samedi, 18 mai 2013
The-blue-pipe - VI - and she is soon to be mine - Jacques Brel, Herman Melville
Serge Gainsbourg
Jacques Brel Georges Brassens
Extrait du Dernier repas, Jacques Brel
Après mon dernier repas
Je veux que l'on s'en aille
Qu'on finisse ripaille
Ailleurs que sous mon toit
Après mon dernier repas
Je veux que l'on m'installe
Assis seul comme un roi
Accueillant ses vestales
Dans ma pipe je brûlerai
Mes souvenirs d'enfance
Mes rêves inachevés
Mes restes d'espérance
Herman Melville (1819-1891)
Extrait de Moby Dick, 1851, Herman Melville
Il se passa quelques moments : les épaisses bouffées, régulières et fréquentes, sortaient nerveusement d'entre ses lèvres, et le vent les lui rabattait au visage.
- Quoi donc ? se prit-il à soliloquer en écartant le tuyau de sa bouche. Fumer ne m'apporte plus le calme ? Oh ! Il faut que ça aille durement pour moi, ma pipe, si maintenant ton charme n'opère plus. Mais voilà que je suis resté là, plus mécaniquement occupé que prenant mon plaisir à fumer, mais oui ! ignorant même que je fumais contre le vent, ah ! pendant tout ce temps ; contre le vent, soufflant ma fumée en jets si nerveux, comme ceux de la baleine agonisante, comme s'ils étaient aussi les derniers, ceux qui sont les plus forts et les plus chargés, les plus troublés d'angoisse... Qu'ai-je affaire avec cette pipe ? Pareil objet veut et est fait pour la sérénité, pour laisser paisiblement monter de douces blanches vapeurs vers de doux blancs cheveux, non pas vers de raides torons gris de fer comme ceux que je porte. Soit ! je ne fumerai plus ! ...
Il lança sa pipe encore allumée à la mer ; le feu siffla dans la vague. Et l'instant d'après, le navire avait effacé la bulle laissée par la pipe engloutie. Sous son grand chapeau aux bords rabattus, Achab, de son pas cahotant, repris sa déambulation sur le pont.
Le voyageur contemplant une mer de nuages, Caspar Friederich
Celles-ci sont des pipes de lecture
A consulter également :
Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
En Littérature : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
En chansons, textes, poëmes : http://fumeursdepipe.net/litterature.htm
Pour une encyclopédie de portraits : http://fumeursdepipe.net/personnalites.htm
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vendredi, 17 mai 2013
The-blue-pipe - V - and she is soon to be mine - Alphonse Rabbe
Extrait d'Album d'un Pessimiste, 1835 (posthume), Alphonse Rabbe (1784-1829) :
Jeune homme, allume ma pipe ; allume et donne, pour que je chasse un peu l'ennui de vivre ; pour que je me livre à l'oubli de toutes choses, tandis que ce peuple imbécile, avide de grossières émotions, précipite ses pas vers la pompeuse cérémonie du sacré coeur, dans l'opulente et superstitieuse Marseille.
Image du film "Rimbaud Verlaine" (1995), Leonaro di Caprio Rimbaud croqué par Verlaine
Pour moi, je hais la multitude et son stupide empressement : je hais ces tréteaux sacrés ou profanes, ces fêtes, aux prix desquels un peuple malheureux consent si aisément à l'oubli des maux qui l'accablent. Je hais ces marques d'un servile respect, que la foule abusée prodigue à qui la trompe et l’opprime. Je hais ce culte d'erreur qui absout le crime, contriste l'innocence et pousse au meurtre le fanatique, par ses inhumaines doctrines d'exclusion.
Pardonnons aux dupes ! Tous ceux qui vont là, se sont promis du plaisir. Infortunés humains ! nous poursuivons sur toutes les routes ce fantôme attrayant. N'être pas où l'on est, changer de place et d'affections, quitter le supportable pour le pire ; voguer de nouveautés en nouveautés pour obtenir une sensation de plus ; vieillir chargé de désirs non satisfaits, mourir enfin d'avoir vécu, telle est notre destinée.
Gregory Peck Humphrey Bogart
Que cherché-je moi-même au fond de ton petit fourneau, ô ma pipe ? Je cherche, comme un alchimiste, à transmuer les chagrins du présent en passagères délices. Je pompe ta vapeur à coups pressés, pour porter dans mon cerveau une heureuse confusion, un rapide délire préférable à la froide réflexion. Je cherche le doux oubli de ce qui est, le rêve de ce qui n'est pas, et même de ce qui ne peut pas être.
