dimanche, 06 juillet 2014
Jean d'Ormesson II
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Réconcilier la culture littéraire et la culture scientifique
Le présent change tout le temps mais c'est toujours le présent
Ne meurent que ceux qui ont vécu
J'ai aimé tout ça. Parce que c'était passager
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Sources : http://www.saintmartin89.free.fr/hier/appd.htm
http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/jean-dormesson
A propos de "l'habit vert" :
http://www.meselegances.com/2010/02/13/lacademie-les-acad...
http://ecolesfm.over-blog.com/article-jean-d-ormesson-jui...
Le titres est un vers d'Aragon, qui est très beau, "C'est une chose étrange à la fin que le monde, un jour je m'en irai sans avoir tout dit". Et tout est dans "à la fin". A la fin.
Parce que le monde nous est donné comme une espèce d'évidence. On n'y réfléchit pas tous les jours. Vous vous occupez de ne pas rater le train, de faire ce que vous avez à faire, vous vous occupez de vos enfants, de gagner de l'argent, de cultiver vos amours,... Mais le monde, vous vous en occupez pas beaucoup. Et à la fin. A la fin, c'est très étrange.
Vous vous émerveillez de tout, Jean d'Ormesson. Vous vous émerveillez d'être là. Vous dites "Je suis là, rien que ça, c'est extraordinaire".
C'est la clé du livre : c'est l'étonnement d'être là. C'est un sentiment que j'ai éprouvé, vous savez, très très tôt. Je m'en rappelle comme enfant, je m'arrêtais quelques fois de jouer, avec des petits amis, et je me disais "Qu'est-ce que je fais là ?" Et ça me prend très très souvent. A l'Académie, ça me prend très très souvent. "Qu'est-ce que je fais là ?"
Mais ça vous a pris un jour après une belle baignade. Vous vous êtes assis au bord de l'eau, et là vous vous êtes dit "Qu'est-ce que je fais là ?" Vous avez eu envie de ce livre.
Oui, vous savez, ce livre, je l'ai vraiment porté en moi des années et des années. C'est pas parce que maintenant je suis vieux que je m'occupe de Dieu et de la mort. Ça m'a toujours fasciné. Un de mes premiers livres s'appelait Au plaisir de Dieu, j'ai écrit un livre qui s'appelait Dieu, sa vie, son œuvre, j'ai écrit La création du monde. Cet étonnement devant le monde m'a toujours fasciné.
Vous avez l'impression aujourd'hui de savoir davantage ?
De savoir davantage, peut-être pas. Mais peut-être de me poser des questions, qui sont évidentes : d'où venons-nous ? D'où venons-nous ? Nous savons maintenant d'où nous venons. Vous savez, Aristote ne le savait pas. Aristote pensait que l'univers était éternel. Nous savons maintenant que l'univers a un début. Le big bang n'est pas une certitude, n'est-ce pas, mais c'est l'hypothèse qui est acceptée par l'immense majorité des savants. Mais le big bang ne règle pas tout. Qu'est-ce qui avait avant le big bang ?
Vous vous posez de drôles de questions.
Oui. Je ne vais pas vous dire que j'apporte les réponses. Je ne vous dirai pas ce qu'il y avait avant le big bang. Et je ne vous dirai pas ce qu'il y a après notre mort. Mais peut-être la façon de poser les questions est déjà une espèce d'apaisement.
Oui, alors, évidemment, il y a les philosophes, il y a tous ceux qui ont cherché, à travers la littérature, à travers la philosophie, mais aussi les scientifiques, et quelque part aussi ils sont des poètes.
Vous avez tout à fait raison. J'ai essayé de réconcilier, dans ce livre - qui est très facile à lire, je crois qu'un enfant de dix ans peut lire ce livre -, j'ai essayé de réconcilier la culture littéraire et la culture scientifique. Les littéraires ne savent presque rien de la science. Moi je ne savais presque rien. J'ai un peu travaillé. Et les scientifiques connaissent mal la littérature. Alors que les deux choses sont mêlées. Homère et Platon sont inséparables de Pythagore et d'Euclide. Et je dirais que dans cet extraordinaire vingtième siècle, il y a eu bien sûr Gide, Joyce, Proust, Hemingway, mais il y a eu aussi Hemingway - euh - Einstein, Bore, Freulinger, qui sont des gens..., Heisenberg, qui sont des gens qui ont changé notre monde, changé le monde. Et alors, évidemment, à l'étonnement, à l'étonnement se mêle pour moi quelque chose d'un peu vieillot, d'un peu ringard peut-être.
