lundi, 08 septembre 2014
Considérations sur le roman I
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Le roman, quand l'écriture frontale engagée n'est pas envisageable
Le roman, pour donner la parole aux miséreux comme aux arrivistes,
aux humiliés, aux offensés, proscrits et exclus
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"[...] Les jeunes auteurs critiquent la décadence morale de leur pays", entretien de Fanny Mossière (éditrice) par Thierry Clermont - tclermont@lefigaro.fr -, Le Figaro, fascicule Le Figaro et vous, jeudi 12 juin 2014
Le Figaro : Qu'est-ce qui caractérise la jeune littérature russe ?
Fanny Mossière : En Russie, les revues littéraires (Znamia, Novy Mir, Oktyabr...) sont très actives. C'est d'abord par ce biais que le public découvre les nouvelles voix de la littérature. Bien souvent, les romans y sont publiés en plusieurs fois, avant de paraître en volume : c'est le cas de Mikhaïl Chichkine, Pismovnik (traduit par Deux heures moins dix), best-seller en Russie. Zakhar Prilepine, Roman Sentchine, Oleg Pavlov ont d'abord été publié en revue ; celles-ci font office de défricheurs pour les maisons d'édition. Les écrivains des années 1990-2000 s'intéressent au contexte social et à la vie quotidienne ; la tendance est réaliste, voire hyperréaliste. Le discours est social et politique ; aujourd'hui comme tout au long de l'histoire de la Russie, l'écrivain se doit d'être engagé.
Dmitri Bykov, auteur de satires politiques, publie des chroniques dans la presse, s'exprime à la radio et à la télévision. Prilepine est populaire précisément en raison, de son engagement politique ; ses romans (pour la plupart traduits en français) mettent souvent en scène des activistes, généralement d'extrême gauche. Les jeunes écrivains décrivent la misère sociale, le chaos qui a suivi l'effondrement de l'URSS, la corruption, l'arrivisme et la perte de repères. Ils mettent en regard le passé soviétique avec la société actuelle. Beaucoup situent leurs textes dans les années 1990, marquées par la corruption et la désorganisation totale.
Parmi eux, Roman Sentchine est un cas à part. Qu'apporte-t-il de nouveau ?
Souvent cité par les écrivains de sa génération comme un modèle, Sentchine est l'un des représentants de ce "nouveau réalisme" : il décrit avec une précision clinique les difficultés du quotidien et les conséquences de la bataille permanente que livrent les Russes pour échapper à la misère. Dans Les Eltychev, l'écrivain dépeint la déchéance d'une famille sibérienne, contrainte de quitter sa petite ville pour un village sinistré. Autre illustration : dans Informatsia, Sentchine décrit l'arrivisme de la nouvelle classe moyenne moscovite ; les personnages, en proie à la solitude et au vide, font preuve de la même dégradation morale que leurs alter ego de la province.
Quelles sont leurs principales influences ?Les écrivains de la nouvelle génération traitent également des grands thèmes de la littérature universelle, comme l'amour, la mort, la relation à Dieu et à la nature. En cela, ils se réclament de la littérature russe des XIXe et XXe siècles et revendiquent l'influence de Tolstoï, Dostoëvski, Bounine, lauréat du Nobel en 1933. Pour d'autres, Edouard Limonov est la référence absolue. Oleg Pavlov, qui a publié son premier roman en 1994, à 24 ans (Conte militaire, publié en français dans la trilogie Récits des derniers jours en 2012), plonge le lecteur au cœur de l'armée, aux confins d'un empire dévasté. Dans Le Banquet du neuvième jour, Pavlov use de son talent de portraitiste et de son humour noir pour raconter l'odyssée délirante d'un détachement qui rapatrie le cadavre d'un soldat. Ses descriptions des camps de l'armée évoquent le goulag, mais aussi le moment absurde et tragique du déclin de l'empire. Fidèle au thème des humiliés et des offensés, Pavlov reflète les aspects obscurs de l'existence, le monde des proscrits et des exclus, de l'histoire cruelle, presque fantastique, de la Russie.
