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vendredi, 26 octobre 2012

De l'importance du chauffage

rodin claudel.jpg

 

Extrait du film Camille Claudel, 1988, réalisé par Bruno Nuytten, avec Gérard Depardieu et Isabelle Adjani

 

Auguste Rodin à Camille Claudel : On n'en parle pas, mais c'est très important, le chauffage. Quand j'avais votre âge, j'avais loué une écurie qui me servait d'atelier. Il faisait un froid de canard. Je devais y faire mon premier buste, d'après nature, une femme du monde. Alors comme je n'avais pas le sou, je suis allé chez le cordonnier du coin, chercher plein de vieilles paires de chaussures. Me voilà parti à fourger tout ça dans le poêle pour donner un peu de chaleur, n'est-ce pas. La femme est arrivée, s'est installée. Mais l'odeur, l'odeur ! Elle n'a pas résisté. Elle tourne de l'oeil et hop ! la voilà partie dans les pommes. J'ai eu la frousse de ma vie, j'ai cru qu'elle était morte.

 

 

jeudi, 25 octobre 2012

Considérations sur la ponctuation - Anouilh, Aragon, Cioran, Flaubert, Hugo, de Montherlant, Wilde, Sollers

 

sollers,paradis

azartaz/Flickr

 

Oscar Wilde :

"J'ai travaillé toute la matinée à la lecture des épreuves d'un de mes poèmes et j'ai enlevé une virgule. Cet après-midi, je l'ai remis."

 

Victor Hugo :

"Si vous saviez comme la virgule s'acharne et renaît sous le deleatur !"

 

Emil Michel Cioran :

"Les "vérités", nous ne voulons plus en supporter le poids, ni en être dupes ou complices. Je rêve d'un monde où l'on mourrait pour une virgule."

 

Gustave Flaubert :

"Pour moi, la plus belle fille du monde ne vaut pas une virgule mise à sa place."

 

Charles Dantzig :

"On respire par les yeux ! Nous l'avons tous expérimenté, à lire des livres non ponctués, où notre pauvre œil haletant cherche un point, une virgule, le moindre bout de banc où s'asseoir.

  

Jean Anouilh :

"Nous vivons dans un monde qui a complètement perdu l'usage du point-virgule, nous parlons tous par phrases inachevées, avec trois petits points sous-entendus, parce que nous ne trouvons jamais le mot juste."

 

Henry de Montherlant :

"On reconnaît tout de suite un homme de jugement à l'usage qu'il fait du point et virgule."  

 

Louis Aragon :

"Je demande à ce que mes livres soient critiqués avec la dernière rigueur, par des gens qui s'y connaissent, et qui sachant la grammaire et la logique, chercheront sous le pas de mes virgules les poux de ma pensée dans la tête de mon style."

  

> Pour davantage de citations : http://www.dicocitations.com/citation.php?mot=virgule

 

 ¤     ¤     ¤

 

Extrait de Paradis, 1981, Philippe Sollers, Seuil :  

 

Extrait de la quatrième de couverture :

Pourquoi pas de ponctuation visible ? Parce qu'elle vit profondément à l'intérieur des phrases, plus précise, souple, efficace ; plus légère que la grosse machinerie marchande des points, des virgules, des parenthèses, des guillemets, des tirets. Ici, on ponctue autrement et plus que jamais, à la voix, au souffle, au chiffre, à l'oreille ; on étend le volume de l'éloquence lisible !

Pourquoi pas de blancs, de paragraphes, de chapitres ? Parce que tout se raconte et se rythme à la fois maintenant, non pas dans l'ordre restreint de la vieille logique embrouillée terrestre, mais dans celle, merveilleusement claire et continue, à éclipses, des ondes et des satellites. Autour de quoi ça tourne chez l'être humain ? Des mille et une façons de s'illusionner sur le pouvoir et l'argent du sexe. Salut petite planète roulante et pensante dans sa galaxie de galaxies !

[...]

 

Extrait de l'ouvrage :

