, comme un défi à tout ce qui sous les noms d'angoisse, honte, désir de punition, sentiment de cette incurable tournant en réquisitoire enragé, appels à la Loi, indignation, dénonciation perpétuelle, calomnies, ragots, obsession de procès ou procès réels, frémit, en secret ou non, dans les sociétés. Voilà : je viens d'énumérer ce que n'est pas Rubens, ou du moins l'essentiel de ce que ses traces effacent. La Culpabilité est l'ardeur du monde. Son foyer de toujours. La source de ses acharnements, même somnambuliques. En un sens, c'est vrai, nous sommes maintenant archi-morts ; ou tellement falsifiés que nous n'aurions plus aucun moyen de distinguer la moindre vérité, s'il en passait une. Tellement irradiés d'images, aussi, qu'on s'attendrait à voir comme une lumière d'un autre monde traversant nos silhouettes conditionnées, transperçant ce qui reste de nos systèmes sanguins ou nerveux mis à nu. "Te voilà comme une carcasse abandonnées par les corbeaux... on voit le jour à travers !" clame Josépha devant le baron Hulot qu'elle a contribué à ruiner et à dévaster. Plût au ciel que ce soit encore le jour qui filtre à travers nos carcasses à nous ! Si une lueur traverse jamais les fantômes que nous sommes devenus, ce ne pourra être que celle de nos écrans de télé aveugles en train de nous regarder.

 

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Samson et Dalila, Rubens


Mais, en un autre sens, nous sommes encore vivants, tout de même, puisque nous durons et que nous désirons et que nous nous reproduisons (ou que, du moins, nous faisons comme si tout cela continuait). Nous sommes là, encore, et nous tenons à ce que ça se sache, à ce que ça se dise, à ce que ce soit pris au sérieux et même au tragique, et il serait impossible d'y arriver si nous n'avions pas la Culpabilité comme alliée. La Culpabilité qui mène la danse, partout, en nous et jusqu'au bout. L'oeuvre de Rubens dévoile du fond des âges cette réalité. Elle n'en parle pas, elle fait mieux, elle la rend audible et perceptible par la beauté qu'elle déchaîne pour montrer qu'on peut vivre autrement qu'en faute ou en dette. Comment ? Par quel miracle d'arrogance, de luxe, de voracité sensuelle qui se moque du reste ? Par quelle ignorance des stéréotypes acceptés ? C'est toute la question. [...] 

La fidélité la plus encrassée conduit la planète comme jamais. Nous nous imaginons tous je ne sais quels devoirs afin d'immobiliser les autres sous la même coupe triste que nous. [...] 

[...]  "L'Humanité ne sera sauvée que par l'amour des cuisses. Tout le reste n'est que haine et ennui", déclarait Céline (dont le style giclant, tout de spasmes et d'écume, est le seul aujourd'hui, à la hauteur du feu rubénien), avant de se tromper dramatiquement de sauvetage en oubliant l'amour des cuisses. Oui, nous savons bien qu'il n'est pas de plaisir qui ne retombe un jour en morosité, reproches, scènes, cris ; oui, nous savons que les voluptés les plus extasiantes finissent en plaintes, couinements, grincements de dents, exigences et sifflements de serpents. Les commencements sont plus beaux que les conclusions, mais pourquoi privilégier celles-ci plutôt que ceux-là ? [...] 

J'ai toujours rêvé d'illustrer mes livres avec ses tableaux. [...] 

 

Rubens, la chute des anges rebelles
La chute des anges rebelles, Rubens

 

[...] Amnésique après un bombardement, sans précédent, l'artiste ou l'écrivain de maintenant ressemble à ces individus que l'on retrouve parfois, sur les quais des gares, sans papiers, sans mémoire, et qui ne savent plus d'où ils viennent, qui ne connaissent plus leur nom, ni leur adresse, ni leur famille, ou qui préfèrent peut-être les avoir oubliés.

[...] Tout artiste hors du commun est reçu par la communauté en quelque sorte malgré elle ; mais la puissance de cette œuvre-ci, plus cruellement encore que n'importe quelle autre, nous renvoie à notre petitesse. A nos infirmités. A notre absence de facilité. A nos effondrements sentimentaux. A nos crédulités. Personne, par exemple, ne pardonnera jamais à Rubens d'avoir été l'artiste le plus follement cultivé de l'histoire de la peinture, et de ne pas avoir pris la précaution raisonnable de le cacher.