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mercredi, 06 août 2014
Considération sur la traduction linguistique
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mardi, 22 juillet 2014
L'Algérie V
Extraits de L'Algérie ou la mort des autres, Virginie Buisson, 2000, Folio :
[...]
L'école a cessé, la plage est vide, on attend pour le pain, le café commence à manquer, les journaux ont plusieurs jours de retard, le courrier s'égare.
La télévision continue de montrer une France balnéaire et paisible.
Les gens disent qu'ils restent, qu'ils tiendront et puis un matin on se compte et on s'aperçoit qu'il ne reste presque plus personne.
Les autres ont disparu sans rien dire, la veille ils vous parlaient encore à l'épicerie, chez le boucher, le boulanger, et puis plus rien, portes closes sur l'absence.
La mer a perdu ses sortilèges.
Il fait froid sur la plage où les femmes de militaires préparent leur bronzage pour la France.
Mes frères jouent dans les vagues.
Mon père hésite entre les Pyrénées et la Normandie.
Les glaces de l'hôtel des Tamaris ne reflètent plus que les silhouettes d'un personnel de service désabusé, témoin d'un faste qui n'a plus cours.
[...]
L'hôtel sur la plage ne sera jamais terminé, les enfants s'emploient à le détruire, les portes et les fenêtres ont disparu, la façade a été épargnée, dérisoire témoignage des apparences à sauver.
Les affiches commencent à se décolorer sur les murs encore maculés des signes de la guerre.
Pourtant l'année dernière notre voisine a planté des orangers.
Un matin je suis descendue dans la cour de la gendarmerie, j'ai heurté des soldats qui portaient une bâche.
Je suis remontée en hurlant.
On m'a dit que c'était le corps torturé d'un Algérien abandonné à la décharge.
J'ai pris les premiers cachets de l'oubli.
J'ai voulu retrouver Jacques à Alger.
J'ai pris le car qui fait des détours le long de la mer. [...] Il y avait peu de monde dans le car, le chauffeur évitait des arrêts, il disait qu'il ne voulait pas se faire égorger.
Je suis descendue au terminus sur le port. J'avais l'adresse de Jacques écrite sur un morceau de journal, j'ai demandé mon chemin, mais les gens ne voulaient pas s'arrêter.
En arrivant square Bresson, j'ai eu peur du silence ; il n'y avait personne dans les rues, j'ai marché à cloche-pied sur le trottoir pour me donner de l'assurance.
Je me suis engagée rue Bab-Azoun.
Devant la vitrine du Gagne-Petit, j'ai heurté un corps, je me suis mise à courir, mes ballerines étaient poissées de sang.
Mon dos me faisait mal, je pensais que la mort arriverait derrière, mais je voulais arriver jusqu'à toi.
J'ai croisé des femmes avec des cabas qui faisaient leur choix dans des magasins éventrés ; de temps en temps une jeep patrouillait.
Je suis arrivée chez toi, j'ai frappé, la porte s'est ouverte d'un coup, tu m'as regardée, tu es devenu très pâle, tu m'as secouée, tu m'as dit : "Qu'est-ce que tu fais là ? Rentre à Aïn-Taya."
Je me suis mise à trembler, à claquer des dents. Tu m'as serrée contre toi à me faire mal, tu as pris un pistolet, tu l'as mis dans la poche de ta chemise, tu m'as dit : "Viens, je te raccompagne."
Tu descendais l'escalier en courant, je trébuchais derrière toi, tu as pris ma main, tu marchais vite, j'avais du mal à te suivre.
J'ai aperçu un autre corps par terre, tu as dit : "Regarde le ciel."
Devant nous, un petit garçon d'une dizaine d'années aux cheveux très courts sautait à cloche-pied dans le caniveau.
Deux hommes en vespa sont arrivés derrière nous, ils nous ont dépassés doucement, le plus jeune a sorti un pistolet, il a visé, le ventre du petit garçon a éclaté sur les vitrines.
Des gens se sont mis à courir.
Tu m'as repoussée contre un porche.
Ils sont revenus, ils ont dit : "Laisse-le crever, c'est un raton."
Tu as regardé la blessure.
