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lundi, 17 décembre 2012

Etymologie Eschatologie, tour du monde en statistiques googliennes, et un peu de psychologie

 

Extrait de "L'apocalypse selon les gens", Laure Belot, Le Monde, 15 décembre 2012

 

 

Etymologie - Eschatologie

 

Par quel ressort intime 700 millions de Terriens redoutent une fin du monde, annoncée pour le 21 décembre ? Et quels éléments rationnels peuvent nourrir cette crainte ? [...]


Le discours de la fin des temps a un terme, l'eschatologie, nom féminin, entré dans le Littré en 1864. Dérivant du grec savant eskhatos  ("extrême", "dernier"), et de logos ("sciences", "discours"), il désigne l'ensemble de doctrines et de croyances portant sur le sort ultime et l'homme après sa mort (eschatologie individuelle) et sur ce lui de l'univers après sa disparition (eschatologie universelle).

 

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> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html

 

 

Tour du monde en statistiques googliennes : Colombiens, Haïtiens, Suisses,...

 

L'analyse des citoyennetés des internautes tapant "fin du monde" sur Google aide à identifier des lieux blessés, meurtris, propices à alimenter ce sentiment d'angoisse. Ainsi, selon Google Trends, les internautes anglophones les plus avides de renseignements se trouvent aux Philippines (indice d'intensité de recherche 100), où les catastrophes naturelles se succèdent. Le dernier typhon, mardi 4 décembre, a fait près de 500 morts, un bilan encore provisoire. Les internautes américains arrivent en deuxièmes (indice 89), alors que les Etats-Unis, puissance mondiale en pleine crise existentielle, voient le barycentre de la planète basculer vers l'Asie. [...]

C'est aussi le cas en Amérique du Sud, où déforestation, instabilité politique, corruption ou criminalité alimentent l'actualité. En tête des requêtes "fin del mundo", les Colombiens (100), les Boliviens (97) et les Paraguayens (88) distancent les Nicaraguayens, les Péruviens et les Equatoriens (indice 82 chacun).

Quant aux internautes francophones, les plus soucieux en ligne se trouvent en Haïti (100), pays frappé par une gigantesque épidémie de choléra. Depuis le séisme de 2010, qui a tué 2,3% de la population (10 millions d'habitants), 7 500 victimes de la maladie ont été déclarées en Haïti. Les requêtes sont également intenses à Madagascar (89), où insécurité croissante et surexploitation de la terre sont au centre des préoccupations. Notons que les francophones s'y intéressant le moins sont... les Suisse (intensité de recherche 6), qui vivent dans un pays paisible, connu pour sa neutralité à toute épreuve.

 

 

Et un peu de psychologie

 

Curient de connaîte l'état d'esprit de notre lectorat, Le Monde a lancé, mardi 20 novembre, un appel à témoignages en ligne : "Vous redoutez (ou non) le 21 décembre. Témoignez".  Près de 200 réponses sont parvenues en quelques heures - le compteur a été arrêté sur ce chiffre rond. [...] et appel en ligne a permis de recueillir la parole de Thierry, professeur d'une quarantaine d'années. "Je suis ce qu'on pourrait appeler un "survivaliste", explique-t-il. Choqué par les images du tsunami en Thaïlande et par la multiplication des catastrophes naturelles, je me suis lancé dans la construction avec des amis d'une "arche de Noé" souterraine de 35m² où nous pouvons vivre à huit pendant au moins six mois." Thierry ajoute : "Ma femme n'a pas voulu me suivre. Je suis en instance de divorce." Pour Michel Schneider, ces personnes "ne croient pas. Elles savent et mettent de la certitude dans quelque chose d'incertain. Freud dit que tout délire se construit autour d'un noyau de vérité. C'est une manière de fuir le débat scientifique et la construction d'un savoir".

Une attitude extrême qui peut se rapprocher, selon le psychanalyste, de ceux qui raillent avec véhémence l'événement. Comme Marc, qui trouve "cet appel à témoignages complètement grotesque". C'est la catégorie "des esprits forts", note-t-il. "Ceux qui croient qu'on peut se passer de toute croyance, ce qui est encore une croyance. C'est ceux-là mêmes que moque La Bruyère quand il écrit : "Les esprits forts savent-ils qu'on les appelle ainsi par ironie ?". Le psychanalyste voit dans ces deux types de réactions opposées "un refus de penser. Or le monde humain est le monde de la croyance."

Des dizaines de lecteurs déclarent justement vouloir "profiter de cet événement pour réfléchir." Comme Sandra, infirmière : "J'espère la fin d'un système. Crises financières, guerres, destruction massive d'espèces. La colonisation a fait perdre à des peuples leur culture. Le pouvoir est laissé à une poignée d'hommes riches, alors que toute une population, même dans des pays "développés", s'appauvrit." Clément ajoute : "Si je n'ai pas poussé le vice jusqu'à me faire construire un abri antiatomique, je ne peux pas dire que le sujet n'ait eu aucun impact sur moi. Cela permet de se poser des questions sur sa vie, ce que l'on changerait si le temps nous était compté." Soit deux réactions instructives pour Michel Schneider : "Ces personnes, qui prennent en compte cette crainte sans la considérer comme une certitude et réfléchissent, ont une approche plutôt rationnelle. L'incertitude est propre au savoir."

Cet appel numérique est même arrivé en contrée maya. "Nous sommes allés à la messe dans un village au centre du pays, explique Vincent, francophone vivant au Mexique. Dans l'homélie, le célébrant a demandé si quelqu'un pensait que la fin du monde serait le 21 décembre... Réponse négative de la foule. En revanche, beaucoup d'espérance et d'attente envers le nouveau gouvernement pour qu'il apporte la paix. Pour que les narcotrafics cessent et ne conduisent pas à la fin des traditions maya, et donc de leur monde."



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dimanche, 16 décembre 2012

Considérations sur le silence et sur la virginité - Rembrandt, Turner, Rubens

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Paysage au château, Rembrandt

 

 

2e dimanche de l'Avent, semaine du 9 au 15 décembre 2012 :

"Un ange passe", Père Luc de Bellescize, paroisse Notre-Dame de Grâce de Passy 

 

Un ange passe. C'est une parole qui tente d'exprimer un silence. Le silence est l'écrin nécessaire pour accueillir la parole.

Pascal disait que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir se tenir en silence dans une chambre.

La Vierge se tient en silence dans sa chambre. Non pas le silence lourd et pesant de celui qui s'enferme en lui-même et se mure à toute influence extérieure pour rester dans son monde, non pas le silence de mort, mais le silence qui précède l'irruption de la vie, le silence comme capacité d'écoute, comme disponibilité à accueillir un autre que soi. Le silence comme présence et comme patience.

La Vierge a pu accueillir la Parole de l'Ange parce qu'elle attendait le Messie d'Israël, parce qu'elle était capable de patience. Elle était la Vierge du silence, et elle a pu enfanter la Parole. Un ange a passé, et elle a engendré le Christ.

 

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L'apparition d'un ange, Turner 

 

A Nazareth, nous pouvons prier devant ce que la tradition nous présente comme la maison de la Vierge, quelques pierres éparses qui ont vu pourtant le passage de l'Ange et l'Incarnation de Dieu, qui ont été les témoins muets de l'événement de Salut qui a changé la face du monde.

La jeune fille de Nazareth est Vierge, mais elle sait qu'elle ne pourra trouver sa vie qu'en la donnant. Sa virginité n'est pas le signe de son enfermement dans une citadelle imprenable, mais elle est une offrande à la puissance de Dieu, une disponibilité à la grâce.