 

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L'éducation de Marie de Médicis, Rubens

 

[...]  Le Louvre ! La Galerie Médicis ! C'est du fond des murs que la Richesse vous regarde. "Le dieu est là", comme ont écrit un jour les Goncourt. J'y vais, je m'y précipite comme à la Tapisserie de la Licorne de la peinture, comme au spectacle de la victoire en vingt batailles contre l'insane Sentiment de la Nature. Et tout, autour, tremble en s'effaçant, les rues, les voitures, les monuments, les affiches de pub, les immeubles, le fleuve et ses ciels, et, bien sûr, la Pyramide ! L'entrée du mausolée, géométriquement dédiée aux prétentions à la Transparence de notre fin de siècle culpabilisé d'avoir tant joui de tant de tyrannies. Tout s'efface comme par enchantement parce que plus rien, depuis longtemps déjà, ne tenait debout.

[...] 

Rubens encourageant ? Ca dépend pour qui.

Sa différence fondamentale avec Rembrandt, c'est que ce dernier vous prend avec une admirable sauvagerie fraternelle par la gorge, par les tripes, par les désagréments de l'existence quotidienne, par les chagrins, par la folie, par toutes les larmes de sang qui ne demandent qu'à ruisseler sur nos entrailles ouvertes. La spiritualité d'un boeuf pendu n'a pas d'équivalent chez Rubens, regrettablement peu sensible à notre origine de mammifères, comme à la vanité planant sur les destinées humaines. Comparez les personnages qu'ils mettent en scène : ceux de Rembrandt dérivent dans le sillon d'une mélancolie prodigieuse, ils souffrent de tout, ils sont comme nous, ils sont nous, la lumière les mange, l'ombre les divise, l'espace et le temps les recrachent dans le no man's land des causes perdues [...].

 

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Le philosophe en méditation, Rembrandt

 

Rembrandt éclaire d'un jour tremblant et sublime de méditation notre pèlerinage de raclés d'avance. C'est le poète épique définitif de la Faillite, le champion du Grand Jeu de l'Echec sans remède, le roi du Damier des Paumés, le peintre du Tournoi maudit. L'ascète aux autoportraits délivrés en avalanche comme autant de permis d'inhumer. D'où sa victoire universelle. [...] 

Le plaisir n'est pas la vie, ou alors depuis le temps, ça se saurait. La douleur ne passe jamais de mode, elle, et c'est directement au ventre, Rembrandt, qu'il nous parle, là où sont grandes ouvertes nos oreilles d'affamés d'amour. A l'intérieur. En plein tragique. Il nous visite tard, la nuit, comme un fantôme de bronze poudreux. S'il nous fait craquer, s'il est si génialement déchiré, c'est qu'il n'arrête pas de peindre, dans sa pénombre d'or fondant, le deuil de tout ce que nous n'avons pas eu. La communication ne se fait jamais vraiment à fond que sur des échecs. Plus que sur des crimes, moins spectaculairement mais plus sûrement, toute société est fondée et fermée sur des ratages commis en commun. Rien ne fait plus groupe que le fiasco en soi. Rien ne fédère davantage que le retour bredouille. Les seuls succès véritablement appréciés par la communauté sont ceux qu'elle accorde de façon posthume. Que votre objet vous échappe toujours, jusqu'au dernier moment, et c'est gagné pour la postérité ! Tout, avec le temps, peut devenir magie aux yeux de la société, à condition qu'elle se soit livrée, avant, à quelque torture. Rattraper le coup, réparer des injustices : nous ne nourrissons pas de plus grande passion ; encore faut-il que, de ces injustices, nous ayons été d'abord les agents vigilants.

[...] 

 

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Vieille femme en train de lire, Rembrandt 

 

[...]  Je suis persuadé que le bonheur de Rubens, c'est-à-dire sa non culpabilité phénoménale, commence là, dans l'incapacité de son système nerveux à se désavouer, dans son impossibilité à préférer son père plutôt que lui-même. Tout ce qu'il veut, au fond, tout ce qu'il cherche, il le dit, il le répète à ses intimes : ce n'est même pas tellement la gloire, même pas la puissance, ni la découverte d'une vérité des abîmes, c'est mourir un peu plus instruit. Pour cela il faut peindre, bien sûr, énormément. Ne jamais s'arrêter. Ne pas se laisser accabler. L'Empire de la Dette lui est inconnu, la discorde le visite rarement, le conflit l'effleure, sans doute, comme tout le monde, pour finalement le laisser intact. Il est difficile d'imaginer quelqu'un d'aussi peu divisé. Mais enfin où sont ses manques ? Ses clivages ? Quel est l'impossible que poursuit son désir ? Où sont ses déconvenues, ses dépressions, son désespoir ?

