mardi, 10 février 2015
Considération sur la peinture - PEPA
Vogel - "Peintres" - L'assiette au Beurre, avril 1904
J'ai tendance à mépriser cordialement les hommes de lettres qui se mêlent de nous exprimer leur extase devant la peinture, - au moins autant, que les artistes-peintres qui commettent ça comme un délit, sans vouloir se tacher, et le petit doigt en l'air ; - tels qu'ils cultiveraient des géraniums sur un balcon, ou qu'ils remueraient leur pinceau dans une tasse de thé.
Pour comprendre quelque chose à un tableau, il faut en avoir pris plein les yeux de giclées et de dégoulinades, - comme Michel-Ange arc-bouté sous sa voûte céleste de la Sixtine...
Enfin, sans aller jusque là... il convient, au moins, de savoir que la peinture est un métier salissant, au moins autant que de démonter un pneu, ou de changer une chaîne de vélo... - un métier qui vous fout des crachats de couleurs sur la barbe, vous postillonne des éclats de pigments sur le plastron, et vous laisse volontiers, sous les ongles et au bout des doigts, de l'indécrassable noir de fusain, ou de mine de plomb ; - pour peu qu'on s'en approche de trop près, qu'on ne commettre pas l'acte d'un coup de dessin ou de brosse distrait, et avec le souci de se mettre, aux mains, des gants de caoutchouc qui seraient l'équivalent d'une capote anglaise enfilée ailleurs...
Pierre-Emmanuel Prouvost d'Agostino - "Journal impossible"
7 février 2015
07:13 Publié dans Beaux-Arts, Dessin, Ecrits, Gravure, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 09 février 2015
Ses yeux sont devenus liquides
http://enisor81.canalblog.com/archives/2010/04/13/17560808.html
Extrait de La dame qui dormait sur les bancs, Jean-Luc Luciani, 2009, SEDRAP Jeunesse :
Le jour de l'anniversaire de mes huit ans, mon père m'a demandé ce que je souhaitais comme cadeau et j'ai répondu que je voulais qu'il me dresse la liste de toutes les choses extraordinaires que ma mère savait faire.
Il a pris une feuille de papier, plus le stylo à plume argenté qui va avec, et il a écrit en 1 que si elle plantait une roue, un vélo poussait. En 2, il n'a plus rien écrit parce qu'ensuite ses yeux sont devenus liquides et qu'un écharpe de tristesse a fait trois fois le tour de sa gorge et l'a serré si fort qu'il ne pouvait même plus parler. Tout juste respirer.
[...]
Ma mère est partie lorsque j'étais encore toute petite. Si petite que je ne me souviens de rien. Je sais seulement qu'un matin, elle a rempli une valise, elle a descendu la grande allée qui mène à l'arrêt de bus et après ça, on ne l'a plus jamais revue.
Il paraît qu'au début, mon père ne s'est pas vraiment inquiété. Il disait qu'elle finirait bien par rentrer, mais pour finir maman n'est jamais revenue.
Une fois encore, mon père s'était trompé. En plus de toutes ses autres erreurs où "il s'est mis le doigt dans l’œil", comme dit grand-père Lyvan.
Et grand-mère Lotty d'ajouter aussitôt :
- Jusqu'au coude qu'il se l'est mis, le doigt !
Je m'appelle Laura et mon père, lui, se prénomme Erik. Avec grand-père Lyvan et grand-mère Lotty, vous avez la famille Kaven au grand complet. Quatre personnes. Pas une de plus. [...]
Il y a aussi un poisson rouge qui vit dans ma chambre, il s'appelle Oscar et je l'aime beaucoup même s'il ne me parle pas. Il ne fait rien d'autre que tourner dans son aquarium et me regarder avec ses grands yeux ronds. Moi, je l'observe tandis qu'il nage et ça me suffit pour être bien.
Pour me sentir moins seule.
J'habite dans une ville qui, selon grand-mère Lotty, est assez grande pour que l'on puisse s'y promener toute la journée sans jamais croiser quelqu'un que l'on connaisse. Elle dit aussi que parfois les gens font semblant de ne pas vous reconnaître mais, que dans ce cas-là, ça ne compte pas.
[...]
La dame qui dormait sur les bancs
Jean-Luc Luciani
2009
SEDRAP Jeunesse
.. pages
http://www.amazon.fr/dame-qui-dormait-bancs-roman/dp/2758107570
07:05 Publié dans Ecrits, littérature contemporaine | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 06 février 2015
Perdre
Ce qui est important, ce n'est pas de gagner ou perdre,
c'est comment vous racontez la partie.
Michael Herr (né en 1940)
à propos de Las Vegas
07:00 Publié dans Citation, Ecrits, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 05 février 2015
Funny best seller Brit writer
07:00 Publié dans Ecrits, Farce et attrape, littérature contemporaine | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 03 février 2015
Dormir en elle, voyage en cathédrale
http://www.pinterest.com/pin/573575702515072120/
Extrait de Voyage en cathédrale, Notre Dame de Rodez, Alain Willaume, Robert Dulau, 1991, Editions du Rouergue :
Page 31
Aimer
"Pour bien la connaître, il faut dormir en Elle."
