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jeudi, 30 janvier 2014

L'aventure, c'est l'aventure - Lelouch, Ventura, Brel, Denner, Hallyday, Maccione

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Film : L'aventure, c'est l'aventure (1972, durée 2h)

Réalisateur : Claude Lelouch

Lino (Lino Ventura), Jacques (Jacques Brel), Simon (Charles Denner), Johnny Hallyday (Johnny Hallyday), Charlot (Charles Gérard), Aldo (Aldo Maccione), Nicole (Nicole Courcel), l'ambassadeur (André Falcon), la femme de l'ambassadeur (Prudence Harrington), Ernesto Juearez (Juan Luis Bunuel), Davis (Alexandre Mnouchkine), l'avocat de la défense (Yves Robert)

 

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Lino : Aujourd'hui, j'ai eu mon compte. T'as compris ? J'ai mon compte. Disons que j'ai eu une journée un petit peu... un petit peu spéciale. Et vraiment, j'ai l'impression de vivre dans un monde de dingues. Je ne sais pas ce qui vous prend à tous, mais, non-non-non, écoute, je ne veux pas de... je suis pressé [...]

Son fils : Papa, il faut que je t'explique. Je veux que tu comprennes.

Lino : Oui, mais alors deux secondes.

Son fils : Deux secondes. Le capital, c'est foutu. La Cinquième, c'est foutu. Le PC, c'est foutu. La société de consommation, c'est fini tout ça, c'est foutu. Les bagnoles, foutues. Faut que tu en prennes conscience, faut que tu te réveilles. Il faut que tu nous aide.

Lino : Bon, bon, alors.

 

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lundi, 06 août 2012

Baudelaire et ses contemporains - Les papillons du mal VI - Baudelaire

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 "Les papillons du mal VI"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Si un poète demandait à l'Etat le droit d'avoir quelques bourgeois dans son écurie, on serait fort étonné, tandis que si un bourgeois demandé du poète rôti, on le trouverait tout naturel.

 

La poésie est un des arts qui rapportent le plus ; mais c'est une espèce de placement dont on ne touche que tard les intérêts, - en revanche très gros. Je défie les envieux de me citer de bons vers qui aient ruiné un éditeur.


Est-il même bien nécessaire, pour le contentement de l’auteur, qu’un livre quelconque soit compris, excepté de celui ou de celle pour qui il a été composé ? (…) J’ai, quant à moi, si peu de goût pour le monde vivant, que, pareil à ces femmes sensibles et désœuvrées qui envoient, dit-on, par la poste de leurs confidences à des amies imaginaires, volontiers je n’écrirais que pour les morts.
 

 

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Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé, le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?

 

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Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière.


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Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise.

 

 

Sur ses contemporains :

 

Je m'ennuie en France, surtout parce que tout le monde y ressemble à Voltaire.

 

Alfred de Musset, féminin sans doctrine, aurait pu exister dans tous les temps et n'eût jamais été qu'un paresseux à effusions gracieuses.

 

Balzac pensait sans doute qu'il n'est pas pour l'homme de plus grande honte ni de plus vive souffrance que l'abdication de sa volonté.

 

Il n'existe que trois êtres respectables : le prêtre, le guerrier, le poète. Savoir, tuer et créer. Les autres hommes sont taillables et corvéables, faits pour l'écurie, c'est-à-dire pour exercer ce qu'on appelle des professions.

 

Presque toute notre vie est employée à des curiosités niaises. En revanche, il y a des choses qui devraient exciter la curiosité des hommes au plus haut degré, et qui, à en juger par leur train de vie ordinaire, ne leur en inspirent aucune.

 

Il y a quelques mois, j'ai fait sur mon ami Théophile Gautier un assez long article qui a soulevé un tel éclat de rire parmi les imbéciles, que j'ai jugé bon d'en faire une petite brochure, ne fût-ce que pour prouver que je ne me repens jamais.

 

J'ai un de ces heureux caractères qui tirent une jouissance de la haine et qui se glorifient dans le mépris.

 

Ceux qui savent me devinent, et pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas comprendre, j'amoncellerais sans fruit les explications.

 

Je n'ai jamais pu souffrir ce maître des gandins, son impudence d'enfant gâté qui invoque le ciel et l'enfer pour des aventures de table d'hôte, son torrent bourbeux de fautes de grammaire et de prosodie.

 

Si sa pâture d'amusement lui est servie, [...] l'homme de lettres candide sera dupe, à moins qu'il ne soit un charlatan obscène comme J.-J. Rousseau ou George Sand.

 

Excepté Chateaubriand, Balzac, Stendhal, Mérimée, de Vigny, Flaubert, Banville, Gautier, Leconte de Lisle, toute la racaille moderne me fait horreur. La vertu, horreur. Le vice, horreur ? Le style coulant, horreur. Le progrès, horreur. Ne me parlez plus jamais des diseurs de riens. [...] Tout ce qu'on appelle progrès, ce que j'appelle, moi : le paganisme des imbéciles.


Baudelaire est allé écouter une conférence "de ce petit bêta de Deschanel ! professeur pour demoiselles ! démocrate qui ne crois pas aux miracles et ne croit qu'au BON SENS (!) parfait représentant de la petite littérature, petit vulgarisateur de choses vulgaires, etc. !".

 

Je ne dirai pas qu'ils ne sont pas beaux ; ils sont horriblement laids ; et leur âme doit ressembler à leur visage.