Tu me fais payer tes consolations faciles : le cerveau s’use et s'alanguit peut‑être, par le retour journalier de ces mouvements désordonnés. La pensée devient paresseuse, et l'imagination se fait vagabonde, par l'habitude d'ébaucher en vacillant d'agréables fictions.
La pipe est la pierre de touche des nerfs : le véritable dynamomètre de la fibre déliée. Jeunes gens qui cachez une organisation délicate et féminine sous des vêtements d'hommes, ne fumez pas, ou redoutez de cruelles convulsions ; et, ce qui serait plus cruel encore, la perte des faveurs de Vénus.
Fumez, au contraire, amants malheureux, esprits ardents et inquiets, obsédés du poids de vos pensées.
Mallarmé par Manet
Van Gogh, autoportrait
Monet, autoportrait
Les savants de l'Allemagne tiennent une pipe à côté de leur écritoire. C'est à travers les flots de fumée de tabac, qu'ils poursuivent les vérités de l'ordre intellectuel et transcendantal. Voilà pourquoi leurs ouvrages, toujours un peu nuageux, passent la portée de nos philosophes français, que la mode et les salons obligent de s'imbiber de parfums plus suaves et plus gracieux.
Lorsque le député des muses d'Erlangen arriva dans la maison de Kotzebue, le vieillard, avant que de venir le joindre, lui fit présenter du café et une pipe. Ce signe d'une hospitalité touchante ne désarma point l'intrépide jeune homme : une larme vint mouiller sa paupière ; mais il persista. Pourquoi ? il s'immolait pour la liberté.
Le malheureux travaille le jour ; et le soir, quand son pain est gagné, les bras croisés, devant sa porte en ruines, il dissipe dans la fumée de sa pipe le peu de pensée que le repos de ses membres pourrait lui laisser.
J'honore vos intentions, philosophes modernes qui voulez que cet homme réfléchisse, raisonne, discute, approuve ou blâme, tout comme vous. Par l'exercice de sa pensée, il évitera, je l'avoue, quelques‑uns des nombreux écueils de la vie ; il échappera à quelques embûches ; mais il tombera dans l'abîme du doute et s'instruira tristement du néant de son propre coeur. Ah ! tant que l'ordre éternel ne lui fera pas des destins meilleurs, laissez-le boire et fumer; c'est le plus sûr.
Maupertuis ne fut pas un homme vulgaire : il avait mesuré le pôle, et sondé les mystères de la génération. Enhardi par ses premiers succès, il entreprit de lever le voile qui cache à nos yeux le monde inconnu. Il voulut relever le trépied prophétique de l'avenir ! L'infortuné ! son châtiment suivit de près cette audace insensée...
Bientôt, se plongeant dans l'oubli de lui‑même, il se tua par l'usage immodéré des spiritueux. N'eût‑il pas mieux valu pour lui, fumer et moins penser ? s'étourdir doucement chaque jour, au lieu de s’empoisonner en désespéré, à grands flots d'eau-de-vie! Objet digne de pitié, même pour ces misérables Lapons, qu'il avait si curieusement observés !
Cary Grant Clarck Gable
Gary Cooper Henry Fonda
O ma pipe, que je te dois de biens ! Qu'un importun, un sot discoureur, un méprisable fanatique vienne à m'aborder, soudain je tire un cigare de mon étui ; je commence à fumer, et dès lors si je suis condamné au déplaisir de l'entendre, j'échappe du moins au supplice de lui répondre.
Par intervalles, un sourire amer fait contracter mes lèvres ; et le sot s'applaudit, croyant que je l'approuve. Il attribue à l'effet du cigare indiscret 1’expression équivoque dont je paie son babil... il redouble d audace... Mais suffoqué de son impertinence, je pousse tout à coup les flots d'une épaisse fumée amassée dans ma bouche, comme le dépit dans mon sein.
J'exhale tout à la fois une vapeur brûlante et une indignation contrainte. Oh ! que la sottise d'autrui est nauséabonde à qui déjà est mécontent et las de son propre poids !... je le submerge de fumée... que ne puis-je 1’asphyxier, le sot, de la lave de mon petit volcan ! ...
