samedi, 29 décembre 2012
Le Songe - Gn28, Dante, Blake
L'échelle de Jacob, William Blake
Gn 28
Il arriva d'aventure en un certain lieu et il y passa la nuit, car le soleil s'était couché.
Il prit une des pierres du lieu, la mis sous sa tête et dormit en ce lieu.
Il eut un songe : Voilà qu'une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient !
Chant 21, Le Paradis, Dante
[...]
Dans le cristal qui encercle le monde,
portant le nom de son seigneur aimé,
sous le règne de qui toute malice resta morte,
je vis, d'une couleur d'or traversée de rayons,
une échelle si longue vers le haut
que mon regard ne pouvait la suivre.
[...]
07:43 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Foi, Peinture, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 28 décembre 2012
Le surréaliste sommeil amoureux - Picasso, Proust
Les dormeurs, Picasso
Extrait de La Recherche du temps perdu, V "La Prisonnière", Marcel Proust :
Je pouvais mettre ma main dans sa main, sur son épaule, sur sa joue, Albertine continuait de dormir. Je pouvait prendre sa tête, la renverser, la poser contre mes lèvres, entourer mon cou de ses bras, elle continuait à dormir comme une montre qui ne s'arrête pas, comme une bête qui continue de vivre quelque position qu'on lui donne, comme une plante grimpante, un volubilis qui continue de pousser ses branches quelque appui qu'on lui donne. Seul son souffle était modifié par chacun de mes attouchements, comme si elle eût été un instrument dont j'eusse joué et à qui je faisais exécuter des modulations en tirant de l'un, puis de l'autre de ses cordes, des notes différentes.
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> A consulter également : http://doudou.gheerbrant.com/?cat=43
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Jeune femme endormie, Lovis Corinth
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Littérature, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : proust, picasso, man ray, sommeil, amour
jeudi, 27 décembre 2012
Un rêve adjanien surréaliste - Botticelli
La naissance de Vénus, Botticelli
Source : Entretien avec Isabelle Adjani, Madame Figaro supplément au Figaro n°21229 et 212230 des 2 et 3 novembre 2012
Il y a une vingtaine d'années, j'ai fait un rêve incroyable qui débutait sur un terrain un peu particulier, celui de l'intimité du corps. Rien de scabreux, au contraire, le cheminement du songe est merveilleux, comme dans un conte de fées.
Je me vois en tenue d'Eve, un peu comme dans un Botticelli. Les couleurs autour de moi sont vives et tendres. Et mon corps rejette des toxines, celles de la vie et de l'âme. Il en sort aussi un matière douce, crayeuse, à l'odeur exquise vanillée comme celle du halva, cette confiserie orientale.
Dans cette pâte de sésame, éblouissement absolu, je découvre un magnifique arbre de vie en cristal. Un objet parfait, raffiné et ciselé comme un bijou. Je ressens la grandeur du sacré.
Je sais que cette vision n'était pas anodine. Surtout à ce moment précis de mon existence. J'y ai réfléchi par la suite car j'adore analyser mes rêves de façon cabalistique ou lacanienne ou jungienne. Celui-ci, très marquant, s'y prêtait bien. La pâte de sésame, par exemple, signifiait-elle "Sésame, ouvre-toi ?" Les anagrammes de "halva" étaient comme un jeu de piste : "Va là" ? J'ai ressenti clairement dans ce récit onirique une promesse initiatique de renaissance."