Ils sont arrivés tout près, tu es tombé devant moi, le sang a giclé de ta gorge, tu n'avais plus de regard.
Je ne sais pas combien de temps je t'ai gardé dans mes bras, des gens sont passés, nous ont évités, le sang faisait une tache brune sur ma robe, une patrouille s'est arrêtée, ils t'ont posé à l'arrière du camion, ils m'ont forcée à t'abandonner.
J'ai entendu un bateau qui partait, j'ai vu un couloir marron, crasseux, j'ai rampé sur le carrelage.
La plage est vide.
La ville n'existe plus.
Les volets sont cloués.
[...]
L'Algérie ou la mort des autres
Virginie Buisson
2000
Folio
96 pages
http://www.amazon.fr/LAlg%C3%A9rie-mort-autres-Virginie-B...
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lundi, 21 juillet 2014
Quand ça gratte en pleine rue
Estas Tonne, guitariste russe
Un visage à la Clint
Botté, barbu et les cheveux sauvages
Un bâtonnet d'encens coincé entre les cordes
Les poignets couverts de perles de bois
La main droite onglée
Il ne manque que "the mule"
http://blog.petflow.com/when-he-began-to-play/#u8I0eMkEpVKekgwX.01
Mariusz Goli, guitariste polonais
Un autre chevelu et poilu du menton
http://blog.petflow.com/no-one-can-believe-that-this-guy-is-a-street-musician-im-blown-away/
A consulter également :
en cliquant sur les images
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2013/04/08/instrufemme-i.html
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2013/05/20/instrufemme-ii.html
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2013/07/22/instrufemme-iii.html
http://vimeo.com/57987169
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/04/07/j-attendrai.html
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/06/11/les-deux...
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Chanson, Ecrits, littérature contemporaine, Musique, Peinture, Portraits de personnalités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guitare, django edwards, esta tonne, instrufemme, truman capote, la guitare de diamants, aznavour, les deux guitares
dimanche, 06 juillet 2014
Jean d'Ormesson II
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Réconcilier la culture littéraire et la culture scientifique
Le présent change tout le temps mais c'est toujours le présent
Ne meurent que ceux qui ont vécu
J'ai aimé tout ça. Parce que c'était passager
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Sources : http://www.saintmartin89.free.fr/hier/appd.htm
http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/jean-dormesson
A propos de "l'habit vert" :
http://www.meselegances.com/2010/02/13/lacademie-les-acad...
http://ecolesfm.over-blog.com/article-jean-d-ormesson-jui...
Le titres est un vers d'Aragon, qui est très beau, "C'est une chose étrange à la fin que le monde, un jour je m'en irai sans avoir tout dit". Et tout est dans "à la fin". A la fin.
Parce que le monde nous est donné comme une espèce d'évidence. On n'y réfléchit pas tous les jours. Vous vous occupez de ne pas rater le train, de faire ce que vous avez à faire, vous vous occupez de vos enfants, de gagner de l'argent, de cultiver vos amours,... Mais le monde, vous vous en occupez pas beaucoup. Et à la fin. A la fin, c'est très étrange.
Vous vous émerveillez de tout, Jean d'Ormesson. Vous vous émerveillez d'être là. Vous dites "Je suis là, rien que ça, c'est extraordinaire".
C'est la clé du livre : c'est l'étonnement d'être là. C'est un sentiment que j'ai éprouvé, vous savez, très très tôt. Je m'en rappelle comme enfant, je m'arrêtais quelques fois de jouer, avec des petits amis, et je me disais "Qu'est-ce que je fais là ?" Et ça me prend très très souvent. A l'Académie, ça me prend très très souvent. "Qu'est-ce que je fais là ?"
Mais ça vous a pris un jour après une belle baignade. Vous vous êtes assis au bord de l'eau, et là vous vous êtes dit "Qu'est-ce que je fais là ?" Vous avez eu envie de ce livre.