Dali Errol Flynn
Mais lorsqu'un ami, aimable d'esprit et de coeur, vient au‑devant de moi, le plaisir de la pipe me rend plus vif encore le bonheur de cette rencontre. Après les premiers discours qui s'élancent rapides, tandis que le punch enflammé dissipe, dans la flamme pétillante, les parties spiritueuses dont la liqueur surabonde, les verres se touchent... Ami, de ce jour en un an, puissions‑nous vider la coupe fraternelle, sous des auspices meilleurs !
Alors nous allumons nos cigares : pressé de lui parler de mille choses diverses, je laisse souvent éteindre le mien, et il me donne de son feu... je suis comme un vieil époux qui rallume vingt fois de suite, sur les lèvres d'une jeune beauté, 1’énergie de sa flamme vingt fois impuissante ; ô mon ami, quand donc luiront des jours plus heureux ?
Dis‑le moi, mon ami : dans les lieux d'où tu viens, les hommes sont‑ils pleins d'espérance et de courage ? Gardent‑ils une fidélité constante au culte de notre grande divinité ? Combien de temps encore nous faudra‑t‑il ronger le frein humiliant qui nous condamne au silence...
Qu'il me tarde de jeter ma part de servitude ! Qu'il me tarde de voir réduire en poudre les titres vains de la tyrannie qui nous opprime ! De voir les cendres d'un diadème déshonoré se dissiper au souffle des patriotes, comme la cendre de ma pipe se dissipe au mien. Mon âme est lasse d'attendre je calcule avec effroi les manoeuvres d'une ténébreuse perversité.
Regarde comme ce peuple, soulevé tout entier par l'infâme secte de Loyola, court se précipiter au-devant de leurs bizarres processions : vieux et jeunes, hommes et femmes, tous s'empressent de recevoir leurs hypocrites et inutiles bénédictions. Les imbéciles ! Si la peste passait en procession, ils iraient la voir aussi. Dis‑moi ? Un tel peuple est‑il fait pour la liberté ? N'est‑il pas plutôt condamné à vieillir enfant dans les langes d'un double esclavage ?
Rainier André Breton
Heureusement la liberté a ses secrets et ses ressources. Ce peuple, qui nous semble à jamais abruti, s'instruit cependant, et s'éclaire chaque jour : pardonnons aux esclaves de courir aux distractions. Souffrons qu'une mère impudique se flatte que ses filles passeront pour vierges, quand elles auront été bénies. Ne nous étonnons pas que de vieux scélérats espèrent suer le levain du crime, en se fatiguant à porter des simulacres méprisés.
Les hommes sont encore enfants ; pourtant le genre humain grandit, et brise, en marchant, ses lisières. Le temps approche où il n'écoutera plus le boiteux qui criera d'arrêter, où il ne demandera plus son chemin à l'aveugle. Que le monde s'éclaire, Dieu le veut... Pour nous, fumons en attendant une aurore nouvelle.
O ma pipe ! Je te dois chaque jour cet emblème expressif d’humilité que la religion ne place qu’une fois par an sur le front de 1’adorateur chrétien. L'homme n est que cendre et poussière... C'est, en effet, tout ce qui reste à la fin, du coeur le plus tendre ou le plus magnanime, du coeur le plus enivré de joie et d'orgueil, ou le plus consumé de peines amères.
Ce faible reste, ces cendres mêmes le plus léger zéphyr les dissipe dans le vague de l'air. Où donc est maintenant la poussière d'Alexandre, la cendre de Gengis ? Ils ne sont plus que de vains fantômes historiques ; que es noms sonores, objet d'enthousiasme vain, ou d'inutiles malédictions.
Man Ray Alain (philosophe)
Je périrai bientôt : tout ce qui compose mon être et le nom même dont on me nomme, disparaîtra comme cette légère fumée... Dans quelques jours, peut‑être, à la place où j'écris, on ne saura pas même si ai jamais vécu... Mais, de ce corps si périssable, s'exhalera‑t‑il quelque chose qui ne périsse pas et s'élève en haut ? Réside‑t‑il en effet dans l'homme une étincelle digne d'allumer le calumet des anges sur le parvis des cieux ? ...
O ma Pipe ! chasse, bannis ce désir ambitieux et funeste de l'inconnu, de l'impénétrable.
