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jeudi, 06 novembre 2014

Michel H

 

la lune dans le caniveauu.jpg
Image du film "La lune dans le caniveau", Beneix

 

Extrait d' "Age tendre et têtes de noeud", Michel Hoëllard, le 15 septembre 2010, Stalker :

 

Source et pour le texte intégral : http://www.juanasensio.com/archive/2010/09/14/age-tendre-et-tetes-de-noeud-par-michel-hoellard1.html

[...]

Le suicidé est un mortel
Sociétal ; l’homosexuel
En est un autre ; le suici-
-dé est donc homo. Voilà du
«Supplément de sens» u-
Nique et facilement dandy !
Sûr que l’inverse marche moins.
Mais l’inverse… trop cornélien.

C'est vrai quoi : contempler
Incognito son propre mât à la remonte
En se demandant avec honte
Quel en sera le fier destin
Rappelle quand même un
Crime qu’il faut dûment châtier !
Même si le plaisir marin mariant
L’intime à l’équivoque ne va guère
Dans le sens de cet Âge du Fier
Qu’on nous chante continûment.

Passé ce Styx donc, des vigiles
Es zigounette y flairent, subtils
Sondages à l'appui, la frime contre
L’humanité qui justifiera post-mortem
La pauvre et belle malencontre
D’un cadavre avec son diadème.

Ils le contraignent donc en fonction
D’exhiber son vrai de vrai nom,
Sa singulière identité
Heureusement réhabilitée
Vers un tas d’amants de la lune
Guère plus morts qu’ils n’ont vécu
Et changeant de fosse commune
Sur la parole de faux-culs.

Là, pour une fois qu’un vilain mot
Tombe parfaitement à propos,
J’ose dire qu’instrumentaliser
Une zigounette qu’a pas cru
Bon de faire ce coming out
Dont les bigots épouvantés
Font leur beurre entre deux bouchées
Dans des raouts
Cher payés
Pour de vieux jus,
Est un procédé de crapules,
De dégoûtants glands sans scrupules.
Plus un recyclage de faussaires
Qu’une résurrection de la chair
Ou tiens : «révision», mieux à même
De décrire ces faces de Carême…

Que seraient en effet convenables
Ces sous-envies tendues de justice,
Ces introspections orientables,
Cette société pique-pubis,
L’indifférence de ladite,
Dieu et consorts,
Ce dérobé décor
Privé si, en rébellion,
(…genre de bite…),
D’aucuns n’écrasaient leur talion
Sur, même morte, une charmante
Frimousse plus jamais amante ?

…Toi, tu rêvais, ta moue bébête
Elle était plate – une raquette –
Et tu trouvais rien, t’étais bête
Et trop miché pour faire poète
Car oui, ô Narcisse en ta raie,
Ton zizi il est pas qu'à toi.
Non, non, trésor, ça serait niais.
D’aucuns jurent même sans émoi
Que ta bite par définition,
Est citoyenne à l'unisson,
Affaire éminemment publique,
Et sujette à leur diagnostic.

Quel fabuleux feu de bois dites,
Quel bienveillant satisfecit,
Quelle charge certaine et claquante
Et aucunement provocante.
Ce gars en interro de zob,
Il était pas encore homo.
Maintenant qu’il est mort zéro,
Ils vont se le décliner, snobs,
Et nous faire accroire qu’il l’était
Par définition … au rabais.

Y a-t-il jamais feu sans fumette…
(Suicidez-vous pas les bébés,
Droit à leurs méga-teufs courez,
Leurs Love-parades, leurs afters fun
Et la preuve : il y a plein de jeunes ! )
…Ou du Jéricho sans trompette ?

Hilfe ! Help ! Monsieur Genet,
T'es où ? Et ta Divine et ce gringalet
De Bill Burroughs ? Et H. Guibert
En chapeau rouge (ou était-ce vert ?)
Pauvre Lélian et Vio. Leduc
Qui rigolait dans ses perruques ?
Où, n’en quel pays,
Quelle féerie,
Quelle utopie,
Pasolini ?