Mystère, mystère complet.

Est-ce qu'on pourrait imaginer, seulement imaginer, sans rire, quelque chose qui s'appellerait, par exemple, la Complainte du pauvre Rubens ?

[...] 

J'ai conscience, parlant de Rubens, de sortir de l'histoire sainte. Le grain de sable qui fait hurler la mécanique avant de la casser, c'est lui. Il est bien trop comblant pour être honnête. On en a plein les mains, les oreilles, le cerveau. Le romantisme humain (pléonasme) a besoin, pour se sentir repu, de rester un peu plus que ça sur sa faim. Le nécessaire, déjà, lui flanque des indigestions, mais que dire alors du superflu, qui le met à l'agonie ! Rubens, c'est une grève du zèle de la peinture comme on n'en a jamais vu, le comble de l'archi-comble, toutes les mesures dépassées. Chaque récit dont il s'empare, chaque sujet qu'il traite, on sent qu'il le laissera sur le flanc après. La tâche du commentateur est mâchée d'avance, ce n'est même plus drôle. Non seulement il sait ce qu'il peint, mais en plus il fait savoir qu'il le sait, c'est décourageant.

 

Vous lui demandez, pour la cathédrale de Tournai, une Libération des âmes du Purgatoire ? Il vous déchaîne un geyser de fesses et de seins féminins jaillis en diagonale vers le Tout-Puissant.

 

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Libération des âmes du Purgatoire, Rubens

 

Vous voulez Angélique endormie convoitée par un ermite ? Ah il ne se fera pas prier, il va vous la mettre, la merveilleuse, sous le nez, en gros plan, c'est un discours calme et définitif sur la convoitise, depuis le bout groseille des seins jusqu'à l'insistance ultime sur l'extrémité de voile transparent pincé entre deux cuisses huilées de rose chaud et sur le point de s'ouvrir. Et ce nombril moulé par la chemise trempée de sueur de la Sainte Marie-Madeleine en extase au Musée de Lille, longue pâmoison verte entre deux anges vigoureux !

   

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Angélique et l'Ermite, Rubens

 

Et cet autre tableau fou du Palazzo Pitti, à Florence, l'une de ses dernières toiles, l'une de ses projections les plus voluptueusement déchaînées, aussi : Vénus cherche à retenir Mars ou les Conséquences de la guerre. Ce sont ses "horreurs de la guerre" à lui, mais voyez la différence avec le Trois mai de Goya : Rubens est pour la paix, bien sûr, comme tout le monde, qui n'est l'est pas ? Mais il l'est d'autant plus à fond que c'est un thème convenu et qu'il adore les thèmes convenus qui lui permettent de peindre des nus.  

 

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Allégorie de guerre, Rubens

 

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Le Trois mai, Goya 

 

Et ces Assomptions, où la Vierge est un point d'exclamation théologique perpendiculaire aux cercles remuants des êtres restés à terre ! Tout son discours royal, d'ailleurs, est fait d'apostrophes et d'exclamations. Il peint des voix, les siennes, les autres, chacun de ses personnages est la pointe sensible d'une déclaration, un fragment de conversation. Ses tableaux s'entendent, c'est rare. Tous ces déplacements font du bruit, ces corps qui bougent sont perceptibles. Audibles. Toutes ces bouches ouvertes soupirent, chuchotent, appellent, rient. Demandent et répondent. L'esprit classique naissant, le "bon sens naturel", la raison ("mais la raison accompagnée de toute la pompe et de tous les ornements dont notre langue est capable", corrigera Racine un peu plus tard), s'engouffrent dans sa peinture pour en ressortir maquillés, tourbillonnés, gonflés, travestis, allégorisés, déshabillés, et surtout parlants. Parlants à tout bout de champ. Le dialogue c'est l'empoignade de la Raison avec elle-même. Versailles est encore loin, les sociétés européennes commencent seulement à apprendre à s'expliquer, la syntaxe s'explore elle-même, des salons sont en cours de constitution, et Rubens, très en avance sur ces pionniers du raffinement, est peut-être le seul peintre qu'on se surprend à recevoir comme un concert, un festival de périodes oratoires enflammées, développées, affrontées.