Celles-ci sont des pipes de lecture
A consulter également :
Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
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jeudi, 16 mai 2013
The-blue-pipe - IV - and she is soon to be mine - Georges Courteline
Georges Courteline (1858-1929)
Extrait de L'art de culotter une pipe, Georges Courteline
Ma femme m'ayant donné, à l'occasion de ma fête, une pipe en écume de mer, je ne fis ni une ni deux : je pris mon chapeau, je mis mes bottes et je courus fumer mon cadeau à la terrasse du petit café dont je suis l'habitué fidèle. Attablé depuis dix minutes devant une consommation, je regardais grouiller la foule en tirant de mon tuyau d'ambre des extases avec des bouffées, quand un vieillard vint à passer. A ma vue, il s'arrêta net ; il devint blême, puis livide, et tout à coup se précipitant sur ma pipe, il me l'arracha de la bouche en criant : " Misérable fou ! "
Mon premier mouvement fut de me lever et de reprendre à coups de poing mon bien. Par bonheur, mes yeux se fixèrent sur les cheveux de neige de mon agresseur, circonstance qui eut pour effet de me ramener à la modération. Je me souvins du De senectute, du passage si plein d'émotion où l'avocat des Pisons rend hommage à la vieillesse, dit les égards qui lui sont dus, rappelle qu'au temps où Athènes florissait, le Sénat, dans les jeux publics, se levait à l'entrée des plus vieux ainsi qu'à l'entrée des plus belles. Je me rassis donc et, simplement :
- En voilà un vieux trou-de-balle, dis-je. Voulez-vous bien me rendre ma pipe !
Lui, cependant, avançait vers ma face sa face aux lèvres balbutiantes, aux sourcils alourdis de haine. Ses regards, entrés dans les miens, fouillaient jusqu'au fond de ma pensée, comme pour y traquer des remords.
Jean Gabin Lino Ventura
De cette voix profonde où gronde le trémolo des indignations qui se contiennent :
- Insensé ! reprit-il enfin. Quoi! vous avez une pipe d'écume et vous la fumez en plein air !!!
- Eh bien ? dis-je.
Il répondit :
- Eh bien ! de deux choses l'une : ou vous êtes un pauvre ignorant, ou vous êtes le dernier des hommes.
Ce langage plein de sévérité ne me laissa pas indifférent. Il me donna à supposer que j'avais commis sans le savoir quelque déplorable hérésie, en sorte que j'engageai le vieillard à me fournir des éclaircissements. je le priai en même temps de me restituer ma pipe, ce qu'il se montra prêt à faire ; mais, comme j'avançais les doigts pour m'en saisir, il la recula d'un geste brusque et avec de tels éclats de voix que les passants s'en émurent :
- Pas par là ! Pas par le fourneau ? A-t-on idée d'une chose pareille ? Vouloir prendre par le fourneau une pipe en écume de mer !
Étonné et vaguement inquiet, je l'allais prendre par le tuyau, quand :
- Pas par le tuyau non plus ! hurla de nouveau le personnage. Avez-vous perdu tout bon sens, que vous songiez, ayant une pipe en écume, à la prendre par le tuyau ?
Alors je me sentis plein de trouble ; et tandis que l'inconnu, ayant tapé ma pipe au zinc de mon guéridon pour en faire tomber le culot, la recouchait en la soie ponceau de son écrin qu'il refermait ensuite avec un soin pieux, je pris la parole en ces termes :
- Plus je vous regarde, plus je vous écoute, et moins je doute que je doive voir en vous un homme en dehors du commun. A mon sens, vous savez mille choses que je suis loin de soupçonner, mais surtout je vous crois passé maître en l'art singulièrement délicat de pratiquer la pipe en écume de mer. Je lis sur votre visage que j'ai deviné la vérité. Combien j'envie votre expérience ! Avec quelle volupté j'en recueillerais les fruits ? Mettez donc le comble à vos bienfaits ; prenez un siège, bon vieillard, acceptez une consommation, et inondez d'un flot de clarté les ténèbres inexplorées où croupit ma triste ignorance.
C'était un homme d'une grande bonté. Il se rendit à ma prière. Or, en cette journée mémorable, je devais à plusieurs reprises sentir des étonnements s'épanouir au fond de moi, ainsi que de larges fleurs.