voix fleur lumière écho des lumières cascade jetée dans le noir chanvre écorcé filet dès le début c'est perdu plus bas je serrais ses mains fermées de sommeil et le courant s'engorgea redevint starter le fleuve la cité des saules soie d'argent sortie du papier juste lin roseau riz plume coton dans l'écume 325 lumen de lumine en 900 remplacement des monnaies 1294 extension persane après c'est tout droit jusqu'à nos deltas ma fantaisie pour l'instant est de tout arrêter de passer les lignes à la nage brise matin feu lacs miroirs brouillant les feuillages calme d'eau marée on ne sait jamais l'aborder pourtant j'ai commencé je commence je prends la sphère commencée j'en viens j'y revais j'y vais commencement commencé tendu affalé sur elle et tenant ses poings dans mes mains elle dormait sec comme un caillou débranché piqué dans son rêve et moi pensant xanadu voûte caverne mer sans soleil vagin sans retour et jamais atteint jardins ruisseaux sinueux arbres d'encens à clairières quel ravin pour s'y détendre au milieu de la nuit couverte dancing rocks and mazy motion voilà la fontaine limite génitale de l'homme flos florum dôme ensoleillé près des caves de glace comment se nourrir de rosée lactée il est rare de saisir ainsi le saisissement dans l'insaisissable on dirait qu'un muscle s'avertit de laisser filer traînée brune gazeuse fissurée dorée allons allons puisque je vous dis que ça veut pas s'inscrire ils ont cru un moment l'isoler sous forme de poches halo bleuté d'atmosphère énergie éponge de l'anti-cancer yeux gris-bleu matière des matières impossible donc d'arriver comme un fleur et de dire j'y fus j'y étais j'y est je m'y fus j'y serai j'irai bien avant abraham lui-même raconté coupé décompté or c'est pas pour rien cependant que j'ai eu ce rêve en collier touches dentées piochées en faisceau de pinces me sautant au cou pour percer fouiller dégrafer une lutte à mort je vous dis pour me l'enlever la mâchoire c'est sanglant partout ça coule partout c'est drôlement gardé la contrée quant aux autres je les vois brûler non non je ne les vois pas je les pense non je ne les pense pas ça se passe de moi contre moi poussière légère cendreuse légère poussière impalpable détour de poussière et toujours encore et toujours tenus avec ce rictus ils se dressent flammes poussières et flammes poussières faut-il manger ce temps qui s'ébrèche qui s'ampute à brèche faut-il le longer le crever s'y plonger ou s'en détourner en réalité aristote dit que la tragédie remonte aux dithyrambes et la comédie aux chants phalliques mais phallus on l'a dit qu'en 1615 peu employé avant le 19e marrant ça je savais pas que tu comprends je ne peux pas considérer comme libre un être n'ayant pas le désir de trancher en lui les liens du langage voyons entre 13 et 18 ans l'espèce a son inondation génésique d'un côté le foutre de l'autre les règles comme le chuchotent les filles à l'école les garçons aussi ils ont ça on le voir à leurs yeux cernés tu crois moi je crois sacrés mâle et fils pissant dans les bois je passe entre eux inondé spongieux plus loin dans la mousse je file maintenant lavé délavé ouah voyons l'arabe appelle solaires les syllabes linguales dentales les autres lunaires l'expression chinoise lianxie veut dire lier en écrivant en avant l'enfant se débrouille d'abord avec ses accents multiples ou encore dans la flûte le si-bémol est la tonalité des adieux adieu o adieu je veux bien que ce soit en français si c'est vous qui le dites n'affirmons plus qu'il n'y a qu'une sorte de lutte il y en a deux la première sera louée de qui la comprendra l'autre est à condamner autrement dit tout ça est aussi vieux que le monde est ronde donc j'avais immédiatement deviné qu'il y avait une liaison entre ponctuation et procréation d'où leurs résistances clichés ponctuant miché leurs journées à savoir qu'ils n'enregistrent que les points de rencontre avec leur image virgule tiret point virgule conclusion vous me croirez si vous voulez mais ce truc donnait directement sur leur hantise à grossesse genre sésame bloqué en deçà de telle sorte que l'inconscient est bien le non-né hors-né jamais né en priorité caisses retraites tiédeur du voilage hagard en nécécité car si tu amènes ta poudre vivante si tu dis en plus de l'en-plus y a l'en-plus ils crachent individués flanchés cramponnés faisant chut chut en livide si tu nais ils meurent si tu meurs tu nais pas mal d'arrive à ça rien qu'avec des mots sur la page viseur effusé télescope vibrant amusé ça vous racle intestin les poches si je vais vite levé tôt ciel enroulé plié battant brillant du bitant moi j'y comprends rien fait-il foetus fait-elle en outre il faut prendre les phrases en ensembles scenarii couplés abrégés comme des microfilms bourrés de documents de formules imagine un peu le calcul facile à transporter à cacher l'histoire dans une boîte d'allumettes dans les défauts du papier voilà tu développes agrandis ouvres et c'est tout le stock qui saute à la gueule quel progrès violé pour qui veut passer tu comprends je suis devenu les six roues à la fois les grandes explosées les petites sujets en reflet les grandes en perte univers les petites en moi ou les autres on peut définir le réel comme l'intersection des dents poussées des six cercles les grands les petits de nouveau les grands les petits les grands toujours plus grands les petits petits que dit ézéchiel au bord du canal en déportation le vent du nord se lève en tempête la nuée arrive fulgurant son feu chacun va selon l'orientation de ses faces souffle-moi les braises la torche volée comme si une septième roue mais est-ce bien une roue se mouvait au milieu des autres les yeux sur les jantes aïe tous ces yeux qui arrivent dans le bruit des ailes des eaux sous les flots soulèvement par-derrière shaddaï el shaddaï vieux nom de montagne sais-tu ce qu'ils font dans les ténèbres chacun dans sa chambre à images les jours s'approchent ainsi que la parole de toute vision je mettrai leurs voix sur leurs têtes je dirai ce que je dirai nom de dieu et ils auront beau crier contre mon oreille je ne les entendrai pas le futur est là sous mes pas maintenant mes lettres commencent par l'enveloppe on dirait qu'un pouce les efface en montant à plat je connais sur le bout des doigts filés dissipés la disparition prévue de tout l'homme qu'est-ce qui reste à la fin des animaux insensés ayant vaincu l'insensé une simple énergie devenue cadence bref un flamboiement cristallin éclairant le rien me voici contre vos bandelettes [...] il suffit de voir les transformations dans l'obscurité de les halluciner et ensuite de tracer les traits luminés là où la vie palpite voilà ma formule le hasard rend le sens plus profond compter ce qui passe mouvement en avant connaître ce qui vient mouvement arrière ici le sud en haut le vent descend la montagne tous ils s'avancent dans le signe de l'éveilleur il est troué père jade métal froid glace rouge sombre c'est un bon cheval un vieux cheval un cheval maigre un cheval sauvage il est droit il est le dragon le vêtement de dessus la voir le réceptif en revanche est l'égal d'une étoffe un chaudron l'économie un veau une vache un grand char c'est la forme la multitude le tronc ou encore le waker est tonnerre jaune foncé étendue grande rue fils aîné bambou jonc se tenant se fléchant la dose bon et du côté du zodiaque les poissons à sec on entre dans le verseau ère de lucidité d'invention d'ivresse y en a pour 2155 ans quelle barbe j'ai envie de crever ce qui dans la bible se dit maintenant je m'en vais par toutes les voies de la terre ainsi parlent josué david au moment de quitter le cirque en improvisant pour finir sur fond de musique et la maint de l'éternel agitant sur eux leurs cheveux comme moi ici sans rien sans cithare toujours en éveil alignant mes bruits mes replis je sens ma nuit des oreilles je deviens tympan sans répit tout se fait granuleux micro clinamen hurlement de calme sacrée vie poker allons je joue pique ou je coupe cœur cellule à l'occidental avec toute l'histoire sur moi sous moi hors de moi tout à l'heure j'ai rêvé de dico descartes il était tout pâle attentif ergo je lui demande si on pense pendant qu'on dort bonne question il fait l'air malin mais mort ne se doutant pas que l'être est en langues attention au décollage salvagente sotto la poltrona je répète life vest under your seat au fond je suis votre bête de somme théologique si vous m'obligez à marcher au pas je dois avouer que cette page résiste comme toutes les femmes de la planète ne donnant pas au premier venu leurs ruisseaux de lait ou de miel non ça se viole pas non ça se prend pas par surprise non on ne peut pas dire n'importe quoi un bon mouvement reconnaissez que ça n'arrive pas des masses en un siècle et la vie d'un individu c'est vite couru tout le reste est tringlage allusif interdit carabiné scié de l'inceste à savoir de la vraie jouissance au-delà que ceux qui y son m'entendent alors pour oublier ils baisent ou ne baisent pas du pareil au même tricotés triqués harponnés n'ayant connu qu'un bof sous orgasthme après quoi fermeture de la tirelire les privant de lire de tirer je vous donne les deux cas extrêmes de l'humanité il tue son père et sa mère fou furieux il ne tue ni son père ni sa mère débile mental si vous mettez ça au féminin ça donne n'importe comment elle jouit même si elle jouit pas puisque de toute façon elle sait pas je précise qu'il ou elle c'est pas la même chose qu'un homme ou femme au sens des planches anatomiques qui vont être affichées pour la première fois dans les écoles preuve que c'est plus le problème [...]