Oui, vous savez, ce livre, je l'ai vraiment porté en moi des années et des années. C'est pas parce que maintenant je suis vieux que je m'occupe de Dieu et de la mort. Ça m'a toujours fasciné. Un de mes premiers livres s'appelait Au plaisir de Dieu, j'ai écrit un livre qui s'appelait Dieu, sa vie, son œuvre, j'ai écrit La création du monde. Cet étonnement devant le monde m'a toujours fasciné.
Vous avez l'impression aujourd'hui de savoir davantage ?
De savoir davantage, peut-être pas. Mais peut-être de me poser des questions, qui sont évidentes : d'où venons-nous ? D'où venons-nous ? Nous savons maintenant d'où nous venons. Vous savez, Aristote ne le savait pas. Aristote pensait que l'univers était éternel. Nous savons maintenant que l'univers a un début. Le big bang n'est pas une certitude, n'est-ce pas, mais c'est l'hypothèse qui est acceptée par l'immense majorité des savants. Mais le big bang ne règle pas tout. Qu'est-ce qui avait avant le big bang ?
Vous vous posez de drôles de questions.
Oui. Je ne vais pas vous dire que j'apporte les réponses. Je ne vous dirai pas ce qu'il y avait avant le big bang. Et je ne vous dirai pas ce qu'il y a après notre mort. Mais peut-être la façon de poser les questions est déjà une espèce d'apaisement.
Oui, alors, évidemment, il y a les philosophes, il y a tous ceux qui ont cherché, à travers la littérature, à travers la philosophie, mais aussi les scientifiques, et quelque part aussi ils sont des poètes.
Vous avez tout à fait raison. J'ai essayé de réconcilier, dans ce livre - qui est très facile à lire, je crois qu'un enfant de dix ans peut lire ce livre -, j'ai essayé de réconcilier la culture littéraire et la culture scientifique. Les littéraires ne savent presque rien de la science. Moi je ne savais presque rien. J'ai un peu travaillé. Et les scientifiques connaissent mal la littérature. Alors que les deux choses sont mêlées. Homère et Platon sont inséparables de Pythagore et d'Euclide. Et je dirais que dans cet extraordinaire vingtième siècle, il y a eu bien sûr Gide, Joyce, Proust, Hemingway, mais il y a eu aussi Hemingway - euh - Einstein, Bore, Freulinger, qui sont des gens..., Heisenberg, qui sont des gens qui ont changé notre monde, changé le monde. Et alors, évidemment, à l'étonnement, à l'étonnement se mêle pour moi quelque chose d'un peu vieillot, d'un peu ringard peut-être.
Oh, assumez alors.
Que j'assume, que j'assume. Vous voyez bien que dans le monde où nous vivons, l'ironie règne, la dérision règne, on ne croit plus à grand chose. Et moi je nourris beaucoup d'admiration. D'admiration pour les hommes, pour les œuvres,... pour la vie ! Pour le fait que le soleil se lève, que la nuit arrive, tout ça me paraît des choses extraordinaires. Que nous acceptons, comme ça, comme si c'était tout à fait naturel. C'est stupéfiant. Et c'est pour ça que j'ai appelé le livre - on me l'a reproché -, que j'ai appelé le livre "roman". Parce qu'il semble que cette extraordinaire aventure du monde, de la vie et, au-delà de la vie, de l'univers, est un extraordinaire roman.
Il y a beaucoup de choses évidemment dans ce..., vous vous interrogez, évidemment sur Dieu, sur la vie, l'émerveillement de toute chose, le présent. A un moment, vous dites "le présent est comme une prison de verre".
Oui, le présent est quelque chose d'extraordinaire. Tous les hommes, depuis qu'ils existent, ont vécu dans le présent. Ils ont vécu dans un éternel présent, qui n'a jamais été le même ! N'est-ce pas, le présent change tout le temps mais c'est toujours le présent. Et il y a cette chose extraordinaire qu'est le passé. Où est le passé ? où est-il ? Est-ce qu'il a complètement disparu ? Ou est-ce qu'il est quelque part ? Vous savez, c'est quand même... Ce livre, il n'est pas un livre religieux.
Mais vous interrogez "Qui est Dieu". Vous dites "Dieu est le temps. Et le temps est les hommes".