Husserl
Tout d'abord, ayant jeté les yeux sur la poche de mon veston où se carrait un paquet de scaferlati à la gueule béante et brune, il critiqua, non sans aigreur, cette obstination des fumeurs à ouvrir leurs paquets de tabac en faisant éclater la bande timbrée au cachet de la régie, qui les ligote d'un large et fragile ceinturon. Il exposa que la pipe d'écume demande à être bourrée contrairement au fil du tabac et dans le sens de la hachure, vu les lois de la pesanteur, l'attraction des corps par le centre de la terre et les tendances de la nicotine à se masser dans le fond de la pipe au lieu de se répartir avec une heureuse équité sur l'ensemble de la paroi . d'où l'obligation absolue de pratiquer l'opération césarienne aux paquets de cinquante centimes, sous peine d'exposer la pipe qui en recevrait le contenu à se voir culottée comme par un cochon. Il loua ensuite en termes chaleureux l'excellence de l'écume de mer, exalta les vertus sans nombre de ce calcaire qu'il compara, pour la susceptibilité, à la fleur du magnolia dont se flétrit la blancheur de porcelaine au plus léger attouchement. Mais comme il insistait sur ce point, en revenant toujours et sans cesse aux porosités de l'écume, "autant de cellules grandes ouvertes à l'encrassement du suint humain", j'objectai mon impuissance à réformer la nature, les vains efforts où je me fusse consumé en vue de m'opposer à la transpiration de mes extrémités supérieures. Je conclus en demandant par quel bout il convenait que je m'emparasse de ma pipe le jour où je voudrais la fumer, car encore fallait-il qu'elle passât par mes doigts avant d'arriver à mes lèvres.
Quelle devait être ma surprise !
- On ne prend une pipe d'écume ni par un bout ni par un autre, répondit avec gravité mon savant interlocuteur, si ce n'est la main gantée de fil. Je dis de fil ; car le moutonneux du gant de Suède n'est rien moins qu'un antre à microbes, et le chevreau, par son glacis, est ennemi de l'écume de mer dont il enveloppe le poli naturel d'un revêtement artificiel, vaguement oléagineux et tout à fait indélébile. Apprenez de moi cette vérité.
Il discourait d'abondance, élevant de temps en temps vers le ciel l'index de la conviction, et lâchant par-ci par-là des apophtegmes dans le goût suivant :
- L'écume de mer est parcelle de Dieu !
Ou :
- L'homme qui galvaude une pipe en écume de mer est un père qui conduit lui-même, dans le sentier de la débauche, la vierge qui lui doit le jour.
Ou :
- Qui rougit de son origine est indigne d'en avoir une, a dit un philosophe profond. Qui, ayant une pipe d'écume, n'a pas pour elle les égards qu'elle mérite, est indigne de la conserver, oserai-je ajouter avec lui.
J'étais dans l'admiration.
Sacha Guitry Jean Rostand
Il poursuivit :
- Si vous voulez mener à bien le culottage de votre pipe, il convient que vous la fumiez deux, trois ou quatre fois par jour (le détail est sans importance), mais toujours aux heures précises où vous l'aurez fumée la veille, en ayant soin d'aspirer les bouffées à intervalles réguliers : ceci dans une pièce bien close, carrelée en glaise de Hombourg, et d'une superficie non supérieure à huit mètres carrés et demi. Vous allez comprendre pourquoi. Le culottage n'est pas seulement dû à l'absorption du jus de tabac par une terre plus ou moins dense. Non. Il dépend dans une large mesure du milieu atmosphérique au sein duquel il se développe, et qui ne doit être ni trop échauffé ni trop froid. Vous comprenez donc l'avantage qu'il y a à fumer dans une pièce étroite, c'est-à-dire DANS UN AIR AMBIANT QUE LE FOYER INCANDESCENT CONTENU AU FOURNEAU DE LA PIPE ATTIÉDIT PAR LENTES GRADUATIONS : champ supérieurement favorable à la marche de l'opération entreprise! Quant à la glaise de Hombourg, elle lui est indispensable, étant reconnue pour contenir une certaine quantité de chlorure de calcium, par conséquent pour absorber l'humidité de l'atmosphère, laquelle n'est pas moins funeste aux pipes en écume de mer qu'aux personnes faibles de poitrine. C'est vous dire ce qui vous attend si, occupant un logement carrelé de glaise commune, vous ne faites procéder dès ce soir aux réparations qui s'imposent : votre pipe est fichue d'avance.