Sûr qu'un minot que trouble sa testostérone
Autrement que par addiction au téléphone
Mobile ou aux réseaux sociaux, c'est à hauteur
Des anges qu’il faudrait l’installer, pour l’heure
Où sa nommable mais infinie boussole
Trouverait certainement un rab d’auréole
Authentique oui, mais débouchée,
Mille fois hélas, en suicidé
(Lequel disait-on hier, «en a»).

Je ne peux moi que regretter
Que ce bel acte digne de foi
Soit, à partir de présentement,
Inscrit au martyrologe blanc
Du parc «mœurs & coutumes»
Victimaires et sorti une
Fois de «l’indifférence générale»
Envers nos chances génitales.

En attendant la pertinence
D’une «prise en compte» de
Ministère, ni le gland
Rubicond dans son gant,
Ni la Fierté, ni le Sébastien toujours fléché
Dans la direction du Calvaire, ni même
La bête identité d'un blasphème
Qui squatterait, par temps de détresse,
Quelques fausses-fesses,
N'engagent phobie de l’Humanité.

Non, je le crois pas,
Le suicide-même y est contraire.
Solitaire, je veux, mais contraire.
Si d’aucuns voient mal, pigent pas tout,
Faudrait leur en gaver le mou,
Les empenner d’alléluias.

Entendons nous, à mettre ainsi
En parallèle la délation des gaudrioles,
L'outing de bénévoles
Savonarole et ce vice puni
Par les sortilèges du suicide,
Il est vrai qu’un pédé timide
Peut qu’être martyr dès bébé,
Et pétulant, festivalier,
Communautaire, public, équitable,
Adapté au monde, sociable
Et humanitaire avant tout,
Contre lui-même hein, et surtout
Contre sa pure identité
De sujet et, (il y a un «et»)
Qu’on m’excuse du peu : d’homme
Descendant d’une lignée ! Que Sodome
Désormais réunisse et le nom
Du coupable et sa rédemption
Sur les fonds baptismaux
D’une chouette parade techno.

Point n’est besoin d’ergoter la question,
Être victime suffit à ces bouffons
Et si, jaquette pressentie,
T’hésites à ton orientation et si
Par suite tu t'en poses des questions
Comme que tu serais peut-être bien giton,
Possiblement homo : alors, doux nœud, c’est
Que tu l’es ! T’es enrôlé tout clair & net
& en fait, plus jamais de souci sous ta couette !

…T’étais peinard, petit Mickey, mignon poète,
T’introspectais ta perle rousse
Au cœur bouclé de tes oreilles,
Tu déroulais de l’infini entre ta nuque et tes faux seins,
L’enroulant rose aux mammes vermeilles
Mais on t’a vu,
On t’a reconnu,
On savait que t’étais l’élu
En attendant l'avenir têtu.

…«Ma parole
Il est mort :
Il en est !
Au Marais,
Ma gondole !
Bout-dehors !»…

T’en fais pas, c’est fini. Ces escrocs pensent à toi
Qui t’habillent, les drôles, aux couleurs du zizi
Sans avouer, sacristains d’épidémiologie,
Qu’ils te tripatouillent dur, à fond, l’identité.

Mémento, mauvais rêve, personne plus jamais
Ne te rendra de compte. Ton néant est complet,
Il va booster leur cause, t’y livrer en héros
Qui sait pas trop grand-chose du faux déterminisme
Dont te voilà l’objet, gri-gri, vieux fétichisme
Et moi là, moi, je leur dis : bravo !

C’est pas toi, mon pétale
Mais leur rut final
Et si t’es révolu
Du côté purgatoire,
Charogne devenu,
Démodé d’urinoir,
Sache que toujours c’est cui
Qui l’est qu’on anoblit !