 

Ainsi si vous voyez Mme Meurice, il est inutile d'affliger ses convictions. Cette excellente femme qui aurait eu autrefois plaisir à vivre, est tombée, vous le savez, dans la démocratie, comme un papillon dans la gélatine.

 

Vous êtes une preuve nouvelle qu'un vaste talent implique toujours une grande bonté et une exquise indulgence.


 

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Charles Baudelaire (1821-1867)

 

 

Baudelaire à nu :


J'ai cultivé mon hystérie avec jouissance et terreur. Maintenant j'ai toujours le vertige, et aujourd'hui 23 janver 1862, j'ai subi un singulier avertissement, j'ai senti passer sur moi le vent de l'aile de l'imbécillité.

 

Persuade-toi donc bien d'une chose, que tu sembles toujours ignorer ; c'est que vraiment pour mon malheur, je ne suis pas fait comme les autres hommes.

 

Ma tête devient littéralement unvolcan malade. De grands orages et de grandes aurores.

 

Il y a quelques mois, j'ai fait sur mon ami Théophile Gautier un assez long article qui a soulevé un tel éclat de rire parmi les imbéciles, que j'ai jugé bon d'en faire une petite brochure, ne fût-ce que pour prouver que je ne me repens jamais.

 

Ainsi, que je sois à Paris, à Bruxelles, ou dans une ville inconnue, je suis sûr d'être malade et inguérissable. Il y a une misanthropie qui vient, non pas d'un mauvais caractère, mais d'une sensibilité trop vive et d'un goût trop facile à se scandaliser.

 

C'est un certain état soporeux qui me fait douter de mes facultés.

 

La respiration manque, et l'angoisse va toujours croissant jusqu'à ce que, trouvant un remède dans l'intensite même de la douleur, la nature humaine fasse explosion dans un grand cri et dans un bondissement de tout le corps qui amène enfin une violente délivrance.

 

Je suis exigeant comme un homme qui souffre.

 

Les horizons n'ont pas besoins d'être grands pour que les batailles soient importantes ; les révolutions et les événements les plus curieux se passent sous le ciel du crâne, dans le laboratoire étroit et mystérieux du cerveau.

 

dimanche, 05 août 2012

Considérations sur l'art - Les papillons du mal V - Baudelaire

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"Les papillons du mal V"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Si un poète demandait à l'Etat le droit d'avoir quelques bourgeois dans son écurie, on serait fort étonné, tandis que si un bourgeois demandé du poète rôti, on le trouverait tout naturel.

 

La folie de l’art est égale à l’abus de l’esprit. La création d’une de ces deux suprématies engendre la sottise, la dureté du cœur et une immensité d’orgueil et d’égoïsme. Je me rappelle avoir entendu dire à un artiste farceur qui avait reçu une pièce de monnaie fausse : « Je la garde pour un pauvre. » Le misérable prenait un infernal plaisir à voler le pauvre et à jouir en même temps des bénéfices d’une réputation de charité.

 

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La musique creuse le ciel.

 

La musique donne l'idée de l'espace. Tous les arts, plus ou moins ; puisqu'ils sont nombre et que le nombre est traduction de l'espace.

 

La véritable musique suggère des idées analogues dans des cerveaux différents.

 

La musique creuse le ciel.

 

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Il y a dans l'engendrement de toute pensée sublime une secousse nerveuse qui se fait sentir dans le cervelet.

 

Ce qui n'est pas légèrement difforme a l'air insensible ; d'où il suit que l'irrégularité, c'est-à-dire l'inattendu, la surprise, l'étonnement sont une partie essentielle et la caractéristique de la beauté.

 

Ce que j'ai toujours trouvé de plus beau dans un théâtre [...], c'est le lustre - un bel objet, lumineux, cristallin, compliqué, circulaire et symétrique.

 

Je crois que le charme infini et mystérieux qui gît dans la contemplation d'un navire [...] tient [...] à la régularité et à la symétrie qui sont un des besoins primordiaux de l'esprit humain, au même degré que la complication et l'harmonie.

 

Le Français est un animal de basse-cour, si bien domestiqué qu'il n'ose franchir aucune palissade. Voir ses goûts en art et en littérature. C'est l'animal de race latine ; l'ordure ne lui déplaît pas dans son domicile, et en littérature, il est scatophage. Il raffole des excréments. Les littérateurs d'estaminets appellent cela le sel gaulois.

 

La France, le public français, veux-je dire (si nous en exceptons quelques artistes et quelques écrivains), n'est pas artiste, naturellement artiste ; ce public-là est philosophe, moraliste, ingénieur, amateur de récits et d'anecdotes, tout ce qu'on voudra, mais jamais spontanément artiste. [...] Où il ne faut voir que le beau, notre public ne cherche que le vrai.

 

Je crois sincèrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, sous prétexte de tout expliquer, n'a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament.


 

S’il est permis à la photographie de suppléer l’art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l’aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait grâce à l’alliance naturelle qu’elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc qu’elle rentre dans son véritable devoir, qui est d’être la servante des sciences et des arts, mais la très humble servante, comme l’imprimerie  et la sténographie, qui n’ont ni créé ni suppléé la littérature.

 

Je ne suis donc pas partisan de la nature ; elle trouble le miroir de la pensée.

 

Deux qualités littéraires fondamentales : surnaturalisme et ironie.

