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mardi, 14 août 2012

Considérations sur le savoir - Discours de la méthode, I, Descartes, Monet

 

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Les coquelicots, Monet

 

 

Extrait de la Première Partie du Discours de la Méthode, 1637, Descartes :

 

Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les même choses. Cr ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien.  Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus, et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent.

[...]

Mais je ne craindrai pas de dire que je pense avoir eu beaucoup d'heur, de m'être rencontré dès ma jeunesse en certains chemins qui m'ont conduit à des considérations et des maximes dont j'ai formé une méthode par laquelle il me semble que j'ai moyen d'augmenter par degrés ma connaissance, et de l'élever peu à peu au plus haut point auquel la médiocrité de mon esprit et la courte durée de ma vie lui pourront permettre d'atteindre. Car j'en ai déjà recueilli de tels fruits, qu'encore qu'aux jugements que je fais de moi-même, je tâche toujours d pencher vers le côté de la défiance plutôt que vers celui de la présomption, et que, regardant d'un œil de philosophe les diverses actions et entreprises de tous les hommes, il n'y en ait quasi aucun qui ne me semble vaine et inutile, je ne laisse pas de recevoir une extrême satisfaction du progrès que je pense avoir déjà fait en la recherche de la vérité, et de concevoir de telles espérances pour l'avenir, qui si, entre les occupations des hommes, purement hommes, il y en a quelqu'une qui soit solidement bonne et importante, j'ose croire que c'est celle que j'ai choisie.

Toutefois il se peut faire que je me trompe, et ce 'est peut-être qu'un peu de cuivre et de verre que je prends pour de l'or et des diamants. Je sais combien nous sommes sujet à nous méprendre en ce qui nous touche, et combien aussi les jugements de nos amis nous doivent être suspects lorsqu'ils sont en notre faveur. [...]

Et enfin, notre siècle me semble aussi fleurissant et aussi fertile en bons esprits qu'ait été aucun des précédents.

 

descartes,discours,méthodeRené Descartes (1596-1650)

 

Je ne laissais pas toutefois d'estimer les exercices auxquels on s'occupe dans les écoles. Je savais que les langues qu'on y apprend sont nécessaires pour l'intelligence des livres anciens ; que la gentillesse des fables réveille l'esprit ; que les actions mémorables des histoires le relèvent ; et qu'étant lues avec discrétion elles aident à former le jugement ; que la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècle passés, qui en ont été les auteurs, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que les meilleures de leurs pensées ; que l'éloquence a des forces et des beautés incomparables ; que la poésie a des délicatesses et des douceurs très ravissantes ; que les mathématiques ont des inventions très subtiles, et qui peuvent beaucoup servir, tant à contenter les curieux, qu'à faciliter tous les arts et diminue le travail des hommes ; que les écrits qui traitent des moeurs contiennent plusieurs enseignement et plusieurs exhortations à la vertu qui sont fort utiles ; que la théologie enseigne à gagner le ciel ; que la philosophie donne moyen de parler vraisemblablement de toutes choses et se faire admirer des moins savants ; que la jurisprudence, la médecine et les autres sciences apportent des honneurs et des richesses à ceux qui les cultivent ; et enfin qu'il est bon de les avoir toutes examinées, même les plus superstitieuse et les plus fausses, afin de connaître leur juste valeur et se garder d'en être trompé.

Mais je croyais avoir déjà donné assez de temps aux langues, et même aussi à la lecture des livres anciens, et à leurs histoires et à leurs fables. Car c'est quasi le même de converser avec ceux des autres siècles que de voyager. Il est bon de savoir quelque chose des moeurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui es contre nos modes soit ridicule, et contre raison, ainsi qu'ont coutume de faire ceux qui n'ont rien vu. Mais lorsqu'on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays ; et lorsqu'on est trop curieux des choses qui se pratiquaient aux siècles passés, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci. [...]

Et j'avais toujours un extrême désir d'apprendre à distinguer le vrai d'avec le faux, pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance en cette vie. [...]