Tant pis pour toi minet-mignon
Mais maintenant que t’es très mort,
Que ton image copulative
Est émancipée, (aux archives),
Ils s’occupent de tout et ton nom,
Ils vont l’imprimer sans remords
Sur leurs mimis préservatifs
Bourrés de confettis créatifs.

Pense donc, ma beauté, si tu t’étais donné
Le droit de lire, de croire ou de te faire aimer
À quel effort de vivre aurait grimpé ta queue,
De quel brasier ton cœur serait devenu l’enjeu ?

Alors moi, je dénonce ici
Ces arrogantes antilopes
Pour qui ton suicide galope
Toujours au profit de l’ennemi :
Les homophobes,
Laids microbes,
Bachi-bouzouks
Ou contre-souque.

Qu’est donc suspect
Cet intérêt
Pour de peut-être pédés morts.
Dirait-on pas nécrophilie
D’atrabilaires croque-morts
Devant de jolis pissenlits ?

…Étalon idéal, tête cache-galère,
Immortel bambin, rêvons un peu veux-tu
Et viens à m’embrasser quand t’auras la matière
Pour conter comment c’est chez tes anges déchus.

Fatale mortalité ?
Mortelle fatalité ?
Mais vrai, tu vois, l’identité,
Ça chiale jamais en vain.
Et moi qui signe ça tiens,
Je sais pas si je l’ose
Tant t’as d’éternité,
Mais bon : je t’aime. C’est rien,
C’est dit… même pas en prose !

 

mardi, 04 novembre 2014

Frédéric B

 

Beigbeder

 

*

 

*             *

 

"Grâce à lui (L'Attrape-cœur), j'ai découvert qu'on avait le droit de tout critiquer.
Depuis, je n'ai jamais arrêté."

"Je me sens un peu limité dans mon corps de Frédéric Beigbeder qui a presque cinquante ans.
Je préférerais de loin être une jeune fille new-yorkaise,
avec un collier de perles, en 1940."

"C'est dangereux un écrivain parce que c'est mégalo [...] et en plus, souvent, ils ne sont pas complètement stupides donc ce sont des dangers publics. Ce sont des pilleurs, des menteurs, des mythos, des égoïstes, des nombrilistes."

 

*             *

 

*

 

beigbeder,frédéric

 

Entretien avec Frédéric Beigbeder, Judith Kerber, Metro, le 25 septembre 2014 :

 

C'est une histoire d'amour qui ne va ps faire mentir la chanson. Dans son nouveau roman, Oona & Salinger, Frédéric Beigbeder relate la rencontre entre J. D. Salinger, l'auteur de L'Attrape-cœurs, et Oona O'Neill, future Madame Chaplin.

 

Quand avez-vous découvert L'Attrape-cœurs ?

J'ai découvert ce roman à l'âge de 14 ans et j'ai eu l'impression qu'il avait été écrit pour moi. J'étais le contraire de Holden [le personnage principal, un ado viré de son collège, qui passe trois jours à déambuler dans New York pour éviter de rentrer chez ses parents, ndlr]. Il passe son temps à se plaindre. Il est enragé. Moi, j'étais un petit garçon très bien élevé, très poli, très obéissant. Grâce à lui, j'ai découvert qu'on avait le droit de tout critiquer. Depuis, je n'ai jamais arrêté.

 

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette histoire que Salinger a eue avec Oona O'Neill ?

Parce que je suis un grand romantique, je suis très fleur bleue. J'adore les histoires d'amour ratées. Je trouve ça beau. Salinger s'est fait larguer pour Chaplin, en pleine Seconde Guerre mondiale. J'imagine que ça m'a fait penser à mes nombreux râteaux.

 

beigbeder,frédéric

 

On vous sent très proche de ces personnages...

