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jeudi, 02 août 2012

Considérations sur les femmes - Les papillons du mal II - Baudelaire

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"Les papillons du mal II"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Que diriez-vous de mes principes, et des conseils que je donne à ce sexe trompeur qui souvent ne fait que feindre l'amour.

 

La bêtise est souvent l'ornement de la beauté : c'est elle qui donne aux yeux cette limpidité morne des étangs noirâtres, et ce calme huileux des mers tropicales. La bêtise est toujours la conservation de la beauté : elle éloigne les rides : c'est un cosmétique divin qui préserve nos idoles des morsures que la pensée garde pour nous, vilains savants que nous sommes !

 

La femme qui veut toujours faire l'homme, signe de grande dépravation.

 

Mais elle gâtait cette grande qualité par une ambition malséante et difforme. C'était une femme qui voulait toujours faire l'homme.

 

C'est parce que tous les vrais littérateurs ont horreur de la littérature à de certains moments, que je n'admets pour eux, - âmes libres et fières, esprits fatigués, qui ont toujours besoin de se reposer leur septième jour, - que deux classes de femmes possibles : les filles ou les femmes bêtes, - l'amour ou le pot-au-feu. - Frères, est-il besoin d'en expliquer les raisons ?

 

Elle a le fameux style coulant, cher aux bourgeois. Elle est bête, elle est lourde, elle est bavarde ; elle a, dans les idées morales, la même profondeur de jugement et la même délicatesse de sentiment que les concierges et les filles entretenues. [...] Que quelques hommes aient pu s'amouracher de cette latrine, c'est bien la preuve de l'abaissement des hommes de ce siècle. Voir la préface de Mademoiselle La Quintinie, où elle prétend que les vrais chrétiens ne croient pas à l'Enfer. La Sand est pour le Dieu des bonnes gens, le Dieu des concierges et des domestiques filous. Elle a de bonnes raisons pour vouloir supprimer l'Enfer.

 

Il ne faut pas croire que le Diable ne tente que les hommes de génie. Il méprise sans doute les imbéciles, mais il ne dédaigne pas leur concours. Bien au contraire, il fonde ses grands espoirs sur ceux-là. Voyez George Sand. Elle est surtout, et plus que toute autre chose, une grosse bête ; mais elle est possédée. C'est le Diable qui lui a persuadé de se fier à son bon cœur et à son bon sens, afin qu'elle persuadât toutes les autres grosses bêtes de se fier à leur bon cœur et à leur bon sens.

 

Comme nous, ils se sont levés de bon matin, et ils cherchent leur vie ou courent à leurs plaisirs. Il y en a qui couchent dans une ruine de la banlieue et qui viennent, chaque jour, à heure fixe, réclamer la sportule à la porte d'une cuisine du Palais-Royal ; d'autres qui accourent, par troupes, de plus de cinq lieues, pour partager le repas que leur a préparé la charité de certaines pucelles sexagénaires, dont le cœur inoccupé s'est donné aux bêtes, parce que les hommes imbéciles n'en veulent plus.

 

La femme générale. Un nez de Polichinelle, un front de bélier, des paupières en pelure d'oignon, des yeux incolores et sans regard, une bouche monstrueusement petite, ou simplement une absence de bouche (ni parole ni baiser), une mâchoire inférieure rentrée, des pieds plats, avec des jambes d'éléphant (des poutres sur des planches), en teint lilas, et avec tout cela la fatuité et le rengorgement d'un pigeon.

 

La femme ne sait pas séparer l'âme du corps. Elle est simpliste, comme les animaux. Un satirique dirait que c'est parce qu'elle n'a que le corps.

 

Voilà bien la grosse sagesse bourgeoise des femmes.

 

Les mères trouvent-elles dans leur continuelle sollicitude du talent pour reproduire toujours les mêmes pensées, et un style nouveau pour les rajeunir ?

 

Les hommes qui ont été élevés par les femmes et parmi les femmes ne ressemblent pas tout à fait aux autres hommes, en supposant même l'égalité dans le tempérament ou dans les facultés spirituelles. Le bercement des nourrices, les câlineries maternelles, les chatteries des sœurs, surtout des sœurs aînées, espèces de mères diminutives, transforment, pour ainsi dire, en la pétrissant, la pâte masculine. L'homme qui, dès le commencement, a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme, dans l'odeur de ses mains, de son sein, de ses genoux, de sa chevelure, de ses vêtements souples et flottants, y a contracté une délicatesse d'épiderme et une distinction d'accent, une espèce d'angrogynéité, sans lesquelles le génie le plus âpre et le plus viril reste, relativement à la perfection dans l'art, un être incomplet. Enfin, je veux dire que le goût précoce du monde féminin, de tout cet appareil ondoyant, scintillant et parfumé, fait des génies supérieurs ; et je suis convaincu que ma très intelligente lectrice absout la forme presque sensuelle de mes expressions, comme elle approuve et comprend la pureté de ma pensée.