 

 

Pour d'autres peintures :  http://www.grandspeintres.com/monet/index.php

 

lundi, 13 août 2012

Collage

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Cliquer pour agrandir le collage.jpg

 

vendredi, 10 août 2012

Saint Jérôme et le lion - Paul Cazin, Fra Filippo Lippi

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 Saint Jérôme et le lion, Fra Filippo Lippi 

 

  

"Le Lion de saint Jérôme" in Bestiaire des deux Testaments, 1927, Paul Cazin

  

Un jour que le grand saint Jérôme se promenait dans le désert de Palestine, il aperçut un lion, couché derrière un palmier.

Sa première impression fut très désagréable. Car il aimait la solitude et, s’il se promenait dans le désert, c’était apparemment pour fuir toute compagnie. Il méditait alors une diatribe contre Rufin. La vue de ce lion avait brouillé le fil de ses idées. Mais il réprima promptement son impatience, réfléchit au danger qui le menaçait et se mit à invoquer Dieu de tout son cœur.

Le lion ne bougeait pas, saint Jérôme s’approcha. Il vit que l’animal se léchait la patte d’une mine dolente; sa queue, raide comme fer, lui battait les flancs à coups secs  des plaques de sang marquaient le sable.

Saint Jérôme fit le signe de la croix, mit un genou en terre, avança la main. Le lion lui tendit la patte. Il avait entre les griffes une grosse épine de cactus.

  

La suite : http://www.biblisem.net/narratio/cazilion.htm

 

samedi, 28 juillet 2012

Ave Maria, sois notre secours

 

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Annonciation, Fra Filippo Lippi 

 

 

Ave Maria, sois notre secours

Entends nos prières et prie Dieu pour nous.

 

Toi, notre mère prends-nous par la main,

Montre-nous la route qui conduit vers Dieu.

 

Comblée de grâce, fille de Sion,

Choisie par le Père, tu lui as dit oui.

 

Arche d'alliance tu as cru en Dieu,

Fais que sa parole prenne chair en nous.

 

Espoir des hommes, reste près de nous,

Apprends-nous à vivre unis à ton Fils.

 

Mère très sainte, abri des pécheurs,

Conduis vers le Père ceux qui crient vers toi.

 

jeudi, 26 juillet 2012

Considérations sur le surréalisme et la liberté - Breton, Magritte

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René Magritte 

 

Extrait de Manifestes du Surréalisme, André Breton, 1924

Tant va la croyance à la vie, à ce que la vie a de plus précaire, la vie réelle s’entend, qu’à la fin cette croyance se perd. L’homme, ce rêveur définitif, de jour en jour plus mécontent de son sort, fait avec peine le tour des objets dont il a été amené à faire usage, et que lui a livrés sa nonchalance, ou son effort, son effort presque toujours, car il a consenti à travailler, tout au moins il n’a pas répugné à jouer sa chance (ce qu’il appelle sa chance !). Une grande modestie est à présent son partage : il sait quelles femmes il a eues, dans quelles aventures risibles il a trempé ; sa richesse ou sa pauvreté ne lui est de rien, il reste à cet égard l’enfant qui vient de naître et, quant à l’approbation de sa conscience morale, j’admets qu’il s’en passe aisément. S’il garde quelque lucidité, il ne peut que se retourner alors vers son enfance qui, pour massacrée qu’elle ait été par le soin des dresseurs, ne lui en semble pas moins pleine de charmes. Là, l’absence de toute rigueur connue lui laisse la perspective de plusieurs vies menées à la fois ; il s’enracine dans cette illusion ; il ne veut plus connaître que la facilité momentanée, extrême, de toutes choses. Chaque matin, des enfants partent sans inquiétude. Tout est près, les pires conditions matérielles sont excellentes. Les bois sont blancs ou noirs, on ne dormira jamais.

Mais il est vrai qu’on ne saurait aller si loin, il ne s’agit pas seulement de la distance. Les menaces s’accumulent, on cède, on abandonne une part du terrain à conquérir. Cette imagination qui n’admettait pas de bornes, on ne lui permet plus de s’exercer que selon les lois d’une utilité arbitraire ; elle est incapable d’assumer longtemps ce rôle inférieur et, aux environs de la vingtième année, préfère, en général, abandonner l’homme à son destin sans lumière.