 

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[...] A Paulhan qui voulait qu'il donne des articles à la NRF, Céline répondait en 1933 : "j'écris très lentement et seulement dans d'énormes cadres et dans le cours d'années. Ces infirmités diverses me condamnent aux monuments que vous savez. Rubens, lui aussi, est condamné aux monuments, aux énormes cadres, lumineuse punition ! Je confesse, dit-il un jour, "d'être, par un instinct naturel, plus propre à faire des ouvrages bien grands que des petites curiosités." Oui, il y a des gens comme ça, il n'est pas le seul : "Ne me parlez de rien de petit !" lance Bernin à Colbert. Et Delacroix : "La proportion entre pour beaucoup dans le plus ou moins de puissance d'un tableau. Et Dostoïevski, plus tard, avouera ne pouvoir s'exciter sur un roman que lorsqu'il a mis en place et noué ensemble les matières d'au moins deux ou trois gros livres.

[...] 

 

 la gloire de rubens, philippe muraySe procurer l'ouvrage :

La gloire de Rubens

Philippe Muray

1991

Grasset

284 pages

http://www.amazon.fr/gloire-Rubens-Philippe-Muray/dp/224640441X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1350304257&sr=1-1

 

 

vendredi, 04 janvier 2013

L'Enfer de Dante - Chant 5 - Considérations sur l'amour et le suicide - Rubens

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La chute des anges rebelles, Rubens

 

CONSIDERATIONS SUR L'AMOUR ET LE SUICIDE

 

Extrait de La divine comédie, L'Enfer, 1314, Dante, traduction de Jacqueline Risset, GF-Flammarion 1985 :

 