 

Est-il même bien nécessaire, pour le contentement de l’auteur, qu’un livre quelconque soit compris, excepté de celui ou de celle pour qui il a été composé ? (…) J’ai, quant à moi, si peu de goût pour le monde vivant, que, pareil à ces femmes sensibles et désœuvrées qui envoient, dit-on, par la poste de leurs confidences à des amies imaginaires, volontiers je n’écrirais que pour les morts.

 

Le jour où le jeune écrivain corrige sa première épreuve, il est fier comme un écolier qui vient de gagner sa première vérole.

  

 

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Charles Baudelaire (1821-1867) 

 

Les prix portent malheur. Prix académiques, prix de vertu, décorations, toutes ces inventions du diable encouragent l’hypocrisie et glacent les élans spontanés d’un cœur libre.

 

Consentir à être décoré, c'est reconnaître à l'Etat ou au prince le droit de vous juger, de vous illustrer, etc.


Il est une chose mille fois plus dangereuse que le bourgeois, c'est l'artiste-bourgeois, qui a été créé pour s'interposer entre le public et le génie ; il les cache l'un à l'autre.

 

Les singes sont les républicains de l'art, et l'état actuel de la peinture est le résultat d'une liberté anarchique qui glorifie l'individu.

 

La manière dont les Belges discutent la valeur des tableaux. Le chiffre, toujours le chiffre. Cela dure trois heures. Quand, pendant trois heures, ils ont cité des prix de vente, ils croient qu’ils ont disserté peinture. 

 

Chaque concert a une partie française ; on a peur, il est vrai, d’être Français, mais on a peur de ne pas le paraître.


Il n'y a pas de hasard dans l'art, non plus qu'en mécanique. Une chose heureusement trouvée est la simple conséquence qu'un bon raisonnement, dont on a quelque fois sauté les déductions intermédiaires, comme une faute est la conséquence d'un faux principe. Un tableau est une machine dont tous les systèmes sont intelligibles pour un œil exercé.


Parce que l’art, pour être profond, veut une idéalisation perpétuelle qui ne s’obtient qu’en vertu du sacrifice, - sacrifice involontaire.


Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière.

 

La France n'est pas poète, elle éprouve même, pour tout dire, une horreur congénitale de la poésie.


La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d'une haine distinctive, et, quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que l'un des deux serve l'autre.


La poésie est un des arts qui rapportent le plus ; mais c'est une espèce de placement dont on ne touche que tard les intérêts, - en revanche très gros. Je défie les envieux de me citer de bons vers qui aient ruiné un éditeur.


Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé, le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?

 

Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise.

 

samedi, 04 août 2012

Considérations sur la foi - Les papillons du mal IV - Baudelaire

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"Les papillons du mal IV"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Passez en revue, analysez tout ce qui est naturel, toutes les actions et les désirs du pur homme naturel, vous ne trouverez rien que d'affreux. [...] Le crime, dont l'animal humain a puisé le goût dans le ventre de sa mère, est originellement naturel. La vertu, au contraire, est artificielle, surnaturelle, puisqu'il a fallu dans tous les temps et chez toutes les nations des dieux et des prophètes pour l'enseigner à l'humanité animalisée, et que l'homme, seul, eût été impuissant à la découvrir. 

 

Le commerce est par son essence satanique. Le commerce, c'est le prêté-rendu, c'est le prêt avec sous-entendu : rends-moi plus que je ne te donne. L'esprit de tout commerçant est complètement vicié. Le commerce est naturel, donc il est infâme. Le moins infâme de tous les commerçants, c'est celui qui dit : Soyons vertueux pour gagner beaucoup plus d'argent que les sots qui sont vicieux. Pour le commerçant, l'honnêteté elle-même est une spéculation de lucre. Le commerce est satanique parce qu'il est une des formes de l'égoïsme, et la plus basse et la plus vile.

 

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Connais donc les jouissances d'une vie âpre ; et prie, prie sans cesse. La prière est réservoir de force.


Ce sont les mêmes gens qui donneraient volontiers un franc à un pauvre, à condition qu'il s'étouffât avec du pain, et lui refuseront toujours deux sous pour se désaltérer au cabaret.

 

Je ne puis penser à cette stupide créature sans un certain frémissement d'horreur. Si je la rencontrais, je ne pourrais m'empêcher de lui jeter un bénitier à la tête.

 

La superstition est le réservoir de toutes les vérités.

 

La folie de l’art est égale à l’abus de l’esprit. La création d’une de ces deux suprématies engendre la sottise, la dureté du cœur et une immensité d’orgueil et d’égoïsme. Je me rappelle avoir entendu dire à un artiste farceur qui avait reçu une pièce de monnaie fausse : « Je la garde pour un pauvre. » Le misérable prenait un infernal plaisir à voler le pauvre et à jouir en même temps des bénéfices d’une réputation de charité. 

 

Oh ! profond (…), profond est le labour de la douleur : mais il ne faut pas moins que cela pour l’agriculture de Dieu. (…) Avec des charrues moins cruelles, le sol réfractaire n’aurait pas été remué. A la terre, notre planète, à l’habitacle de l’homme il faut la secousse ; et la douleur est plus souvent encore nécessaire comme étant le plus puissant outil de Dieu. 

 

Si l’Eglise condamne la magie et la sorcellerie, c’est qu’elles militent contre les intentions de Dieu, qu’elles suppriment le travail du temps et veulent rendre superflues les conditions de pureté et de moralité ; et qu’elle, l’Eglise, ne considère comme légitimes, comme vrais, que les trésors gagnés par la bonne intention assidue. 