 

sollers,paradis

Pour agrandir : Sollers - Paradis p13.JPG

 

Extrait de Paradis II, 1986, Philippe Sollers, Coll. Blanche, Gallimard :  

 

soleil voix lumières écho des lumières soleil cœur lumière rouleau des lumières moi dessous dessous maintenant toujours plus dessous par-dessous toujours plus dérobé plus caché de plus en plus replié discret sans cesse en train d'écouter de s'en aller de couler de tourner monter s'imprimer voler soleil cœur point cœur point de cœur passant par le cœur il va falloir rester réveillé maintenant absolument réveillé volonté rentrée répétée le temps de quitter ce cœur simplement le temps qu'il se mette enfin comme il voudra quand il voudra de la dure ou douce façon qu'il voudra bien peu de choses en vérité n'est-ce pas poussière de poussière bien peu très très peu comme on exagère comme on a tendance à grossir tout ça moi-moi-moi en vérité presque rien côtoiement d'illusion couverture du cœur d'illusion aujourd'hui j'écris aujourd'hui et aujourd'hui j'écris le cœur d'aujourd'hui et hier j'écrivais aujourd'hui et demain j'écrirais aujourd'hui c'est vraiment aujourd'hui et rien qu'aujourd'hui on devrait l'écrire aujournuit différente manière d'être à jour en suivant ses nuits dans la nuit salle de séjour noire bleue blanche j'attends le vide à sa tranche qu'il décide ou non de bouger de claquer si je reste comme ça réveillé le coup va venir c'est fini le coup va revenir cette fois vraiment c'est fini un deux trois pas tout à fait trois et de nouveau un deux et puis trois on est au cœur du cœur maintenant dans le cœur du cœur battant se taisant c'est lui qui creuse c'est lui qui poursuit c'est lui qui sait ce qu'il faut savoir pour continuer dans la nuit on n'ira jamais assez vite pour coïncider avec lui pour rejoindre son instinct fibré sa folie un muscle dites-vous seulement un muscle au fond d'après vous soleil cœur voix cœur germe en lui de lui tout en lui voilà le vent s'est levé de nouveau maintenant et je suis là de nouveau comme écrivant le temps de nouveau comme si le temps pouvait n'être rien d'autre que des lignes recoupant des lignes à la ligne là comme au bout du monde ne tenant plus que par un bout de bord à ce monde droites diagonales angles cadrans demi-cercles rayons revenant au centre cours des astres reflétés comme ça par le centre danse en cours avec moi reflet du danseur dans la nuit moi spectre et moi poison d'ombre moi squelette abstrait mangé par son ombre pas tout à fait cependant pas encore tout à fait déclic sursaut nerfs juste assez pour tracer conduit ce qui suit voilà on y va le concerte reprend sa cadence joie joie voilà c'est reparti ça se suit en effet un important groupe de taches s'étendant sur près de 300 000 kilomètres se déplace en direction du centre du disque solaire selon un observatoire de thénanie-westphalie elles devraient l'atteindre le 8 ou le 9 avril et ce phénomène qui pourrait perturber l'atmosphère terrestre est une des conséquences de la formidable activité que le soleil connaîtra au cours de l'année elle entraînera cette activité un comble de nervosité d'inexplicables fatigues des dissolutions dépressions décompositions des morts anticipées convoitées brusquées un supplément de crime de frime des séparations guerres convulsions récriminations falsifications dissimulations leucémisations cancérisations expulsions bref un état général de crible agité en noeud du tissu rongé des ponctions une frénésie négation des apoplexies pleins poumons des attaques et contre-attaques rupture de vaisseaux inondation des cervons disjonction des systèmes nervons déhanchements fanatiques rafales d'antibiotiques et puis faim et soif et bile et surtout faim et soif à partir du foie dans sa bile matriciation omnibile dans sa tellurique omnubilation que doit faire le narrateur  [...] je l'aurai attendu longtemps ma vision soufflée en ce monde moment soulevant mon exode à froid dans la monde j'aurai été patient finalement dans ce corps fragment de boue du monde bouée amarrée flottée ballottée respirant bloquée tourniquet voyons ça maintenant que les choses sont devenues sérieuses furieuses voyons ça d'un peu près avant de quitter crevé le procès les mondes enfin ce qu'on est obligé d'appeler comma ça dans les mondes sont donc au féminin c'est la monde absolument intrinsèquement goulûment obséquieusement funéraillement variqueusement platement et secrètement ravalant l'épargne de son logement l'ammonde c'est le dieu des dieux moulé monde la seule vraie valeur en ce monde c'est-à-dire le faux né du faux enclenchant le faux dans le faux mécaniquement machinalement règlement faux d'emblée faux chiffré faux dissimulé contracté plaqué supposé automatisé soudé obturé jalousement suturé passionnellement camouflé la monde c'est la vérité refermée ventre chaud gelé dans sa tombe faux-jour du faux ciel faux parcours nature sous le ciel et l'ammonde se tient sur la monde avec son faux soleil revenant chaque jour pressant son nouveau soleil faux soleil sa faux décapitant l'hors-soleil pour reprendre en main le soleil et la monde se sent bien comme ça [...]