Chant 5

Je descendis ainsi du premier cercle
dans le second, qui enclôt moins d'espace,
mais la douleur plus poignante, et plus de cris.
Minos* s'y tient, horriblement, et grogne :
il examine les fautes, à l'arrivée,
juge et bannit suivant les tours.
J'entends que quand l'âme mal née
vient devant lui, elle se confesse toute :
et ce connaisseur de péchés
voit quel lieu lui convient dans l'enfer ;
de sa queue il s'entoure autant de fois
qu'il veut que de degrés l'âme descende.
Elles se pressent en foule devant lui,
et vont l'une après l'autre au jugement :
elles parlent, entendent et tombent.
"O toi qui viens à l'hospice de douleur",
me dit Minos quand il me vit,
en oubliant de remplir son office,
"vois comme tu entres, et à qui tu te fies ;
que l'ampleur de l'entrée ne t'abuse !"
Alors mon guide : "Pourquoi cries-tu ?
N'empêche pas son voyage fatal :
on veut ainsi là où on peut
ce que l'on veut, et ne demande pas davantage."
A présent commencent les notes douloureuses
à se faire entendre ; à présent je suis venu
là où les pleurs me frappent.
Je vins en un lieu où la lumière se tait,
mugissant comme mer en tempête,
quand elle est battue par vents contraires.
La tourmente infernale, qui n'a pas de repos,
mène les ombres avec sa rage ;
et les tourne et les heurte et les harcèle.
Quand elles arrivent devant la ruine,
là sont les cris, les pleurs, les plaintes ;
là elles blasphèment la vertu divine.
Et je compris qu'un tel tourment
était le sort des pécheurs charnels,
qui soumettent la raison aux appétits.
Tout comme leurs ailes portent les étourneaux,
dans le temps froid, en vol nombreux,
ainsi ce souffle mène, de çà de là,
de haut en bas, les esprits mauvais ;
aucun espoir ne les conforte
d'aucun repos, et même de moindre peine.
Et comme les grues vont chantant leurs complaintes,
en formant dans l'air une longue ligne,
ainsi je vis venir, poussant des cris,
les ombres portées par ce grand vent ;
alors je dis : "Maître qui sont ceux-là
qui sont ainsi châtiés par l'air noir ?"
"La première de ceux dont tu voudrais
savoir quelque nouvelle", me dit-il alors,
"fut impératrice de nombreux langages ;
au vice de luxure elle fut si rouée
qu'elle fit dans sa loi la licence licite,
afin d'ôter le blâme où elle était conduite.
Elle est Sémiramis**, dont on peut lire
qu'elle fut l'épouse de Ninus, et puis lui succéda :
elle tint la terre que le Sultan gouverne.
La suivante est celle-ci qui se tua par amour***
en trahissant les cendres de Sichée ;
puis vient la luxurieuse Cléopâtre****.
Tu vois Hélène*****, par qui advint
un si long malheur ; tu vois le grand Achille******,
qui combattit à la fin contre Amour.
Tu vois Pâris, Tristan" ; ainsi il m'en montra
et m'en désigna du doigt plus de mille
qu'amour ôta de notre vie.
Quand j'eus ainsi entendu mon docteur
nommer les dames de jadis et les cavaliers,
pitié me prit, et je devins comme égaré.
Je commençai : "Poète, volontiers
je parlerais à ces deux-ci******* qui vont ensemble,
et qui semblent si légers dans le vent."
Et lui à moi : "Tu les verras quand il seront
plus près de nous ; alors prie-les
par l'amour qui les mène, et ils viendront."
Dès que le vent vers nous les plie,
je leur dis ces mots : "O âmes tourmentées,
venez nous parler, si nul ne le défend."
Comme colombes à l'appel du désir
viennent par l'air, les ailes droites et fixes,
vers le doux nid, portées par le vouloir ;
ainsi de la compagnie de Didon
ils s'éloignèrent, venant vers nous dans l'air malin,
si fort fut mon cri affectueux.
"O créature gracieuse et bienveillante
qui viens nous visiter par l'air sombre
nous dont le sang teignit la terre,
si le roi de l'univers était notre ami,
nous le prerions pour ton bonheur,
puisque tu as pitié de notre mal pervers.
De tout ce qu'il vous plaît d'entendre et de dire,
nous entendrons et nous vous parlerons,
tandis que le vent, comme il fait, s'adoucit.
La terre où je suis née se trouve au bord
de ce rivage où le Pô vient descendre
pour être en paix avec ses affluents.
Amour, qui s'apprend vite au cœur gentil,
prit celui-ci de la belle personne
que j'étais ; et la manière me touche encore.
Amour, qui force tout aimé à aimer en retour,
me prit si fort de la douceur de celui-ci
que, comme tu vois, il ne me laisse pas.
Amour nous a conduits à une mort unique.
La Caïne******** attend celui qui nous tua."
Tels furent les mots que nous eûmes d'eux.
Quand j'entendis ces âmes blessées,
je baissai le visage, et le gardai si bas
que le poète me dit : "Que penses-tu ?"
Quand je lui répondis, je commençai : "Hélas,
que de douces pensées, et quel désir
les ont menés ou douloureux trépas !"
Puis je me retournai vers eux et je leur dis
pour commencer : "Francesca, tes martyres
me font triste et pieux à pleurer.
Mais dis-moi ; du temps des doux soupirs,
à quel signe et comment permit amour
que vous connaissiez vos incertains désirs ?"
Et elle : "Il n'est pas de plus grande douleur
que de se souvenir des temps heureux
dans la misère ; et ton docteur le sait.
Mais si tu as telle envie de connaître
la racine première de notre amour,
je ferai comme qui pleure et parle à la fois.
Nous lisions un jour par agrément
de Lancelot*********, comment amour le prit :
nous étions seuls et sans aucun soupçon.
Plusieurs fois la lecture nous fit lever les yeux
et décolora nos visages ;
mais un seul point fut ce qui nous vainquit.
Lorsque nous vîmes le rire désiré
être baisé par tel amant,
celui-ci, qui jamais plus ne sera loin de moi,
me baisa la bouche tout tremblant.
Galehaut********* fut le livre et celui qui le fit ;
ce jour-là nous ne lûmes pas plus avant."
Pendant que l'un des deux esprits parlait ainsi,
l'autre pleurait, si bien que de pitié
je m'évanouis comme si je mourais ;
et je tombai comme tombe un corps mort.

 

* Minos : dans la mythologie classique, roi de Crète célèbre pour sa sévérité et son sens de la justice. Homère le place dans l'Hadès comme juge des Ames ; Dantes le reprend à travers Virgile, et en fait un démon infernal.

** Sémiramis :  reine mythique de Chaldée et d'Assyrie, aux XIVe siècle avant Jésus-Christ ; célèbre par sa beauté et ses excès sexuels, elle aurait selon Orose promulgué une loi autorisant l'inceste.