Elle est pour nous le modèle de la liberté dans l'Alliance avec Dieu. L'Immaculée a laissé le Seigneur écrire en elle, comme on "écrit" une icône, le Mystère du Salut. Il y a un lien entre son silence et sa virginité. Le silence pour que retentisse la Parole. La virginité pour qu'elle devienne épouse, pour que l'Esprit Saint la prenne sous son ombre. La Vierge s'est gardée pour pouvoir mieux se donner.

On ne peut se donner qu'en s'étant d'abord gardé. On ne peut répondre qu'en ayant d'abord appris à se taire.  

 

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L'Annonciation, Rubens

 

samedi, 15 décembre 2012

L'équation française : naturellement impossible

Source : Direct Matin, jeudi 13 décembre 2012


 

L'équation impossible - l'inflation.jpg


En bon français : les prix ne baissent plus, ils augmentent de 1% à 2%.

 

 

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En bon français : la carte orange parisienne prend 3,5%

 

 

 

Il est donc sympathique et logique que...

L'équation impossible - livret A.jpg

vendredi, 14 décembre 2012

Le Lauréat - Dustin Hoffmann, Mrs Robinson (fin)

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Film : Le Lauréat / The Graduate (1967, durée 1h42)

Réalisateur : Mike Nichols

Benjamin Braddock (Dustin Hoffman), monsieur Braddock (William Daniels), madame Braddock (Elizabeth Wilson)

Elaine Robinson (Katharine Ross), monsieur Robinson (Murray Hamilton), madame Robinson (Anne Bancroft) 
 
L'employé de l'hôtel (Buck Henry), Carl Smith (Brian Avery), monsieur McGuire (Walter Brooke), monsieur McCleery (Norman Fell), madame Singleman (Alice Ghostley), mademoiselle DeWitte (Marion Lorne)
 

 

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Benjamin : Bonjour.

Madame Braddock : Salut, est-ce que je peux te dire un mot ?

Benjamin : Oui.

Madame Braddock :Benji, chéri, j'aimerais... j'ai une question à te poser, mais tu sais, tu n'es pas forcé de répondre si ça t'ennuie.

Benjamin : Qu'y a-t-il ?

Madame Braddock :Eh bien, je voudrais savoir ce que tu fais le soir lorsque tu sors.

Benjamin : Lorsque je sors ?

Madame Braddock : Ne me réponds pas si tu n'en as pas envie.

Benjamin : Non-non, ça m'est égal, je te répondrai. Je fais un tour en voiture.

Madame Braddock : Rien d'autre ?

Benjamin : Non, rien d'autre.

Madame Braddock : Mais tu ne roules pas de minuit jusqu'au lendemain sans t'arrêter, je suppose.

Benjamin : Oh, non.

Madame Braddock : Alors que fais-tu ? Tu vois une fille ?

Benjamin : Je vois une fille ? Et pourquoi dis-tu ça ?

Madame Braddock : Bon, ça te regarde. Je ne veux pas jouer aux devinettes.

Benjamin : Non, pas si vite. Je ne retrouve personne, maman, pourquoi dis-tu ça ?

Madame Braddock : Benjamin, je ne veux pas me mêler de tes affaires, mais je préférerais que tu n'aies rien dit du tout plutôt que de m'avoir menti. Bonne nuit.

Benjamin : Maman, mais attends une minute.

 

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Benjamin : Attendez une minute, madame Robinson, vous ne croyez pas que nous pourrions bavarder un peu d'abord, pour une fois ?

Mrs Robinson : Nous n'avons pas tellement à nous dire, je crois.

Benjamin : Ecoutez, depuis des mois, nous n'avons fait que monter ici et nous fourrer au lit.

Mrs Robinson : En avez-vous assez ? 

Benjamin : Non-non, non, pas du tout. Vous ne croyez pas que nous pourrions pimenter les choses par un peu de conversation ?

Mrs Robinson : De quoi voulez-vous que nous parlions ?

Benjamin : Je ne sais pas, de n'importe quoi.

Mrs Robinson : Voudriez-vous me parler de certaines de vos aventures au collège ?

Benjamin : Oh, mon Dieu. Trouvez un autre sujet.

 

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Mrs Robinson : Hhhh, si nous parlions d'art ?

Benjamin : D'art ? Ah ça c'est un bon sujet ! Allez, commencez !

Mrs Robinson : Non, commencez vous, je n'ai aucune notion artistique.

Benjamin : Eh bien, que voudriez-vous savoir ? Qu'est-ce qui vous intéresse ? L'art moderne ou le classique ?

Mrs Robinson : Ni l'un ni l'autre.

Benjamin : Les arts ne vous intéressent pas ?

Mrs Robinson : Non.

Benjamin : Alors pourquoi voulez-vous en parler ?

Mrs Robinson : Je n'y tiens pas.

 

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Benjamin : Ecoutez, nous allons faire ceci, nous allons parler un peu de tout. Dites-moi ce que vous avez fait aujourd'hui.

Mrs Robinson : Hhhh, je me suis levée.

Benjamin : Mmmh.

Mrs Robinson : J'ai préparé le petit déjeuner de mon mari.

Benjamin : Ah tenez, tenez, en voilà un sujet de conversation, votre mari.

Mrs Robinson : O-ho, lui...

Benjamin : Expliquez-moi tout. Je ne sais pas comment vous vous arrangez pour tout ça. Que lui dites-vous quand vous vous en allez ?

Mrs Robinson : Rien du tout, il dort.

Benjamin : Toujours ? Il ne se réveille pas quand vous rentrez ?

Mrs Robinson : Hhhh, nous faisons chambre à part.

Benjamin : Ah, je vois. Ainsi, vous n... Enfin, je m'en voudrais d'être un peu indiscret, mais je devine que vous ne couchez plus ensemble.

Mrs Robinson : Non, c'est fini.

Benjamin : Depuis combien de temps est-ce que ça dure ?

Mrs Robinson : Oh je vous en prie, laissez-moi.

Benjamin : Non, un instant. Pourquoi l'avez-vous épousé ?

Mrs Robinson : Voyons si vous devinez.

Benjamin : Eh bien, j'y renonce.

Mrs Robinson : Réfléchissez bien, Benjamin.

Benjamin : Je ne vois pas pourquoi, à moins que... vous n'avez pas été forcée de l'épouser, n'est-ce pas ?

Mrs Robinson : ... Ne dites rien à Elaine.

Benjamin : Non, vous avez dû vous marier parce que vous étiez enceinte ?

Mrs Robinson : Ca vous choque ?

Benjamin : Jamais je ne vous aurais vu vous et monsieur Robinson sous...

Mrs Robinson : Ca suffit, nous n'avons mieux à faire...

Benjamin : Un instant, attendez une minute. Comment est-ce arrivé ?

Mrs Robinson : Quoi ?

Benjamin : Vous et monsieur Robinson. Vous ne voulez pas me dire dans quelles circonstances ?

Mrs Robinson : Pas particulièrement.

Benjamin : Il faisait ses études de droit à cette époque ?

Mrs Robinson : M-hm.

Benjamin : Et vous étiez étudiante vous aussi ?

Mrs Robinson : Hm-hm.

Benjamin : Dans un collège ?

Mrs Robinson : Oui hhh.

Benjamin : Quelles études faisiez-vous ?

Mrs Robinson : Oh mais pourquoi me posez-vous toutes ces questions, Benjamin ?

Benjamin : Parce que ça m'intéresse, madame Robinson. J'aimerais savoir en quoi vous étiez étudiante.