Qu’il essaie plus tard, de-ci de-là, de se reprendre, ayant senti lui manquer peu à peu toutes raisons de vivre, incapable qu’il est devenu de se trouver à la hauteur d’une situation exceptionnelle telle que l’amour, il n’y parviendra guère. C’est qu’il appartient désormais corps et âme à une impérieuse nécessité pratique, qui ne souffre par qu’on la perde de vue. Tous ses gestes manqueront d’ampleur ; toutes ses idées, d’envergure. Il ne se représentera, de ce qui lui arrive et peut lui arriver, que ce qui relie cet événement à une foule d’événements semblables, événements auxquels il n’a pas pris part, événements manqués. Que dis-je, il en jugera par rapport à un de ces événements, plus rassurant dans ses conséquences que les autres. Il n’y verra, sous aucun prétexte, son salut.

 

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André Breton (1896-1966)

 

Chère imagination, ce que j’aime surtout en toi, c’est que tu ne pardonnes pas.

Le seul mot de liberté est tout ce qui m’exalte encore. Je le crois propre à entretenir, indéfiniment, le vieux fanatisme humain. Il répond sans doute à ma seule aspiration légitime. Parmi tant de disgrâces dont nous héritons, il faut bien reconnaître que la plus grande liberté d’esprit nous est laissée. A nous de ne pas en mésuser gravement. Réduire l’imagination à l’esclavage, quand bien même il y irait de ce qu’on appelle grossièrement le bonheur, c’est se dérober à tout ce qu’on trouve, au fond de soi, de justice suprême. La seule imagination me rend compte de ce qui peut être, et c’est assez pour lever un peu le terrible interdit ; assez aussi pour que je m’abandonne à elle sans crainte de me tromper (comme si l’on pouvait se tromper davantage). Où commence-t-elle à devenir mauvaise et où s’arrête la sécurité de l’esprit ? Pour l’esprit, la possibilité d’errer n’est-elle pas plutôt la contingence du bien ?

Reste la folie, "la folie qu'on enferme" a-t-on si bien dit. Celle-là ou l'autre... Chacun sait, en effet, que les fous ne doivent leur internement qu'à un petit nombre d'actes répréhensibles, et que, faute de ces actes, leur liberté (ce qu'on voit de leur liberté) ne saurait être en jeu.

 

> A consulter également http://psychephonique.canalblog.com/archives/2006/05/25/1...

 

samedi, 21 juillet 2012

Considérations sur la sainteté et le pardon - Père Arnaud Duban

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 Chapelle Royale, Versailles

 

Editorial "Il répandit sur eux son souffle", Père Arnaud Duban, in le journal Le Campanille -Notre Dame d'Auteuil, n°248 avril-mai 2012 

 

Créé à l'image de Dieu, l'homme, consciemment ou non, désire vivre à la manière de son Créateur : notre vocation à tous, c'est la sainteté. Mais sur ce chemin qui nous mène au bonheur, nous rencontrons un obstacle : le péché. Entraînés par la chair (au sens de nos pesanteurs, par le monde et par Satan, nous agissons parfois contre Dieu, contre nos frères, et contre nous-mêmes : "ce que je voudrais faire, ce n'est pas ce que je réalise ; mais ce que je déteste, c'est cela que je fais" (Rm 7, 15-16). C'est ainsi que le péché distille son poison dans les cœurs, distendant ou même brisant nos relations avec le Seigneur, avec nos prochains et avec notre être profond.

Heureusement, il existe un contre-poison : le pardon. Aucun homme, s'il veut mener une vie pleinement humaine, ne peut vivre sans lui. Même notre civilisation déchristianisée l'a compris : on parle beaucoup de repentance, et des responsables politiques ont demandé pardon officiellement pour le mal commis dans le passé : Jacques Chirac, en 1995, a évoqué "la dette imprescriptible" que la France devait aux 76000 juifs de France qui furent déportés à Auschwitz à partir de la rafle du Vel d'Hiv. De même, en 2008, le premier ministre australien a demandé pardon aux aborigènes pour toutes les violences infligées par les immigrants.