 

Mais l'homme n'est pas si abandonné, si privé de moyens honnêtes pour gagner le ciel, qu'il soit obligé d'invoquer la pharmacie et la sorcellerie ; il n'a pas besoin de vendre son âme pour payer les caresses enivrantes et l'amitié des houris. Qu'est-ce qu'un paradis qu'on achète au prix de son salut éternel ?

 

Pourquoi le spectacle de la mer est-il si infiniment et si éternellement agréable ? parce que la mer offre à la fois l'idée de l'immensité et du mouvement. Six ou sept lieues représentent pour l'homme le rayon de l'infini. Voilà un infini diminutif. Qu'importe s'il suffit à suggérer l'idée de l'infini total ? Douze ou quatorze lieues (sur le diamètre), douze ou quatorze de liquide en mouvement suffisent pour donner la plus haute idée de beauté qui soit offert à lhomme sur son habitacle transitoire. 

 

Tout homme qui n'accepte pas les conditions de sa vie vend son âme.

 

Hélas ! les vices de l'homme, si pleins d'horreur qu'on les suppose, contiennent la preuve (quand ce ne serait que leur infinie expansion !) de son goût de l'infini ; seulement, c'est un goût qui se trompe souvent de route.

 

Le vin exalte la volonté ; le haschisch l'annihile. Le vin est un support physique ; le haschisch est une arme pour le suicide. Le vin rend bon et sociable ; le haschisch est isolant. L'un est laborieux pour ainsi dire, l'autre essentiellement paresseux. [...] Le vin est utile, il produit des résultats fructifiants. Le haschisch est inutile et dangereux.

 

Ce seigneur visible de la nature visible (je parle de l'homme) a donc voulu créer le Paradis par la pharmacie, par les boissons fermentées, semblable à un manique qui remplacerait des meubles solides et des jardins véritables par des décors peints sur toile et montés sur châssis. C'est dans cette dépravation du sens de l'infini que gît, selon moi, la raison de tous les excès coupables, depuis l'ivresse solitaire et concentrée du littérateur, qui, obligé de chercher dans l'opium un soulagement à une douleur physique, et ayant ainsi découvert une source de jouissances morbides, en a fait peu à peu son unique hygiène et comme le soleil de sa vie spirituelle, jusqu'à l'ivrognerie la plus répugrante des faubourgs, qui,le cerveau plein de flamme et de gloire, se roule ridiculement dans les ordures de la route. 

 

Un homme qui ne boit que de l'eau a un secret à cacher à ses semblables.

 

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Charles Baudelaire (1821-1867)

 

Je ne croirai jamais que l'âme des Dieux habite dans les plantes, et quand même elle y habiterait, je m'en soucierais médiocrement, et considérerais la mienne comme d'un bien plus hauit prix que celle des légumes sanctifiés.

 

Le vue de tous ces quadrumanes athées a fortement confirmé mes idées de religion.

 

Le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ; le bien est oujours le produit d'un art.

 

La musique creuse le ciel.

 

La musique donne l'idée de l'espace. Tous les arts, plus ou moins ; puisqu'ils sont nombre et que le nombre est traduction de l'espace.

 

La véritable musique suggère des idées analogues dans des cerveaux différents.

 

La musique creuse le ciel.

 

vendredi, 03 août 2012

Considérations sur la société - Les papillons du mal III - Baudelaire

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"Les papillons du mal III" 

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Il y a de certaines femmes qui ressemblent au ruban de la Légion d'honneur. On n'en veut plus parce qu'elles se sont salies à de certains hommes. C'est par la même raison que je ne chausserais pas les culottes d'un galeux.

 

Il n'y a que deux endroits où l'on paye pour avoir le droit de dépenser, les latrines publiques et les femmes.

 

Ainsi dans les Etats où la prostitution légale n'existe pas, toutes les femmes sont vénales.  

 

Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle.

 

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Peu d'hommes ont le droit de régner, car peu d'hommes ont une grande passion.

 

Les dictateurs sont les domestiques du peuple, - rien de plus, - un foutu rôle d'ailleurs, - et la gloire est le résultat de l'adaptation d'un esprit avec la sottise nationale.

 

L'homme, c'est-à-dire chacun, est si naturellement dépravé qu'il souffre moins de l'abaissement universel que de l'établissement d'une hiérarchie raisonnable.

 

La pédérastie est le seul lien qui rattache la magistrature à l'humanité.

 

Il n'y a de gouvernement raisonnable et assuré que l'aristocratique. Monarchie ou république basées sur la démocratie sont également absurdes et faibles.

 

A quoi bon réduire en esclavage des gens qui ne savent pas faire cuire des œufs ?

 

C'est toujours la fête. Grand signe de fainéantise populaire. 

 

Nécessité pour chaque homme de se vanter lui-même dans un pays où personne ne sait rendre justice à personne.Vélocité proportionnelle à la pesanteur. C'est toujours le troupeau de moutons, à droite, à gauche, au nord, au sud, se précipitant en bloc. Aussi, il n'y a rien ici qui soit plus à la mode, ni mieux vu, ni plus honorable que le coup de pied de l'âne.

 

Celui-là seul est l'égal d'un autre, qui le prouve, et celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir. 

 

Le crépuscule excite les fous.

 

Il ne faut jamais livrer certaines questions à la canaille.

 

La familiarité est le fait des brutes et des provinciaux.

 

L'enfance, jolie presque partout, est ici hideuse, teigneuse, galeuse, crasseuse, merdeuse.

