mardi, 07 juillet 2015
Ernestine - Herman en prison
Tous les maux de ce sentiment
Sonata Patetica, Pierre-Emmanuel Prouvost d'Agostino
Extrait d'Ernestine, nouvelle suédoise, Sade, 1800 :
[...]
Une douleur muette et sombre s'empare de ce malheureux ; à mesure qu'il se pénètre de l'horreur de son sort, le chagrin qu'il éprouve devient d'une telle force qu'il se débat bientôt au milieu de ses fers ; tantôt c'est à sa justification qu'il veut courir, l'instant d'après, c'est aux pieds d'Ernestine ; il se roule sur le plancher, en faisant retentir la voûte de ses cris aigus... il se relève, il se précipite contre les digues qui lui sont opposées, il veut les rompre de son poids, il se déchire, il est en sang, et retombant près des barrières qu'il n'a seulement point ébranlées, ce n'est plus que par des sanglots et des larmes... que par les secousses du désespoir, que son âme abattue tien encore à la vie.
Il n'y a point de situation dans le monde qui puisse se comparer à celle d'un prisonnier, dont l'amour embrase le cœur ; l'impossibilité de s'éclaircir réalise à l'instant, d'une manière affreuse, tous les maux de ce sentiment ; les traits d'un Dieu si doux dans le monde ne sont plus pour lui que des couleuvres qui le déchirent ; mille chimères l'offusquent à la fois ; tour à tour inquiet et tranquille, tour à tour crédule et soupçonneux, craignant et désirant la vérité, détestant... adorant l'objet de ses feux, l'excusant, et le croyant perfide, son âme, semblable aux flots de la mer en courroux, n'est plus qu'une substance molle, où toutes les passions ne s'imprègnent que pour la consumer plus tôt.
On accourut au secours d'Herman ; mais quel funeste service lui rendait-on, en ramenant, sur ses tristes lèvres, la coupe amère de la vie, dont il ne lui restait plus que le fiel !
[...]
Ernestine, nouvelle suédoie
Sade
1987 (écrit en 1800)
Gallimard Folio
117 pages
http://www.amazon.fr/Ernestine-Sade/dp/2070423190/
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lundi, 06 juillet 2015
Enfers - Rimbaud
Crédits photographiques Jana Hobeika
Extrait de Lettre "aux siens", Arthur Rimbaud, 28 Septembre 1885 :
L'été finit ici vers le 15 octobre. Vous ne vous figurez pas du tout l'endroit. Il n'y a aucun arbre ici, même desséché, aucun brin d'herbe, aucune parcelle de terre, pas une goutte d'eau douce. Aden est un cratère de volcan éteint et comblé au fond par le sable de la mer.
On n'y voit et on n'y touche donc absolument que des laves et du sable qui ne peuvent produire le plus mince végétal. Les environs sont un désert de sable absolument aride. Mais ici, les parois du cratère empêchent l'air d'entrer, et nous rôtissons au fond de ce trou comme dans un four à chaux.
Il faut être bien forcé de travailler pour son pain, pour s'employer dans des enfers pareils ! On n'a aucune société, que les Bédouins du lieu, et on devient donc un imbécile total en peu d'années.
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dimanche, 28 juin 2015
Ernestine, aux lèvres de rose
Mais rien ne rassure l'amour alarmé
Paolo e Francesca, Pierre-Emmanuel Prouvost d'Agostino
Extrait d'Ernestine, nouvelle suédoise, Sade, 1800 :
[...]
Et l'infortuné jeune homme osa supplier Ernestine de lui laisser cueillir, sur ses lèvres de rose, un baiser précieux qui pût lui tenir lieu du gage qu'il exigeait de ses promesses ; la sage et prudente Sanders, qui n'en avait jamais tant accordé, crut devoir quelque chose aux circonstances, elle se pencha dans les bras d'Herman, qui, brûlé d'amour et de désir, succombant à l'excès de cette joie sombre qui ne s'exprime que par des pleurs, scella les serments de sa flamme sur la plus belle bouche du monde, et reçut de cette bouche, encore imprimée sur la sienne, les expressions les plus délicieuses et de l'amour et de la constance.
Cependant elle sonne, cette heure funeste du départ ; pour deux cœurs véritablement épris, quelle différence y a-t-il entre celle-là et celle de la mort ? On dirait, en quittant ce qu'on aime, que le cœur se brise ou s'arrache ; nos organes, pour ainsi dire enchaînés à l'objet chéri dont on s'éloigne, paraissent se flétrir en ce moment cruel ; on veut fuir, on revient, on se quitte, on s'embrasse, on ne peut se résoudre ; le faut-il à la fin, toutes nos facultés s'anéantissent, c'est le principe même de notre vie qu'il semble que nous abandonnions, ce qui reste est inanimé, ce n'est plus que dans l'objet qui se sépare qu'est encore pour nous l'existence. [...]