 

sollers,paradis

Pour agrandir : Sollers - Paradis II p10.JPG

 

 [...] personne n'a osé montrer à quel point nous respirons rien dans le rien colères justifications pleurs souffrances adieu romances adieu cadences adieu adieu talkie-walkie déjà-dit adieu l'ardent sanglot qui roule d'âge en âge et vient mourir au bord de l'immense truquage adieu plumages ramages modelages massages baisages adieu visages adieu collages attention par de bruit on va de nouveau tenter la sortie premier acte tête en avant dans la tête et puis retrait descendant vers le cœur point de cœur passant par le cœur deuxième acte arrêt des poumons envoi de la prespiration dans le noeud nerveux des talons troisième acte retour au cerveau images pensées mots ébauches de mots vidéo quatrième acte ventre sexe et dessous du cul dans son sexe remontée méningée vers le cervelet bulbé d'illustré cinquième acte suspens ralentissement réfraction du sang dans le sang plaine fraîche courant dans les veines sixième acte rentrée des antennes septième acte plongée ouf ça y est je suis passé j'ai gagné mais quoi même pas un cent millième de seconde intervalle en tampe du sans-temps fraction brisée sans mesure évanouissement sous piqûre j'ai affaire à de drôles de chiffres maintenant effrités mangés mal notés difficiles atomes invisibles impossibles à imprimer à classer même si j'arrive à tenir la nuit quand je tombe en elle endormi comme si je devenais le carbone où se double en creux le récit je ne sais plus qui se suis je ne sais plus où je suis je ne l'ai jamais su j'ai toujours fait semblant j'ai perdu ils l'ont deviné pour finir que je n'étais pas dans leur trame dans leur transmission mélodrame dans leur romantisme à la gamme triple croches soupirs lunés révolus je n'y crois pas que voulez-vous qu'est-ce que j'y peux je n'y crois pas je n'y ai jamais cru je n'ai jamais pu jouer à leur jeu glorification de la merde en nécessité nature dieu planification d'épluchures logification de l'ordure dissimulation du cadavre aux nouveaux venus dans l'obtus ils arrivent ils ne sont pas prévenus ils tombent dans l'assemblée criminelle bien décidée à se venger sur eux à se rattraper sur eux de leur pus voilà ils font leur entrée dans les usa les utérus sataniques associés avant d'être pris en charge par l'urss l'utérus roulant socialoïdement stimulé ils sont immédiatement enregistrés numérotés contaminés tatoués bridés traumatiquement initiés magnétiquement conforéms électriquement inscrits à l'ursas union de ravalement symbolique animiquement subluné donc salaire retraite assurée apprentissage du mini gigotage rechargeant le nerf de l'effet à partir de là distribution des traits personnalisés indices de perversions de névroses tickets de débilités de psychoses répartition des quotients sexuels nécessaires à la rutilation de la pile centrale entassées tout est prévu chacun a ses illusions son menu ses zones permises ses périphéries défendues chacun et chacune n'oublions pas les chacunes apparemment dominées par les chacuns masculins mais en réalité solidement à la barre de la grande lacune en sous-main ce qui fait que les chacuns féminins surveillent les chacunes à chacun [...] maintenant et encore ici maintenant je n'avance plus je ne m'entends plus je ne comprends plus je ne me sens plus c'est vécu tout ça maintenant ici maintenant c'est connu déjà vu déjà parcouru et pourtant ça tourne et ça continue toujours ici maintenant sans tenir compte des dépenses de lignes ou d'argent répétant l'ici maintenant comme ça pour rien dans une fuite sur place d'harmonie fugue trace qu'est-ce qu'on est loin maintenant moi et moi ici maintenant moi et ma main moi et mes yeux ouverts et ma main devant moi pendant que mon autre main maintient le papier dans la direction d'ici maintenant toujours maintenant folie vrillée délire tempéré tempête figée du clavier ce n'est plus le corps masse volume qui écoute la partition venant de droite ou de gauche mais la clé la clave l'échelle cave lignes portées noires sonores pointillées crevées recevant en elles ce corps abrégé l'allégeant le retournant transparent l'enveloppant dans l'ici maintenant veillant résonnant pinçant chevauchant s'ouvrant voilà ça y est de nouveau dans le spectres en vérité sensation à vif de nouveau seule vérité trempée tympan du temps ici maintenant et j'écris là ici maintenant toute la nuit maintenant et le vent souffle dans les vitres de la nuit montante violente tordant les branches dehors et giflant l'eau qui remonte dehors à travers les herbes et les pierres envahissant de nouveau les canaux de pierres mangées d'herbes toute la nuit dans le clavecin ici maintenant dans sa volonté frêle inflexible algébrique violette ascétique comme si le squelette de touts les éléments s'entendait ici maintenant canon du temps se chiffrant se clavant se claviculant résurrection dans la plaine soufrée du temps maintenant pleine lune d'argent sur la droite et ici maintenant souffle sur les os du temps maintenant pendant que l'eau noire progresse avec la nuit noire se levant à la verticale de l'océan pour y retomber demain matin ici maintenant quand le bleu reviendra dans le soleil ici maintenant et toujours le même vent peu à peu visible sans que cesse pour autant l'impression de clou d'ici maintenant perçant la situation comme frappée d'une vie et d'une mort éternelles simultanées emboîtées s'engendrant et se détruisant pour donner cette annulation de lucidité soulignée parfois par une accalmie une pause solennelle de la machinerie un blanc de mouvement tao central éclairé vidé avec ses cris d'oiseaux saisis d'une ivresse incompréhensible célébrant ou commémorant de tous temps ce passage à vide de la nature débranchée de la substance épuisée lui donc là fou caché peut-être simplement ridicule obstiné buté acharné poursuivant son récit accroché à ses petits signes à son sillage bleuté intra-signes fugue en fa dièse majeur prélude et fugue en fa dièse mineur prélude et fugue en sol majeur prélude et fugue en sol mineur prélude et fugue en la bémol majeur prélude en sol dièse mineur fugue en sol dièse mineur prélude et fugue en la majeur prélude et fugue en la mineur prélude et fugue en si bémol majeur prélude et fugue en si bémol mineur prélude et fuugue en si majeur prélude et fugue en si mineur prélude ici mineur en fugue maintenant majeure d'abord exposition définition délimitation des conditions de la chute condamnation damnation puis extension spiralation explosion de la réanimation rédemption les mêmes mots pour descendre et pour remonter pour se plaindre et pour protester pour gémir et pour adorer pour blasphémer pour louer combien de fois n'a-t-il pas pensé en finir abandonner le projet se retirer se taire couper les ponts les communications les informations disparaîtront dans son coin attendre [...]

