samedi, 20 septembre 2014
Michel H
http://journal.alinareyes.net/2013/12/13/michel-houellebe...
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"Woody Allen ? Non, j'aime pas trop, il me fait un peu chier."
"Quand on tourne, il se passe quelque chose que les gens n'ont pas dans leur vie. [...]
Il y a la possibilité d'une autre vie, qui est également ce qui me pousse au fond à écrire des livres.
Je n'ai pas une vie si intéressante que ça, mais quand j'écris,
l'espace de quelques heures, je suis dans un autre monde."
"Les filles, c'est bien. Si ça ne marche pas tout de suite, ça vaut le coup d'insister."
"Les gens se lavent trop."
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Conversation avec Michel Houellebecq, Fabien Menguy, A nous Paris #657 du 8 au 14 septembre 2014 :
Gustave Kervern : Dans tout ce qu'on a fait, Delépine et moi, et même dans nos vies, on est à la recherche de gens qui nous épatent, qui nous amènent quelque chose, qui sont hors norme et spectaculaires à nos yeux. Il se trouve que ces gens-là, il y en a de moins en moins. On avait l'idée de ce film [Near Death Experience] et Michel correspondait à ce personnage. Et on avait envie de passer du temps avec lui, de le rencontrer, de le mettre parmi nos amis dans nos agendas.
Michel Houellebecq : Je partage avec Delépine et Kervern ce goût pour Depardieu qui est une espèce de phénomène naturel rare. J'aime énormément Michael Lonsdale, il y a quelque chose en lui qui me fascine. Woody Allen ? Non, j'aime pas trop, il me fait un peu chier. J'ai aussi une vieille passion pour Louis de Funès, mais là ce n'est même pas un acteur. C'est un phénomène naturel, lui aussi. Sinon, j'avais adoré le jeu de Mel Gibson dans Mad Max 2. C'est étonnant, tout ce qu'il dégage rien qu'avec des micro-mouvements. Dans la scène où il arrive dans le camp retranché, ce qui se passe sur son visage... Chapeau ! A un moment donné, avec plein de rôles, l'acteur finit par construire un truc qui est assez proche d'un personnage de roman, et dans lequel on peut se projeter.
Michel Houellebecq acteur, c'est une évidence, une gageure, une envie ?
On ne peut pas dire que ce soit une évidence. Il y a des acteurs que j'admire, j'ai plutôt un rapport "grand public" à cela, c'était donc assez intimidant au départ. Je n'étais pas sûr de pouvoir le faire. Je suis quand même très, très seul dans le film. Il fallait faire confiance aux réalisateurs.
Ce personnage est assez proche de l'image qu'on peut avoir de vous. Vous ressemble-t-il ?
D'une certaine manière, oui. Dans mes livres, il y a des personnages féminins que je trouve très variés, mais en revanche les personnages masculins le sont moins, parce qu'ils sont souvent, non pas des doubles de moi-même, mais une sorte de synthèse de ce que j'aurais pu devenir si ma vie avait bifurqué différemment. Là aussi, dans le film, le personnage est proche de ce que j'aurais pu devenir.
D'ailleurs, lui travaille dans une plate-forme téléphonique et vous, vous avez fait de l'informatique.
J'ai fait de l'informatique, j'ai été fonctionnaire, j'aurais pu être muté dans d'autres services, je me suis marié. C'est vrai que j'aurais pu me retrouver à 56 ans dans cette situation-là.
Est-ce que ça aurait été jusqu'à ce point-là : partir dans la montagne pour vous laisser mourir ?
Non, moi je pense que j'en aurais fini avant (rires). Je n'aurais pas attendu.
Vous avez étudié à l'école de cinéma Louis Lumière. Qu'est-ce que ça représente pour vous, le cinéma ? Une envie, une frustration, un rêve ?
Pas tant que ça, au fond. Honnêtement, je préfère les livres. Je ne suis pas d'un milieu riche et être écrivain, ce n'était pas pour des gens de mon milieu. Faire des films, ça paraissait plus populaire.