 

Il est marchand, c'est-à-dire voleur.

 

Dans un pays où chacun est défiant, il est évident que tout le monde est voleur.

 

Au critique chagrin, à l'observateur importun, la Belgique somnolente et abrutie, répondrait volontiers : "Je suis heureuse ; ne me réveillez pas."

 

Coupé en tronçons, partagé, envahi, vaincu, rossé, pillé, le Belge végète encore, pure merveille de mollusque.

 

Il admire son remords et il se glorifie, pendant qu'il est en train de perdre sa liberté.

 

En somme, devant l'Histoire et devant le peuple français, la grande gloire de Napoléon III aura été de prouver que le premier venu peut, en s'emparant du télégraphe et de l'Imprimerie nationale, gouverner une grande nation.

 

Tout journal de la première ligne à la dernière, n'est qu'un tissu d'horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d'atrocité universelle. Et c'est de ce dégoûtant apéritif que l'homme civilisé accompagne son repas de chaque matin. Tout, en ce monde, sue le crime : le journal, la muraille et le visage de l'homme. Je ne comprends pas qu'une main pure puisse toucher un journal sans une convulsion de dégoût.

 

Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que d'amuser.

 

A chaque minute nous sommes écrasés par l'idée et la sensation du temps. Et il n'y a que deux moyens pour échapper à ce cauchemar, - pour l'oublier : le Plaisir et le Travail. Le Plaisir nous use. Le Travail nous fortifie. Choisissons.

 

D'autres, qui laissent, pendant qu'elles y officient, la porte des latrines ouverte. Des gandins contrefaits qui ont violé toutes les femmes. Des libres-penseurs qui ont peu des revenants. Des patriotes qui veulent massacrer tous les Français (ceux-là portent le bras droit en écharpe pour faire croire qu'ils se sont battus). 

 

Tous les Belges éclatent de rire, parce qu'ils croient qu'il faut rire. Vous contez une histoire drôle ; ils vous regardent avec de gros yeux, d'un air affligé. Vous vous foutez d'eux. Ils se sentent flattés et croient à des compliments. Vous leur faites un compliment. Ils croient que vous vous foutez d'eux.

 

L'Orient, en général, sent le musc et la charogne.

 

Les Belges sont des ruminants qui ne digèrent rien.

 

La croyance au progrès est une doctrine de paresseux, une doctrine de Belges. C'est l'individu qui compte sur ses voisins pour faire sa besogne. Il ne peut y avoir de progrès (vrai, c'est-à-dire moral) que dans l'individu et par l'individu lui-même. Mais le monde est fait de gens qui ne peuvent penser qu'en commun, en bandes. Ainsi les Sociétés belges. Il y a aussi des gens qui ne peuvent s'amuser qu'en troupe. Le vrai héros s'amuse tout seul. 

 

Une suite de petites volontés fait un gros résultat. Tout recul de la volonté est une parcelle de substance perdue. Combien donc l'hésitation est prodigue ! et qu'on juge de l'immensité de l'effort final nécessaire pour réparer tant de pertes !

 

Il y a si peu d'amusements qui ne soient pas coupables !

 

La mécanique vous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien parmi les rêveries sanguinaires, sacrilège ou antinaturelles des utopistes ne pourra être comparé à ses résultats positifs [...] alors, le fils fuira la famille, non pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé par sa précocité gloutonne ; il la fuira, non pas pour chercher des aventures héroïques, non pas pour délivrer une beauté prisonnière dans une tour, non pas pour immortaliser un galetas par de sublimes pensées, mais pour fonder un commerce, pour s'enrichir, et pour faire concurrence à son infâme papa.

 

L’imagination humaine peut concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres Etats communautaires, dignes de quelque gloire, s’ils sont dirigés par des hommes sacrés, par de certains aristocrates. Mais ce n’est pas particulièrement par des institutions politiques que se manifestera la ruine universelle, ou le progrès universel ; car peu m’importe le nom. Ce sera par l’avilissement des cœurs. Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de l’animalité générale, et que les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d’ordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie ?

 

Voici un homme chargé de ramasser les débris d’une journée de la capitale.(…) Il compulse les archives de la débauche, le capharnaüm des rebuts. 

 

Malgré les admirables services qu’ont rendus l’éther et le chloroforme, il me semble qu’au point de vue de la philosophie spiritualiste la même flétrissure morale s’applique à toutes les inventions modernes qui tendent à diminuer la liberté humaine et l’indispensable douleur. 

 

Cet homme est si peu élégiaque, si peu éthéré qu’il ferait horreur même à un notaire.

 

Grâce au progrès de ces temps, il ne te restera de tes entrailles que des viscères ! 

 

Quant à l'habit, la pelure du héros moderne [...] n'est-il pas l'habit nécessaire de notre époque, souffrante et portant jusque sur ses épaules noires et maigres le symbole d'un deuil perpétuel ? [...] - une immense défilade de croque-morts amoureux, croque-morts bourgeois. Nous célébrons tous quelque enterrement.

 

 amour,baudelaireCharles Baudelaire (1821-1867) 

 

 

Ceux qui m’ont aimé étaient des gens méprisés, je dirais même méprisables, si je tenais à flatter les honnêtes gens

 

Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire.

 

Quand j’aurai inspiré le dégoût et l’horreur universels, j’aurai conquis la solitude.

