lundi, 20 janvier 2014
Femmes - I - Sollers
Crédits photographiques Sylvia El Aarabi
Extrait de Femmes, 1985, Philippe Sollers, Gallimard :
Depuis le temps... Il me semble que quelqu'un aurait pu oser... Je cherche, j'observe, j'écoute, j'ouvre des livres, je lis, je relis... Mais non... Pas vraiment... Personne n'en parle... Pas ouvertement en tout cas... Mots couverts, brumes, nuages, allusions... Depuis tout ce temps... Combien ? Deux mille ans ? Six mille ans ? Depuis qu'il y a des documents... Quelqu'un aurait pu la dire, quand même, la vérité, la crue, la tuante... Mais non, rien, presque rien... Des mythes, des religions, des poèmes, des romans, des opéras, des philosophies, des contrats... Bon, c'est vrai, quelques audaces... Mais l'ensemble en général verse vite dans l'emphase, l'agrandissement, le crime énervé, l'effet... Rien, ou presque rien, sur la cause... LA CAUSE.
Le monde appartient aux femmes.
C'est-à-dire à la mort.
Philippe Sollers
Là-dessus, accroche-toi, ce livre est abrupt. Tu ne devrais pas t'ennuyer en chemin, remarque. Il y aura des détails, des couleurs, des scènes rapprochées, du méli-mélo, de l'hypnose, de la psychologie, des orgies. J'écris les Mémoires d'un navigateur sans précédent, le révélateur des époques... L'origine dévoilée ! Le secret sondé ! Le destin radiographié ! La prétendue nature démasquée ! Le temps des erreurs, des illusions, des tensions, le meurtre enfoui, le fin fond des choses... Je me suis assez amusé et follement ennuyé dans ce cirque, depuis que j'y ai été fabriqué...
[...]
Règlement de comptes ? Mais oui ! Schizophrénie ? Comment donc ! Paranoïa ? Encore mieux ! La machine m'a rendu furieux ? D'accord ! Misogynie ? Le mot est faible. Misanthropie ? Vous plaisantez... On va aller plus loin, ici, dans ces pages, que toutes les célébrités de l'Antiquité, d'avant-hier, d'hier, d'aujourd'hui, de demain et d'après-demain... Beaucoup plus loin en hauteur, en largeur, en profondeur, en horreur, - mais aussi en mélodie, en harmonie, en replis...
[...]
Se procurer l'ouvrage :
Femmes
Philippe Sollers
1985
Coll. Folio, Gallimard
672 pages
http://www.amazon.fr/Femmes-Philippe-Sollers/dp/207037620...
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jeudi, 09 janvier 2014
Théophile Gautier
Théophile Gautier (1811-1872), par Nadar
Extrait de "Théophile Gautier" in Célébrations Nationales 2011, Martine Lavaud et Anne Geisler-Szmulewicz, maîtres de conférence à l'université :
[...]
Pour bien parler de Gautier, il faut régler leurs comptes aux clichés : la froideur parnassienne de celui que l'on nomma le "daguerréotype littéraire", descripteur hors pair dont l'exactitude n'aura eu d'égal que le défaut d'âme et d'idées ; la servilité journalistique ; l'affiliation au Second Empire après le combat flamboyant d'Hernani, dont il fut le capitaine magnifique aux cheveux longs et au gilet rouge, le 24 février 1830 ; la réduction de l'oeuvre narrative à deux récits, Le Roman de la Momie (1857) et Le Capitaine Fracasse (1863), et de l'oeuvre poétique au seul recueil d'Emaux et Camées (1852)...
Quelques chiffres permettent de mesurer l'importance quantitative de l'ardent défenseur du romantisme. L'oeuvre de Théophile Gautier représente 55 volumes de 300-500pages, selon le calibrage des éditions Champion actuellement en chantier, soit près de 3 000 articles parus dans la presse, tous genres confondus : une enquête chiffrée permet même de constater que l'oeuvre poétique de Gautier ne représente que 6,7% de la totalité, l'oeuvre narrative 3,6%, les récits de voyage 7%, tandis que la critique d'art (23,6%) et la critique dramatique (49,4%) ont largement mobilisé la plume d'un familier des salons et des théâtres qui, de 1830 à 1872, a laissé aux historiens futurs de la scène et des beaux-arts un témoignage irremplaçable, dont on commence seulement à découvrir tout le prix. Baudelaire, qui dans sa dédicace des Fleurs du Mal rendait hommage au poète "impeccable", ne s'était pas trompé, mais à vrai dire c'est davantage à l'auteur de La Comédie de la mort, un volume poétique magnifique de 1839, mais où poussent déjà les fleurs nauséabondes de la décadence, qu'il devait songer.