*** celle-ci qui se tua par amour / en trahissant les cendres de Sichée : Didon, reine de Carthage, dont Virgile raconte qu'elle se tua lorsqu'elle fut abandonnée par Enée, trahissant par cet amour la promesse de fidélité à son mari défunt, Sichée.

**** Cléopâtre : la reine d'Egypte, maîtresse de César puis d'Antoine, exemple traditionnel de luxure.

***** Hélène : cause de la guerre de Troie.

****** Achille : d'après les légendes médiévales sur la guerre de Troie, à cause de son amour pour Polyxène, il fut attiré dans un piège et tué par traîtrise.

******* ces deux-ci : fait divers devenu légende. Francesca da Rimini, fille de Guido da Polenta, épouse Giovanni Malatesta en 1275 ; s'éprend de son beau-frère Paolo da Malatesta ; Giovanni les surprend et les tue.

******** la Caïne : c'est la première des quatre régions du dernier cercle de l'Enfer, le Cocyte. Elle est assignée aux damnés traîtres à leurs parents.

********* Lancelot : différentes version des romans de la Table Ronde racontent ses amours avec Genièvre, femme du roi Arthur. 

********** Galehaut : sénéchal de la reine, témoin d'un pacte d'amour. Dans les textes connus, il pousse Genièvre à embrasse Lancelot. Selon la version inconnus que suit Dante (ou suivant sa propre version) c'est Lancelot qui embrasse Genièvre.

 

 

41ZAB9F45HL__SL500_AA300_.jpgSe procurer l'ouvrage :

La divine comédie, L'Enfer

34 chants, écrits en 1314

Dante

1985

Traduction de Jacqueline Risset, GF Flammarion

380 pages, édition bilingue

http://www.amazon.fr/Divine-Com%C3%A9die-LEnfer-Dante-Alighieri/dp/2080707256/ref=sr_1_16?s=books&ie=UTF8&qid=1353399190&sr=1-16

 

 

lundi, 24 décembre 2012

Etymologie - Amour - Fragonard, Blake, El Greco, Rubens

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Diane et Endymion, Fragonard

 

 

Extrait de La Croix, lundi 19 novembre 2012

"Les mots pour le dire", Elodie Maurot

 

Avant de tisser lettres, poèmes ou romans autour de l'amour, toute langue est au défi de choisir les quelques mots qui incarneront l'amour...

Tout juste un mot, "amour", pour le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ? Qu'on ne s'y trompe pas, la langue française a hérité là d'un mot multiple, un mot-tiroir, un mot-valise, plein de sous-entendus et de nuances, où chaque époque a inscrit ses interrogations et ses certitudes. Dans l'Antiquité, il fallait une triade - éros, philia et agapè -, pour déployer toutes les couleurs de l'amour.

"L'éros est l'amour conçu comme ardent désir d'être uni à quelqu'un", souligne Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice du Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale (PUF). La philia, elle, désigne "une relation empreinte de réciprocité et d'estime mutuelle". Ce terme, souvent traduit par "amitié", a une portée plus large, et consiste en une affection qui se caractérise par la volonté d'entretenir avec autrui des rapports où se manifeste une certaine excellence morale. "Enfin, l'agapè, est l'amour consacré à autrui, mais autrui considéré dans sa qualité fondamentale d'être humain et un prochain. C'est un sentiment sans attente de réciprocité et d'une certaine façon indépendant de ce qu'est l'aimé."

 

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L'amour d'Adam et Eve, William Blake

 

Comment les Grecs se rapportaient-ils à ces distinctions, quels usages en faisaient-ils ? "Une chose est sûre, les Grecs et les Romains séparaient plus fortement que nous ne le faisons le plaisir du désir, répond Paul Veyne, historien de l'Antiquité. Dans l'Antiquité, le plaisir est omnisexe - ce qui explique la fréquence de l'homosexualité - alors que le désir, lui, choisit un sexe." L'amitié, de son côté, pouvait y être ardente. "Les Romains étant capables d'en faire une véritable passion, alors que cette forme d'amitié est aujourd'hui peu populaire et toujours suspecte d'homosexualité", poursuit l'historien.

Le terme agapè connaît une gloire plus tardive. On sait que son usage était connu de la littérature païenne, on le retrouve dans l'oeuvre du philosophe juif hellénisé Philon d'Alexandrie (premier siècle avant l'ère chrétienne), mais le concept connus une promotion soudaine quand les auteurs du Nouveau Testament l'adoptèrent pour désigner l'amour chrétien. Dans ce contexte, agapè - traduit par amour ou charité - désigne la vertu des vertus, comme dans l'Hymne à l'amour de la première lettre de Paul aux Corinthiens (chapitre 13) et la première épître de Jean.