Mrs Robinson : En art.

Benjamin : En art ? Mais je croyais... Je vois, ce sujet a cessé de vous intéresser il y a de ça des années.

Mrs Robinson : Oui, c'est vrai.

Benjamin : Comment cela est-il arrivé ?

Mrs Robinson : Quoi ?

Benjamin : Vous et monsieur Robinson ?

Mrs Robinson : Qu'allez-vous chercher...

Benjamin : Je veux dire, est-ce qu'il vous a emmenée dans sa chambre ou... dans un hôtel ?

Mrs Robinson : Oooh, Benjamin, mais qu'est-ce que ça peut bien vous faire ?

Benjamin : Ca m'intrigue.

Mrs Robinson : Ca s'est passé dans son auto.

Benjamin : Oh non, quoi, dans une auto ?

Mrs Robinson : Eh bien nous n'étions sûrement pas les premiers.

Benjamin : C'était une auto de quelle marque ?

Mrs Robinson : Quoi ?

Benjamin : Vous vous rappelez pas la marque de l'auto ?

Mrs Robinson : Oh, mon Dieu... C'était une Ford, Benjamin.

Benjamin : Oh, une Ford ! Ha-ha-ha !! Ca ! Ca lors, elle est bonne, une Ford !

Mrs Robinson : Allons, ça suffit.

Benjamin : Cette chère Elaine Robinson a donc été mise en chantier dans une Ford.

Mrs Robinson : Ne parlez pas d'Elaine.

Benjamin : Vous ne voulez pas que j'en parle ?

Mrs Robinson : Non.

Benjamin : Pourquoi ?

Mrs Robinson : Parce que je n'y tiens pas.

Benjamin : M'enfin pourquoi ? J'aimerais que vous me le disiez.

Mrs Robinson : Il n'y a rien à dire.

Benjamin : Pourquoi devient-elle tout à coup un sujet tabou ? Parce que je veux essayer de connaître le fond des choses.

Mrs Robinson : Benjamin, je vous interdis de sortir avec cette petite ! Avez-vous compris ?

Benjamin : Ecoutez, je n'ai aucune intention de sortir avec elle.

Mrs Robinson : Bien.

Benjamin : Je ne faisais que vous taquiner.

Mrs Robinson : Bien.

Benjamin : Mais pourquoi me le défendre ?

Mrs Robinson : J'ai mes raisons.

Benjamin : Exposez-les moi.

Mrs Robinson : Non.

Benjamin : Exposez-les moi, madame Robinson, parce que je crois les connaître. Je ne suis pas assez bien pour la fréquenter, n'est-ce pas ? Je ne suis pas assez bien même pour lui adresser la parole !

Mrs Robinson : N'en parlons plus.

Benjamin : Si, nous en reparlerons ! Je suis assez bien pour vous mais pas assez pour fréquenter votre fille, c'est bien ça, n'est-ce pas ?

Mrs Robinson : Benjamin !

Benjamin : C'est ça, hein ?

Mrs Robinson : ... Oui.

Benjamin : Allez au diable. Allez-y au diable, madame Robinson. Vous me croyez fier de moi, je suppose. Vous me croyez fier ? Eh bien, je ne le suis pas. Non alors, je ne suis pas fier de passer mon temps avec une femme vieille et alcoolique.

Mrs Robinson : Je saisis.

Benjamin : Si vous croyez que je viens dans cet hôtel autrement que par pur ennui, alors là vous vous trompez. Parce que là, madame Robinson, ceci est la chose la plus perverse, la plus sale qui me soit arrivée. Et si ça vous amuse, moi je vais foutre le camp !

Mrs Robinson : Ah oui ?

Benjamin : Oui, je vais m'en aller immédiatement.

 

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Mrs Robinson : C'est ça que vous pensez de moi ? Que je suis un être écœurant et malade ?

Benjamin : Ne commencez pas ce disque.

Mrs Robinson : Lequel ?

Benjamin : Ne jouez pas la femme blessée.

Mrs Robinson : Vous ne vous attendiez pas à ce que je le sois un peu ?

Benjamin : Vous restez la vautrée à me dire que je ne suis pas assez bien pour votre Elaine.

Mrs Robinson : Ai-je donc dit ça ?

Benjamin : En termes très précis.

Mrs Robinson : Hhhh, Benjamin, j'aimerais que vous me pardonniez si c'est là l'impression que vous avez eue.

Benjamin : Mais, il y a deux minutes encore, vous me disiez que j'étais indigne de votre fille, et maintenant vous regrettez que j'ai eu cette impression.

Mrs Robinson : Je n'ai pas voulu dire ça. Je pense que vous n'êtes pas faits pour vous entendre. Jamais je ne prétendrais que vous n'êtes pas aussi bien qu'elle.

Benjamin : C'est vrai, ça ?

Mrs Robinson : Bien sûr, c'est vrai.

Benjamin : Mais, qu'est-ce que vous faites ?

Mrs Robinson : Eh bien ça, ça doit se voir. Vous ne voulez plus de moi auprès de vous.

Benjamin : Mais, écoutez,... j'étais assez énervé. Je m'excuse d'avoir dit ces choses-là.

Mrs Robinson : Ca ne fait rien. Je crois être en mesure de comprendre pourquoi je vous dégoûte.

Benjamin : Je n'en sais rien. Ecoutez, vous me plaisez, autrement je n'aurais pas continué à venir ici.

Mrs Robinson : Ca ne vous écœurait donc pas ?

Benjamin : Oh, ce n'est pas... J'aime beaucoup ça, je n'attends que ça, c'est d'ailleurs la seule chose que j'ai dans l'existence.

Mrs Robinson : Vous n'auriez pas dû dire ça.

Benjamin : Non, je l'avoue. Mais je ne le dirais pas si c'était pas vrai.

Mrs Robinson : Puis-je rester dans ce cas ?

 

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Benjamin : Oui, je vous en prie, j'y tiens.

Mrs Robinson : Merci.

Benjamin : Ne me... Ne me remerciez pas parce que j'y tiens.

Mrs Robinson : Et vous ne sortirez pas avec Elaine, n'est-ce pas ? Je veux que vous me promettiez cela.

Benjamin : Mais pourquoi diable avez-vous abordé ce sujet ? Il ne m'est jamais venu à l'idée de la sortir.

Mrs Robinson : Alors donnez-moi votre parole.

Benjamin : Hhhh, c'est absurde.

Mrs Robinson : Promettez-moi, Benjamin !

Benjamin : Hhh, entendu, je vous promets, je jure sur les saintes Ecritures de ne jamais sortir avec Elaine Robinson.

Mrs Robinson : Merci. Benjamin.

Benjamin : Maintenant, n'en parlons plus. Ne parlons plus du tout.

 

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Monsieur Braddock : Elaine est revenue du collège. Ce serait vraiment gentil de l'inviter à sortir un de ces soirs. Je suppose qu'elle n'est pas assez bien pour toi, c'est ça ?

Benjamin : Ecoutez, Elaine et moi, nous ne sommes pas faits pour nous entendre.

Monsieur Braddock : Qu'en sais-tu ? Vous ne vous êtes pas vus depuis le lycée. Je crois que tes soirées, mon garçon, pour l'usage que tu en fasses, sont trop précieuses.

Benjamin : Ca n'a rien à voir avec ça.

Monsieur Braddock : Je crois que je vais devoir dire à monsieur Robinson que tu es trop occupé le soir à faire Dieu seul sait quoi !

Madame Braddock : Allons, cessez de discuter ainsi ! Oh si Benjamin refuse catégoriquement de sortir Elaine...