Car Gautier n'est pas ce ciseleur consciencieux et froid auquel les manuels scolaires tendent parfois encore à le réduire en insistant sur sa vocation de peintre manqué : les poésies frénétiques de 1830, écrites par un jeune-France impétueux et tapageur, ami de Petrus Borel et de Gérard de Nerval, l'éloge de la passion païenne et charnelle contre la haine des corps, qui lui fit en 1852 remplacer la catastrophe naturelle du séisme pompéien par une catastrophe culturelle, c'est-à-dire l'apparition du christianisme, dans Arria Marcella, l'ardeur qu'il mit dans la défense des noms de l'art aujourd'hui reconnus mais un temps conspués, son culte du néoplatonisme qui lui fait repousser une conception linéaire de l'histoire au profit d'une association des âmes d'artistes par familles d'esprit... et même cette verve rabelaisienne qui transpire dans les pages du Capitaine Fracasse et motiva pour une bonne part l'entente joviale avec Flaubert, tout concourt à l'éloigner de cette impassibilité marmoréenne dans laquelle on l'a figé. En 1871, lorsqu'il compose quelques mois avant sa mort Tableaux de siège, un volume fascinant où le poète affligé pousse un cri d'indignation face au spectacle des incendies de la Commune, au triomphe de la destruction sur l'"Art", sa capacité de révolte semble intacte.
Gautier fut aussi un arpenteur avide du monde. En proie à la "maladie du bleu", il admira l'Espagne, l'Algérie, la Turquie, l'Italie, parcourut la Suisse et ses montagnes, mais éprouva aussi les beautés de l'Allemagne, les curiosités de l'Angleterre, de la Belgique, qu'il parcourut avec l'un de ses amis les plus chers, Nerval, goûta la blancheur des neiges russes... Gautier, qui n'aimait le catholicisme que pour certaines de ses créations esthétiques, et qui, ayant traversé quatre régimes (la Monarchie de Juillet, la Seconde République, le Second Empire, la IIIe République), n'eut que faiblement la fibre politique, ne revendiqua sans doute d'autre religion que celle de l'"Art", jugeant que seule une belle idée pouvait modeler, de l'intérieur et, comme par repoussé, une belle forme.
C'est en vertu de cette approche néoplatonicienne du réelle qu'on ne saurait le limiter à la superficialité d'un homme sans idée, dont la vie fut jalonnée de combats passionnés non seulement pour les grandes figures dont il peupla son panthéon personnel : Hugo, Delacroix, Ingres, Shakespeare... ; mais aussi pour les poètes mineurs dont le souci détermine une approche originale et nouvelle de l'histoire littéraire. Car Théophile fut aussi l'auteur des Grotesques (1844), c'est-à-dire l'exhumateur d'écrivains dits secondaires injustement enfouis par les jugements hâtifs de la postérité sous la terre des grands monuments officiels de l'histoire littéraire, et qu'en bon archéologue il entreprend de déterrer, tel ce Villon dont Boileau put dire qu'il était mauvais romancier, parce que, ne l'ayant pas lu, il ignorait qu'il l'ait jamais été, se faisant ainsi le responsable d'une durable erreur judiciaire...
[...] Gautier qui admira Hugo et Musset ne resta pas dans leur ombre, il suivit sa propre voie avec constance. [...] En 1835, son premier roman, Mademoiselle de Maupin, qui fustigeait le bourgeois et son culte de l'utile, fit date dans la bataille romantique. Trente-sept ans plus tard, la mort saisit Gautier alors qu'il écrit l'Histoire du romantisme, en plein récit de la bataille d'Hernani. Ce simple fait dit assez l'idée fixe qui détermina une existence remplie par la passion de l'art.
> A consulter également :
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2013/05/02/theophil...
Consulter l'ouvrage :
Célébrations Nationales 2011
Ministère de la Culture et de la Communication
Direction Générale des patrimoines
Archives de France
2010
296 pages
http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-cultur...
