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dimanche, 05 août 2012

Considérations sur l'art - Les papillons du mal V - Baudelaire

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"Les papillons du mal V"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Si un poète demandait à l'Etat le droit d'avoir quelques bourgeois dans son écurie, on serait fort étonné, tandis que si un bourgeois demandé du poète rôti, on le trouverait tout naturel.

 

La folie de l’art est égale à l’abus de l’esprit. La création d’une de ces deux suprématies engendre la sottise, la dureté du cœur et une immensité d’orgueil et d’égoïsme. Je me rappelle avoir entendu dire à un artiste farceur qui avait reçu une pièce de monnaie fausse : « Je la garde pour un pauvre. » Le misérable prenait un infernal plaisir à voler le pauvre et à jouir en même temps des bénéfices d’une réputation de charité.

 

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La musique creuse le ciel.

 

La musique donne l'idée de l'espace. Tous les arts, plus ou moins ; puisqu'ils sont nombre et que le nombre est traduction de l'espace.

 

La véritable musique suggère des idées analogues dans des cerveaux différents.

 

La musique creuse le ciel.

 

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Il y a dans l'engendrement de toute pensée sublime une secousse nerveuse qui se fait sentir dans le cervelet.

 

Ce qui n'est pas légèrement difforme a l'air insensible ; d'où il suit que l'irrégularité, c'est-à-dire l'inattendu, la surprise, l'étonnement sont une partie essentielle et la caractéristique de la beauté.

 

Ce que j'ai toujours trouvé de plus beau dans un théâtre [...], c'est le lustre - un bel objet, lumineux, cristallin, compliqué, circulaire et symétrique.

 

Je crois que le charme infini et mystérieux qui gît dans la contemplation d'un navire [...] tient [...] à la régularité et à la symétrie qui sont un des besoins primordiaux de l'esprit humain, au même degré que la complication et l'harmonie.

 

Le Français est un animal de basse-cour, si bien domestiqué qu'il n'ose franchir aucune palissade. Voir ses goûts en art et en littérature. C'est l'animal de race latine ; l'ordure ne lui déplaît pas dans son domicile, et en littérature, il est scatophage. Il raffole des excréments. Les littérateurs d'estaminets appellent cela le sel gaulois.

 

La France, le public français, veux-je dire (si nous en exceptons quelques artistes et quelques écrivains), n'est pas artiste, naturellement artiste ; ce public-là est philosophe, moraliste, ingénieur, amateur de récits et d'anecdotes, tout ce qu'on voudra, mais jamais spontanément artiste. [...] Où il ne faut voir que le beau, notre public ne cherche que le vrai.

 

Je crois sincèrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, sous prétexte de tout expliquer, n'a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament.


 

S’il est permis à la photographie de suppléer l’art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l’aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait grâce à l’alliance naturelle qu’elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc qu’elle rentre dans son véritable devoir, qui est d’être la servante des sciences et des arts, mais la très humble servante, comme l’imprimerie  et la sténographie, qui n’ont ni créé ni suppléé la littérature.

 

Je ne suis donc pas partisan de la nature ; elle trouble le miroir de la pensée.

 

Deux qualités littéraires fondamentales : surnaturalisme et ironie.

 

Est-il même bien nécessaire, pour le contentement de l’auteur, qu’un livre quelconque soit compris, excepté de celui ou de celle pour qui il a été composé ? (…) J’ai, quant à moi, si peu de goût pour le monde vivant, que, pareil à ces femmes sensibles et désœuvrées qui envoient, dit-on, par la poste de leurs confidences à des amies imaginaires, volontiers je n’écrirais que pour les morts.

 

Le jour où le jeune écrivain corrige sa première épreuve, il est fier comme un écolier qui vient de gagner sa première vérole.

  

 

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Charles Baudelaire (1821-1867) 

 

Les prix portent malheur. Prix académiques, prix de vertu, décorations, toutes ces inventions du diable encouragent l’hypocrisie et glacent les élans spontanés d’un cœur libre.

 

Consentir à être décoré, c'est reconnaître à l'Etat ou au prince le droit de vous juger, de vous illustrer, etc.


Il est une chose mille fois plus dangereuse que le bourgeois, c'est l'artiste-bourgeois, qui a été créé pour s'interposer entre le public et le génie ; il les cache l'un à l'autre.

 

Les singes sont les républicains de l'art, et l'état actuel de la peinture est le résultat d'une liberté anarchique qui glorifie l'individu.

 

La manière dont les Belges discutent la valeur des tableaux. Le chiffre, toujours le chiffre. Cela dure trois heures. Quand, pendant trois heures, ils ont cité des prix de vente, ils croient qu’ils ont disserté peinture. 

 

Chaque concert a une partie française ; on a peur, il est vrai, d’être Français, mais on a peur de ne pas le paraître.


Il n'y a pas de hasard dans l'art, non plus qu'en mécanique. Une chose heureusement trouvée est la simple conséquence qu'un bon raisonnement, dont on a quelque fois sauté les déductions intermédiaires, comme une faute est la conséquence d'un faux principe. Un tableau est une machine dont tous les systèmes sont intelligibles pour un œil exercé.


Parce que l’art, pour être profond, veut une idéalisation perpétuelle qui ne s’obtient qu’en vertu du sacrifice, - sacrifice involontaire.


Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière.

 

La France n'est pas poète, elle éprouve même, pour tout dire, une horreur congénitale de la poésie.


La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d'une haine distinctive, et, quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que l'un des deux serve l'autre.


La poésie est un des arts qui rapportent le plus ; mais c'est une espèce de placement dont on ne touche que tard les intérêts, - en revanche très gros. Je défie les envieux de me citer de bons vers qui aient ruiné un éditeur.


Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé, le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?

 

Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise.

 

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