Vitrines du Printemps, boulevard Haussmann, Paris 2012
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Trivialités parisiennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : adjani, botticelli, printemps, venus
mercredi, 26 décembre 2012
Parure de feu déposée au creux tout autour de l'aimée - Man Ray, Vivaldi
Violon d'Ingres, Man Ray
> A écouter à l'infini : 01_Piste_1 - VIVALDI.mp3
> Et http://www.youtube.com/watch?v=i2y6EFBZi0o
http://www.youtube.com/watch?v=AUTiGAoUBtE
Vivaldi, L'Estro Armonico
Vitrines du Printemps, boulevard Haussmann, Paris 2012
Crédits photographiques Jana Hobeika
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Musique, Partitions, Peinture, Photographie, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : man ray, vivaldi, estro armonico
mardi, 25 décembre 2012
Joyau d'amour expédié à l'impatiente - Degas, Wagner, Chaplin
Femme à sa toilette, Degas
> A écouter à l'infini : 06_Piste_6 - LIED.mp3
> A la 2e minute : http://www.youtube.com/watch?v=pvTXJ06Nsoc
> Cordes : http://www.youtube.com/watch?v=SNVBXL_oKmQ
> Version piano et partition : http://www.youtube.com/watch?v=x8DAP6TghDI
Wagner, Tannhäuser "O Du mein holder Abendstern" (O douce étoile feu du soir)
Image du film "La ruée vers l'or", Chaplin
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Musique, Partitions, Peinture, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : edgar degas, lied, wagner, tannhauser
lundi, 24 décembre 2012
Etymologie - Amour - Fragonard, Blake, El Greco, Rubens
Diane et Endymion, Fragonard
Extrait de La Croix, lundi 19 novembre 2012
"Les mots pour le dire", Elodie Maurot
Avant de tisser lettres, poèmes ou romans autour de l'amour, toute langue est au défi de choisir les quelques mots qui incarneront l'amour...
Tout juste un mot, "amour", pour le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ? Qu'on ne s'y trompe pas, la langue française a hérité là d'un mot multiple, un mot-tiroir, un mot-valise, plein de sous-entendus et de nuances, où chaque époque a inscrit ses interrogations et ses certitudes. Dans l'Antiquité, il fallait une triade - éros, philia et agapè -, pour déployer toutes les couleurs de l'amour.
"L'éros est l'amour conçu comme ardent désir d'être uni à quelqu'un", souligne Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice du Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale (PUF). La philia, elle, désigne "une relation empreinte de réciprocité et d'estime mutuelle". Ce terme, souvent traduit par "amitié", a une portée plus large, et consiste en une affection qui se caractérise par la volonté d'entretenir avec autrui des rapports où se manifeste une certaine excellence morale. "Enfin, l'agapè, est l'amour consacré à autrui, mais autrui considéré dans sa qualité fondamentale d'être humain et un prochain. C'est un sentiment sans attente de réciprocité et d'une certaine façon indépendant de ce qu'est l'aimé."
L'amour d'Adam et Eve, William Blake
Comment les Grecs se rapportaient-ils à ces distinctions, quels usages en faisaient-ils ? "Une chose est sûre, les Grecs et les Romains séparaient plus fortement que nous ne le faisons le plaisir du désir, répond Paul Veyne, historien de l'Antiquité. Dans l'Antiquité, le plaisir est omnisexe - ce qui explique la fréquence de l'homosexualité - alors que le désir, lui, choisit un sexe." L'amitié, de son côté, pouvait y être ardente. "Les Romains étant capables d'en faire une véritable passion, alors que cette forme d'amitié est aujourd'hui peu populaire et toujours suspecte d'homosexualité", poursuit l'historien.
Le terme agapè connaît une gloire plus tardive. On sait que son usage était connu de la littérature païenne, on le retrouve dans l'oeuvre du philosophe juif hellénisé Philon d'Alexandrie (premier siècle avant l'ère chrétienne), mais le concept connus une promotion soudaine quand les auteurs du Nouveau Testament l'adoptèrent pour désigner l'amour chrétien. Dans ce contexte, agapè - traduit par amour ou charité - désigne la vertu des vertus, comme dans l'Hymne à l'amour de la première lettre de Paul aux Corinthiens (chapitre 13) et la première épître de Jean.
C'est au XIIe siècle que va surgir le mot "amor" pour désigner l'amour. "Les médiévaux ont un vocabulaire plus pauvre que les Grecs, ils ont "amour" et "charité", point final", résume Michel Zink, spécialiste de la littérature amoureuse du Moyen Âge. Le mot "charité", qui vient du grec, via le latin, s'est rapidement spécialisé pour désigner l'amour divin et l'amour se manifestant dans les oeuvres, d'où le sens moderne de "bienfait envers les pauvres" (Petit Robert) qu'il a pris par la suite. "Cette dichotomie imposée par le vocabulaire complique la tâche des médiévaux, poursuit Michel Zink. Ils doivent sans cesse rappeler que l'amour recouvre tout, et que la vraie charité, c'est l'amour !" Dans son vocabulaire, comme dans sa réflexion, le Moyen Âge se trouve donc dans une tension. "Il est à la fois le temps de l'invention d'une poésie de la passion amoureuse, de l'éros, et la première époque chrétienne qui réfléchit, plus que jamais, sur l'amour sous toutes ses formes, y compris l'amour de Dieu et du prochain."