Maintenant que vous êtes acteur, est-ce que vous avez d'autres projets de rôles ?
Non, mais j'ai beaucoup aimé tourner ce film. Quand on a aimé une expérience, on a plutôt envie de la reproduire. J'ai beaucoup aimé, parce que quand on tourne, il se passe quelque chose que les gens n'ont pas dans leur vie. J'ai lu une interview de Claude Brasseur, que j'aime bien, et qui disait : "Moi, j'ai une vie chiante. Si je ne faisais pas de films, je me ferais chier." Je comprends, il y a la possibilité d'une autre vie, qui est également ce qui me pousse au fond à écrire des livres. Je n'ai pas une vie si intéressante que ça, mais quand j'écris, l'espace de quelques heures, je suis dans un autre monde.
Le César du meilleur espoir masculin, vous y pensez ?
Ça me ferait bizarre d'être un espoir à mon âge. OU alors il faudrait créer une catégorie "meilleur truc inattendu".
Vous n'abandonnez pas l'écriture pour autant ?
Ce n'est pas prévu pour l'instant. Le livre le plus troublant que j'ai lu ces dernières années, est de John Maxwell Coetzee. Il dit clairement : "Pour moi, écrire un roman, c'est comme Atlas et tout le poids sur ses épaules, j'ai plus la force, je n'y arrive plus." C'est très convaincant quand il en parle. Et finalement, il s'est remis à l'écriture.
Que diriez-vous à l'adolescent de 14 ans que vous étiez si vous le croisiez aujourd'hui ?
Je lui dirais que les filles, c'est bien. Si ça ne marche pas tout de suite, ça vaut le coup d'insister.
La rentée, ça évoque quoi pour vous ?
Ça m'évoque l'enfant. J'étais bon élève, heureux de rentrer, de préparer mes petits cahiers. J'étais déjà un peu vaniteux, donc je savais que j'allais être le meilleur de ma classe (rires), et ça me rappelle des bons souvenirs. J'adorais les fournitures.
Le livre à lire en cas de déprime ?
Michel Houellebecq : Le Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer. Ça donne un sens au pessimisme.
Gustave Kervern : Je dirais Oui-oui et la gomme magique.
Le film à voir ?
Michel Houellebecq : Je crois qu'il n'y en a pas. A l'extrême rigueur, Mary Poppins. Elle établit vraiment un monde féerique.
L'endroit où se réfugier quand on est triste ?
Gustave Kervern : Les toilettes.
Michel Houellebecq : Non, moi je répondrais d'une manière plus poétique : la chatte !
La bouteille à ouvrir quand on est triste ?
Michel Houellebecq : Non, ça c'est une erreur. Baudelaire l'a écrit : "J'ai demandé souvent à des vins capiteux / D'endormir pour un jour la terreur qui me mine / Le vin rend l’œil plus clair et l'oreille plus fine !" Donc c'est une fausse consolation qui se retourne contre vous. Je vais en reprendre quand même, ceci dit.
Le plat qui revigore ?
Gustave Kervern : Les sucreries. On se rabat sur les Twix. Toi, Michel, tu n'es pas trop dessert, j'ai remarqué. Tu es plutôt fromage.
Michel Houellebecq : Oui. Fromages forts. L'époisse. Ce n'est pas que ça chasse vraiment la déprime, maison pue de la gueule, ça devient une autre expérience.
Le pays qui dépayse ?
Gustave Kervern : Pour moi, ça reste l'Espagne.
Michel Houellebecq : Je me sens très bien en Espagne. Les gens prennent les choses plus calmement, sont moins compliqués que les Français, plus nature. Ils se lavent moins. Les gens se lavent trop. Tiens, ça ferait un bon titre, ça.
A consulter également :
> http://fichtre.hautetfort.com/archive/2015/01/12/houellebecq-soumission.html
> http://fichtre.hautetfort.com/archive/2015/01/09/houellebecq-territoire.html
07:06 Publié dans Ecrits, littérature contemporaine, Portraits de personnalités | Lien permanent | Commentaires (0)
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