C'est au XIIe siècle que va surgir le mot "amor" pour désigner l'amour. "Les médiévaux ont un vocabulaire plus pauvre que les Grecs, ils ont "amour" et "charité", point final", résume Michel Zink, spécialiste de la littérature amoureuse du Moyen Âge. Le mot "charité", qui vient du grec, via le latin, s'est rapidement spécialisé pour désigner l'amour divin et l'amour se manifestant dans les oeuvres, d'où le sens moderne de "bienfait envers les pauvres" (Petit Robert) qu'il a pris par la suite. "Cette dichotomie imposée par le vocabulaire complique la tâche des médiévaux, poursuit Michel Zink. Ils doivent sans cesse rappeler que l'amour recouvre tout, et que la vraie charité, c'est l'amour !" Dans son vocabulaire, comme dans sa réflexion, le Moyen Âge se trouve donc dans une tension. "Il est à la fois le temps de l'invention d'une poésie de la passion amoureuse, de l'éros, et la première époque chrétienne qui réfléchit, plus que jamais, sur l'amour sous toutes ses formes, y compris l'amour de Dieu et du prochain."

 

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Pieta, El Greco

 

Dans ce contexte, les auteurs du Moyen Âge n'hésitent pas à utiliser le mot amor pour qualifier l'amour humain comme l'amour divin. Le Roman de la rose, best-seller du Moyen Âge, traduit cette double polarité. Dans sa première partie, il est un chant de la passion amoureuse, irrigué par la poésie des troubadours, dont est celui qui tient la plume, Guillaume de Lorris. Dans la seconde, rédigée par Jean de Mun, un clerc et un savant, il s'oriente vers une réflexion encyclopédique et théologique qui cherche à rassembler le tout de la connaissance de l'amour. Au "jardin de Déduit", jardin du plaisir, scène du coup de foudre initial, fait pendant la "prairie de l'Agneau", paradis final où l'Amour mène paître ses élus...

Les nuances de l'amor médiéval se dévoilent dans ses usages. On le voit être distingué d' "amar", l'amour bestial. "L'amor est le bon amour, l'amour exigeant, qui n'est pas obligatoirement chaste, mais qui est maîtrisé et noble", précise Michel Zink. Quant à la poésie, dont celle de Chrétien de Troyes, elle se plaît à des jeux de mots entre le verbe aimer (amer) et ses homophones "amer" ("amertume") et "la mer", car le sentiment amoureux est ambivalent, dangereux comme une mer immense et inconnue...

Le Moyen Âge élabore dans le même temps tout un corps de doctrines précisant les qualités que doit développer celui qui aime. Il vante la "mesure", la maîtrise de soi, et "le prix" ou le mérite. "Il faut aimer de façon à ce que cela augmente votre mérite, aimer une dame qui a du prix, aimer pour avoir soi-même du prix.", explique Michel Zink. Il valorise "joi" (nom masculin), la joie et "joven", la jeunesse. "Joi, c'est à la fois la joie et l'inquiétude de l'amour, précise Michel Zink. Et joven, c'est une sorte d'énergie, c'est l'élan vital de la jeunesse. Ce n'est pas seulement une question biologique mais une question morale. C'est, pourrait-on dire, la façon de vivre la jeunesse."

 

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Samson et Dalila, Rubens

 

Aujourd'hui, que reste-t-il de cette riche palette de vocabulaire et de concepts ? Trop souvent une simple opposition entre erôs et agapè, entre l'amour plaisir et l'amour désintéressé, durcie par l'héritage du jansénisme et du puritanisme. Fruit aussi du succès d'un traité philosophique, somme toute récent, Eros et agapè (1932), publié en France après-guerre, qui exerça une profonde influence dans les milieux philosophiques et ecclésiaux. Durcissant leur différence, Anders Nygren, théologien luthérien suédois, y faisait de la confrontation entre éros et agapè la clé de lecture de l'histoire occidentale de l'amour, opposant une vision grecque de l'amour, possessive et égocentrique, à une version chrétienne, oblative et désintéressée.

[...]