Benjamin : Je refuse.

Madame Braddock : Alors moi, il ne me reste plus qu'à inviter tous les Robinson en bloc pour jeudi.

 

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Benjamin : Ecoutez, ça ne vient pas de moi, cette idée, elle vient de mon père, je vous assure.

Mrs Robinson : Benjamin, je croyais m'être fait clairement comprendre sur ce point.

Benjamin : Ecoutez-moi, nous irons dîner, nous prendrons un verre et puis je ma ramènerai. Parce que, ou c'était ça ou un dîner à la maison pour le deux familles et j'avais peur de ne pouvoir endurer ça, si vous comprenez. Ecoutez, je n'ai pas l'intention, croyez-moi, de sortir votre précieuse fille, Elaine, une autre fois. Alors ne soyez pas tourmentée.

Mrs Robinson : Je le suis. Ca me tourmente au plus haut point, Benjamin.

Elaine : Hello.

Benjamin : Hello.

Mr Robinson : Je te conseille de te tenir sur tes gardes, ce soir. Nul ne peut savoir quels trucs Ben a pu apprendre là-bas dans l'est.

 

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Elaine : Alors tu vis chez tes parents à présent ?

Benjamin : Oui.

Elaine : Sais-tu ce que tu vas faire ensuite ?

Benjamin : Non.

Elaine : Est-ce que tu comptes retourner à l'université ?

Benjamin : Non.

Elaine : Est-ce que tu conduis toujours comme ça ?

Benjamin : Oui.

 

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Benjamin : Assieds-toi. Pourquoi ne regardes-tu pas le spectacle ?

Elaine : Benjamin, as-tu une raison spéciale de me haïr ?

Benjamin : Non, pourquoi ça ?

Elaine : J'en sais rien.

Benjamin : Tu rates un effet extraordinaire. Qu'est-ce que tu penses de ça ? Tu pourrais le faire ?

 
 

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Benjamin : Elaine, pardonne-moi. Elaine.

Elaine : Peux-tu me reconduire chez moi ?

Benjamin : Je regrette de t'avoir emmenée ici.

Elaine : Il vaut mieux que je rentre, je t'en prie.

Benjamin : Elaine.

Elaine : Mais où est ta voiture ?

Benjamin : J'aimerais te dire quelque chose.

Elaine : Et moi je voudrais rentrer.

Benjamin : Je peux te dire uniquement cette chose-là.

Elaine : Laquelle ?

Benjamin : Toute cette idée, ce rendez-vous et le reste, ça vient de mes parents, ils m'ont forcé à l'accepter.

Elaine : Oooh, c'est très gentil à toi de me dire ça.

Benjamin : Non, je veux dire, ça explique ma conduite, je ne suis pas comme ça, je m'en veux à mort d'ailleurs. Je t'en prie, tu ne peux pas cesser de pleurer ?

Elaine : Non, je ne peux pas !

Benjamin : Pourrais-tu essayer ?

Elaine : Non !

 

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Benjamin : Je ressens cette impression depuis que je suis lauréat. On dirait qu'une force secrète en moi me pousse à être goujat, tu vois ce que je veux dire ?

Elaine : Oui, je vois.

Benjamin : On dirait qu'elle me fait jouer une espèce de jeu, mais ces règles n'ont pas de sens pour moi. Elles sont fabriquées par des gens non qualifiés.

 

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jeudi, 13 décembre 2012

Le Lauréat - Dustin Hoffmann, Mrs Robinson (suite)

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Film : Le Lauréat / The Graduate (1967, durée 1h42)

Réalisateur : Mike Nichols

Benjamin Braddock (Dustin Hoffman), monsieur Braddock (William Daniels), madame Braddock (Elizabeth Wilson)

Elaine Robinson (Katharine Ross), monsieur Robinson (Murray Hamilton), madame Robinson (Anne Bancroft) 
 
L'employé de l'hôtel (Buck Henry), Carl Smith (Brian Avery), monsieur McGuire (Walter Brooke), monsieur McCleery (Norman Fell), madame Singleman (Alice Ghostley), mademoiselle DeWitte (Marion Lorne)
 
 

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Monsieur Braddock : Mesdames et messieurs, veuillez m'écouter s'il vous plaît. Maintenant, la grande attraction du jour ! Hé là-bas, écoutez-moi, vous ! Je requière toute votre attention ! Et toi, est-ce que tu es prêt, grande attraction ? Ecoutez, je demande à chacun de vous d'applaudir de toutes ses forces afin d'amener ce gaillard à se montrer. Non, c'est pas ça, ce n'est pas ce que je voulais dire. Afin que ce jeune homme sorte de sa tanière parce qu'aujourd'hui il va fêter sa vingt-et-unième année. [...] Ce petit, oh pardon, ce jeune homme va d'ici peu continuer ses études en qualité du lauréat du prix de Harvard, mais, avant de les continuer, mais, avant de les continuer... [...] il a l'intention de vous offrir une démonstration pratique de ce que j'estime justifié d'appeler un cadeau d'anniversaire d'un genre plutôt passionnant, ha-ha-ha, et j'espère que ça marchera ou je perds deux cent dollars et prix. Allons-y, tous en cœur pour Benjamin Braddock ! [...] A présent, mes amis, ce remarquable jeune homme va accomplir en votre honneur quelques spectaculaires et surprenants numéros périlleux dans une eau qui a plus de deux mètres de profondeur.

 

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Benjamin : Je ne sais pas très bien comment vous dire ça...

Mrs Robinson : Benjamin ?

Benjamin : Ecoutez, j'ai pensé à notre tête-à-tête... après la réception...

Mrs Robinson : Où êtes-vous ?

Benjamin : Je me demandais si nous pourrions prendre un drink quelque part. 

Mrs Robinson : Où êtes-vous ?

Benjamin : Euh, au Taft Hôtel.

Mrs Robinson : Avez-vous retenu une chambre ?

Benjamin : Non. Je sais qu'il est bien tard, et si vous préfériez... 

Mrs Robinson : Accordez-moi une heure.

Benjamin : Quoi ? 

Mrs Robinson : Je vous rejoins dans une heure.

 

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L'employé de l'hôtel : Je peux vous aider, monsieur ?

Benjamin : Quoi ? Oh, non. Je veux juste...

L'employé de l'hôtel : Etes-vous ici pour un rendez-vous ?

Benjamin : Quoi ? 

L'employé de l'hôtel : La soirée "single man", peut-être ?

Benjamin : Oh, oui, la soirée "single man", oui. 

L'employé de l'hôtel : Dans la salle de bal, monsieur.

Benjamin : Aaah, merci. 
 
 

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Benjamin : En réalité, je ne faisais que chercher un ami.

Une femme : Oh mais je ne comprends pas.

Benjamin : Je ne viens pas à votre soirée, je m'excuse.

 

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Mrs Robinson : Bonsoir, Benjamin. Pourrais-je m'asseoir ?

Benjamin : Oui, bien sûr. 

Mrs Robinson : Merci. Ca va ?

Benjamin : Oui, merci. 

Mrs Robinson : Je prends quelque chose.

Benjamin : Oh oui, bien sûr. Ah, il ne m'a pas vu. 

Mrs Robinson : Garçon, servez-moi un Martini.

Le garçon : Bien, madame.

Mrs Robinson : Inutile d'être aussi nerveux, vous savez.

Benjamin : Nerveux ? Eh bien, je suis un peu énervé, je veux dire, ce n'est pas facile de se montrer galant quand on est... 

Mrs Robinson : Et la chambre ?

Benjamin : Quoi ? 