Ces pardons demandés ont certes beaucoup de valeur, à l'instar de tous ceux qui sont donnés et reçus chaque jour dans les couples, les familles, les lieux d'étude ou de travail. Mais nous ne devons pas oublier celui qui est le plus offensé lorsque nous péchons : Dieu lui-même. Devant tout refus d'aimer, c'est d'abord l'Amour qui est blessé. Mais comment réparer nos fautes vis-à-vis de celui à qui nous devons tout, le Saint par excellence ? Dans le passé, les hommes offraient des sacrifices pour se faire pardonner, allant jusqu'à offrir leurs propres enfants pour s'attirer la bienveillance divine. A son peuple, Dieu a révélé qu'il ne voulait pas de ces holocaustes. Le seul sacrifice qu'Il a accepté, c'est celui de son Fils. En mourant sur la Croix, Jésus a témoigné de la miséricorde infinie de Dieu pour nous, de son Amour plus fort que la haine : "Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font." (Lc 23,34)

Maintenant qu'il est ressuscité, il ne cesse de nous offrir son Pardon, en particulier dans le sacrement de réconciliation. Lorsque le prêtre dit à un pénitent "je te pardonne tous tes péchés", c'est le Ressuscité qui agit en lui. Non seulement il annihile l'effet dévastateur du poison distillé par le péché, mais il insuffle dans le cœur du pénitent le Saint Esprit, faisant de lui un homme nouveau capable de vivre à la manière du Ressuscité. C'est ce que Jésus a fait lui-même  le soir de Pâques au milieu de ses disciples ; "il répandit sur eux son souffle et il leur dit : "Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus"" (Jn 20,22-23). Son premier acte après sa résurrection, ce fut de pardonner à ceux qui l'avaient abandonné, et de les rendre témoins de la miséricorde divine.

Alors, nous aussi, durant tout le temps pascal, célébrons la victoire de l'amour sur la haine. Lorsque nous l'offensons, demandons à Dieu de pardonner nos péchés, "comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés" (Lc 11,4). Mais n'attendons pas de chuter lourdement pour recevoir le sacrement du pardon. Puisque "le juste pèche sept fois par jour" (Pr 24,16), comme un pare-brise finit par être opaque si nous ne le nettoyons pas régulièrement des moucherons et des poussières, profitons de la grâce immense que nous avons d'être chrétiens catholiques pour nous confesser régulièrement. [...]

 

jeudi, 19 juillet 2012

Considérations sur la souffrance - Simone Weil, Blaise Pascal, Romain Debluë, Lucas Cranach

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 Tête du Christ couronné d'épines, Lucas Cranach l'Ancien

 

Extrait de ""La pesanteur et la grâce", ou : aux marges du christianisme", 2012, Romain Debluë

 

La pensée de Simone Weil est une pensée fortement polarisée : le haut et le bas, l'être et le néant, le mouvement ascendant et descendant, sont autant de pôles très nets qui jalonnent ses réflexions. De là l'importance qu'elle accorde avec finesse aux balances et aux mouvements de levier : "Croix comme balance, comme levier. Descente, condition de la montée. Le ciel descendant sur terre soulève la terre au ciel."*

Là où il y a conscience aiguë du haut et du bas, du Ciel et de la terre, de la pesanteur et de la grâce, il faut nécessairement que plus aiguisée encore se fasse la conscience d'une intersection possible, nécessaire même, de ces deux dimensions ; intersection qui n'est autre que la Croix, dont les bras tendus supportent le contrepoids du monde entier, et sur laquelle "un corps frêle et léger, mais qui était Dieu,"** a rendu au Seigneur la possibilité de souffrir dont Simone Weil n'hésite point à dire qu'elle constitue une forme de supériorité de l'Homme sur Dieu. Supériorité qui, précisément, nécessite l'Incarnation afin que de ne pas constituer un sempiternel scandale. L'Incarnation, c'est donc la souffrance mise à portée de Dieu, permettant à l'Homme non point de rechercher la souffrance comme telle (dolorisme) mais d'en pouvoir faire, lorsque celle-ci, inévitable, se présente, un "usage surnaturel"***, à savoir l'acceptation d'icelle non seulement comme douleur mais également comme modification, - ainsi que le désignait déjà le terme grec de Pathos qui signifie à la fois souffrance et transformation.