Premiers mots prononcés. Il en parlait comme d'un désir qui point, qui s'articule, avec ses lignes de force, ses couleurs, ses angles morts, ses images dérobées ; une sorte de photogrammétrie du corps, d'un corps immense qui naît, s'anime parce que la main a imperceptiblement bougé. Sa main a dû franchir tout un lot d'assemblages, d'espaces d'attraction, de chicanes, de fourrés pour s'aventurer plus librement hors des visions immédiates, au-delà des reflets, - les reflets qui copient tous nos mouvements - vers un espace autre où Elle respire.
Et l'on se tient couché, presque muet en son emprise. Tête renversée, et ce ciel toujours inintelligible.
"Pour bien la connaître, il faut dormir en Elle."
Il prononçait ces mots avec presque gravité, comme on livre un secret, un secret éprouvé. Depuis quand la connaissait-il ? Combien de cheminements, d'itinéraires gratuits, toujours en solitaire. Avait-il en son cœur dressé tous les points, les zones récalcitrantes, une carte d'état major, d'état majeur ? Et les domaines enfouis toujours en dérobade ? Et les parts de faiblesse où Elle semble mourir. Il y eut un ciel chargé, un regard plus fort et deux mains qui se touchent, des doigts se joignent puis se scellent : un serment clandestin.
"Pour bien la connaître, il faut dormir en Elle."
Son domaine à Elle s'étend à presque tous les temps, à celui de la nuit qui travaille furtive. La nuit c'est une respiration plus lente. Elle s'apaise, se laisse remplir par toutes les perceptions parmi les plus lointaines, les plus rafraîchissantes. Elle attend qu'il vienne. Elle attend son retour et se retire dans le profond de l'ombre.
Il va venir comme chaque soir et jouer au passe-muraille. Il va parler, la caresser, entrer en sympathie. Mais de toute cela, il ne saura plus rien, aura tout oublié.
Il faudrait pourtant retenir quelques fragments de nuit : le défilé d'images captives.
"Dormir en Elle"
Une évidence, une presque certitude. Par ces premières paroles, Lui, le compagnon, l'amant fou d'une folie rejoint tous les mystères des amours impossibles.
http://www.photo-aveyron.com/article-3444262.html
Voyage en Cathédrale, Notre Dame de Rodez
Alain Willaume, Robert Dulau
1991
Editions du Rouergue
148 pages
http://www.amazon.fr/Voyage-en-cath%C3%A9drale-notre-dame...
07:00 Publié dans Ecrits, Foi, littérature contemporaine, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage en cathédrale, notre dame de rodez
samedi, 31 janvier 2015
Considérations sur la langue - Finkielkraut
La syntaxe, c'est la verticalité
Le vocabulaire, c'est la nuance
L'orthographe, c'est savoir ce que l'ont dit
Alain Finkielkraut, dans Des paroles et des actes - (à la 3e minute)
France 2, le 22 janvier 2015
https://www.youtube.com/watch?v=wACmW5HhGls
Pour l'émission en entier : http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/des-p...
Pour davantage de visuels : https://flipboard.com/section/parole...-__ZmxpcGJvYXJkL2N...
07:15 Publié dans Citation, Ecrits | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 28 janvier 2015
Considérations sur la langue - L'orthographe, comportement social et image de soi
L'orthographe,
comportement social et image de soi
http://www.scripta-volant.org/images/stories/Virginia_Woolf-le-parole.jpg
"L'orthographe, marqueur social", entretien d'Alain Rey par Thibaut Le Gal, 20 minutes, vendredi 5 septembre 2014 :
Cachez cette faute que je ne saurais voir.
Selon une enquête Ipsos pour les éditions Le Robert, près de neuf Français sur dix se disent choqués quand ils repèrent une erreur dans un courrier administratif ou professionnel. Alain Rey, linguiste, lexicographe et figure emblématique de la rédaction des dictionnaires Le Robert, analyse le rapport des Français à l'écriture de la langue française.
Comment expliquer ce sentiment de honte à l'idée de faire une faute ?
Avoir une bonne orthographe fait partie des comportements sociaux. On peut tolérer une orthographe incertaine dans les lettres privées, dans les SMS. Mais si on fait une faute dans le milieu professionnel, il y a une sanction sociale. On risque d'être mal jugé. L'orthographe est un marqueur social. Elle donne une image de soi.
Cela a toujours été comme ça ?
Non. C'est au moment où tout le monde est allé à l'école qu'une mauvaise orthographe est devenue problématique.
Paradoxalement, les Français sont de plus en plus mauvais en orthographe...
A l'école, les programmes sont si nombreux que l'enseignement formel de la langue a dangereusement diminué. Les enfants ne connaissent pas toujours la fonction des mots. Il faut leur apprendre à bien parler avant de leur apprendre à bien écrire.
Les SMS et les réseaux sociaux font-ils baisser le niveau ?
Quand un enfant fait peu de fautes, il peut faire toutes les fantaisies qu'il souhaite par SMS, ça ne perturbe pas son orthographe normale. Mais quand il est en cours d'apprentissage, ou s'il est moins bon, le mélange des genres peut créer une perturbation supplémentaire.
Y a-t-il des fautes plus importantes que d'autres ?
Il faut distinguer les fautes graves et les fautes de mémoire. Ne pas savoir si tel mot prend une double consonne est moins grave que mélanger infinitif et participe passé. Les fautes graves sont celles qui montrent un défaut dans la syntaxe et donc dans la compréhension.
07:00 Publié dans Ecrits, Les mots français | Lien permanent | Commentaires (0)