 

¤     ¤     ¤

 

Eros : divinité grecque, Eros désigne le désir amoureux, désir ardent d'union avec un autre singulier et déterminé. Dans la littérature grecque, Eros est tantôt une puissance inquiétante, qui trouble la raison, paralyse la volonté, tantôt un dieu malicieux, qui se plaît au jeu de l'amour, noue les intrigues ou les dénoue...

Philia, souvent traduite par "amitié", évoque un amour éprouvé pour ses semblables, au sein d'une famille ou pour les membres d'une communauté. C'est un sentiment défini par la tendresse, la générosité et la réciprocité. Pour Aristote, "aimer", au sens de philia, "c'est souhaiter pour quelqu'un ce que nous croyons être des biens, pour lui et non pour nous".

Agapè est l'amour consacré à autrui, considéré comme un prochain, à la suite du commandement de l'Evangile : "Tu aimerais le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et avec toutes tes forces et tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Mt 22, 37-40)? L'amour du prochain va au-delà de la demande de réciprocité et entend aimer ceux qui ne pourront rendre cet amour.

 

*

> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html

 

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Sapin de Noël gourmand, Trocadéro, Paris 2012
Crédits photographiques Jana Hobeika

  

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Pralines au chaudron
Crédits photographiques Jana Hobeika

 

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Vitrine de la pâtisserie "Aux Merveilleux", rue de l'Annonciation, Paris
Crédits photographiques Jana Hobeika

 

Et d'autres jours...
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Crédits photographiques Jana Hobeika

 

mardi, 21 août 2012

De terre et de feu - Discours de la méthode, V, Descartes, Rubens

descartes,discours,méthode,rembrandt, Rubens
L'union de la terre et de l'eau, Rubens

 

 

Extrait de la Cinquième Partie du Discours de la Méthode, 1637, Descartes :

 

[...] tout de même que les peintres, ne pouvant également bien représenter dans un tableau plat toutes les diverses faces d'un corps solide, en choisissant une des principales, qu'ils mettent seule vers le jour, et, ombrageant les autres, ne les font paraître qu'autant qu'on les peut voir en la regardant ; ainsi, craignant de ne pouvoir mettre en mon discours tout ce que j'avais en la pensée, j'entrepris seulement d'y exposer bien amplement ce que je concevais de la lumière, puis, à son occasion, d'y ajouter quelque chose du soleil et des étoiles fixes, à cause qu'elle en procède presque toute ; des cieux, à cause qu'ils la transmettent ; des planètes, des comètes et de la terre, à cause qu'elles la font réfléchir ; et en particulier de tous les corps qui sont sur la terre, à cause qu'ils sont ou colorés ou transparents ou lumineux ; et enfin de l'homme, à cause qu'il en est le spectateur. [...] 

 

descartes,discours,méthodeRené Descartes (1596-1650)

 

De là je vins à parler particulièrement de la terre : comment, encore que j'eusse expressément supposé que Dieu n'avait mis aucune pesanteur en la matière dont elle était composée, toutes ses parties ne laissaient pas de tendre exactement vers son centre ; comment y ayant de l'eau et de l'air sur sa superficie, la disposition des cieux et des astres, principalement de la lune, y devait causer un flux et reflux qui dût semblable en toutes ces circonstances à celui qui se remarque dans nos mers, et outre cela un certain cours tant de l'eau que de l'air, du levant vers le couchant, tel qu'on le remarque aussi entre les tropiques, comment les montagnes, les mers, les fontaines et les rivières pouvaient naturellement s'y former, et les métaux y venir dans les mines, et les plantes y croître dans les campagnes, et généralement tous les corps qu'on nomme mêlés ou composés s'y engendrer : et entre autres choses, à cause qu'après les astres je ne connais rien au monde que le feu qui produise de la lumière, je m'étudiai à faire entendre bien clairement tout ce qui appartient à sa nature, comment il se fait, comment il se nourrit, comme il n'a quelquefois que de la chaleur sans lumière, et quelquefois que de la lumière sans chaleur ; comment il peut introduire diverses couleurs en divers corps, et diverses autres qualités ; comment il en fond quelques-uns et en durcit d'autres ; comment il les peut consumer presque tous ou convertir en cendres ou en fumée ; et enfin comment de ces cendres, par la seule violence de son action, il forme du verre : car cette transmutation de cendres en verre me semblant être aussi admirable qu'aucune autre qui se fasse en la nature, je pris particulièrement plaisir à la décrire.

   

 

Pour d'autres peintures : http://www.eternels-eclairs.fr/tableaux-rubens.php