 

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Charles Baudelaire (1821-1867) 

 

Je ne crois pas, madame, que les femmes en général connaissent toute l'étendue de leur pouvoir, soit pour le bien, soit pour le mal. Sans doute, il ne serait pas prudent de les en instruire toutes également.

 

Il paraîtrait que sa femme est belle, très bonne, et très grande artiste. Tant de trésors en une seule personne femelle, n'est pas monstrueux ?

 

Mon Dieu ! qu'une ancienne belle femme est donc ridicule quand elle laisse voir son regret de ne plus être adulée. 

 

Ce qui est démontré pour moi, c'est que les femmes ne sont intéressantes que quand elles sont très vieilles.

 

La jeune fille, ce qu'elle est en réalité. Une petite sotte et une petite salope : la plus grande imbécillité unie à la plus grande dépravation. Il y a dans la jeune fille toute l'abjection du voyou et du collégien.

 

La femme est le contraire du Dandy. Donc elle doit faire horreur. La femme a faim, et elle veut manger. Soif, et elle veut boire. Elle est en rut, et elle veut être foutue. Le beau mérite ! la femme est naturelle, c'est-à-dire abominable. Aussi est-elle toujours vulgaire, c'est-à-dire le contraire du Dandy.

 

Si je veux observer la loi des contrastes, qui gouverne l'ordre moral et l'ordre physique, je suis obligé de ranger dans la classe des femmes dangereuses aux gens de lettres, la femme honnête, le bas-bleu et l'actrice ; - la femme honnête, parce qu'elle appartient nécessairement à deux hommes et qu'elle est une médiocre pâture pour l'âme despotique du poète ; - le bas-bleu, parce que c'est un homme manqué ; - l'actrice, parce qu'elle est frottée de littérature et qu'elle parle argot. - Bref, parce que ce n'est pas une femme dans toute l'acception du mot, - le public lui étant une chose plus précieuse que l'amour.

 

Il y a de certaines femmes qui ressemblent au ruban de la Légion d'honneur. On n'en veut plus parce qu'elles se sont salies à de certains hommes. C'est par la même raison que je ne chausserais pas les culottes d'un galeux.

 

Il n'y a que deux endroits où l'on paye pour avoir le droit de dépenser, les latrines publiques et les femmes.

 

Ainsi dans les Etats où la prostitution légale n'existe pas, toutes les femmes sont vénales.

 

Généralement les maîtresses des poètes sont d'assez vilaines gaupes, dont les moins mauvaises sont celles qui font la soupe et ne payent pas un autre amant.

 

Les pauvres petites imitent leurs mamans : elles préludent déjà à leur immortelle puérilité future, et aucune d'elles, à coup sûr, ne deviendra ma femme.

 

Je suis obligé de travailler la nuit afin d'avoir du calme et d'éviter les insupportables tracasseries de la femme avec laquelle je vis. [...] VIVRE AVEC UN ETRE qui ne vous sait aucun gré de vos efforts, qui les contrarie par une maladresse ou une méchanceté permanente, qui ne vous considère que comme son domestique et sa propriété, avec qui il est impossible d'échanger une parole politique ou littéraire, une créature qui ne veut rien apprendre, quoique vous lui ayez proposé de lui donner vous-même des leçons, une créature QUI NE M'ADMIRE PAS, et qui ne s'intéresse même pas à mes études, qui jetterait mes manuscrits au feu si cela lui rapportait plus d'argent que de les laisser publier, [...] qui ne sait pas ou ne veut pas comprendre qu'être très avare, pendant UN mois seulement, me permettrait, grâce à ce repos momentané, de finir un gros livre, - enfin est-ce possible cela ? [...] je pense à tout jamais, que la femme qui a souffert et fait un enfant est la seule qui soit l'égale de l'homme. Engendrer est la seule chose qui donne à la femelle l'intelligence morale. Quand aux jeunes femmes sans état et sans enfants, ce n'est que coquetterie, implacabilité et crapule élégante.