Oui, j'avais envie d'être avec ces gens-là, d'être ces gens-là. C'est le miracle du roman. Vous choisissez des personnages et puis vous devenez eux pendant quatre ans. Je me sens un peu limité dans mon corps de Frédéric Beigbeder qui a presque cinquante ans. Je préférerais de loin être une jeune fille new-yorkaise, avec un collier de perles, en 1940.

 

Dans le livre, une copine d'Oona définit les écrivains comme des "égocentriques affreusement intelligents", ça vous correspond ?

Oui très bien. Toutes les saloperies que je dis dans le livre me concernent malheureusement. C'est dangereux un écrivain parce que c'est mégalo. C'est un métier assez prétentieux et en plus, souvent, ils ne sont pas complètement stupides donc ce sont des dangers publics. Ce sont des pilleurs, des menteurs, des mythos, des égoïstes, des nombrilistes. Et en plus, ils sont en liberté. Mais que fait la police ?

 

Dans ce livre, vous parlez aussi de votre femme Lara. On a l'impression qu'elle vous a assagi...

Dans la mesure où le mariage protège la santé peut-être. Quand je suis célibataire, je me couche très tard, je bois énormément alors que quand je suis marié, je suis plus sain. Mais le mariage ne m'empêche pas d'avoir peur d'être quitté.

 

Beigbeder, Frédéric

 

 

> A consulter également : http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/04/09/99f.html

 

 

samedi, 18 octobre 2014

Considérations sur le cynisme

 

Watch what people are cynical about, and one can often discover what they lack.

 

Si l'on regarde ce sur quoi les gens sont cyniques, on peut souvent découvrir ce dont ils manquent.

 

George S. Patton (1885-1945)

 

george, patton, eisenhower   george, patton, eisenhower 1907                                    Bradley, Eisenhower, and Patton in Europe, 1945

 

lundi, 13 octobre 2014

Pour une réconciliation avec Wagner

 

A l'intention de ceux qui sont fâchés avec

Wagner (1813-1883)
wagner, cosima, liszt wagner, cosima, liszt wagner, cosima, liszt
wagner, cosima, liszt  wagner, cosima, liszt

 

¤

 

Un lied

Parce qu'il faut sortir un peu des sentiers battus de ses opéras

edgar degas,lied Edgar Degas 
Image du film "La ruée vers l'or", Chaplin
Femme à sa toilette
, Degas

 

Tannhäuser, "O Du mein holder Abendstern(O douce étoile feu du soir)

 

¤

 

Un texte

Parce que certains compositeurs savent tenir l'autre plume

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Washwoman Quartier Latin Paris, 1928, crédits photographiques André Kertész
After the Grand Prix, Paris 1907,
crédits photographiques Edward Steichen

 

 Extrait d'une visite à Beethoven, 1840 :

[...] Ce que je me rappelle, c'est qu'un soir, ayant entendu une symphonie de Beethoven, j’eus dans la nuit un accès de fièvre, je tombai malade, et qu’après mon rétablissement je devins musicien. Cette circonstance peut expliquer la préférence que je donnai constamment dans la suite aux œuvres de Beethoven, quelque belle musique que j’aie maintes fois entendue. C’était pour moi une affection, une idolâtrie à part. Ma plus vive jouissance fut de me plonger dans l’étude intime, approfondie de ce puissant génie, jusqu’à ce que je crus m’être identifié pour ainsi dire avec lui, jusqu’à ce que mon esprit nourri d’inspirations de plus en plus sublimes me parût être devenu une parcelle de ce rare et merveilleux esprit, jusqu’à ce qu’enfin j’arrivai à cet état d’exaltation que bien des gens traitent de démence.