07:00 Publié dans Ecrits, Littérature, Photographie, Portraits de personnalités | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 22 décembre 2013
La vie aux champs - Victor Hugo
Le salon chinois, maison de Victor Hugo, Paris
Le soir, à la campagne, on sort, on se promène,
Le pauvre dans son champ, le riche en son domaine ;
Moi, je vais devant moi ; le poète en tout lieu
Se sent chez lui, sentant qu'il est partout chez Dieu.
Je vais volontiers seul. Je médite ou j'écoute.
Pourtant, si quelqu'un veut m'accompagner en route,
J'accepte. Chacun a quelque chose en l'esprit ;
Et tout homme est un livre où Dieu lui-même écrit.
Chaque fois qu'en mes mains un de ces livres tombe,
Volume où vit une âme et que scelle la tombe,
J'y lis.
Chaque soir donc, je m'en vais, j'ai congé,
Je sors. J'entre en passant chez des amis que j'ai.
On prend le frais, au fond du jardin, en famille.
Le serein mouille un peu les bancs sous la charmille ;
N'importe : je m'assieds, et je ne sais pourquoi
Tous les petits enfants viennent autour de moi.
Dès que je suis assis, les voilà tous qui viennent.
C'est qu'ils savent que j'ai leurs goûts; ils se souviennent
Que j'aime comme eux l'air, les fleurs, les papillons
Et les bêtes qu'on voit courir dans les sillons.
Ils savent que je suis un homme qui les aime,
Un être auprès duquel on peut jouer, et même
Crier, faire du bruit, parler à haute voix;
Que je riais comme eux et plus qu'eux autrefois,
Et qu'aujourd'hui, sitôt qu'à leurs ébats j'assiste,
Je leur souris encor, bien que je sois plus triste ;
Ils disent, doux amis, que je ne sais jamais
Me fâcher ; qu'on s'amuse avec moi ; que je fais
Des choses en carton, des dessins à la plume ;
Que je raconte, à l'heure où la lampe s'allume,
Oh! des contes charmants qui vous font peur la nuit ;
Et qu'enfin je suis doux, pas fier et fort instruit.
Aussi, dès qu'on m'a vu : «Le voilà !» tous accourent.
Ils quittent jeux, cerceaux et balles; ils m'entourent
Avec leurs beaux grands yeux d'enfants,sans peur,sans fiel,
Qui semblent toujours bleus, tant on y voit le ciel !
Les petits -- quand on est petit, on est très-brave --
Grimpent sur mes genoux; les grands ont un air grave ;
Ils m'apportent des nids de merles qu'ils ont pris,
Des albums, des crayons qui viennent de Paris ;
On me consulte, on a cent choses à me dire,
On parle, on cause, on rit surtout ; -- j'aime le rire,
Non le rire ironique aux sarcasmes moqueurs,
Mais le doux rire honnête ouvrant bouches et coeurs,
Qui montre en même temps des âmes et des perles.
J'admire les crayons, l'album, les nids de merles ;
Et quelquefois on dit quand j'ai bien admiré :
«Il est du même avis que monsieur le curé.»
Puis, lorsqu'ils ont jasé tous ensemble à leur aise,
Ils font soudain, les grands s'appuyant sur ma chaise,
Et les petits toujours groupés sur mes genoux,
Un silence, et cela veut dire : «Parle-nous.»
Je leur parle de tout. Mes discours en eux sèment
Ou l'idée ou le fait. Comme ils m'aiment, ils aiment
Tout ce que je leur dis. Je leur montre du doigt
Le ciel, Dieu qui s'y cache, et l'astre qu'on y voit.
Tout, jusqu'à leur regard, m'écoute. Je dis comme
Il faut penser, rêver, chercher. Dieu bénit l'homme,
Non pour avoir trouvé, mais pour avoir cherché.
Je dis : Donnez l'aumône au pauvre humble et penché ;
Recevez doucement la leçon ou le blâme.
Donner et recevoir, c'est faire vivre l'âme !
