mercredi, 01 août 2012
Considérations sur l'amour - Les papillons du mal I - Baudelaire
"Les papillons du mal I"
Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :
Trois milliards d'êtres qui broutent les orties du sentiment !
Laissez les écoliers ivres de leur première pipe chanter à tue-tête les louanges de la femme grasse.
Dans l'amour comme dans presque toutes les affaires humaines, l'entente cordiale est le résultat d'un malentendu. Ce malentendu, c'est le plaisir. L'homme crie : "Ô mon ange !" La femme roucoule "Maman ! Maman !" et ces deux imbéciles sont persuadés qu'ils pensent de concert. - Le gouffre infranchissable, qui fait l'incommunicabilité, reste infranchi.
Il y a dans l'acte d'amour une grande ressemblance avec la torture, ou avec une opération chirurgicale.
Ce qu'il y a d'ennuyeux dans l'amour, c'est que c'est un crime où l'on ne peut se passer d'un complice.
Dans Les Oreilles du comte de Chesterfield, Voltaire plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé pendant neuf mois entre des excréments et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère. Au moins aurait-il pu deviner dans cette localisation une malice ou une satire de la providence contre l'amour, et, dans le mode de la génération, un signe du péché originel. De fait, nous ne pouvons faire l'amour qu'avec des organes excrémentiels.
Ce qu'il y a de plus désolant, c'est que tout amour fait toujours une mauvaise fin, d'autant plus mauvaise qu'il était plus divin, plus ailé à son commencement. Il n'est pas de rêve, quelque idéal qu'il soit, qu'on ne retrouve avec un poupard glouton suspendu au sein.
Ne pouvant pas supprimer l'amour, l'Eglise a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage.
Cette histoire de fouterie provinciale, dans un lieu sacré, n'a-t-elle pas tout le sel classique des vieilles saletés françaises ?
Il me semble que quand le mari ne se plaint pas, le Cocuage est une institution, à la manière du Duel.
Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent, solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l'homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : "Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur !"
Charles Baudelaire (1821-1867)
Plus l'homme cultive les arts, moins il bande. Il se fait un divorce de plus en plus sensible entre l'esprit et la brute. La brute seule bande bien, et la fouterie est le lyrisme du peuple. Foutre, c'est aspirer à entrer dans l'autre, et l'artiste ne sort jamais de lui-même.
Le sentiment pousse l'enfant, s'il est très énergique, à tuer son père pour un pot de confiture, ou pour acheter des dentelles pour une fille, s'il a dix-huit ans, pousse la femme à tuer son mari pour acheter des bijoux ou pour entretenir un drôle ; - exactement comme il pousse le chient à tout bousculer pour s'emparer d'un morceau de viande.
Goût invincible de la prostitution dans le cœur de l'homme, d'où naît son horreur de la solitude - il veut être deux. L'homme de génie veut être un, donc solitaire. La gloire, c'est rester un, et se prostituer d'une manière particulière. C'est cette horreur de la solitude, le besoin d'oublier son moi dans la chair extérieure, que l'homme appelle noblement besoin d'aimer.
Après une débauche, on se sent toujours plus seul, plus abandonné.
L'amour brille pas son absence. Ce qu'on appelle amour ici est une pure opération gymnastique animale que je n'ai pas à vous décrire.
Mais ce que je sais bien, c'est que j'ai horreur de la passion, - parce que je la connais, avec toutes ses ignominies.
Mais quelque fois votre amitié pour moi vous pousse à me traiter un peu mal, où je subis un paquet de reproches qui ne me concernent pas.
La haine est une liqueur précieuse, un poison plus cher que celui des Borgia, - car il est fait avec notre sang, notre saleté, notre sommeil et les deux tiers de notre amour ! Il faut en être avare !
Que diriez-vous de mes principes, et des conseils que je donne à ce sexe trompeur qui souvent ne fait que feindre l'amour.
09:52 Publié dans Ecrits, Littérature | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : amour, charles, baudelaire, papillons, mal, les papillons du mal
Commentaires
de très beaux écrits !
Écrit par : femme | mardi, 02 octobre 2012
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