 

  

sollers, paradisSe procurer l'ouvrage :

Paradis

Philippe Sollers

1981

Seuil

254 pages

http://www.amazon.fr/Paradis-Philippe-Sollers/dp/20200572...

  

sollers,paradisSe procurer l'ouvrage :

Paradis II

Philippe Sollers

1986

Coll Blanche, Gallimard

114 pages

http://www.amazon.fr/Paradis-2-Philippe-Sollers/dp/207070...

  

mercredi, 24 octobre 2012

Etymologie - Ruer dans les brancards

 

ruer dans les brancards.jpg
Source : Direct Matin, vendredi 12 octobre 2012

 

*

> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html

 

mardi, 23 octobre 2012

Travelling avant - Simon De La Brosse, Thierry Frémont (suite et bonus)

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Film : Travelling avant (1987, durée 1h54)

Réalisateur : Jean-Charles Tacchella

Musique : Raymond Alessandrini

Nino (Thierry Frémont), Barbara (Ann Gisel Glass), Donald (Simon de La Brosse), Angèle (Sophie Minet)

Janine (Laurence Côte), Gilles (Luc Lavandier), Vicky (Nathalie Mann), Roger (Jacques Serres), Wanda (Alix de Konopka), Le sosie de Julien Duvivier (Philippe Laudenbach), Le propriétaire du cinéma (Jean-Michel Molé), la mère de Donald (Catherine Hubeau)

 

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Barbara : Tu parlais de Charlot l'autre jour, tu lui ressembles, dans La ruée vers l'or.

Nino : Bois encore un peu. L'alcool ça réchauffe... Raconte-moi, avant de connaître Henri, t'allais quand même au cinéma ?

Barbara : Bien sûr, mais je m'intéressais qu'à l'histoire. Avec Henri, j'ai découvert Flaherty, Jean Vigo. Henri savait bien faire la différence entre un scénario et une mise en scène.

Nino : Tu sais, la mise en scène, c'est tout ce qu'on apporte ou retranche au scénario.

Barbara : C'est drôle, Henri disait la même chose... Si tu avais une caméra, là, maintenant, comment tu nous filmerais ?

Nino : Pour savoir où il doit placer sa caméra, le metteur en scène a besoin de connaître les intentions de ses personnages. Or je ne connais pas les tiennes. Et puis quant à moi, je ne sais même pas si j'en ai.

Barbara : En tout cas, les plus belles scènes d'amour, c'est quand les acteurs parlent d'autre chose mais ne pensent qu'à ça.

Nino : Ca risque pas de nous arriver. Fait trop froid.

Barbara : Il y a des couvertures dans le placard, vas les chercher.

Nino : On ferait mieux de s'enfouir sous les draps avec les couvertures par-dessus.

 

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Nino : A quoi tu penses vraiment depuis cinq minutes ?

Barbara : Ca doit être l'alcool mais j'ai envie de faire l'amour.

Nino : Moi aussi.

Barbara : Commence par ôter tes vêtements.

Nino : Si tu ôtes les tiens. Qu'est-ce qui t'a décidée ?

Barbara : Discute pas.

[...]

Barbara : Surtout pas un mot à Donald.

Nino : T'inquiète pas, j'ai le sens de l'amitié. C'est Henri ? (sur une photo)

Barbara : Je lui dis bonjour en me levant le matin.

Nino : T'es complètement folle, je vais la déchirer ? Hé-hé-hé, ça va pas ?

Barbara : Pauvre type, hein ! Jaloux d'un mort ! Henri, c'était un mec. Pas comme toi.

Nino : Forcément, les morts ça baise toujours mieux.

 

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Donald : Un métier, ça s'apprend seul ou avec les autres. Moi j'apprends avec les autres.

Nino : Un artiste, c'est solitaire.

 

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Donald : Vous devez me trouver idiot de vous avoir invitée au restaurant.

Vicky : Pas du tout, j'adore qu'on me fasse la cour.

Donald : C'est parfait, ça.

 

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Barbara : Je vous attendais.

Donald : Quelque chose d'urgent ?

Barbara : Oui, toi. 

 

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Donald : J'suis heureux, j'suis libre. Toi aussi.

Barbara : Un jour, tu m'as dis "un cinéaste n'a pas le droit de mentir".

Donald : Pour être un créateur, faut être plein de contradictions. Goethe.

Barbara : Superficiel à ce point, jamais vu.

Donald : Quel compliment. La légèreté. Bonjour Sacha Guitry, au revoir Madame !

 

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Nino : Vingt minutes avant, on devrait déjà avoir des spectateurs...