Je leur conte la vie, et que, dans nos douleurs,
Il faut que la bonté soit au fond de nos pleurs,
Et que, dans nos bonheurs, et que, dans nos délires,
Il faut que la bonté soit au fond de nos rires ;
Qu'être bon, c'est bien vivre, et que l'adversité
Peut tout chasser d'une âme, excepté la bonté ;
Et qu'ainsi les méchants, dans leur haine profonde,
Ont tort d'accuser Dieu. Grand Dieu! nul homme au monde
N'a droit, en choisissant sa route, en y marchant,
De dire que c'est toi qui l'as rendu méchant ;
Car le méchant, Seigneur, ne t'est pas nécessaire !
Je leur raconte aussi l'histoire ; la misère
Du peuple juif, maudit qu'il faut enfin bénir ;
La Grèce, rayonnant jusque dans l'avenir ;
Rome ; l'antique Égypte et ses plaines sans ombre,
Et tout ce qu'on y voit de sinistre et de sombre.
Lieux effrayants ! tout meurt; le bruit humain finit.
Tous ces démons taillés dans des blocs de granit,
Olympe monstrueux des époques obscures,
Les Sphinx, les Anubis, les Ammons, les Mercures,
Sont assis au désert depuis quatre mille ans ;
Autour d'eux le vent souffle, et les sables brûlants
Montent comme une mer d'où sort leur tête énorme ;
La pierre mutilée a gardé quelque forme
De statue ou de spectre, et rappelle d'abord
Les plis que fait un drap sur la face d'un mort ;
On y distingue encor le front, le nez, la bouche,
Les yeux, je ne sais quoi d'horrible et de farouche
Qui regarde et qui vit, masque vague et hideux.
Le voyageur de nuit, qui passe à côté d'eux,
S'épouvante, et croit voir, aux lueurs des étoiles,
Des géants enchaînés et muets sous des voiles.
A consulter également : http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/victor...
Victor Hugo (1802-1885)
09:49 Publié dans Architecture, Beaux-Arts, Ecrits, Poësie, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 15 décembre 2013
Prière de Charles Péguy #4
Crédits photographiques Jana Hobeika
La mort n'est rien.
Je suis seulement passé dans la pièce à coté . Je suis moi, vous êtes vous .
Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes tooujours.
Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné.
Parlez moi comme vous l'avez toujors fait.
N'employez pas un ton différent, ne prenez pas un air triste et solennel.
Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi.
Que nom nom soit prononcé, comme il l'a toujours été, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre.
La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié. Elle est ce qu'elle a toujours été. Le fil n'est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de vous simplement parceque je suis hors de vue?
Je vous attends, je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.
Vous voyez tout est bien.
Charles Péguy (1873-1914)
07:00 Publié dans Ecrits, Foi, Photographie, Poësie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : charles péguy, prière, vierge, marie
dimanche, 08 décembre 2013
Prière de Charles Péguy #3
Eglise Saint-Sulpice
Crédits photographiques Jana Hobeika
À celle qui intercède.
La seule qui puisse parler avec l’autorité d’une mère.
À celle qui est infiniment riche.
Parce qu’aussi elle est infiniment pauvre.
À celle qui est infiniment haute.
Parce qu’aussi elle est infiniment descendante.
À celle qui est infiniment grande.
Parce qu’aussi elle est infiniment petite.
Infiniment humble.
Une jeune mère.
À celle qui est infiniment jeune.
Parce qu’aussi elle est infiniment mère.
À celle qui est infiniment joyeuse.
Parce qu’aussi elle est infiniment douloureuse.
À celle qui est toute Grandeur et toute Foi.
Parce qu’aussi elle est toute Charité.
À celle qui est toute Foi et toute Charité.
Parce qu’aussi elle est toute espérance.
À celle qui est infiniment au-dessus de nous.
Parce qu’aussi elle est infiniment parmi nous.
À celle qui est avec nous.
Parce que le Seigneur est avec elle.
À celle qui intercède. Parce qu’elle est bénie entre toutes les femmes.
Et que Jésus, le fruit de son ventre, est béni.
Charles Péguy (1873-1914)
07:00 Publié dans Ecrits, Foi, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charles péguy, prière, vierge, marie
vendredi, 06 décembre 2013
Lu en 2013 - Anonyme
09:00 Publié dans Citation, Ecrits, Farce et attrape | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation, quote
Lu en 2013 - Churchill
08:30 Publié dans Citation, Ecrits, Politique & co | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation, quote, churchill