Là-dessus, il me demanda à quel étage j'habitais et sur lequel des quatre points cardinaux ouvraient les croisées de la chambre où j'avais coutume de fumer. [...]
> Pour la suite : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
Einstein Carl Jung
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Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
En Littérature : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
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mercredi, 15 mai 2013
The-blue-pipe - III - and she is soon to be mine - Alexandre Dumas
Extrait de Capitaine Pamphile, 1839, Alexandre Dumas
Mais ce qui, un soir de réception chez un peintre, est surtout digne de fixer l'attention d'un amateur, c'est la collection hétérogène de pipes toutes bourrées qui attendent, comme l'homme de Prométhée, qu'on dérobe pour elles le feu du ciel. Car, afin que vous le sachiez, rien n'est plus fantasque et plus capricieux que l'esprit des fumeurs.
L'un préfère la simple pipe de terre, à laquelle nos vieux grognards ont donné le nom expressif de brûle-gueule; celle-là se charge tout simplement avec le tabac de la Régie, dit tabac de caporal. L'autre ne peut approcher de ses lèvres délicates que le bout ambré de la chibouque arabe et celle-là se bourre avec le tabac noir d'Alger ou le tabac vert de Tunis. Celui-ci, grave comme un chef Cooper, tire méthodiquement du calumet pacifique des bouffées de maryland; celui-là, plus sensuel qu'un nabab, tourne comme un serpent autour de son bras le tuyau flexible de son houka indien, qui ne laisse arriver de sa bouche la vapeur du latakieh que refroidie et parfumée de rose et de benjoin. Il y en a qui, dans leurs habitudes, préfèrent la pipe d'écume de l'étudiant allemand, et le vigoureux cigare belge haché menu, au nargileh turc, chanté par Lamartine, et au tabac du Sinaï, dont la réputation hausse et baisse selon qu'il a été récolté sur la montage ou dans la plaine. D'autres sont enfin qui, par originalité ou par caprice, se disloquent le cou pour maintenir dans une position perpendiculaire le gourgouri des nègres, tandis qu'un complaisant ami monté sur une chaise, essaie, à grands renforts de braise et de souffle pulmonique, de sécher d'abord et d'allumer ensuite l'herbe glaiseuse de Madagascar.
Orson Welles
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vendredi, 03 mai 2013
Glenn et Ludwig
Les mains en mitaines de l'artiste.
Extrait de "La pensée de Glenn Gould", 2013, Maxence Caron :
[...]
Infiniment nuancé, dansant sur une ligne de crête, usant de la technologie pour la retourner contre elle-même, créant un domaine de protection pour que l’âme puisse vivre en solitude au domaine de l’âme et l’artiste en solitude dans une demeure d’artiste, Glenn Gould, rigodant avec Pandore*, touche aux éléments où notre ère prend plaisir à succomber et demande à l’individu de marcher sur les eaux.
[...] Là où les artistes avancent vers l’esclavage à mesure qu’ils font carrière, lui se retire de toute carrière, il prend sa retraite à l’âge où d’autres commencent à réussir de vendre leur âme, il refuse d’être donné en spectacle, il entre en soi, il rentre chez soi pour définir les modalités d’exercice de l’art et les fondre avec ce que fut depuis toujours l’absence de compromission de l’érémitisme attaché à la création individuelle.
[...]
Le but de Glenn Gould : la sagesse, la pensée – et pour cela, la solitude. « La solitude, il est en votre pouvoir de l’acquérir et de votre devoir de la cultiver, car la contemplation est une grâce dont on doit pouvoir jouir à bon escient ». La sagesse et la pensée ne conduisent pas Gould à une éthique ni à une érudition, mais à un savoir contemplatif mû par un Absolu.
[...]
Advient de ce fait une communion d’un génie à l’autre ; en l’occurrence, quelles que soient les distorsions et les « folies » que la bienséance croit entendre Gould infliger aux compositeurs qu’il joue, il faut comprendre ces audaces comme le fondamental contact d’égal à égal entre deux personnalités, deux compositeurs, pour qui l’art n’est pas un fait de musée. Gould transpose la vie d’une œuvre dans sa propre vie qui est elle-même pensée du fondement de toute vie, et, s’ouvrant ainsi à cette œuvre depuis ce qu’il a de plus profond, il fait poser l’œuvre pour lui tandis qu’il se donne à elle. [...]