 

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Nino : Ne vous attendez pas à ce qu'on vous explique les films avant la projection en gênant le spectateur par des commentaires. L'important c'est qu'il puisse voir le film et qu'il en tire après lui-même des conclusions. Hein, alors bon, voilà. On va commencer par Laurel et Hardy, deux génies. Bonsoir.

 

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Nino : Tu te comportes comme un salaud avec Barbara.

Donald : Au contraire, je lui apprends à me détester peu à peu.

 

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Donald : Les femmes, ce n'est pas le nécessaire qu'elles veulent, c'est le dérangement.

 

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Barbara à Donald : Je ne serai jamais une salope, ça t'ennuie ?

 

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Nino à Donald : Tu sais ce que dit Jean Giono ? Les femmes, c'est pas le nécessaire qu'elles veulent, c'est le dérangement.

 

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En bonus, les images du générique de début.

 

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lundi, 22 octobre 2012

Travelling avant - Simon De La Brosse, Thierry Frémont

travelling avant.jpg

 

Film : Travelling avant (1987, durée 1h54)

Réalisateur : Jean-Charles Tacchella

Musique : Raymond Alessandrini

Nino (Thierry Frémont), Barbara (Ann Gisel Glass), Donald (Simon de La Brosse), Angèle (Sophie Minet)

Janine (Laurence Côte), Gilles (Luc Lavandier), Vicky (Nathalie Mann), Roger (Jacques Serres), Wanda (Alix de Konopka), Le sosie de Julien Duvivier (Philippe Laudenbach), Le propriétaire du cinéma (Jean-Michel Molé), la mère de Donald (Catherine Hubeau)

 

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Voix-off : Il était arrivé à Paris cinq mois plus tôt parce qu'à Paris, on peut voir plus de films qu'ailleurs. Nino et Donald avaient fait connaissance dans un ciné club en banlieue.

Donald : Bravo, hein ! Qu'est-ce que vous avez pensé du film ?

Nino : C'est la deuxième fois que je le vois.

Donald : Moi, la quatrième. J'aime ce film. Mais il correspond pas à ma conception de la mise en scène.

Nino : Mais alors, pourquoi vous avez applaudi ?

Donald : Pour le personnage principal. Je voudrais lui ressembler, moi. S'amuser, rater sa vie, devenir un gigolo... et réussir sa mort.

Nino : Et comment sait-on qu'on a réussi sa mort ? 

 

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Nino : Votre conception de la mise en scène ?

Donald : Une action, une morale, un jugement. Citizen Kane, Hitchcock, Murnau, Preston Sturges.

Nino : J'm'appelle Nino.

Donald : Moi, c'est Donald. Vous habitez Colombes ?

Nino : Non, Paris.

Donald : Moi aussi. On va à la gare ?

Nino : Ah non, non, moi j'rentre à pied parce que j'ai plus de sous.

Donald : A pied ? J'vous paie votre billet.

 

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Donald : Moi, le cinéaste que j'admire le plus, c'est Orson Welles.

Nino : Ah benh moi aussi.

Donald : Faire un premier film à vingt-cinq ans...

Nino : Ouais.

Donald : Quel exemple !

Nino : Tout à fait, oui.

Donald : Tenez, regardez là.

Nino : Quel beau plan !

Voix off : Ils prirent l'habitude de se voir tous les matins. Dès l'ouverture des permanences, ils ne se quittaient plus.

 

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Nino : Hé, Donald, faisons un serment ! Celui de nous entr'aider, quoi qu'il arrive ! 

Donald : Aujourd'hui, 8 octobre 1948, je jure d'enfoncer le plus vite possible les portes du cinéma et d'en faire profiter mon ami Nino ! Je l'jure !

Nino : Moi aussi ! Ils ont qu'à bien s'tenir.

 

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Nino : Demain, on a six films à voir.

Donald : Faut pas rater Les trois lumières de Fritz Lang.

 

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Donald : Vous aimez les films noirs ? Vous avez vu Barbara Stanwyck dans Assurance sur la mort ?

Barbara : J'm'appelle Barbara à cause d'elle.

Donald : Pourquoi pas écrire un essai sur les films noirs ? Le premier en son genre, complètement exhaustif !

Nino : Nous avec les filles, c'est simple. Si elles peuvent pas nous citer deux titres des films de Griffith, on leur parle même pas.

Barbara : Intolérance, Le lys brisé.

Donald : Et si j'vous dis Flaherty ?

Barbara : Nanouk, L'homme d'Aran.

Donald : Vous allez dans quel ciné club ?

Barbara : J'y allais.

Nino : Vous y allez plus ? Pourquoi ?

Barbara : Y'a pas que le cinéma dans la vie.

Donald : On se revoit quand ?

Barbara : Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment d'un aussi grand amour.

  

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Donald en voix off : Dans un film américain, elle serait sortie de la salle de bain toute habillée...

 

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... et dans un film français...

 

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...  

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Elle : Tiens, attache-moi.

 

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Barbara : Emmenez-moi au restaurant, comme Spencer Tracy. Au moment de l'addition, on dira qu'on n'a pas un sou. Vous ferez un discours contre les profiteurs. Et ils nous mettront dehors pour ne pas effaroucher les clients. On y va ?

Nino : Spencer Tracy avait un smocking, hein ? Nous, ils nous serviront même pas.

Barbara : Essayons. Moi j'aime les garçons qui font c'que les autres font pas.

 

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Nino : Mince alors... Les Vampires, Feuillade... Le Corbeau de Clouzot... L'Assassinat du père Noël... Hé ho ! Mais où t'as eu tout ça ?

Barbara : On les a fauchés avec un ami.

Nino : Mais où ça ?

Barbara : Dans une vieille usine où ils les mettent avant de les détruire.

 

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Barbara : J'te préviens. N'essaie me de venir dans mon lit. J'sais m'défendre.

Nino : Oh t'inquiète pas. J'fais l'amour qu'avec des putes. Quand je reçois l'argent de ma mère, j'men tape une ou deux. Les filles normales, j'sais à quoi m'en tenir. J'ai lu Montherlant. Allez, bonne nuit.