Transformation de soi, bien sûr, mais également - et par là-même sans doute - transformation du rapport que l'on peut entretenir avec le monde et ses lois naturelles. Car il s'agit après tout de parvenir à échapper à cette pesanteur éponyme aux lois immuables dont l'humanité est prisonnière. "Tout ce qu'on nomme bassesse est un phénomène de pesanteur."****

La pesanteur est la force qui meut l'Homme dans l'orbite des mobiles bas, et qui les fait graviter les uns autours des autres ; c'est la loi universelle du péché : ma souffrance doit attirer celle des autres. Ainsi de cette envie que Simone Weil confesse parfois avoir lors de ses violentes crises de migraines : " j'avais un désir intense de faire souffrir un autre être humain, en le frappant précisément au même endroit du front."*****

La pesanteur est une force, elle ne peut donc qu'être agissante : d'où ce désir impérieux de voir sa propre souffrance, ou son propre malheur, se communiquer au reste du monde, - à tout le moins à quelques uns de ses proches.

Nul n'aime à descendre seul, car il y a une mystérieuse volupté à tirer avec soi ceux qui se trouvent à portée de main. La souffrance résultant d'un vide, il est toujours fort satisfaisant de pouvoir le combler, par simple équilibre des fluides, en creusant pareil vide chez autrui. La pesanteur est une force attirante, vers les coprs les plus lourds, donc une force descendante qui, naturellement, ne peut être contrebalancée que par une force inverse : la grâce, dont le premier mouvement est ascendant et le second, à l'autre bout de tel levier, descendant car "s'abaisser, c'est monter à l'égard de la pesanteur morale."******

La descente de la Croix toujours prélude à une prochaine Ascension.

La pesanteur, ainsi que l'indique bien ce terme choisi par Simone Weil, est une loi naturelle du monde, une loi à laquelle l'homme ne peut échapper que la "durée d'un éclair. Instants d'arrêt, de contemplation, d'intuition pure, de vide mental, d'acceptation du vide moral. C'est par ces instants qu'il est capable de surnaturel. Qui supporte un moment le vide, ou reçoit le pain surnaturel, ou tombe. Risque terrible, mais il faut le courir, et même un moment sans espérance. Mais il ne faut pas s'y jeter."*******

La grâce, à l'inverse, n'est pas à proprement parler une force, bien plutôt une contre-force, la surnaturelle suspension des forces mécaniques dont l'Homme est si souvent le jouet. Elle n'est pas une force supérieure s'opposant à la pesanteur, force inférieure, car ainsi que l'écrit Pascal : "Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre ; quand on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge ; mais la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre."********

La pesanteur, en tant que force d'attraction, est attachement, lorsqu'à l'inverse, la grâce constitue une puissance de détachement : "Renoncer à tout ce qui n'est pas la grâce et ne pas désirer la grâce."*********

 

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* Simone Weil, op. cit., p. 123. Voir également : « Or il n'est pas donné à l'homme de créer. », p. 161. Ici en revanche, christianisme éclatant de Simone Weil.

* * Ibid., p. 163.

* * * Ibid., p. 146.

* * * *  Ibid., p. 42.

* * * * * Idem.

* * * * * * Ibid., p. 45.

* * * * * * * Ibid., p. 55.

* * * * * * * * Blaise Pascal, Les Provinciales, éd. Firmin Didot, 1853, Lettre XII, p. 227.

* * * * * * * * * Simone Weil, ibid., p. 57. 

 

> A consulter pour le texte intégral et beaucoup plus : http://amicusveritatis.over-blog.com/article-la-pesenteur...