 

Que de fois j’ai contemplé, souriant et attendri, tous ces philosophes à quatre pattes, esclaves complaisants, soumis ou dévoués, que le dictionnaire républicain pourrait aussi bien qualifier d’officieux, si la république, trop occupée du bonheur des hommes, avait le temps de ménager l’honneur des chiens !

 

Un fonctionnaire quelconque, un ministre, un directeur de théâtre ou de journal peuvent être quelquefois des êtres estimables, mais il ne sont jamais divins. Ce sont des personnes sans personnalité, des êtres sans originalité, nés pour la fonction, c'est-à-dire pour la domesticité publique. 

 

Etre un homme utile m'a paru toujours quelque chose de bien hideux.

 

Si un poète demandait à l'Etat le droit d'avoir quelques bourgeois dans son écurie, on serait fort étonné, tandis que si un bourgeois demandé du poète rôti, on le trouverait tout naturel.

 

Je ne connais rien de plus compromettant que les imitateurs et je n'aime rien tant que d'être seul.

 

Cette syncope qui est considérée par les vulgaires mortels comme le summum du bonheur.

 

Il y a autant de beautés qu'il y a de manières habituelles de chercher le bonheur.

 

Vers la religion :

 

Théorie de la vraie civilisation. Elle n'est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes, elle est dans la diminution des traces du péché originel.

 

L'impiété belge est une contrefaçon de l'impiété française élevée au cube.

 

En somme, ce que la Belgique, toujours simiesque, imite avec le plus de bonheur et de naturel, c'est la sottise française.

 

La religion catholique en Belgique ressemble à la fois à la superstition napolitaine et à la cuistrerie protestante.

 

Il est défendu de visiter les églises à toute heure ; il est défendu de s'y promener ; il est défendu d'y prier à d'autres heures qu'à celles des offices. Après tout, pourquoi le clergé ne serait-il pas égal en grossièreté au reste de la nation ? Comme les prostituées qui n'ont pas plus l'idée de la galanterie, que certains prêtres celle de la religion.

 

Passez en revue, analysez tout ce qui est naturel, toutes les actions et les désirs du pur homme naturel, vous ne trouverez rien que d'affreux. [...] Le crime, dont l'animal humain a puisé le goût dans le ventre de sa mère, est originellement naturel. La vertu, au contraire, est artificielle, surnaturelle, puisqu'il a fallu dans tous les temps et chez toutes les nations des dieux et des prophètes pour l'enseigner à l'humanité animalisée, et que l'homme, seul, eût été impuissant à la découvrir. 

 

Le commerce est par son essence satanique. Le commerce, c'est le prêté-rendu, c'est le prêt avec sous-entendu : rends-moi plus que je ne te donne. L'esprit de tout commerçant est complètement vicié. Le commerce est naturel, donc il est infâme. Le moins infâme de tous les commerçants, c'est celui qui dit : Soyons vertueux pour gagner beaucoup plus d'argent que les sots qui sont vicieux. Pour le commerçant, l'honnêteté elle-même est une spéculation de lucre. Le commerce est satanique parce qu'il est une des formes de l'égoïsme, et la plus basse et la plus vile.

 

jeudi, 02 août 2012

Considérations sur les femmes - Les papillons du mal II - Baudelaire

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"Les papillons du mal II"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Que diriez-vous de mes principes, et des conseils que je donne à ce sexe trompeur qui souvent ne fait que feindre l'amour.

 

La bêtise est souvent l'ornement de la beauté : c'est elle qui donne aux yeux cette limpidité morne des étangs noirâtres, et ce calme huileux des mers tropicales. La bêtise est toujours la conservation de la beauté : elle éloigne les rides : c'est un cosmétique divin qui préserve nos idoles des morsures que la pensée garde pour nous, vilains savants que nous sommes !

 

La femme qui veut toujours faire l'homme, signe de grande dépravation.

 

Mais elle gâtait cette grande qualité par une ambition malséante et difforme. C'était une femme qui voulait toujours faire l'homme.

 

C'est parce que tous les vrais littérateurs ont horreur de la littérature à de certains moments, que je n'admets pour eux, - âmes libres et fières, esprits fatigués, qui ont toujours besoin de se reposer leur septième jour, - que deux classes de femmes possibles : les filles ou les femmes bêtes, - l'amour ou le pot-au-feu. - Frères, est-il besoin d'en expliquer les raisons ?

 

Elle a le fameux style coulant, cher aux bourgeois. Elle est bête, elle est lourde, elle est bavarde ; elle a, dans les idées morales, la même profondeur de jugement et la même délicatesse de sentiment que les concierges et les filles entretenues. [...] Que quelques hommes aient pu s'amouracher de cette latrine, c'est bien la preuve de l'abaissement des hommes de ce siècle. Voir la préface de Mademoiselle La Quintinie, où elle prétend que les vrais chrétiens ne croient pas à l'Enfer. La Sand est pour le Dieu des bonnes gens, le Dieu des concierges et des domestiques filous. Elle a de bonnes raisons pour vouloir supprimer l'Enfer.

 

Il ne faut pas croire que le Diable ne tente que les hommes de génie. Il méprise sans doute les imbéciles, mais il ne dédaigne pas leur concours. Bien au contraire, il fonde ses grands espoirs sur ceux-là. Voyez George Sand. Elle est surtout, et plus que toute autre chose, une grosse bête ; mais elle est possédée. C'est le Diable qui lui a persuadé de se fier à son bon cœur et à son bon sens, afin qu'elle persuadât toutes les autres grosses bêtes de se fier à leur bon cœur et à leur bon sens.