Je crois que le temps, ce temps, ce temps extraordinaire, d'où nous sortirons, ce temps est quelque chose d'incroyablement compliqué. L'avenir, où est l'avenir ? On ne sait pas. Mais il arrive. Et, vous savez, saint Augustin, il y a deux millénaires et demi, disait "Si tu ne me demandes pas ce qu'est le temps, je sais ce que c'est. Dès que tu me demandes ce qu'est le temps, je ne sais plus ce que c'est". Et Hawkin - Hawkin, vous savez, c'est cet astronome qui est entièrement paralysé, qui ne peut bouger qu'un doigt, et qui communique par ordinateur -, Hawkin dit "Il est impossible de dire de quoi est composé le temps". Il me semble qu'il y a, dans le temps, quelque chose du mystère divin.
Et derrière tout ça, il y a la vie. Parce que vous l'aimez tant !
Oui, je l'aime beaucoup.
Et vous aimez tellement la vie que vous n'avez pas peur de la mort.
Non. Pas du tout. La mort fait partie de la vie. Vous savez, ne meurent que ceux qui ont vécu. C'est une chance merveilleuse de mourir. Ça prouve que vous avez vécu. Moi qui ait tant aimé la vie, j'ai beaucoup aimé la vie, j'ai eu beaucoup de chance, vous savez, dans la vie, et si on me proposait de recommencer, je crois que je refuserais.
Ah bon ?
Ah oui, je refuserais.
Vous refuseriez les descentes en ski que vous aimez tant, les baignades en Grèce ?
J'ai aimé tout ça. Parce que c'était passager. Et si je ne mourais pas, ce serait atroce. Je pense qu'il n'y a pas pire punition que le juge ferrant qui n'arrive pas à mourir. L'immortalité, c'est une horreur, une horreur ! Grâce à Dieu, nous mourrons.
C'est une chose étrange à la fin que le monde
Jean D'Ormesson
2010 puis 2011
Robert Laffont puis Pocket
282 pages
http://www.amazon.fr/Cest-une-chose-%C3%A9trange-monde/dp...
hhttp://www.amazon.fr/Cest-chose-%C3%A9trange-monde-Ormes...
07:00 Publié dans Ecrits, Foi, littérature contemporaine, Portraits de personnalités, Réflexions, philosophie, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean d'ormesson, c'est une chose étrange à la fin
dimanche, 22 juin 2014
Jean d'Ormesson I
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Le Dieu des chrétiens est le seul qui s'incarne par amour
L'amour est la grande nouveauté du christianisme
Nous vivons dans une parenthèse miraculeuse, qui a un commencement et aura une fin
La science et la foi ne sont pas du tout incompatibles
Le mal est indissociable de la conscience du mal
Il procède de l'homme, de sa responsabilité, c'est-à-dire de la liberté de faire le mal
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Sources : http://www.saintmartin89.free.fr/hier/appd.htm
http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/jean-dormesson
A propos de "l'habit vert" :
http://www.meselegances.com/2010/02/13/lacademie-les-acad...
"Croire en Dieu, on aurait tort de s'en priver...", entretien de Jean d'Ormesson (académicien) par Etienne de Montety - edemontety@lefigaro.fr -, Le Figaro, fascicule Le Figaro et vous, jeudi 12 juin 2014
En 1980, Jean d'Ormesson écrivait Dieu, sa vie, son œuvre. En 2014, son panthéisme joyeux s'est transformé en action de grâces. Il publie Comme un chant d'espérance : un court livre où l'écrivain fait part de son émerveillement et de sa stupéfaction face au mystère de l'univers. Il le fait avec brio, comme à son habitude. Commencé comme un court traité de cosmologie, le livre tourne vite à la quête de Dieu. Ce Dieu-là n'est pas celui qui régnait en maître chez ses grands-parents à Saint-Fargeau, il y a cent ans ; c'est une Personne plus insaisissable et plus riche à la fois : l'auteur des beautés de la Création, et celui qui donne la vie et la joie. Et ce Dieu, Jean d'Ormesson l'avoue, l'émeut chaque jour davantage.