Pourquoi Gould aurait-il fait autant de simagrées mimiques, lui qui clamait son dégoût du spectacle, s’il ne s’était pas laissé éprendre par une instance plus lointaine que son ego. [...] Ce que Glenn Gould quiert, il l’acquiert en le recevant d’un ciel qui est « par-dessus le toi », le moi, par-dessus tout domaine ne relevant que de l’idiosyncrasique. [...] Les fameux mugissements gouldiens lorsqu’il joue relèvent de la glossolalie au sens mystique. [...] Les minores habentes ne se doutent pas de ce qui sous-tend les insolences du génie. Ne connaîtront que ceux qui en sont, parmi ceux qui perçoivent ce qui est plus pur et plus différent que l’espace.
[...] Gould a trouvé un moyen d’ouvrir au triple agir à l’œuvre en son génie de compositeur, de pianiste et d’écrivain, une capacité d’expression paroxystique [...].
Il y a ainsi dans l’art, dit Gould, « une composante qui lui permet de présider à sa propre désuétude » : l’art, s’il réussit, a une destinée d’auto-abandon vers la spiritualité.
Glenn Gould avait donné son âme à Dieu : la plupart de ses nombreux textes sont les esquisses d’un important ouvrage qu’il méditait d’écrire depuis des années, lorsqu’il aurait pris, non sans produire un autre scandale sans doute, sa seconde retraite, et après avoir reçu la prophétique grâce d’hypnotiser Pandore*.
> Le texte intégral indispensable http://laregledujeu.org/2013/02/14/12365/la-pensee-de-gle...
* A propos de Pandore : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pandore.
Dans la mythologie grecque, Pandore (Πανδώρα, "tous les dons") est la première femme, "celle qui fait sortir les présents des profondeurs", "la Déesse de la terre qui préside la fécondité". Pandore fut créée sur l'ordre de Zeus qui voulait se venger des hommes pour le vol du feu par Prométhée. Elle fut fabriquée dans de l'argile et de l'eau par Héphaïstos ; Athéna lui donna ensuite la vie, lui apprit l'habileté manuelle, entre autre l'art du tissage, et l'habilla ; Aphrodite lui donna la beauté ; Apollon lui donna le talent musical ; Hermès lui apprit le mensonge et l'art de la persuasion ; Héra lui donna la curiosité et la jalousie. Zeus offrit la main de Pandore à Epiméthée, frère de Prométhée. Bien qu'il eût promis à Prométhée de refuser les cadeaux venant de Zeus, Epiméthée accepta Pandore. Pandore apporta dans ses bagages une boîte mystérieuse que Zeus lui interdit d'ouvrir. Celle-ci contenait tous les maux de l'humanité, notamment la Vieillesse, la Maladie, la Guerre, la Famine, la Misère, la Folie, le Vice, la Tromperie, la Passion ainsi que l'Espérance. Une fois installée comme épouse, Pandore céda à la curiosité qu'Héra lui avait donnée et ouvrit la boîte, libérant ainsi les maux qui y étaient contenus. Elle voulut refermer la boîte pour les retenir il était hélas trop tard. Seule l'Espérance, plus lente à réagir, y resta enfermée. L'Iliade énonce que sans femme, la vie de l'homme n'est pas vivable, et avec une femme, guère plus.
Crédits photographiques Gordon Parks
> Page à consulter également
http://theselvedgeyard.wordpress.com/2011/03/10/pianist-glenn-gould-rejecting-the-bloodsport-cult-of-showmanship/
pour de nombreuses photos
de Glenn Gould en enregistrement de Bach
prises par Gordon Parks pour LIFE
et commentées.
Trente-deux variations
http://www.youtube.com/watch?v=bVrUaiL2gz8&feature=pl...
Le IIIe mouvement du Concerto n°3 + photos :
mis en ligne en janvier 2011, seulement 6'081 vues (!?)
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&am...
L'Appassionata
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=GXjM2hrqO54
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=YCgwVVgSDpU
La Tempête I, II, III
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&am...
La Tempête III
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=vEGmSHKlsaI
Le Clair de Lune I et III
http://www.youtube.com/watch?v=WD6pGV69fJI&feature=player_detailpage
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=DVZqAbbkdgw
La Pathétique I, II, III
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&am...
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&am...