Mrs Robinson : Avez-vous retenu une chambre ?

Benjamin : Je n'en ai pas retenu. 

Mrs Robinson : Est-ce que vous y tenez ?

Benjamin : Mon Dieu, non. Je veux dire que nous pourrions causer. 

Mrs Robinson : Vous voulez que je la retienne ?

Benjamin : Oh non-non, je la retiendrai.

Mrs Robinson : Vous y allez tout de suite ?

Benjamin : Tout de suite ? 

Mrs Robinson : Oui.

Benjamin : Eh bien, je n'en sais rien. 

Mrs Robinson : Pourquoi attendre ?

Benjamin : Oui, pourquoi attendre ? Eh bien, je... je vais en demander une. Excusez-moi.
 
 

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L'employé de l'hôtel : Oui, monsieur.

Benjamin : Une chambre pour ce soir, je vous prie.

L'employé de l'hôtel : Une chambre simple ou double ?

Benjamin : Une simple, rien que pour moi, s'il vous plaît.

L'employé de l'hôtel : Signez cette fiche, monsieur. Un ennui, monsieur ?

Benjamin : Quoi ? Non, rien du tout.

L'employé de l'hôtel : Avez-vous des bagages, monsieur Gladstone ?

Benjamin : Des bagages ? Oui-oui, j'en ai.

L'employé de l'hôtel : Où sont-ils ?

Benjamin : Quoi ?

L'employé de l'hôtel : Vos bagages, où sont-ils ?

Benjamin : Dans la voiture. Ils sont... ils sont dehors, dans l'auto.

L'employé de l'hôtel : Bien, monsieur, je vais appeler le bagagiste.

Benjamin : Ah non ! Oh ! Je veux dire... Ce n'est pas nécessaire de se donner le mal de me les apporter, je n'ai qu'une brosse à dent comme bagage. J'irai la prendre si ça ne vous fait rien.

L'employé de l'hôtel : Non, bien sûr. Je vais demander qu'on vous montre la chambre.

Benjamin : Oh, mais, en réalité, je... je la trouverai moi-même. Je n'ai à monter qu'une brosse à dent et puis je... je crois que j'y arriverai seul.

L'employé de l'hôtel : Comme vous vous voudrez.

Benjamin : Merci.

 

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Mrs Robinson : Allô ?

Benjamin : Madame Robinson ?

Mrs Robinson : Oui.

Benjamin : C'est Benjamin. 

Mrs Robinson : Oui.

Benjamin : Benjamin Braddock. 

Mrs Robinson : Benjamin, où êtes-vous ?

Benjamin : Regardez à travers la vitre. Vous me voyez maintenant ? 

Mrs Robinson : Oui, je vous vois.

Benjamin : J'ai retenu une chambre simple. 

Mrs Robinson : C'est parfait.

Benjamin : Mais il y a un point noir. Le réceptionniste m'a paru un peu soupçonneux. J'ignore quel est leur règlement, mais... 

Mrs Robinson : Voulez-vous monter le premier ?

Benjamin : Oui, je crois que c'est préférable. 

Mrs Robinson : Je monte dans cinq minutes.

Benjamin : Hé bien, au revoir. 

Mrs Robinson : Benjamin.

Benjamin : Oui ? 

Mrs Robinson : Est-ce que vous n'avez rien d'autre à me dire ?

Benjamin : A vous dire ?

Mrs Robinson : Oui.

Benjamin : Eh bien, j'aimerais que vous sachiez combien j'apprécie cette... ce... je vous assure... 

Mrs Robinson : Le numéro.

Benjamin : Quoi ? 

Mrs Robinson : Le numéro de la chambre, Benjamin, il est nécessaire de me le dire.

Benjamin : Oh, vous avez tout à fait raison. C'est le... 568.

Mrs Robinson : Merci.

Benjamin : Il n'y a pas de quoi. Ah eh bien, à tout à l'heure, madame Robinson. 

 

¤     ¤     ¤

 

Mrs Robinson : Bonsoir, Benjamin.

Benjamin : Bonsoir, madame Robinson.

Mrs Robinson : Eh bien.

Benjamin : Eh bien.
 

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Mrs Robinson : Benjamin.

Benjamin : Oui.

Mrs Robinson : Je vais me déshabiller. Est-ce que ça vous convient ?

Benjamin : Oui. Est-ce que je... Je veux dire, est-ce que je reste ici ? Enfin, je ne sais pas ce que vous voulez que je fasse.

Mrs Robinson : Pourquoi ne pas regarder ?

Benjamin : Eh benh oui, merci.

Mrs Robinson : Apportez-moi un cintre.

Benjamin : Quoi ?

Mrs Robinson : Un cintre.

Benjamin : Ah ! Oui, un cintre. En bois ?
 
 

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Mrs Robinson : Quoi ?

Benjamin : En bois ou en fer, ils ont les deux.

Mrs Robinson : Oh, l'un ou l'autre ira très bien.

Benjamin : D'accord.

Mrs Robinson : Merci. Voulez-vous m'aider, s'il vous plaît ?

Benjamin : Volontiers.

Mrs Robinson : Merci.

Benjamin : Y'a pas de quoi.
 
 
  
¤     ¤     ¤

 

Mrs Robinson : Benjamin, ce serait moins gênant pour vous dans le noir.

Benjamin : Madame Robinson, je ne peux pas faire ça.

Mrs Robinson : Comment ?

Benjamin : Vous êtes terrible méprise.

Mrs Robinson : Vous trouvez que je ne suis pas désirable ?

Benjamin : Oh non ! Madame Robinson, je crois que vous êtes la plus séduisante de toutes les amies de mes parents. C'est vrai, ça, que vous êtes désirable, mais je...  mais au nom du ciel, imaginez mes parents, vous vous rendez compte de ce qu'ils pourraient dire s'ils nous voyaient dans cette chambre, maintenant ?

Mrs Robinson : Que pourraient-ils dire ?

Benjamin : Je n'en ai pas idée, madame Robinson, mais au nom du ciel, ils m'ont bien élevé, ils m'ont rendu la vie agréable et je crois qu'ils méritent mieux que ça. Ils méritent mieux que de me voir au lit avec la femme de l'associé de papa.

Mrs Robinson : Auriez-vous peur de moi ?

Benjamin : Oh non, non, vous n'y êtes pas. Ecoutez, peut-être pourrions-nous faire autre chose ? Madame Robinson, vous ne voulez pas aller au cinéma ?

Mrs Robinson : Puis-je vous poser une question personnelle ?

Benjamin : Demandez ce que vous voudrez.

Mrs Robinson : Est-ce votre première fois ?

Benjamin : Est-ce quoi ?

Mrs Robinson : Ca l'est, oui ou non ? Répondez, est-ce votre première fois ?

Benjamin : Quelle question, madame Robinson, il y a de quoi en rire.

Mrs Robinson : Voyons, pourquoi ne pas l'admettre ?

Benjamin : Vous plaisantez ?

Mrs Robinson : Il n'y a pas de quoi avoir honte pour si peu.

Benjamin : Une minute.

Mrs Robinson : On sait bien que la première fois, on n'est pas toujours...

Benjamin : Qui a dit que c'était ma première fois ?

Mrs Robinson : Enfin je veux dire...

Benjamin : Attendez une minute !

Mrs Robinson : ... on a peur de ne pas être à la hauteur évidemment.

Benjamin : Pas à la hauteur !?

Mrs Robinson : Je crois que je ferais mieux de...

Benjamin : Ne bougez pas ! 
 
 

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Monsieur Braddock : Ben, qu'est-ce que tu fais ?
 