A quand remonte votre intérêt pour Dieu ?
Mon livre traite de Dieu, non pas parce que je vieillis, mais parce que ce sujet m'intéresse depuis longtemps. J'ai été élevé dans la religion catholique. Généralement, quand les gens disent ça, c'est pour mieux s'en démarquer. Ce n'est pas mon propos. Je ne suis jamais allé au catéchisme, hormis quelques mois au cours Bossuet, c'est ma mère qui m'a transmis la foi. Enfant, j'ai lu et relu l'Histoire sainte. Je revois mon père, qui était un catholique de gauche, me disant : est-ce bien vrai, tout ça ? Sa remarque m'ouvrit un abîme de perplexité. Je n'ai jamais été très pieux, mais face au mystères de l'existence, j'ai toujours manifesté un sentiment d'étonnement. Je suis étonné d'être en vie, je n'en reviens pas que le soleil se lève le matin ; je suis stupéfait d'écouter l'andante du Concerto 21 de Mozart. L'éternité, le temps, l'histoire me remplissent d'étonnement.
Avez-vous conservé ma foi de votre enfance ?
A trente ans, j'étais toujours dans le même état d'esprit, mais toujours aussi peu pieux : je célébrais Dieu dans sa création. Si j'étais né aztèque, je crois que j'aurais été un adorateur du Soleil. Je trouvais des raisons de croire en découvrant la lumière du matin sur la Méditerranée, dans les calanques de Porto, en Corse, mais aussi en séjournant à Palmyre, à Rome, à Venise, à Damas, devant la mosquée des Omeyyades. Face au mystère de la création, il m'a toujours paru impossible de s'en tenir aux certitudes. Mes doutes m'embarrassaient, me paralysaient jusqu'à ce que j'apprenne que les plus grands saints ont douté. Ainsi Mère Teresa elle-même a connu des périodes de doutes profonds. Léon Bloy a raison : il n'y a qu'une tristesse, c'est de ne pas être un saint. Mais un saint n'est pas un être parfait !
Pas pieux, donc, mais croyant...
Je n'accorde pas une grande importance à l'astrologie, mais je note que je suis Gémeaux, signe de la dualité. Je suis gaulliste et européen, de droite mais assez à l'aise avec des hommes de gauche comme Mitterrand et Mélenchon. Et je suis catholique et agnostique. Songez que lorsque j'assiste à une messe, je suis volontiers un peu ironique. Mais je ne supporte pas qu'on critique la foi catholique devant moi. De nombreux auteurs me confortent dans cette position ambivalente. Il y a une histoire célèbre chez les juifs, ce sont deux rabbins qui se disent : "L'important c'est Dieu, qu'il existe ou non." Un Père de l'Eglise dit par ailleurs : ma foi est la forme de mon espérance. C'est exactement mon cas.
Alors à quoi croyez-vous précisément ?
Ce qui ne laisse pas de m'étonner et de m'émerveiller, c'est l'Incarnation : Dieu s'est fait homme. Je sais bien, avec Renan, que dans de nombreuses religions anciennes, les dieux prennent forme humaine : Zeus prit les traits d'Amphitryon pour séduire Alcmène. Mais le Dieu des chrétiens est le seul qui s'incarne par amour. L'amour est la grande nouveauté du christianisme qu'on retrouve dans d'innombrables propos du Christ : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés", etc. Les chrétiens le savent : quand il font le bien, c'est à l'imitation de Dieu mais je suis rempli d'admiration pour les non-chrétiens qui font eux aussi le bien.
Votre livre montre cependant que votre approche de Dieu procède plutôt de la science que la foi
Le XXe siècle a été un siècle horrible à cause des guerres et des massacres. Et un siècle magnifique à cause de la science. On y fait des découvertes exceptionnelles notamment concernant les origines de l'Univers, de Planck à Hubble. La réflexion sur l'univers est proprement saisissante : nous vivons sur une scène, coincés entre le mur de Planck qui donne le départ de l'Univers et celui de la mort. Nous vivons dans une parenthèse miraculeuse, qui a un commencement et aura une fin.