Et se rejetant dans les bras d'Herman :
- Toi que je n'ai jamais cessé d'aimer, lui dit-elle, toi que j'adorerai jusqu'au tombeau, reçois en présence de mon père le serment que je te fais de n'être jamais qu'à toi ; écris-moi, pense à moi, n'écoute que ce que je te dirai, et regarde-moi comme la plus vile des créatures, si jamais d'autre homme que toi reçoit ou ma main ou mon cœur. [...]
- Je ne te verrai plus... je ne te verrai plus, lui disait-il au milieu des sanglots...
[...] mais rien ne rassure l'amour alarmé [...].
Ernestine, nouvelle suédoie
Sade
1987 (écrit en 1800)
Gallimard Folio
117 pages
http://www.amazon.fr/Ernestine-Sade/dp/2070423190/
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mercredi, 24 juin 2015
Ernestine, l'innocente créature
L'innocente créature !
Etude pour Don José et Carmen, Pierre-Emmanuel Prouvost d'Agostino
Extrait d'Ernestine, nouvelle suédoise, Sade, 1800 :
L'innocente créature ! elle ne savait pas que des vices,
étayés de la naissance et de la richesse,
enhardis dès lors par l'impunité,
n'en deviennent que plus dangereux.
Ernestine, nouvelle suédoie
Sade
1987 (écrit en 1800)
Gallimard Folio
117 pages
http://www.amazon.fr/Ernestine-Sade/dp/2070423190/
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lundi, 13 octobre 2014
Pour une réconciliation avec Wagner
A l'intention de ceux qui sont fâchés avec
¤
Un lied
Parce qu'il faut sortir un peu des sentiers battus de ses opéras
Image du film "La ruée vers l'or", Chaplin
Femme à sa toilette, Degas
Tannhäuser, "O Du mein holder Abendstern" (O douce étoile feu du soir)
¤
Un texte
Parce que certains compositeurs savent tenir l'autre plume
Washwoman Quartier Latin Paris, 1928, crédits photographiques André Kertész
After the Grand Prix, Paris 1907, crédits photographiques Edward Steichen
Extrait d'une visite à Beethoven, 1840 :
[...] Ce que je me rappelle, c'est qu'un soir, ayant entendu une symphonie de Beethoven, j’eus dans la nuit un accès de fièvre, je tombai malade, et qu’après mon rétablissement je devins musicien. Cette circonstance peut expliquer la préférence que je donnai constamment dans la suite aux œuvres de Beethoven, quelque belle musique que j’aie maintes fois entendue. C’était pour moi une affection, une idolâtrie à part. Ma plus vive jouissance fut de me plonger dans l’étude intime, approfondie de ce puissant génie, jusqu’à ce que je crus m’être identifié pour ainsi dire avec lui, jusqu’à ce que mon esprit nourri d’inspirations de plus en plus sublimes me parût être devenu une parcelle de ce rare et merveilleux esprit, jusqu’à ce qu’enfin j’arrivai à cet état d’exaltation que bien des gens traitent de démence.
Folie bien tolérable pourtant, et bien inoffensive. Cela ne me procurait qu'un pain fort sec et une boisson fort crue ; car on ne s'enrichit pas en Allemagne à courir le cachet. Après avoir vécu de la sorte assez longtemps dans ma mansarde, je vins un jour à penser que le grand artiste, objet de ma profonde vénération, vivait encore, et j'eus peine à m'expliquer comment cette idée ne m'était pas venue plus tôt. Le fait est que jamais jusque-là je ne m'étais représenté Beethoven sous une forme humaine pareille à la nôtre, et soumis aux besoins et aux appétits de la nature. Et cependant il existait, il vivait à Vienne, et dans une condition à peu près semblable à la mienne. Dès lors je n'eus plus un instant de repos ; toutes mes pensées, tous mes désirs étaient dirigés vers un seul but : voir Beethoven. [...]
> Le texte intégral indispensable http://maxencecaron.fr/2013/05/une-visite-a-beethoven-nou...
¤
Un élément biographique
Wagner a épousé Cosima, la fille de Liszt.