Folie bien tolérable pourtant, et bien inoffensive. Cela ne me procurait qu'un pain fort sec et une boisson fort crue ; car on ne s'enrichit pas en Allemagne à courir le cachet. Après avoir vécu de la sorte assez longtemps dans ma mansarde, je vins un jour à penser que le grand artiste, objet de ma profonde vénération, vivait encore, et j'eus peine à m'expliquer comment cette idée ne m'était pas venue plus tôt. Le fait est que jamais jusque-là je ne m'étais représenté Beethoven sous une forme humaine pareille à la nôtre, et soumis aux besoins et aux appétits de la nature. Et cependant il existait, il vivait à Vienne, et dans une condition à peu près semblable à la mienne. Dès lors je n'eus plus un instant de repos ; toutes mes pensées, tous mes désirs étaient dirigés vers un seul but : voir Beethoven. [...]

> Le texte intégral indispensable http://maxencecaron.fr/2013/05/une-visite-a-beethoven-nou...

 

 ¤

 

Un élément biographique

Wagner a épousé Cosima, la fille de Liszt.

wagner, cosima

 

mercredi, 24 septembre 2014

L'irréparable

Dante et Virgile visitant l'enfer - William-Adolphe Bouguereau.jpg
Dante et Virgile visitant l'enfer, William-Adolphe Bouguereau

 

L'irréparable, Baudelaire : 

 

Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords,
Qui vit, s'agite et se tortille,
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille ?
Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords ?

Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,
Noierons-nous ce vieil ennemi,
Destructeur et gourmand comme la courtisane,
Patient comme la fourmi ?
Dans quel philtre ? – dans quel vin ? – dans quelle tisane ?

Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,
À cet esprit comblé d'angoisse
Et pareil au mourant qu'écrasent les blessés,
Que le sabot du cheval froisse,
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,

À cet agonisant que le loup déjà flaire
Et que surveille le corbeau,
À ce soldat brisé ! s'il faut qu'il désespère
D'avoir sa croix et son tombeau ;
Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire !

Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
Peut-on déchirer des ténèbres
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,
Sans astres, sans éclairs funèbres ?
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?

L'Espérance qui brille aux carreaux de l'Auberge
Est soufflée, est morte à jamais !
Sans lune et sans rayons, trouver où l'on héberge
Les martyrs d'un chemin mauvais !
Le Diable a tout éteint aux carreaux de l'Auberge !

Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?
Dis, connais-tu l'irrémissible ?
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,
À qui notre coeur sert de cible ?
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?

L'Irréparable ronge avec sa dent maudite
Notre âme, piteux monument,
Et souvent il attaque, ainsi que le termite,
Par la base le bâtiment.
L'Irréparable ronge avec sa dent maudite !

– J'ai vu parfois, au fond d'un théâtre banal
Qu'enflammait l'orchestre sonore,
Une fée allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore ;
J'ai vu parfois au fond d'un théâtre banal

Un être, qui n'était que lumière, or et gaze,
Terrasser l'énorme Satan ;
Mais mon coeur, que jamais ne visite l'extase,
Est un théâtre où l'on attend
Toujours, toujours en vain, l'Être aux ailes de gaze !

 

samedi, 20 septembre 2014

Michel H

 

Houellebecq
http://journal.alinareyes.net/2013/12/13/michel-houellebe...

 

 

*

 

*             *

 

"Woody Allen ? Non, j'aime pas trop, il me fait un peu chier."

"Quand on tourne, il se passe quelque chose que les gens n'ont pas dans leur vie. [...]
Il y a la possibilité d'une autre vie, qui est également ce qui me pousse au fond à écrire des livres.
Je n'ai pas une vie si intéressante que ça, mais quand j'écris,
l'espace de quelques heures, je suis dans un autre monde."

"Les filles, c'est bien. Si ça ne marche pas tout de suite, ça vaut le coup d'insister."

"Les gens se lavent trop."