Tous ces scientifiques nous éclairent sur la façon dont a pu se construire l'Univers. Mais pourquoi tout ceci a-t-il été créé ?
Ça relève de la foi. "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? demandait Leibnitz. Or la nécessité de l'Univers n'est pas nécessaire. D'ailleurs, la science et la foi ne sont pas du tout incompatibles. Il est loin, le temps où Bertrand Russel pouvait, après une longue discussion sur l'existence de Dieu, couper court en disant : "Vous ne m'avez pas donné assez de preuves..." Croire en Dieu, c'est beaucoup plus simple que de ne pas y croire, et c'est beaucoup plus encourageant. On aurait tort de s'en priver !
Il y a le mal qui est un mystère et un scandale, qui peut faire douter de Dieu.
Oui, mais le mal est arrivé avec l'homme et avec la pensée. Avant l'homme, le mal n'existe pas. Il y a la souffrance, mais pas le mal. Le mal est l'apanage de l'homme. Car le mal est indissociable de la conscience du mal. Il procède de l'homme, de sa responsabilité, c'est-à-dire de la liberté de faire le mal. Le mal est le prix de notre liberté. Dieu n'est pour rien là-dedans.
Et l'Eglise catholique dans tout ça, comment la trouvez-vous ?
Les ricaneurs sont nombreux qui cirent Loisy : "Jésus annonçait le royaume, mais c'est l'Eglise qui est venue"... Or la succession de trois papes, Jean-Paul II, Benoît XVI et François, chacun illustrant à sa manière les trois vertus thoélogales, l'espérance, la foi et la charité, montre la caractère durablement exceptionnel de l'Eglise catholique, et ce depuis deux mille ans. Je mourrai dans son sein si elle veut de moi et j'aimerais bien avoir un prêtre à mes côtés.
Comme un chant d'espérance
Jean D'Ormesson
2014
Editions Héloïse d'Ormesson
160 pages
http://www.amazon.fr/Comme-chant-desp%C3%A9rance-Jean-Orm...
Dieu, sa vie, son oeuvre
Jean D'Ormesson
1980, 1981
Gallimard, blanche
496 puis 504 pages
http://www.amazon.fr/Dieu-Sa-vie-son-oeuvre/dp/B0000EFJI0
http://www.amazon.fr/Dieu-sa-vie-son-oeuvre/dp/2070238865/
07:00 Publié dans Ecrits, Foi, littérature contemporaine, Portraits de personnalités, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean d'ormesson, heloise d'ormesson, comme un chant d'espérance
vendredi, 20 juin 2014
L'Algérie IV
Extraits de L'Algérie ou la mort des autres, Virginie Buisson, 2000, Folio :
[...]
Ils sont arrivés.
Ils ont planté des tentes immenses sur la place de l'église, occupé les granges, installé des miradors et fermé le village.
C'est le premier régiment de tirailleurs algériens.
J'ai goûté mes premières boîtes de rations et j'ai appris à armer un fusil.
Un sergent et quatre soldats ont emménagé sur la terrasse au-dessus de ma chambre.
[...]
Le village s'est offert.
Les maisons se sont ouvertes.
Maman nous emmenait mes frères et moi.
Je pouvais évoluer dans les cours, j'ai appris l'Algérie :
les mains tatouées des femmes,
leurs bijoux,
leur fortune, nouée dans un mouchoir, enfouie entre leurs seins, sous leurs gandouras superposées ;
la chôrba brûlante,
le café au poivre de l'hiver, le café pilé au lever du jour, le café de l'accueil, de l'obligeance ;
la semoule roulée de leurs mains rougies de henné, les jours de fête ;
leurs yeux bordés de khôl,
leurs rires, leurs curiosités.
Il arrivait qu'elles me dévoilent leurs richesses serrées dans leur coffre de mariage :
pièce d'étoffe,
photos d'un aïeul médaillé,
mort pour une guerre française,
montre en or dans son emballage,
dentelle de papier journal,
gandouras de velours,
livre d'école.
Les jours de fête, elles faisaient apporter à la maison des pâtisseries au miel et à la fleur d'oranger.
[...]