 

Comme nous, ils se sont levés de bon matin, et ils cherchent leur vie ou courent à leurs plaisirs. Il y en a qui couchent dans une ruine de la banlieue et qui viennent, chaque jour, à heure fixe, réclamer la sportule à la porte d'une cuisine du Palais-Royal ; d'autres qui accourent, par troupes, de plus de cinq lieues, pour partager le repas que leur a préparé la charité de certaines pucelles sexagénaires, dont le cœur inoccupé s'est donné aux bêtes, parce que les hommes imbéciles n'en veulent plus.

 

La femme générale. Un nez de Polichinelle, un front de bélier, des paupières en pelure d'oignon, des yeux incolores et sans regard, une bouche monstrueusement petite, ou simplement une absence de bouche (ni parole ni baiser), une mâchoire inférieure rentrée, des pieds plats, avec des jambes d'éléphant (des poutres sur des planches), en teint lilas, et avec tout cela la fatuité et le rengorgement d'un pigeon.

 

La femme ne sait pas séparer l'âme du corps. Elle est simpliste, comme les animaux. Un satirique dirait que c'est parce qu'elle n'a que le corps.

 

Voilà bien la grosse sagesse bourgeoise des femmes.

 

Les mères trouvent-elles dans leur continuelle sollicitude du talent pour reproduire toujours les mêmes pensées, et un style nouveau pour les rajeunir ?

 

Les hommes qui ont été élevés par les femmes et parmi les femmes ne ressemblent pas tout à fait aux autres hommes, en supposant même l'égalité dans le tempérament ou dans les facultés spirituelles. Le bercement des nourrices, les câlineries maternelles, les chatteries des sœurs, surtout des sœurs aînées, espèces de mères diminutives, transforment, pour ainsi dire, en la pétrissant, la pâte masculine. L'homme qui, dès le commencement, a été longtemps baigné dans la molle atmosphère de la femme, dans l'odeur de ses mains, de son sein, de ses genoux, de sa chevelure, de ses vêtements souples et flottants, y a contracté une délicatesse d'épiderme et une distinction d'accent, une espèce d'angrogynéité, sans lesquelles le génie le plus âpre et le plus viril reste, relativement à la perfection dans l'art, un être incomplet. Enfin, je veux dire que le goût précoce du monde féminin, de tout cet appareil ondoyant, scintillant et parfumé, fait des génies supérieurs ; et je suis convaincu que ma très intelligente lectrice absout la forme presque sensuelle de mes expressions, comme elle approuve et comprend la pureté de ma pensée.

 

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Charles Baudelaire (1821-1867) 

 

Je ne crois pas, madame, que les femmes en général connaissent toute l'étendue de leur pouvoir, soit pour le bien, soit pour le mal. Sans doute, il ne serait pas prudent de les en instruire toutes également.

 

Il paraîtrait que sa femme est belle, très bonne, et très grande artiste. Tant de trésors en une seule personne femelle, n'est pas monstrueux ?

 

Mon Dieu ! qu'une ancienne belle femme est donc ridicule quand elle laisse voir son regret de ne plus être adulée. 

 

Ce qui est démontré pour moi, c'est que les femmes ne sont intéressantes que quand elles sont très vieilles.

 

La jeune fille, ce qu'elle est en réalité. Une petite sotte et une petite salope : la plus grande imbécillité unie à la plus grande dépravation. Il y a dans la jeune fille toute l'abjection du voyou et du collégien.

 

La femme est le contraire du Dandy. Donc elle doit faire horreur. La femme a faim, et elle veut manger. Soif, et elle veut boire. Elle est en rut, et elle veut être foutue. Le beau mérite ! la femme est naturelle, c'est-à-dire abominable. Aussi est-elle toujours vulgaire, c'est-à-dire le contraire du Dandy.

 

Si je veux observer la loi des contrastes, qui gouverne l'ordre moral et l'ordre physique, je suis obligé de ranger dans la classe des femmes dangereuses aux gens de lettres, la femme honnête, le bas-bleu et l'actrice ; - la femme honnête, parce qu'elle appartient nécessairement à deux hommes et qu'elle est une médiocre pâture pour l'âme despotique du poète ; - le bas-bleu, parce que c'est un homme manqué ; - l'actrice, parce qu'elle est frottée de littérature et qu'elle parle argot. - Bref, parce que ce n'est pas une femme dans toute l'acception du mot, - le public lui étant une chose plus précieuse que l'amour.

 

Il y a de certaines femmes qui ressemblent au ruban de la Légion d'honneur. On n'en veut plus parce qu'elles se sont salies à de certains hommes. C'est par la même raison que je ne chausserais pas les culottes d'un galeux.

 

Il n'y a que deux endroits où l'on paye pour avoir le droit de dépenser, les latrines publiques et les femmes.

 

Ainsi dans les Etats où la prostitution légale n'existe pas, toutes les femmes sont vénales.

 

Généralement les maîtresses des poètes sont d'assez vilaines gaupes, dont les moins mauvaises sont celles qui font la soupe et ne payent pas un autre amant.

 

Les pauvres petites imitent leurs mamans : elles préludent déjà à leur immortelle puérilité future, et aucune d'elles, à coup sûr, ne deviendra ma femme.