 

*             *

 

*

 

Houellebecq

 

Conversation avec Michel Houellebecq, Fabien Menguy, A nous Paris #657 du 8 au 14 septembre 2014 :

 

Gustave Kervern : Dans tout ce qu'on a fait, Delépine et moi, et même dans nos vies, on est à la recherche de gens qui nous épatent, qui nous amènent quelque chose, qui sont hors norme et spectaculaires à nos yeux. Il se trouve que ces gens-là, il y en a de moins en moins. On avait l'idée de ce film [Near Death Experience] et Michel correspondait à ce personnage. Et on avait envie de passer du temps avec lui, de le rencontrer, de le mettre parmi nos amis dans nos agendas.  

 

Michel Houellebecq : Je partage avec Delépine et Kervern ce goût pour Depardieu qui est une espèce de phénomène naturel rare. J'aime énormément Michael Lonsdale, il y a quelque chose en lui qui me fascine. Woody Allen ? Non, j'aime pas trop, il me fait un peu chier. J'ai aussi une vieille passion pour Louis de Funès, mais là ce n'est même pas un acteur. C'est un phénomène naturel, lui aussi. Sinon, j'avais adoré le jeu de Mel Gibson dans Mad Max 2. C'est étonnant, tout ce qu'il dégage rien qu'avec des micro-mouvements. Dans la scène où il arrive dans le camp retranché, ce qui se passe sur son visage... Chapeau ! A un moment donné, avec plein de rôles, l'acteur finit par construire un truc qui est assez proche d'un personnage de roman, et dans lequel on peut se projeter.

 

 

Houellebecq - costard crayons.jpg

 

 

Michel Houellebecq acteur, c'est une évidence, une gageure, une envie ?

On ne peut pas dire que ce soit une évidence. Il y a des acteurs que j'admire, j'ai plutôt un rapport "grand public" à cela, c'était donc assez intimidant au départ. Je n'étais pas sûr de pouvoir le faire. Je suis quand même très, très seul dans le film. Il fallait faire confiance aux réalisateurs.

 

Ce personnage est assez proche de l'image qu'on peut avoir de vous. Vous ressemble-t-il ?

D'une certaine manière, oui. Dans mes livres, il y a des personnages féminins que je trouve très variés, mais en revanche les personnages masculins le sont moins, parce qu'ils sont souvent, non pas des doubles de moi-même, mais une sorte de synthèse de ce que j'aurais pu devenir si ma vie avait bifurqué différemment. Là aussi, dans le film, le personnage est proche de ce que j'aurais pu devenir.

 

D'ailleurs, lui travaille dans une plate-forme téléphonique et vous, vous avez fait de l'informatique.

J'ai fait de l'informatique, j'ai été fonctionnaire, j'aurais pu être muté dans d'autres services, je me suis marié. C'est vrai que j'aurais pu me retrouver à 56 ans dans cette situation-là.

 

Est-ce que ça aurait été jusqu'à ce point-là : partir dans la montagne pour vous laisser mourir ?

Non, moi je pense que j'en aurais fini avant (rires). Je n'aurais pas attendu.

 

Vous avez étudié à l'école de cinéma Louis Lumière. Qu'est-ce que ça représente pour vous, le cinéma ? Une envie, une frustration, un rêve ?

Pas tant que ça, au fond. Honnêtement, je préfère les livres. Je ne suis pas d'un milieu riche et être écrivain, ce n'était pas pour des gens de mon milieu. Faire des films, ça paraissait plus populaire.

 

Maintenant que vous êtes acteur, est-ce que vous avez d'autres projets de rôles ?

Non, mais j'ai beaucoup aimé tourner ce film. Quand on a aimé une expérience, on a plutôt envie de la reproduire. J'ai beaucoup aimé, parce que quand on tourne, il se passe quelque chose que les gens n'ont pas dans leur vie. J'ai lu une interview de Claude Brasseur, que j'aime bien, et qui disait : "Moi, j'ai une vie chiante. Si je ne faisais pas de films, je me ferais chier." Je comprends, il y a la possibilité d'une autre vie, qui est également ce qui me pousse au fond à écrire des livres. Je n'ai pas une vie si intéressante que ça, mais quand j'écris, l'espace de quelques heures, je suis dans un autre monde.