Benjamin : Eh bien, je dirais que je me contente de me laisser aller à la dérive, ici, dans la piscine.

Monsieur Braddock : Pourquoi ?

Benjamin : Parce que rien n'est plus agréable que de se laisser dériver.

Monsieur Braddock : As-tu pensé un peu à la suite de tes études ?

Benjamin : Non.

Monsieur Braddock : Dis-moi, ça te fatiguerait de me dire à quoi ton service et quatre années d'études préparatoires et à quoi rime l'effort que tu as fourni ?

Benjamin : Je ne sais pas.

Mrs Robinson : Ecoute, Ben... écoute, je crois que c'est une excellente chose qu'un jeune homme qui a fourni un très très bon travail puisse avoir l'occasion de se détendre et de s'offrir un peu de bon temps, de flâner, de boire un peu, enfin et caetera. Mais au bout de quelques semaines, il me semble cependant qu'il devrait se reprendre en main et réfléchir à sa situation. Et se dire que l'heure et venue de secouer sa paresse !

Madame Braddock : Les Robinson sont là.

Mr Robinson : Salut Ben ! Qu'est-ce que tu fais de ta personne ces jours-ci ?

Benjamin : Oh, rien d'extraordinaire, hein. Je laisse courir.

Mr Robinson : Hé-hé, hé benh j'aimerais pouvoir en faire autant. Y'a pas de mal à ça. Dis, Ben, Elaine va bientôt revenir de Berkeley. Il faudrait que tu l'appelles cette fois-ci.

Benjamin : Je l'appellerai.

Mr Robinson : Parce que je crois que vous vous entendrez comme larrons en foire.

Madame Braddock : Dis bonjour à madame Robinson, Benjamin.

Benjmin : Bonjour, madame.

Mrs Robinson : Bonjour, Benjamin.

 

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à suivre...

 

mercredi, 12 décembre 2012

Le Lauréat - Dustin Hoffmann, Mrs Robinson

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Film : Le Lauréat / The Graduate (1967, durée 1h42)

Réalisateur : Mike Nichols

Benjamin Braddock (Dustin Hoffman), monsieur Braddock (William Daniels), madame Braddock (Elizabeth Wilson)

Elaine Robinson (Katharine Ross), monsieur Robinson (Murray Hamilton), madame Robinson (Anne Bancroft) 
 
L'employé de l'hôtel (Buck Henry), Carl Smith (Brian Avery), monsieur McGuire (Walter Brooke), monsieur McCleery (Norman Fell), madame Singleman (Alice Ghostley), mademoiselle DeWitte (Marion Lorne)
 
 

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- Une petite italienne rouge ?

Monsieur Braddock : C'est mon cadeau pour son diplôme.

- Tu n'auras pas de mal à aller draguer avec ça, n'est-ce pas ?

Benjamin : Qui ?

- Les filles ! Les nanas ! Les nymphettes !

Madame Braddock : Oh, je crois que Ben a déjà franchi le stade des nymphettes, n'est-ce pas Ben ?

Benjamin : Excusez-moi, j'ai quelque chose à faire à ma voiture, j'en ai pour une minute

 

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- Oh Ben, que nous sommes fiers de vous !

- Fiers, fiers, fiers comme tout !

- Qu'allez-vous faire à présent ?

Benjamin : J'avais l'intention de monter une petite minute.

- Oh non, je voulais parler de votre avenir.

- De votre carrière.

Benjamin : Ah eh bien, c'est assez difficile à dire.

Monsieur Braddock : Ben.

Benjamin : Excusez-moi. Monsieur McGuire.

Monsieur McGuire : Ben.

Benjamin : Monsieur McGuire.

Monsieur McGuire : Suivez-moi une minute, j'aimerais que nous causions. Excusez-nous, John.

- Quelle charmant garçon !

- Quel âge exact à votre fils ?

- Oh il est charmant, ce garçon est très intelligent.

 

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Monsieur McGuire : Je n'ai qu'un seul mot à vous dire. Juste un mot.

Benjamin : Oui, monsieur.

Monsieur McGuire : Vous écoutez ?

Benjamin : Oui, oui, j'écoute.

Monsieur McGuire : Plastique.

Benjamin : Qu'entendez-vous au juste par là ?

Monsieur McGuire : Il y a de l'avenir dans les plastiques. Songez-y. Vous allez y penser ?

Benjamin : Oui-oui, j'y penserai.

Monsieur McGuire : Chut. Ca suffit. Marché conclu.

: Il est là ! Voilà Ben !

 

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Mrs Robinson : Comment ça va, Benjamin ?

Benjamin : Très bien. Merci, madame Robinson. La salle de bain est au bout du couloir.

Mrs Robinson : Elle est charmante, cette chambre.

Benjamin : Ecoutez, madame Robinson, je ne veux pas vous vexer, mais je suis affreusement...

Mrs Robinson : Y a-t-il un cendrier ici ?

Benjamin : Non.

Mrs Robinson : Ah oui, j'oubliais, notre athlète ne fume pas. Est-ce une fille ?

Benjamin : Qu'est-ce qui est une fille ?

Mrs Robinson : L'objet de vos pensées.

Benjamin : Oh non-non, c'est seulement, euh, que je suis préoccupé par des choses.

Mrs Robinson : En général.

Benjamin : C'est ça, oui.

Mrs Robinson : Eh bien, félicitations.

Benjamin : Merci.

Mrs Robinson : Oh, Benjamin, j'ai quelque chose à vous demander.

Benjamin : Quoi ?

Mrs Robinson : Voulez-vous me reconduire ?

Benjamin : Quoi ?

Mrs Robinson : Mon mari a gardé la voiture, voulez-vous me reconduire ?

Benjamin, lui donnant ses clés de voitures : Tenez, prenez ça. Vous connaissez les vitesses étrangères ? Non ?

Mrs Robinson, lançant les clés dans l'aquarium : Non.

Benjamin, les repêchant : Allons-y.

 

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Mrs Robinson : Entrez avec moi.

Benjamin : Quoi ?

Mrs Robinson : J'aimerais que vous restiez jusqu'à ce que j'aie allumé.

Benjamin : Mais pourquoi ?

Mrs Robinson : Parce que je ne me sens jamais tranquille dans le noir.

 

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Mrs Robinson : Vous buvez quoi, du Bourbon ?

Benjamin : Ecoutez, madame Robinson, je vous ai déposée à votre porte, ça m'a été agréable, mais j'ai pas mal de choses en tête. Est-ce que vous comprenez ?

Mrs Robinson : Oui.

Benjamin : Très bien alors.

Mrs Robinson : Qu'est-ce que je vous sers ? Benjamin, ne m'en veuillez pas d'être comme ça mais j'ai horreur de me trouver toute seule dans cette maison.

Benjamin : Pourquoi ?

Mrs Robinson : Veuillez attendre le retour de mon époux.

Benjamin : Quand compte-t-il rentrer ?

Mrs Robinson : Je ne sais pas. Buvez.

Benjamin : Non-non-non. Avez-vous toujours aussi peur de vous trouver toute seule ?

Mrs Robinson : Oui.

Benjamin : Fermez toutes les portes à clé et allez vous coucher !

Mrs Robinson : Je suis une névrosée... Puis-je vous poser une question ? Que pensez-vous de moi ?

Benjamin : Que voulez-vous dire ?

Mrs Robinson : Vous me connaissez depuis presque toujours, vous devez vous être fait une opinion sur moi.

Benjamin : Eh bien, je vous ai toujours trouvée des plus... sympathiques.