 

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Donald : Il y a une chose qui nous sépare, toi et moi. C'est que moi, j'suis aussi heureux quand je couche avec une fille que quand j'vois un bon film.

Nino : C'est ça. En attendant, avant hier, tu as loupé Le Vampire de Dreyer.

Donald : J'veux emmagasiner, moi. Comme ça, si un jour j'deviens metteur en scène, j'aurais quelque chose à restituer sur la pellicule. Renoir a fait la guerre de quatorze, ça l'a aidé pour tourner La Grande illusion.

Nino : Mais c'est grotesque, enfin. De Sica n'a pas eu besoin d'être chômeur pour faire Le Voleur de bicyclette... Dis donc, tu peux me prêter dix mille balles ? 

 

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Donald : S'il était là, Lubitsch filmerait les assiettes. Rien qu'en voyant les restes dans chaque assiette, on comprendrait qui est amoureux de qui. Et quel est le personnage qui doit foutre le camp.

Nino : On a encore le temps d'aller à la séance de minuit là. A côté, ils passent L'emprise du crime.

Barbara : Moi, j'me couche.

Nino : Ecoute, c'est un film sur l'amour fou.

Donald : Moi, j'reste avec Barbara.

Nino : Oh benh non alors, si vous venez pas...

 

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Barbara : J'adore ton nez.

Donald : C'est ça qu'on reproche aux filles. Ne jamais voir ce qu'il y a à l'intérieur.

Barbara : Si tu me trouvais moche, tu m'aimerais quand même ?

Donald : Bien sûr. Ca a rien à voir. Les grands personnages sont ceux qui font sur l'écran ce que nous ne faisons pas dans la vie. Qui aurait idée d'aimer une fille affreuse ? Personne. Sauf un héro.

Barbara : Embrasse-moi.

Donald : N'oublie pas, entre nous, tout est différent, rien comme les autres. N'oublie pas. Je suis pas n'importe qui.

Barbara : Tu parles toujours autant avant de faire l'amour ?

Donald : Non, aujourd'hui c'est exceptionnel.

 

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Donald : Tu te souviens des rapports de Bogart et Bacall dans Le port de l'angoisse ?

Barbara : Quelqu'un a-t-il une allumette ?

Donald : J'aimerais que toi et moi on ait les même rapports. Chez Hawks les femmes sont des hommes, tout comme les hommes. 

Barbara : Si t'as besoin de quelque chose, siffle-moi.

 

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Nino : Comment tu t'appelles ?

Une prostituée : On m'appelle Olympe.

Nino : Oh, avant guerre, il y avait une actrice américaine d'origine française qui s'appelait Olympe. Olympe Bradna.

La prostituée : Connais pas.

Nino : Tu... tu vas souvent au cinéma ?

La prostituée : Après midi, ça m'repose les jambes.

Nino : J'ai quelques p'tites questions à te poser. Tu m'répondras franchement ?

La prostituée : Oui, mon chéri.

Nino : Quels sont les films sur la prostitution qui te semblent les plus justes ? Tu as vu Les Abandonnées avec Dolores del Rio ?

La prostituée : Déshabille-toi, mon chou.

Nino : Et Anna Magnani dans Le Bandit, ça c'était réussi, non ?

La prostituée : Oui, elle était très bien.

Nino : Et Simone Signoret dans Dédé d'Anvers ?

La prostituée : C'était réussi.

Nino : Tu sais, Olympe, moi j'ai une théorie là-dessus. C'est qu'il y a que les Suédois et les Argentins qui savent bien parler du sexe à l'écran.

La prostituée : Moi, mon acteur préféré, c'est Fernandel, je n'aime que les films comiques. Ote ton pantalon, mon lapin.

 

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Nino : Quand même, c'est vraiment dégueulasse que Stroheim puisse plus tourner comme metteur en scène.

Donald : Il faisait perdre de l'argent à ses producteurs.

Nino : Et c'est une bonne raison, ça, tu trouves ?

Donald : Oui.

Nino : Tu rigoles ?

Donald : Non.

 

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Donald : J'aime beaucoup vos films, je voudrais être votre stagiaire, j'suis prêt à balayer le plateau, m'sieur Duvivier !

Le sosie de Julien Duvivier : Je ne suis pas Julien Duvivier. Duvivier est dans la voiture là-devant qui vient de partir.

 

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Nino : Depuis des mois on en rêve, de ce ciné club ! Peut-être pas toi, mais moi j'en rêve ! Ca te réussit pas d'être amoureux.

Donald : J'ai presque vingt ans. Orson Welles en avait vingt-cinq quand il a fait Citizen Kane, il me reste cinq ans !

Nino : Mais mon pauvre ami, n'est pas Welles qui veut.

Donald : Ca signifie, ça ?

Nino : Ca signifie que j't'emmerde !

Donald : Moi aussi !!

Nino : Eh benh voilà !

Donald : J'en ai marre de toi !!

Nino : Eh benh moi aussi, j'en ai marre de toi ! J'me barre.

Donald : Mais non, fais pas ça.

Barbara : Salut les génies, faites votre tambouille vous-mêmes.

 

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Janine : Alors il faut que je vienne te relancer chez toi ? Mais ça fait trois jours qu'on s'est pas vus ! Et pourtant on a changé de programme. Mais tu ne m'aimes pas !

Nino : Mais si.

Janine : T'as pas trouvé l'fric pour le ciné club alors t'as plus besoin d'moi. J'te déteste ! T'es un salaud ! Me touche pas !! Mais tu comprends pas que je t'aime !? Que j't'aime ! Mais que j't'aime ! Que j't'aime... J'te demande pardon.

Nino : J't'accompagne au métro... Tu connais les films de Franck Borzage ? C'est le metteur en scène qui a le mieux décrit les couples qui s'aiment. Eh benh toi et moi, on est un couple de Borzage.

Janine : Ah oui ?