 

Le César du meilleur espoir masculin, vous y pensez ?

Ça me ferait bizarre d'être un espoir à mon âge. OU alors il faudrait créer une catégorie "meilleur truc inattendu".

 

Vous n'abandonnez pas l'écriture pour autant ?

Ce n'est pas prévu pour l'instant. Le livre le plus troublant que j'ai lu ces dernières années, est de John Maxwell Coetzee. Il dit clairement : "Pour moi, écrire un roman, c'est comme Atlas et tout le poids sur ses épaules, j'ai plus la force, je n'y arrive plus." C'est très convaincant quand il en parle. Et finalement, il s'est remis à l'écriture.

 

Que diriez-vous à l'adolescent de 14 ans que vous étiez si vous le croisiez aujourd'hui ?

Je lui dirais que les filles, c'est bien. Si ça ne marche pas tout de suite, ça vaut le coup d'insister.

 

La rentée, ça évoque quoi pour vous ?

Ça m'évoque l'enfant. J'étais bon élève, heureux de rentrer, de préparer mes petits cahiers. J'étais déjà un peu vaniteux, donc je savais que j'allais être le meilleur de ma classe (rires), et ça me rappelle des bons souvenirs. J'adorais les fournitures.

 

 

Houellebecq - clope et vin.jpg

 

 

Le livre à lire en cas de déprime ?

Michel Houellebecq : Le Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer. Ça donne un sens au pessimisme.

Gustave Kervern : Je dirais Oui-oui et la gomme magique.

 

Le film à voir ?

Michel Houellebecq : Je crois qu'il n'y en a pas. A l'extrême rigueur, Mary Poppins. Elle établit vraiment un monde féerique.

 

L'endroit où se réfugier quand on est triste ?

Gustave Kervern : Les toilettes.

Michel Houellebecq : Non, moi je répondrais d'une manière plus poétique : la chatte !

 

La bouteille à ouvrir quand on est triste ?

Michel Houellebecq : Non, ça c'est une erreur. Baudelaire l'a écrit : "J'ai demandé souvent à des vins capiteux / D'endormir pour un jour la terreur qui me mine / Le vin rend l’œil plus clair et l'oreille plus fine !" Donc c'est une fausse consolation qui se retourne contre vous. Je vais en reprendre quand même, ceci dit.

 

Le plat qui revigore ?

Gustave Kervern : Les sucreries. On se rabat sur les Twix. Toi, Michel, tu n'es pas trop dessert, j'ai remarqué. Tu es plutôt fromage.

Michel Houellebecq : Oui. Fromages forts. L'époisse. Ce n'est pas que ça chasse vraiment la déprime, maison pue de la gueule, ça devient une autre expérience.

 

Le pays qui dépayse ?

Gustave Kervern : Pour moi, ça reste l'Espagne.

Michel Houellebecq : Je me sens très bien en Espagne. Les gens prennent les choses plus calmement, sont moins compliqués que les Français, plus nature. Ils se lavent moins. Les gens se lavent trop. Tiens, ça ferait un bon titre, ça.

 

 

A consulter également :

http://fichtre.hautetfort.com/archive/2015/01/12/houellebecq-soumission.html

> http://fichtre.hautetfort.com/archive/2015/01/09/houellebecq-territoire.html

 

mardi, 09 septembre 2014

Considérations sur le roman II - quand l'écriture frontale engagée n'est pas envisageable

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Le roman, quand l'écriture frontale engagée n'est pas envisageable

Le roman, pour donner un visage et une voix aux geôliers, aux tortionnaires, aux assassins

Le roman, pour désensorceler l'histoire à travers la littérature

Pour explorer les espaces de silences à travers une parabole dantesque

 

 