Mrs Robinson : Saviez-vous que j'étais alcoolique ?

Benjamin : Quoi ?

Mrs Robinson : Saviez-vous cela ?

Benjamin : Ecoutez, je crois qu'il faut que je m'en aille.

Mrs Robinson : Asseyez-vous, Benjamin.

Benjamin : Madame Robinson, si vous ne m'en voulez pas de le dire, cette conversation devient un peu étrange. Alors je pense que monsieur Robinson va rentrer d'une minute à l'autre.

Mrs Robinson : Non.

Benjamin : Quoi ?

Mrs Robinson : Mon mari va sûrement rentrer très tard. Il est parti pour plusieurs heures.

Benjamin : Oh, mon Dieu.

Mrs Robinson : Pardon ?

Benjamin : Oh non, madame Robinson, non.

Mrs Robinson : Mais qu'y a-t-il ?

Benjamin : Madame Robinson, vous ne comptez pas...

Mrs Robinson : Quoi ?

Benjamin : Enfin, vous ne pensiez vraiment pas que je ferais une chose comme ça ?

Mrs Robinson : Comme quoi ?

Benjamin : Comme ce que vous pensez ?

Mrs Robinson : J'en sais rien !

Benjamin : Pour l'amour de Dieu, madame Robinson, réfléchissez, enfin, vous me faites entrer chez vous, vous me faites boire, vous mettez de la musique et maintenant vous me racontez votre vie privée et vous me dites que votre mari ne rentrera pas avant des heures.

Mrs Robinson : Alors ?

Benjamin : Madame Robinson, vous essayez de me séduire.

Mrs Robinson : H-ha-ah-ah-a...

Benjamin : C'est ça ?

Mrs Robinson : Eh bien non, je n'y songeais guère. J'en suis on ne peut plus flattée.

Benjamin : Madame, m'excusez-vous pour ce que je viens de dire ?

Mrs Robinson : Ca n'a pas d'importance.

Benjamin : Si ça en a une, c'est la pire des choses que j'ai jamais dite.

Mrs Robinson : Asseyez-vous.

Benjamin : Pardonnez-moi, vous m'êtes si sympathique. J'ai une très bonne opinion de vous mais je perds le nord.

Mrs Robinson : Ca ne fait rien, finissez votre verre.

Benjamin : Madame Robinson, ça me rend malade de vous avoir dit cela.

Mrs Robinson : Eh bien n'en parlons plus et terminez votre verre.

Benjamin : Mais qu'est-ce que je peux bien avoir ?

Mrs Robinson : Avez-vous vu le portrait d'Elaine ?

Benjamin : Si j'ai vu son portrait ?

Mrs Robinson : Oui.

Benjamin : Non.

Mrs Robinson : Nous l'avons fait faire à Noël. Vous voulez le voir ?

Benjamin : Avec plaisir.

Mrs Robinson : Il est là, dans la chambre d'Elaine.

Benjamin : Mmmh, Elaine est une jeune fille très séduisante, n'est-ce pas ? Je ne me rappelais pas qu'elle avait les yeux bruns.

Mrs Robinson : Benjamin ?

Benjamin : Oui ?

Mrs Robinson : Voulez-vous venir par ici une minute ?

Benjamin : Oh, par ici ?

Mrs Robinson : M-hm.

Benjamin : Bien sûr.

Mrs Robinson : Voulez-vous défaire ma robe ? Je crois que je vais me coucher.

Benjamin : Ah, eh benh bonne nuit.

Mrs Robinson : Oh vous ne voulez pas défaire ma robe ?

Benjamin : J'aime autant pas, madame Robinson.

Mrs Robinson : Vous persistez à croire que j'essaie de vous séduire.

Benjamin : Non-non, du tout, mais c'est que je me sens un peu bizarre.

Mrs Robinson : Benjamin, vous me connaissez depuis toujours.

Benjamin : Je sais. Seulement...

Mrs Robinson : Je n'arrive pas à atteindre ma fermeture éclair. Merci.

Benjamin : Et voilà.

 

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Mrs Robinson : Voyons, de quoi avez-vous donc si peur ?

Benjamin : Je n'ai pas peur, madame Robinson.

Mrs Robinson : Alors pourquoi vous dérobez-vous constamment ?

Benjamin : Parce que vous allez vous coucher et que je n'aurais pas dû monter.

Mrs Robinson : Vous n'avez encore jamais vu une femme en tenue légère ?

 

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Benjamin : Si, bien sûr, mais je... écoutez... mais si monsieur Robinson rentrait maintenant ?

Mrs Robinson : Et puis après ?

Benjamin : Eh bien, ça pourrait paraître plutôt bizarre.

Mrs Robinson : Vous ne croyez pas qu'il a confiance en nous ?

Benjamin : Si, bien entendu, mais il pourrait se faire une idée fausse, comme n'importe qui.

Mrs Robinson : Je ne vois pas comment, je suis deux fois plus âgée que vous. Qui pourrait s'imaginer que vous...

Benjamin : Mais c'est forcé, réfléchissez ! 

Mrs Robinson : Benjamin, je ne cherche pas à vous séduire.

Benjamin : Mais j'en suis sûr, mais je vous en prie, madame Robinson, il m'est difficile de...

Mrs Robinson : Vous n'aimeriez pas que je vous séduise.

Benjamin : Quoi ?

Mrs Robinson : Est-ce ça que vous essayez de me dire ?

Benjamin : Je vais rentrer, maintenant. Et je m'excuse de ce que j'ai dit. J'espère que vous l'oublierez. A présent, je rentre chez moi.

Mrs Robinson : Benjamin !

Benjamin : Oui.

Mrs Robinson : Voulez-vous m'apporter mon sac avant de partir ?

Benjamin : Je dois m'en aller maintenant, excusez-moi.

Mrs Robinson : Je n'ai pas envie de me rhabiller. Voulez-vous me le monter ?

Benjamin : Où est-il ?

Mrs Robinson : Sur la table de l'entrée.

Benjamin : Madame Robinson ?

Mrs Robinson : Je suis dans la salle de bain.

Benjamin : Bon, je l'ai votre sac.

Mrs Robinson : Pourriez-vous me le monter ?

Benjamin : Je vais vous le passer. Venez sur le palier, je vous le donne.

Mrs Robinson : Benjamin, je commence à en avoir assez de tous ces soupçons. Si vous ne pouvez pas me rendre un petit service, alors vraiment c'est la fin de tout !

Benjamin : Je vais le poser là, sur la dernière marche.

Mrs Robinson : Pour l'amour du ciel, Benjamin, cessez de vous conduire comme ça. Apportez-le moi !

Benjamin : Je le pose ici, devant la porte.

 

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Mrs Robinson : Vous ne voulez pas me l'apporter ?

Benjamin : J'aime mieux pas.

Mrs Robinson : Très bien. Mettez-le dans la chambre d'Elaine, là où nous étions.

Benjamin : Bon !... Oh ! Oh, Seigneur ! Non, laissez-moi sortir.

 

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Mrs Robinson : Ne soyez pas si nerveux.

Benjamin : Ecartez-vous de cette porte.

Mrs Robinson : Je veux d'abord vous dire quelque chose. Benjamin, je veux que vous sachiez que je suis libre pour vous et que si vous refusez de coucher avec moi cette fois, si vous ne voulez pas coucher avec moi cette fois-ci, vous pourrez toujours me téléphoner et nous prendrons nos dispositions. Comprenez-vous ce que j'ai dit ?

Benjamin : Oh... Laissez-moi sortir.

Mrs Robinson : Avez-vous compris ce que j'ai dit ?