Pieta, El Greco
Dans ce contexte, les auteurs du Moyen Âge n'hésitent pas à utiliser le mot amor pour qualifier l'amour humain comme l'amour divin. Le Roman de la rose, best-seller du Moyen Âge, traduit cette double polarité. Dans sa première partie, il est un chant de la passion amoureuse, irrigué par la poésie des troubadours, dont est celui qui tient la plume, Guillaume de Lorris. Dans la seconde, rédigée par Jean de Mun, un clerc et un savant, il s'oriente vers une réflexion encyclopédique et théologique qui cherche à rassembler le tout de la connaissance de l'amour. Au "jardin de Déduit", jardin du plaisir, scène du coup de foudre initial, fait pendant la "prairie de l'Agneau", paradis final où l'Amour mène paître ses élus...
Les nuances de l'amor médiéval se dévoilent dans ses usages. On le voit être distingué d' "amar", l'amour bestial. "L'amor est le bon amour, l'amour exigeant, qui n'est pas obligatoirement chaste, mais qui est maîtrisé et noble", précise Michel Zink. Quant à la poésie, dont celle de Chrétien de Troyes, elle se plaît à des jeux de mots entre le verbe aimer (amer) et ses homophones "amer" ("amertume") et "la mer", car le sentiment amoureux est ambivalent, dangereux comme une mer immense et inconnue...
Le Moyen Âge élabore dans le même temps tout un corps de doctrines précisant les qualités que doit développer celui qui aime. Il vante la "mesure", la maîtrise de soi, et "le prix" ou le mérite. "Il faut aimer de façon à ce que cela augmente votre mérite, aimer une dame qui a du prix, aimer pour avoir soi-même du prix.", explique Michel Zink. Il valorise "joi" (nom masculin), la joie et "joven", la jeunesse. "Joi, c'est à la fois la joie et l'inquiétude de l'amour, précise Michel Zink. Et joven, c'est une sorte d'énergie, c'est l'élan vital de la jeunesse. Ce n'est pas seulement une question biologique mais une question morale. C'est, pourrait-on dire, la façon de vivre la jeunesse."
Samson et Dalila, Rubens
Aujourd'hui, que reste-t-il de cette riche palette de vocabulaire et de concepts ? Trop souvent une simple opposition entre erôs et agapè, entre l'amour plaisir et l'amour désintéressé, durcie par l'héritage du jansénisme et du puritanisme. Fruit aussi du succès d'un traité philosophique, somme toute récent, Eros et agapè (1932), publié en France après-guerre, qui exerça une profonde influence dans les milieux philosophiques et ecclésiaux. Durcissant leur différence, Anders Nygren, théologien luthérien suédois, y faisait de la confrontation entre éros et agapè la clé de lecture de l'histoire occidentale de l'amour, opposant une vision grecque de l'amour, possessive et égocentrique, à une version chrétienne, oblative et désintéressée.
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Eros : divinité grecque, Eros désigne le désir amoureux, désir ardent d'union avec un autre singulier et déterminé. Dans la littérature grecque, Eros est tantôt une puissance inquiétante, qui trouble la raison, paralyse la volonté, tantôt un dieu malicieux, qui se plaît au jeu de l'amour, noue les intrigues ou les dénoue...
Philia, souvent traduite par "amitié", évoque un amour éprouvé pour ses semblables, au sein d'une famille ou pour les membres d'une communauté. C'est un sentiment défini par la tendresse, la générosité et la réciprocité. Pour Aristote, "aimer", au sens de philia, "c'est souhaiter pour quelqu'un ce que nous croyons être des biens, pour lui et non pour nous".
Agapè est l'amour consacré à autrui, considéré comme un prochain, à la suite du commandement de l'Evangile : "Tu aimerais le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et avec toutes tes forces et tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Mt 22, 37-40)? L'amour du prochain va au-delà de la demande de réciprocité et entend aimer ceux qui ne pourront rendre cet amour.
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> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html
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Sapin de Noël gourmand, Trocadéro, Paris 2012
Crédits photographiques Jana Hobeika
Pralines au chaudron
Crédits photographiques Jana Hobeika
Vitrine de la pâtisserie "Aux Merveilleux", rue de l'Annonciation, Paris
Crédits photographiques Jana Hobeika
Et d'autres jours...