J'ai vu la ferme des Gilles. C'était au moment où de Gaulle faisait sa tournée des états-majors.
La ferme avait été choisie comme P.C. d'une opération.
J'étais partie le matin avec ma mère, Jean-Pierre et Patrick.
Nous avons installé l'infirmerie dans la grange.
De Gaulle est arrivé en hélicoptère.
Maman était invitée au repas sous la tente avec le général De Maison Rouge.
J'ai préféré rester avec les soldats.
Nous avons partagé des rations ; ils m'ont donné leurs pâtes de fruit, je leur ai laissé l'eau-de-vie.
Puis nous sommes allés ramasser des raisins dans nos casques.
A l'heure de la sieste, nous avons rejoint le lit de l'oued... il restait un peu d'eau, nous avons dérangé les lézards.
C'est là que j'ai rencontré Daniel.
Il était de garde.
Je lui ai offert des raisins.
J'ai attendu avec lui l'heure de la relève.
Il a lâché son fusil pour un harmonica.
Il m'a emmenée sous les lauriers roses.
J'avais un chemisier en nylon transparent et mon premier soutien-gorge.
Mon père était en opération, j'avais évité la blouse réglementaire.
Daniel me regardait.
Je compris ce qu'était le désir.
Il m'a demandé mon âge.
Je lui ai menti en lui répondant 17 ans.
J'en avais à peine 14.
Il m'a embrassée gentiment.
Pacification.
Nous partions en escorte réduite. Maman montait dans la jeep avec mes frères. Moi, j'allais dans le half-track, je m'agenouillais sur les caisses de munitions.
Je m'offrais au vent, à la poussière et aux bruits.
J'aimais mes lèvres gonflées de chaleur et ma gorge desséchée, cette raideur de mes cheveux collés par la sueur que je libérais à la noria.
[...]
J'avais les cheveux très longs, ils faisaient illusion, ils me donnaient l'air d'une jeune fille.
Un aviateur m'a photographiée, il a donné la photo à mon père.
J'ai été accueillie d'une volée de coups.
Une semaine plus tard, ma mère a loué un taxi et nous sommes partis en escorte à Bouïra à 35 kilomètres.
La coiffeuse me coupa les cheveux, m'entortilla ce qui restait dans des bigoudis minuscules.
En sortant, je ressemblais à la femme du maire en plus jeune mais en plus triste.
[...]
J'aimais les traces dorées que laisse l'encre violette sur mon encrier, j'y trempais mes doigts à cause de l'odeur.
[...]
J'ai passé l'hiver à dessiner des cartes de géographie.
J'ai retrouvé l'ennui.
Je me suis barricadée de rêves.
J'aimais bien cette torpeur qui m'envahissait, cette impression d'absence qui me protégeait.
Ma liaison la plus sûre était celle que j'entretenais avec la mer.
Je l'aimais grise les jours de pluie.
verte boueuse, presque brune les jours de vent.
Elle démolissait patiemment les digues, nous préparait une plage différente pour l'été.
Elle était mon souffle, ma liberté.
La nuit, je l'entendais frapper les rochers.
Elle apaisait mes colères.
J'avais une histoire d'amour avec la mer.
La guerre est revenue.
[...]
J'ai peur de la mort des autres. J'ai peur pour Jacques, pour mon père qui ne parle plus, pour mes frères qui ne jouent pas. Mes frères si sages avec leur blouse grise trop raide, leurs cheveux si courts, et ma mère, qui va un fils à chaque bras, qui ne veut pas avoir peur.
Ma mère qui soignait les fellaghas dans les permanences de l'A.M.G. et les militaires de retour d'opérations. Ma mère sûre de notre innocence.
Jacques a raison, il n'y a plus d'avenir.
Pourtant, il y a des moments où j'aimerais être contre lui immobile, tranquille et sans mémoire.
Alger ne se ressemble plus. [...]
La ville n'est plus qu'un lieu pourrissant, boursouflé de camions qui déménagent des vies en lambeaux.
[...]
L'Algérie ou la mort des autres
Virginie Buisson
2000
Folio
96 pages
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