 

¤     ¤     ¤

 

Ah ! voulez-vous savoir pourquoi je vous hais aujourd'hui. Il vous sera sans doute moins facile de le comprendre qu'à moi de vous l'expliquer ; car vous êtes, je crois, le plus bel exemple d'imperméabilité féminine qui se puisse rencontrer.

 

Vous avez l'âme belle, mais en somme, c'est une âme féminine.

 

Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle.

 

mercredi, 01 août 2012

Considérations sur l'amour - Les papillons du mal I - Baudelaire

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"Les papillons du mal I"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Trois milliards d'êtres qui broutent les orties du sentiment !

 

Laissez les écoliers ivres de leur première pipe chanter à tue-tête les louanges de la femme grasse.

 

Dans l'amour comme dans presque toutes les affaires humaines, l'entente cordiale est le résultat d'un malentendu. Ce malentendu, c'est le plaisir. L'homme crie : "Ô mon ange !" La femme roucoule "Maman ! Maman !" et ces deux imbéciles sont persuadés qu'ils pensent de concert. - Le gouffre infranchissable, qui fait l'incommunicabilité, reste infranchi.

 

Il y a dans l'acte d'amour une grande ressemblance avec la torture, ou avec une opération chirurgicale.

 

Ce qu'il y a d'ennuyeux dans l'amour, c'est que c'est un crime où l'on ne peut se passer d'un complice.

 

Dans Les Oreilles du comte de Chesterfield, Voltaire plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé pendant neuf mois entre des excréments et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère. Au moins aurait-il pu deviner dans cette localisation une malice ou une satire de la providence contre l'amour, et, dans le mode de la génération, un signe du péché originel. De fait, nous ne pouvons faire l'amour qu'avec des organes excrémentiels.

 

Ce qu'il y a de plus désolant, c'est que tout amour fait toujours une mauvaise fin, d'autant plus mauvaise qu'il était plus divin, plus ailé à son commencement. Il n'est pas de rêve, quelque idéal qu'il soit, qu'on ne retrouve avec un poupard glouton suspendu au sein.

 

Ne pouvant pas supprimer l'amour, l'Eglise a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage.

 

Cette histoire de fouterie provinciale, dans un lieu sacré, n'a-t-elle pas tout le sel classique des vieilles saletés françaises ?

 

Il me semble que quand le mari ne se plaint pas, le Cocuage est une institution, à la manière du Duel.

 

Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent, solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l'homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : "Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur !"

 

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Charles Baudelaire (1821-1867) 

 

Plus l'homme cultive les arts, moins il bande. Il se fait un divorce de plus en plus sensible entre l'esprit et la brute. La brute seule bande bien, et la fouterie est le lyrisme du peuple. Foutre, c'est aspirer à entrer dans l'autre, et l'artiste ne sort jamais de lui-même.

 

Le sentiment pousse l'enfant, s'il est très énergique, à tuer son père pour un pot de confiture, ou pour acheter des dentelles pour une fille, s'il a dix-huit ans, pousse la femme à tuer son mari pour acheter des bijoux ou pour entretenir un drôle ; - exactement comme il pousse le chient à tout bousculer pour s'emparer d'un morceau de viande.

 

Goût invincible de la prostitution dans le cœur de l'homme, d'où naît son horreur de la solitude - il veut être deux. L'homme de génie veut être un, donc solitaire. La gloire, c'est rester un, et se prostituer d'une manière particulière. C'est cette horreur de la solitude, le besoin d'oublier son moi dans la chair extérieure, que l'homme appelle noblement besoin d'aimer.

 

Après une débauche, on se sent toujours plus seul, plus abandonné.

 

L'amour brille pas son absence. Ce qu'on appelle amour ici est une pure opération gymnastique animale que je n'ai pas à vous décrire.

 

Mais ce que je sais bien, c'est que j'ai horreur de la passion, - parce que je la connais, avec toutes ses ignominies.

 

Mais quelque fois votre amitié pour moi vous pousse à me traiter un peu mal, je subis un paquet de reproches qui ne me concernent pas.

 

La haine est une liqueur précieuse, un poison plus cher que celui des Borgia, - car il est fait avec notre sang, notre saleté, notre sommeil et les deux tiers de notre amour ! Il faut en être avare !

 

Que diriez-vous de mes principes, et des conseils que je donne à ce sexe trompeur qui souvent ne fait que feindre l'amour.