Crédits photographiques Jana Hobeika
07:37 Publié dans Beaux-Arts, Foi, Les mots français, Peinture, Photographie, Réflexions, philosophie, Trivialités parisiennes, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, etymologie, fragonard, blake, el greco, rubens, marché de noel, noel, pralines, sapin, chaudron, merveilleux, annonciation
samedi, 22 décembre 2012
Le surréaliste prix des zartistes
Animaux, Dali
Source : Madame Figaro supplément au Figaro n°21229 et 212230 des 2 et 3 novembre 2012
"Métropolitain par Marc Lambron - Adjugé !"
La scène est au palais de Tokyo, temple parisien de l'art contemporain. Ce soir, au bénéfice du musée, on procède à la première vente aux enchères de l'immatériel. De quoi s'agit-il ? De vendre non pas des œuvres, mais des moments.
Des artistes et des personnalités ont accepté de se prêter au jeu : ils se transforment en lots humains. Exemple : contre enchère, l'artiste Hiroshi Sugimoto vous convie à prendre un thé japonais et à discuter de Marcel Duchamp dans la salle de thé qu'il a dessinée à New York. Ou bien : Bertrand Lavier, actuellement explosé au Centre Pompidou, vous invite à faire un tour du périphérique dans sa Ferrari.
Une foule dense et amusée se presse autour du commissaire-priseur, Brook Hazelton, un Américain natif de Carmel, Californie, ville dont Clint Eastwood fut le maire. La vente s'ouvre avec le lot Pierre Bergé, qui se transformera en guide de la Fondation Saint-Laurent pour l'heureux enchérisseur. Des mains se lèvent, on renchérit, et le lot part à 3 000 euros. Adjugé !
Ce qui est amusant, mais rude pour l'ego de ces grands narcisses que sont les artistes, c'est que la vente de l'immatériel établit une sorte de cote sauvage. Une promenade au clair de lune sur les canaux vénitiens avec Martin Bethenod, directeur du Palazzo Grassi : 4 500 euros. Une journée filmée vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans l'atelier de Christian Boltanski : 2 500 euros. Une réplique dans le prochain film d'Elie Chouraqui, avec Michel Bouquet, André Dussolier, Michel Galabru, Virginie Ledoyen : 4 000 euros. Un week-end dans la propriété de Wim Delvoye, près de Gand : 5 000 euros. Les lots se succèdent. Le remodelage de soi-même par Jean-Paul Goude part à 3 000 euros. Un cours de dessin avec Fabrice Hyper : 2 000 euros. Un diner iranien concocté par Shirin Neshat : 2 500 euros. Xavier Veilhan vous emmène faire un tour en mer et vous invite à déjeuner dans son atelier : 5 000 euros. Quant à la promenade dans le potager d'Alain Passard, suivie d'une dégustation mitonnée des découvertes du jour, elle atteint 2 500 euros.
Dans toute vente, il y a un moment où les enchères s'affolent. Là, c'est le lot Daniel Firman qui enflamme la salle. Son intitulé ? "Vous avez rêvé d'être un modèle ? Allez plus loin, l'artiste moule votre corps et vous transforme pour l'éternité en une sculpture originale." Enchère finale à 25 000 euros !
J'oserai ajouter que j'étais moi-même l'un des lots de cette vente. Le thème ? "Accompagner Marc Lambron pour un dîner parisien en très bonne compagnie." Curieuse sensation que d'être adjugé sous le marteau d'un commissaire-priseur. Mais, au milieu de la marchandisation lugubre du monde, il est agréable d'être vendu avec humour pour la bonne cause, celle du programme "Young Curators" du palais de Tokyo. Quant à mon prix, il serait indélicat de le mentionner pour la femme exquise qui a eu la gentillesse de l'acquitter.
> Pour d'autres enchères :
Une histoire de célèbres escarpins
http://www.grazia.fr/societe/news/les-escarpins-de-marie-...
Et en voici une qui pourrait avoir chaud aux fesses à force de ne pas avoir froid aux yeux...
(Source : Direct Matin, lundi 26 novembre 2012)
08:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Trivialités parisiennes | Lien permanent | Commentaires (0)