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&am...
Les deux dernières sonates :
Sonate 31 opus 110
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&am...
Sonate 32 opus 111
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&am...
Si ce n'est déjà fait :
> Page à consulter absolument
pour de nombreuses photos de Gordon Parks pour LIFE
avec commentaires
http://theselvedgeyard.wordpress.com/2011/03/10/pianist-glenn-gould-rejecting-the-bloodsport-cult-of-showmanship/
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dimanche, 21 avril 2013
Messe en si - ET ENCORE - Bach, Richter 1962
Jean-Sébastien Bach (1685-1750)
Basilique du Sacré-Coeur, Montmartre, Paris
A consulter également : http://annebrassie.fr/?p=153
Extrait de La pensée catholique de Jean-Sébastien Bach, Maxence Caron, 2010, Via Romana :
[...]
Le Gloria est constitué d'huit épisodes harmonieusement répartis, soit : choeur, aria, choeur, duo, choeur, aria, aria, choeur - Gloria et in terra pax, laudamus, gratias agimus, Domine Deus, Qui tollis, Qui sedes, Quoniam tu, Cum Sancto Spiritu. Quatre sont confés au choeur et quatre aux solistes, et l'on constate ainsi l'alternance de l'unité des armées angéliques et de la solitude humaine, [...] dans le plus beau des amours, à son Ami, Maître, Père, Sauveur et Frère - le Seigneur.
Lors des arias, l'humanité ne parle point seule, et nous l'avons vu, nous avons montré la belle complexité du discours de Bach, car la parole humaine est toujours accompagnée de la surnature, [...] jusques à parvenir à la thématique incarnatrice, moment où le "miserere nobis" et le "suscipe deprecationem" font entendre l'oxymore musical d'une détresse pacifiée par la présence divine transmise dans la perpétuelle communion à la parole des saints Anges et à leur foi dont on prononce de tout coeur les paroles véritables.
La présence divine infuse chaque pan de parole au sein de ce Gloria, et le moment de pure singularité humaine est encore, en sa solitude même, transporté au coeur même du Coeur de Dieu dont la miséricordieuse kénose le porte.
Se procurer l'ouvrage :
La pensée catholique de Jean-Sébastien Bach
Maxence Caron
2010
Via Romana
273 pages
Eglise Saint-Germain-des-Prés
Crédits photographiques Jana Hobeika
12:17 Publié dans Ecrits, Foi, Littérature, Musique, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 18 avril 2013
Messe en si - ENCORE - Bach, Richter
Jean-Sébastien Bach (1685-1750)
Basilique du Sacré-Coeur, Montmartre
Crédits photographiques Hermann Schurig
http://www.youtube.com/watch?v=r6ZErrGKb9c&feature=pl...
Kyrie
Gloria à 20'38''
Credo à 1h03'15''
Sanctus à 1h39'30''
Osanna à 1h46'08''
Prise à Montmartre
Crédits photographiques Hermann Schurig
Extrait de La pensée catholique de Jean-Sébastien Bach, Maxence Caron, 2010, Via Romana :
[...]
Pourquoi une dynamique systématiquement binaire pour ce qui ne concerne pas le mystère de l'Incarnation ou ce qui lui est immédiatement rattaché ? En outre, il ne s'agit point de n'importe quel rythme binaire, car, à l'exception de l'Et in unum Dominum Jesum, toutes les mesures binaires sont établies à la blanche : la blanche est l'unité de mesure rythmique, tout est enchâssé en une largesse et une ampleur qui, sans être rare en musique, ne constitue pas non plus la norme. Cet usage de la blanche signifie que, lorsque les différents points de stricte substance et donc stricte ineffabilité divines sont peints par la musique, la respiration humaine à les dire doit se faire plus large afin de se donner les moyens les meilleurs d'accueillir la possibilité de se remplir du plus large espace dicible devant l'indicible [...]. Exception est faite dans la numération de la mesure choisie pour évoquer musicalement le Fils, une mesure à 4/4, étalonnée ainsi par la noire et non plus par la blanche, noires qui sont au nombre de quatre par mesure [...].
Se procurer l'ouvrage :
La pensée catholique de Jean-Sébastien Bach
Maxence Caron
2010
Via Romana
273 pages
07:00 Publié dans Architecture, Beaux-Arts, Ecrits, Foi, Littérature, Musique, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0)