Nino : Ouais. Tu vois, les couples de Borsage s'aiment tellement que le temps peut rien contre eux. Par exemple, ils se donnent rendez-vous dans deux mois sous une horloge, eh benh pendant deux mois ils s'voient pas, s'écrivent pas, rien, rien. Puis deux mois après, benh ils sont là, l'un et l'autre, sous l'horloge.

Janine : Tu dis ça pour qu'on se revoit plus.

Nino : Mais pas du tout, Janine. Réfléchis. Si dans deux mois, notre amour est plus fort que tout, plus fort que l'oubli, ce sera merveilleux, non ? Rendez-vous dans deux mois, le vingt-et-un à minuit, devant ton cinéma à la sortie de la dernière séance. 

Janine : Deux mois, c'est loin.

Nino : Mais non, Janine. On doit se montrer forts toi et moi. Allez, monte l'escalier, te retourne pas.

 

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Donald : Je vais partir en Angleterre. Ca t'ennuie que je m'en aille ?...  J'essaie de t'apprendre la liberté. Pense à Hawks, les femmes sont des hommes.

Barbara : N'empêche que Bacall, elle a du mal à se passe de Bogart.

Donald : Mais j'suis pas Bogart, ma chérie. N'exagère pas quand même.

 

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Donald : D'accord ? Tu t'installes ici ?

Nino : T'es vraiment gonflé, toi. J'ai pas envie de coucher là, moi. Elle est chiante, Barabara, franchement. Puis elle se lève la nuit pour bouffer des sardines.  

Donald : Veille sur elle. Elle tourne pas rond en ce moment.

 

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Voix off : Dans les dix premiers jours du mois de mars, Nino réussit à voir quarante et un films, son record. Il commença à écrire une étude comparative des œuvres de René Clair et de Jean Renoir. Il habitait de nouveau chez Barbara. Il ne rentrait que la nuit, très tard, pour dormir.

 

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Donald, au téléphone de Londres : Tu vois, j'ai beau faire la cour à toutes les filles que j'rencontre, j'pense à toi. Alors t'as trouvé un beau garçon pour me remplacer ? 

Barbara : Pas encore.

Donald : Ca viendra, faut pas désespérer.

 

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Voix off au ciné club : Eternellement diverses, éternellement semblables, toutes les femmes aiment les plaisirs du soir et les parures nouvelles.

 

à suivre...

dimanche, 21 octobre 2012

Considérations sur l'intelligence - Père Antoine-Louis de Laigue

 

Père Antoine-Louis de Laigue
Père Antoine-Louis de Laigue

 

Extrait de l'article "Nécessaire intelligence", in La revue Passy Notre-Dame, octobre 2012, père Antoine-Louis de Laigue :

 

D'où vient l'idée qu'il est inutile, voire dangereux, d'exercer son intelligence dans le domaine de la foi ? La foi relèverait du sentiment individuel, et appartiendrait plus au domaine de l'irrationnel que du rationnel. Moyennant quoi, chez la plupart de nos contemporains, on observe un écart conséquent entre culture profane et culture religieuse. Dès lors, la foi est vite affaiblie et le croyant se trouve un peu démuni pour répondre à des questions ou à des objections, qui lui viennent d'autrui ou de lui-même.

Bien sûr, la foi ne naît pas de l'intelligence, puisqu'elle est don de Dieu. Mais elle ouvre l'intelligence au mystère de Dieu et permet une réponse libre qui engage la personne tout entière. Il est bon que l'homme sache quel est celui en qui il met sa foi. On comprend mal pourquoi l'homme devrait vérifier les choses essentielles de son existence pour ne pas s'engager à la légère envers quiconque, tandis que ce qui relève de la foi serait livré à l'arbitraire de chacun ou n'entraînerait aucune conséquence réelle. Il n'est pas indifférent de croire en Jésus de Nazareth ou de croire à une énergie cosmique.

L'adage de saint Augustin exprime bien la place de l'intelligence dans l'ordre de la foi : Crede ut intelligas (crois pour comprendre). Intellige ut credas (comprends pour croire).

Ce double mouvement permet de grandis dans la foi, parce que l'Esprit Saint vient ainsi éclairer l'intelligence qui cherche droitement. Mieux comprendre est alors mieux connaître, mieux connaître Dieu de telle sorte que je puisse mieux lui répondre, mieux l'aimer, mieux le servir.

C'est pourquoi il est si important de ne pas laisser notre intelligence à l'écart de la vie dans la foi. Sans oublier qu'il est probable qu'il me faille rendre compte de ma foi à ceux qui m'interrogeront.

L'intelligence est une passerelle entre les êtres humains, c'est par elle qu'ils entrent en relation et peuvent se communiquer les biens essentiels.

Sans doute est-il inutile de parler de Dieu à tout bout de champ, mais il ne faut pas se dérober lorsque quelqu'un interroge. L'ouverture de l'intelligence est une condition pour que la rencontre avec Dieu puisse s'opérer et se déployer. 

 

samedi, 20 octobre 2012

Considérations sur l'intelligence et la volonté - Albert Chapelle

 

albert chapelle, anthropologie
Albert Chapelle (1929-2003)

 

Extrait d'Anthropologie, 1998, Albert Chapelle, Institut d'études théologiques de Bruxelles :

 

L'intelligence est faculté du sens ; la volonté, faculté de la fin.

L'intelligence dégage des harmoniques, la cohérence, la cohésion, la concordance, la vérité ; la volonté est adhésion, consentement, mouvement vers la perfection, vers la fin.

L'intelligence reconnaît le vrai ; la volonté se porte vers le bien. Dans l'intelligence, l'esprit se trouve convoqué ; par la volonté, il répond à ce que la raison lui présente comme vrai.

Ce que la raison reconnaît comme vrai, la volonté peut y adhérer comme à son bien.

 

> A consulter également http://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Chapelle

 

albert chapelle, anthropologieSe procurer l'ouvrage :

Anthropologie

Albert Chapelle

1998, 2007

Institut d'études théologiques de Bruxelles

282 pages

http://www.amazon.fr/Anthropologie-Albert-Chapelle/dp/287...