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vendredi, 05 septembre 2014
Sade à haute voix par Huppert
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Donatien_Alphonse_Fran%C3%A7ois_comte_de_Sade_dit_le_marquis_de_Sade/141980
Extrait de "Le plaisir de lire Sade", Raphaëlle Rérolle, Le Monde, samedi 28 juin 2014 :
Il y a quelque ironie à rencontrer Isabelle Huppert dans les salons de l'Hôtel de l'Abbaye, à Paris, pour parler du marquis de Sade : c'est peu dire que les livres du "Divin Marquis" (1740-1814) sentent le soufre.
http://teemix.aufeminin.com/stars/isabelle-huppert/album973933/isabelle-huppert-album-du-fan-club-23286290.html#p24
L'actrice évoque, pour Le Monde, la lecture qu'elle doit faire des textes de Sade, le 28 juin, à Spolète, en Italie, dans le cadre du Festival des deux mondes. Cette manifestation, qui se tient du 27 juin au 13 juillet, mêle musique, théâtre, art et littérature, avec notamment une belle programmation de poésie persane. Isabelle Huppert lira un montage de textes réalisé par Raphaël Enthoven. Il s'agit d'extraits de Justine ou les Malheurs de la vertu et de Juliette ou les Prospérités du vice, deux romans parus en 1791 et en 1801. La première, jeune orpheline, tente de défendre sa vertu contre les violences infligées par les hommes croisés sur sa route. La deuxième expérimente toutes les formes de dépravation et se livre à une attaque en règle contre la morale et la religion. Laissons la parole à la comédienne.
"Je n'ai pas ressenti de difficulté particulière à lire ces textes ou à les assumer. Dans la lecture, il y a une mise à distance. La voix me fait incarner les personnages de Justine et de Juliette. Donc, cela fait diversion à la violence que peut engendrer la lecture silencieuse : c'est un être vivant qui parle. Justine ou les Malheurs de la vertu et Juliette ou les Prospérités du vice permettent des identifications à ces jeunes filles, contrairement à ce qui se passerait avec des personnages des Cent vingt journées de Sodome, un texte nettement plus radical !
L'histoire de Juliette est assez conceptuelle, mais celle de Justine est très descriptive, y compris topographiquement. Il y a un suspense, une naïveté. C'est pathétique, bien sûr, mais aussi très drôle. Il est certain que la plupart des gens ne voient pas Sade comme un auteur comique, mais la chose que je ressens en le lisant, c'est l'humour.
Dans le public, les gens l'entendent d'ailleurs un peu comme un récit picaresque, surtout du côté de Justine. Il s'agit de véritables aventures, elle passe d'un lieu à l'autre, on imagine le paysage, le temps qu'il fait. Il y a quelque chose d'absolument terrifiant dans son récit, mais ce que fait ressortir la lecture, c'est la naïveté, la confiance aveugle qu'elle met à chaque fois dans ceux qui la tourmentent. il y a aussi chez Sade un comique de l'excès, une telle accumulation de déboires qu'ils finissent par devenir drôles.
La mise en parallèle des textes est brillante. Le montage de Raphaël Enthoven oppose les destins de Justine et de Juliette, leurs attitudes face à la vie, l'une éclairant constamment l'autre. Avec Sade, il y a l'effroi qu'on peut ressentir sur le fond, mais il y a aussi le plaisir d'une langue très voluptueuse.
http://www.laforgecir.com/Artistique/Projets-en-cours/portrait-isabelle-huppert/portrait-isabelle-huppert.fhtm
J'ai ajouté au début une lettre d'amour envoyée à Sade par sa belle-sœur, pour montrer qu'il était quelqu'un à qui on envoyait ce genre de lettres très amoureuses. D'ailleurs, quand il fut pour la première fois condamné à mort, il est parti pour l'Italie avec cette belle-sœur. Et n'oublions pas qu'il s'intéressait beaucoup au théâtre. Amoureux d'une comédienne, il fit restaurer un petit théâtre à l'intérieur du château de Saumane, dans le Vaucluse, où il avait passé une partie de son enfance.
Ce qui est intéressant dans la lecture, c'est de mettre le spectateur dans un état de découverte. Certains connaissent les textes, d'autres non. Moi, je fais en sorte de les découvrir plus ou moins en même temps qu'eux. Je ne prépare pas du tout : je lis l'ensemble une fois ou deux, pas plus. Je ne prévois pas de faire une rupture à un endroit plus qu'à un autre, de mettre tel ou tel ton. Cela donne une sorte de fraîcheur la lecture, en créant un effet de surprise, une forme de naturel. Je lis différemment chaque fois, de même qu'au théâtre je joue différemment tous les soirs.