 

Je suis obligé de travailler la nuit afin d'avoir du calme et d'éviter les insupportables tracasseries de la femme avec laquelle je vis. [...] VIVRE AVEC UN ETRE qui ne vous sait aucun gré de vos efforts, qui les contrarie par une maladresse ou une méchanceté permanente, qui ne vous considère que comme son domestique et sa propriété, avec qui il est impossible d'échanger une parole politique ou littéraire, une créature qui ne veut rien apprendre, quoique vous lui ayez proposé de lui donner vous-même des leçons, une créature QUI NE M'ADMIRE PAS, et qui ne s'intéresse même pas à mes études, qui jetterait mes manuscrits au feu si cela lui rapportait plus d'argent que de les laisser publier, [...] qui ne sait pas ou ne veut pas comprendre qu'être très avare, pendant UN mois seulement, me permettrait, grâce à ce repos momentané, de finir un gros livre, - enfin est-ce possible cela ? [...] je pense à tout jamais, que la femme qui a souffert et fait un enfant est la seule qui soit l'égale de l'homme. Engendrer est la seule chose qui donne à la femelle l'intelligence morale. Quand aux jeunes femmes sans état et sans enfants, ce n'est que coquetterie, implacabilité et crapule élégante.

 

¤     ¤     ¤

 

Ah ! voulez-vous savoir pourquoi je vous hais aujourd'hui. Il vous sera sans doute moins facile de le comprendre qu'à moi de vous l'expliquer ; car vous êtes, je crois, le plus bel exemple d'imperméabilité féminine qui se puisse rencontrer.

 

Vous avez l'âme belle, mais en somme, c'est une âme féminine.

 

Il n'est pas d'objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu'une fenêtre éclairée d'une chandelle.

 

mercredi, 01 août 2012

Considérations sur l'amour - Les papillons du mal I - Baudelaire

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"Les papillons du mal I"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Trois milliards d'êtres qui broutent les orties du sentiment !

 

Laissez les écoliers ivres de leur première pipe chanter à tue-tête les louanges de la femme grasse.

 

Dans l'amour comme dans presque toutes les affaires humaines, l'entente cordiale est le résultat d'un malentendu. Ce malentendu, c'est le plaisir. L'homme crie : "Ô mon ange !" La femme roucoule "Maman ! Maman !" et ces deux imbéciles sont persuadés qu'ils pensent de concert. - Le gouffre infranchissable, qui fait l'incommunicabilité, reste infranchi.

 

Il y a dans l'acte d'amour une grande ressemblance avec la torture, ou avec une opération chirurgicale.

 

Ce qu'il y a d'ennuyeux dans l'amour, c'est que c'est un crime où l'on ne peut se passer d'un complice.

 

Dans Les Oreilles du comte de Chesterfield, Voltaire plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé pendant neuf mois entre des excréments et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère. Au moins aurait-il pu deviner dans cette localisation une malice ou une satire de la providence contre l'amour, et, dans le mode de la génération, un signe du péché originel. De fait, nous ne pouvons faire l'amour qu'avec des organes excrémentiels.

 

Ce qu'il y a de plus désolant, c'est que tout amour fait toujours une mauvaise fin, d'autant plus mauvaise qu'il était plus divin, plus ailé à son commencement. Il n'est pas de rêve, quelque idéal qu'il soit, qu'on ne retrouve avec un poupard glouton suspendu au sein.

 

Ne pouvant pas supprimer l'amour, l'Eglise a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage.

 

Cette histoire de fouterie provinciale, dans un lieu sacré, n'a-t-elle pas tout le sel classique des vieilles saletés françaises ?

 

Il me semble que quand le mari ne se plaint pas, le Cocuage est une institution, à la manière du Duel.

 

Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent, solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l'homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : "Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur !"

 

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Charles Baudelaire (1821-1867) 

 

Plus l'homme cultive les arts, moins il bande. Il se fait un divorce de plus en plus sensible entre l'esprit et la brute. La brute seule bande bien, et la fouterie est le lyrisme du peuple. Foutre, c'est aspirer à entrer dans l'autre, et l'artiste ne sort jamais de lui-même.

 

Le sentiment pousse l'enfant, s'il est très énergique, à tuer son père pour un pot de confiture, ou pour acheter des dentelles pour une fille, s'il a dix-huit ans, pousse la femme à tuer son mari pour acheter des bijoux ou pour entretenir un drôle ; - exactement comme il pousse le chient à tout bousculer pour s'emparer d'un morceau de viande.

 

Goût invincible de la prostitution dans le cœur de l'homme, d'où naît son horreur de la solitude - il veut être deux. L'homme de génie veut être un, donc solitaire. La gloire, c'est rester un, et se prostituer d'une manière particulière. C'est cette horreur de la solitude, le besoin d'oublier son moi dans la chair extérieure, que l'homme appelle noblement besoin d'aimer.

 

Après une débauche, on se sent toujours plus seul, plus abandonné.

 

L'amour brille pas son absence. Ce qu'on appelle amour ici est une pure opération gymnastique animale que je n'ai pas à vous décrire.

 

Mais ce que je sais bien, c'est que j'ai horreur de la passion, - parce que je la connais, avec toutes ses ignominies.

 

Mais quelque fois votre amitié pour moi vous pousse à me traiter un peu mal, je subis un paquet de reproches qui ne me concernent pas.

 

La haine est une liqueur précieuse, un poison plus cher que celui des Borgia, - car il est fait avec notre sang, notre saleté, notre sommeil et les deux tiers de notre amour ! Il faut en être avare !

 

Que diriez-vous de mes principes, et des conseils que je donne à ce sexe trompeur qui souvent ne fait que feindre l'amour.