Oh, assumez alors.
Que j'assume, que j'assume. Vous voyez bien que dans le monde où nous vivons, l'ironie règne, la dérision règne, on ne croit plus à grand chose. Et moi je nourris beaucoup d'admiration. D'admiration pour les hommes, pour les œuvres,... pour la vie ! Pour le fait que le soleil se lève, que la nuit arrive, tout ça me paraît des choses extraordinaires. Que nous acceptons, comme ça, comme si c'était tout à fait naturel. C'est stupéfiant. Et c'est pour ça que j'ai appelé le livre - on me l'a reproché -, que j'ai appelé le livre "roman". Parce qu'il semble que cette extraordinaire aventure du monde, de la vie et, au-delà de la vie, de l'univers, est un extraordinaire roman.
Il y a beaucoup de choses évidemment dans ce..., vous vous interrogez, évidemment sur Dieu, sur la vie, l'émerveillement de toute chose, le présent. A un moment, vous dites "le présent est comme une prison de verre".
Oui, le présent est quelque chose d'extraordinaire. Tous les hommes, depuis qu'ils existent, ont vécu dans le présent. Ils ont vécu dans un éternel présent, qui n'a jamais été le même ! N'est-ce pas, le présent change tout le temps mais c'est toujours le présent. Et il y a cette chose extraordinaire qu'est le passé. Où est le passé ? où est-il ? Est-ce qu'il a complètement disparu ? Ou est-ce qu'il est quelque part ? Vous savez, c'est quand même... Ce livre, il n'est pas un livre religieux.
Mais vous interrogez "Qui est Dieu". Vous dites "Dieu est le temps. Et le temps est les hommes".
Je crois que le temps, ce temps, ce temps extraordinaire, d'où nous sortirons, ce temps est quelque chose d'incroyablement compliqué. L'avenir, où est l'avenir ? On ne sait pas. Mais il arrive. Et, vous savez, saint Augustin, il y a deux millénaires et demi, disait "Si tu ne me demandes pas ce qu'est le temps, je sais ce que c'est. Dès que tu me demandes ce qu'est le temps, je ne sais plus ce que c'est". Et Hawkin - Hawkin, vous savez, c'est cet astronome qui est entièrement paralysé, qui ne peut bouger qu'un doigt, et qui communique par ordinateur -, Hawkin dit "Il est impossible de dire de quoi est composé le temps". Il me semble qu'il y a, dans le temps, quelque chose du mystère divin.
Et derrière tout ça, il y a la vie. Parce que vous l'aimez tant !
Oui, je l'aime beaucoup.
Et vous aimez tellement la vie que vous n'avez pas peur de la mort.
Non. Pas du tout. La mort fait partie de la vie. Vous savez, ne meurent que ceux qui ont vécu. C'est une chance merveilleuse de mourir. Ça prouve que vous avez vécu. Moi qui ait tant aimé la vie, j'ai beaucoup aimé la vie, j'ai eu beaucoup de chance, vous savez, dans la vie, et si on me proposait de recommencer, je crois que je refuserais.
Ah bon ?
Ah oui, je refuserais.
Vous refuseriez les descentes en ski que vous aimez tant, les baignades en Grèce ?
J'ai aimé tout ça. Parce que c'était passager. Et si je ne mourais pas, ce serait atroce. Je pense qu'il n'y a pas pire punition que le juge ferrant qui n'arrive pas à mourir. L'immortalité, c'est une horreur, une horreur ! Grâce à Dieu, nous mourrons.
C'est une chose étrange à la fin que le monde
Jean D'Ormesson
2010 puis 2011
Robert Laffont puis Pocket
282 pages
http://www.amazon.fr/Cest-une-chose-%C3%A9trange-monde/dp...
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07:00 Publié dans Ecrits, Foi, littérature contemporaine, Portraits de personnalités, Réflexions, philosophie, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean d'ormesson, c'est une chose étrange à la fin
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