C'est un exercice que je n'ai pas souvent pratiqué. J'ai un jour lu, à Paris, des pages de Maurice Blanchot, à la Cinémathèque, c'était L'Attente, l'oubli, des textes de Patti Smith et de Julia Kristeva, à l'Odéon et, pour la télévision, des textes de Nathalie Sarraute. Celle-ci disait tout le temps que ses écrits étaient faits pour être dits à haute voix. Elle trouvait d'ailleurs que je les lisais trop vite et elle n'était pas très contente !
En lisant à haute voix, j'ai l'impression qu'en peu de temps j'arrive à transmettre un texte. Ce n'est pas vraiment difficile, mais il me semble que, quand on lit, on fait tout de même un peu plus que lire. Il ne s'agit pas non plus d'aller trop loin dans l'interprétation, ce n'est pas du théâtre. Je respecte une sorte de frontière invisible. Cela se fait de manière intuitive. Même quand on va assez loin, on est tout naturellement limité par la posture et par la feuille qu'on tient dans ses mains ou qu'on regarde. Cette feuille devient une barrière naturelle qu'on ne peut pas franchir. Lorsque je lis, je ne suis pas privée de mon corps, je l'utilise différemment. Cela reste un corps, même dans cette immobilisme partiel.
http://teemix.aufeminin.com/stars/isabelle-huppert/album973933/isabelle-huppert-album-du-fan-club-23286290.html
Lorsque j'ai joué dans la pièce 4.48 Psychose, de Sarah Kane, aux Bouffes du Nord, à Paris, je ne bougeais pas, mais je n'étais pas dépourvue de corps, uniquement de mouvement. Dans une lecture, c'est pareil : on a le souffle, les mains, les yeux. Ce qui est intéressant, et qui transforme les choses, c'est la manière dont on joue avec le regard des spectateurs.
Quand vous pensez lecture, vous pensez à des yeux qui ne quittent pas la feuille. Or, moi j'aime bien aller de la lecture à l'adresse : c'est dans ce va-et-vient que se déploie l'art de la lecture. Dès que le regard se pose sur quelqu'un, on peut créer de l'imaginaire, du drame à l'infini. Il faut se dire qu'on s'adresse à un grand nombre et en même temps à une seule personne. A un individu plutôt qu'à une masse informe. C'est le metteur en scène Bob Wilson qui m'a appris cela. Cela permet de se concentrer.
Dans une lecture, on s'en donne à cœur joie, car on est face au public. C'est un peu la situation du gros plan, le rêve de toute actrice. Comme on est tout seul, l'attention n'est pas dispersée.
Et puis, il y a les silences, les temps. IL y a aussi la manière d'intégrer l'espace : on peut faire mille choses, se déplacer. Là, je ne me déplace qu'à un seul moment, un tout petit peu, vers la fin, quand ça devient vraiment très dur. J'ai ressenti le besoin de le faire.
http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Isabelle-Huppert-en-plein-film-d-horreur-dans-le-remake-de-Suspiria-3366266
Je ne suis pas une lectrice vorace, mais chronique : je lis tout le temps, quoique pas beaucoup. Cela dit, il m'est difficile d'imaginer la vie sans lecture. Une maison sans livres m'angoisse. Au fond, c'est autant une nécessité qu'un plaisir. Je lis de tout, mais plutôt les romans. Dans un monde idéal, je lirais vraiment tout - toute La Recherche du temps perdu, par exemple, dans l'ordre ! Je me dis que cela doit être bien de s'isoler pendant des jours pour lire Proust ou tout Balzac. Les lectures, ce sont des promesses, c'est aussi bien de les avoir devant soi que derrière. Ce qui compte, ce n'est pas ce qu'on vous raconte, c'est comment c'est raconté.
Les livres qui ont compté pour moi, il y en a beaucoup, mais peut-être que les plus importants sont ceux qu'on lit en premier ou très jeune. Ils font alors figure de romans d'apprentissage, à un moment de la vie où les livres peuvent encore façonner votre vision du monde. Par exemple, quand j'avais 15 ans, j'ai aimé lire Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, entre autres, bien que je ne sache pas si ce texte me ferait le même effet maintenant.
Je me souviens aussi des Mémoires d'une jeune fille rangée, d'où émanaient un enthousiasme, une puissance de vie, une énergie joyeuse qui me plaisaient. J'aimais la liberté de ce livre, par exemple le fait que Simone de Beauvoir pouvait être heureuse en étant seule, quand elle décrivait ses années de professorat à Marseille. Cette indépendance, c'était une découverte.