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"Désensorceler l'histoire", Thierry Clermont - tclermont@lefigaro.fr -, Le Figaro, fascicule Le Figaro et vous, jeudi 12 juin 2014

 

Etoile montante de la jeune génération, ayant grandi pendant la période de transition qui a succédé à l'effondrement de l'URSS? Sergueï Lebedev a publié, à trente et un ans, un premier roman magistral : La limite de l'oubli. Son incipit donne le ton, nous laisse deviner le souffle poétique qui va traverser cette fresque septentrionale : "Je me trouve à l’extrémité de l'Europe. Ici, on voit, à nu dans chaque falaise, l'os jaune de la pierre et une terre ocre ou flamboyante semblable à de la chair."

Lebedev nous dévoile une Atlantide imaginaire qui s'étend sur 300 pages, une quête et une enquête à travers le grand Nord sibérien, au-delà du cercle polaire, sur les traces laissées par les camps, sur l'engloutissement de l'archipel du goulag.

Le narrateur, ayant survécu, enfant, à la morsure d'un chien grâce à une transfusion sanguine, cherche à connaître l'identité et la vie de celui dont le sang coule désormais dans ses veines. S'ensuit une errance à travers la taïga silencieuse, les marécages sibériens, les paysages de désolation et d'abandon à la Tarkovski : baraquements désossés, anciens ateliers, neige immobile, cimetières fantômes, entre ciel et bouleaux... Au fil des pages, on comprend qu'en Russie, l'éviction de la mémoire s'est réalisée dans la géographie, dans les cartes.

Lebedev ne témoigne pas sur l'univers concentrationnaire en soi mais s'interroge sur la façon dont celui-ci s'est diffusé dans la société russe, à travers la mémoire, l'oublie et le secret. En traquant ces empreintes émotionnelles, l'auteur, petit-fils d'un officier ayant combattu à Stalingrad, a réussi un coup de force qui lui permet de regarder le présent au miroir d'un passé tragique. Un miroir brisé, qui ici ou là, par la puissance des descriptions d'une belle force onirique, apparaît comme un vitrail éclaté. Dans son cheminement vers la mémoire, avec pour témoins objectifs les lacs, les forêts et la toundra, l'écrivain est parvenu à trouver un langage pour dire cette mémoire en péril, ce hiatus entre savoir et non-savoir : La limite de l'oubli peut se lire comme le représentation géographique de ce hiatus.

Il y a quelques jours, Lebedev était de passage à Paris où il déclarait : "Mon but est de désensorceler l'histoire de la Russie à travers la littérature. Fragiles historiquement, nous avons à peine émerge comme génération. Nous sommes une génération dispersée, privée de solidarité, un groupe qui n'est pas constitué. Nous vivons comme si bourreaux et victimes n'avaient jamais eu d'enfants. Nous souffrons de ce chaînon manquant. Et cet héritage vit en nous tous, à travers nos peurs et nos angoisses. Pour ma part, je ne me sens pas particulièrement proche des autres jeunes écrivains russes. La littérature d'aujourd'hui est une sorte de champ de mines où chacun d'entre nous sait pertinemment où les mines sont cachées... où chacun est surtout intéressé par lui-même. Dans mon roman j'ai voulu redonner un visage, une voix, aux geôliers, aux tortionnaires, aux assassins. Ces acteurs n'ont jamais pris la parole... J'ai exploré ces espaces de silence à travers une parabole dantesque.

Journaliste à la revue Pervoïe Sentiabria (Premier septembre), Lebedev, qui revendique l'influence de Buzzati, Melville, Proust proust et Brodsky, vient d'achever son second roman, L'Année de la comète, à paraître chez Verdier en 2015 [...]

 

 

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La limite de l'oubli

Sergueï Lebedev

2014

Traduit par Luba Jurgenson

Verdier

316 pages

www.amazon.fr/limite-loubli-Sergueï-Lebedev/dp/286432749X/