J'ai été très impressionnée aussi par le premier roman de Doris Lessing, Vaincue par la brousse, qu'elle a écrit à 27 ans. C'est une histoire inspirée de celle de sa mère, où il est question d'une femme blanche qui tombe amoureuse de son boy noir, et qui sombre dans la folie, dans la Rhodésie des années 1940. Cette lecture a précédé le film que j'ai fait avec Claire Denis en 2010, White Material.
Et puis il y a les livres dans lesquels je peux me projeter comme actrice, en y voyant un possible personnage, ce qui m'autorise ainsi lire de mauvais romans, car on sait bien que ce n'est pas forcément la grande littérature qui fait les meilleurs films. Le saut dans la fiction est très excitant : dans ces cas-là, je ne suis plus une lectrice normale, amis une lectrice actrice. C'est comme si quelque chose prenait feu tout de suite, une sorte d'incendie. Ou un coup de foudre. Je me représente les choses, des images surgissent, dans une sorte de fusion entre soi et ce qu'on est en train de lire. Et cela, bien que je sache très bien que ces livres ne seront presque jamais, ou très rarement transformés en films : ce livre sur lequel vous avez rêvé, ce personnage dans lequel vous vous êtes projeté doivent ensuite faire naître le désir d'un metteur en scène.
Pourtant, cela m'arrive parfois. J'avais jeté mon dévolu sur un livre grâce à Michel Polac qui m'en avait parlé : L'inondation, d'Evgueni Zamiatine, dont j'avais pris les droits. Un petit Dostoïevski, en beaucoup plus sec. Un Crime et châtiment au féminin. Igor Minaiev, metteur en scène ukrainien, l'a réalisé en 1994, c'est un très beau film.
S'il y a un risque à lire Sade, je ne l'ai pas mesuré... Mais il n'y a aucun risque à lire Sade aujourd'hui ! De toute façon, il n'y a vraiment aucun risque à prendre des risque. Je ne sais même pas que ce sont des risques, et cela me donne de la liberté. Il y a une grand part d'inconscience là-dedans. Et peut-être une curiosité qui l'emporte sur tout le reste. Etre curieux, c'est une définition de la vie. Après tout, ça veut dire quoi, se casser la figure ? La peur de rater ? Eh bien, ce n'est pas grave !
De toute façon, le ratage, c'est très subjectif quelle différence faire entre une chose ratée et une chose réussie ? Et puis, une fois que c'est fait, c'est fait : ce qui compte, c'est le plaisir de l'avoir fait.
http://www.ohmymag.com/isabelle-huppert/wallpaper
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Gravure, Les mots des films, Littérature, Portraits de personnalités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isabelle huppert, raphael enthoven, marquis de sade, sade
dimanche, 27 avril 2014
Faust - Goethe
Samson et Dalila, Rubens
Extrait de Faust, Goethe, 1964, Flammarion :
FAUST
Tu as donc des antipathies ?
MARGUERITE
Je dois me retirer.
FAUST
Ah ! ne pourrai-je jamais reposer une seule heure contre ton sein... presser mon cœur contre ton cœur, et mêler mon âme à ton âme ?
[...]
(Dans un creux du mur, l'image de la Mater dolorosa ; des pots de fleurs devant.)
MARGUERITE
Abaisse, ô mère de douleurs ! un regard de pitié sur ma peine !
Le glaive dans le coeur, tu contemples avec mille angoisses la mort cruelle de ton fils !
Tes yeux se tournent vers son père ; et tes soupirs lui demandent de vous secourir tous les deux !
Qui sentira, qui souffrira le mal qui déchire mon sein ?
l'inquiétude de mon pauvre cœur, ce qu'il craint, et ce qu'il espère ? toi seule, hélas ! peux le savoir !
En quelque endroit que j'aille, c'est une amère, hélas ! bien amère douleur que je traîne avec moi !
Je suis à peine seule, que je pleure, je pleure, je pleure ! et mon cœur se brise en mon sein !
Ces fleurs sont venues devant ma croisée ! tous les jours je les arrosais de mes pleurs : ce matin je les ai cueillies pour te les apporter.
Le premier rayon du soleil dans ma chambre me trouve sur mon lit assise, livrée à toute ma douleur !
Secours-moi ! sauve-moi de la honte et de la mort ! abaisse, ô mère de douleurs ! un regard de pitié sur ma peine !
Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, Enguerrand Charonton
Musée du Louvre
Pieta, El Greco
Pietà, Gustave Moreau
Pour le Lacrimosa
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/04/10/lacrimosa.html
Le Requiem se trouve ici
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/02/20/requiem-mozart.html
Faust
Goethe
1964
Flammarion
185 pages
http://www.amazon.fr/Goethe-Faust-Traduction-Pr%C3%A9face...
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Foi, Littérature, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : goethe, faust