Benjamin : Oui, oui-oui. Laissez-moi sortir.

Mrs Robinson : Je vous trouve très attirant. Et le jour où vous voudrez...

Benjamin : Oh, Seigneur, c'est lui !

Il dévale les escaliers et reprend son verre en main.

 

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Mr Robinson : C'est la voiture de Ben qui est devant la maison ?

Benjamin : Oui, monsieur ! J'ai reconduit... j'ai reconduis madame Robinson chez elle, elle m'a demandé de la reconduire alors je l'ai reconduite

Mr Robinson : Très bien, je t'en sais gré !

Benjamin : Elle est en haut. Elle a voulu que j'attende ici votre retour.

Mr Robinson : On t'a chargé de veiller sur le château, hein ?

Benjamin : Oui, monsieur.

Mr Robinson : Ah, félicitations.

Benjamin : Merci.

Mr Robinson : Alors, tu refais le plein ?

Benjamin : Oh non-non, je dois m'en aller.

Mr Robinson : T'as... t'as des ennuis ? T'as l'air d'être assez ému.

Benjamin : Oh, non, seulement, seulement un peu préoccupé par mon avenir. Je me fais du souci pour mon avenir.

Mr Robinson : Alors viens, on va s'offrir un dernier verre. Scotch ?

Benjamin : Euh, du Bourbon.

Mr Robinson : Ben, dis-moi, quel âge as-tu au juste ?

Benjamin : Euh, vingt ans, je vais en avoir vingt-et-un.

Mr Robinson : C'est un âge épatant, tu sais, Ben ?

Benjamin : Merci. Merci, monsieur.

Mr Robinson : Eh... j'aimerais avoir encore cet âge-là. Parce que, Ben...

Benjamin : Oui ?

Mr Robinson : ... tu seras plus jamais aussi jeune.

Benjamin : Oui, je sais.

Mr Robinson : Ben, je voudrais te dire quelque chose.

Benjamin : Quoi ?

Mr Robinson : Heum... Il y a combien de temps à présent, que nous nous connaissons ? Il y a combien de temps que nous deux nous nous connaissons ? Il y a combien de temps que ton père et moi sommes associés ?

Benjamin : Ca fait un bout de temps.

Mr Robinson : Je t'ai vu grandir, tu sais, Ben.

Benjamin : Oui, monsieur.

Mr Robinson : A... à maints égards, je te considère comme mon propre fils.

Benjamin : Merci.

Mr Robinson : Alors j'espère que tu ne m'en voudras pas de te donner un conseil purement amical.

Benjamin : J'ai hâte de l'entendre.

Mr Robinson : Ben, je crois... je crois que tu devrais être plus détendu et à ton aise dans l'existence que tu ne me parais l'être. Il faut jeter ta gourme. Tu dois saisir toutes les occasions ! T'amuser avec les filles, et caetera !

Mrs Robinson : Restez assis.

Mr Robinson : Je venais de dire à ...

Benjamin : ... Ben...

Mr Robinson : ... de jeter un peu sa gourme. De se distraire pendant qu'il le peut. Crois-tu que le conseil soit judicieux ?

Mrs Robinson : Oui, je crois.

Benjamin : Il faut que je parte.

Mr Robinson : Mais... tâche de t'offrir quelques ... quelques aventures, cet été. Je parie que... que tu es un homme à femmes.

Benjamin : Oh non.

Mr Robinson : Quoi !? Pourtant t'as l'air d'être ce genre de type qui doit se défendre avec les femmes ? Dis, chérie, à toi il te donne pas l'impression d'être le genre de type qui se défend avec elles ?

Mrs Robinson : Oui, c'est le genre.

Mr Robinson : Dis, Elaine... Elaine doit revenir de Berkeley samedi prochain.

Benjamin : Ah oui.

Mr Robinson : Passe-lui donc un coup de fil ?

Benjamin : Je l'appellerai.

Mrs Robinson : Benjamin ! Benjamin !

Benjamin : Oui.

Mrs Robinson : Merci de m'avoir reconduite. A très bientôt j'espère.

 

A suivre...

 

mardi, 11 décembre 2012

De l'aubépine à l'orchidée - Philippe Sollers, Marcel Proust

catleya.jpg
Image du film "Un amour de Swann"

 

Pour les mots du film : http://fichtre.hautetfort.com/archive/2012/05/06/un-amour...

 

Extrait de Fleurs, 2006, Philippe Sollers, Herrmann Littérature :

 

[...] Et voici la reine érotique, l'orchidée, temps perdu, temps retrouvé : "Pointer de son pinceau le cœur de l'orchidée, c'est pointer le regard dans le portrait d'une femme. [...]" L'orchidée fait signe du côté des prostituées, et aller aux courtisanes s'est beaucoup dit en chinois "soigner les fleurs et s'inquiéter des saules".

Mais voici des nouvelles récentes de la revue Nature (on ne lit pas assez la revue Nature) : "La misère sexuelle est telle, chez certaines orchidées, qu'elles en sont réduites à s'autoféconder. Dans les forêts d'altitude de Simao (province du Yunnan), le vent souffle rarement et les insectes pollinisateurs sont peu nombreux. L'espèce Holcoglossum amesianum ne peut donc compter que sur elle-même pour s'assurer que des grains de pollen, porteurs de la semence mâle, se déposent sur les stigmates, l'organe femelle. Cette plante hermaphrodite - comme toutes les orchidées - a développé une technique très personnelle. Une fois la fleur ouverte, l'étamine perd son capuchon, découvrant à son extrémité deux petits sacs jaunes remplis de pollen. Ceux-ci se dressent alors vers le ciel avant de se recourber pour s'introduire dans la cavité du stigmate. L'opération, parfois, échoue. Le capuchon reste collé, ou bien les sacs de pollen ratent leur entrée. L'orchidée, pas plus que les humains, ne peut se targuer d'être performante à 100%."

La dernière phrase est un chef d'œuvre d'idéologie nataliste, comme si tout acte sexuel humain (performant) avait pour but la reproduction. Elle fait pouffer de rire Marcel Proust, et nous verrons pourquoi lorsque nous sortirons l'orchidée cattleya d'Amérique centrale (que Proust écrit avec un seul t : catleya) de sa serre ou de sa réserve. 

Pour l'instant, voyons seulement ce nom : orchidée, du grec orkhis, testicule. Une orchite est une inflammation des testicules. Quant aux orchidées d'origine tropicale, on en compte quinze mille espèces, parmi lesquelles, outre le cattleya (usage littéraire réservé), l'orphrys, le sabot-de-Vénus, la vanille. Voulez-vous, lectrice sournoise, faire un peu de sabot-de-Vénus avec moi ? Non, c'est trop dur ? Un peu de vanille, alors, de façon plus glacée et plus électrique ?

 


Philippe, Sollers, FleursPhilippe Sollers

 

Après Dante, Shakespeare et Rimbaud, le jeu moisit, sauf chez les peintres. Le temps se perd, l'éternité, un moment retrouvée, s'abîme dans l'ombre, le soupçon, la frigidité, l'abstraction, le deuil. Pour aller vite à travers le siècle dernier, Gide Valéry Sartre, Malraux, Camus, Blanchot, Duras, Lacan, Foucault, Deleuze, etc. : beaucoup de discours, peu de fleurs.

Mais voici un botaniste génial, le grand aventurier intérieur : Proust. Lui aussi est seul, et il le reste.

Le narrateur de La recherche du temps perdu commence par nous entraîner dans son laboratoire tournant de sommeil et d'enfance, pour nous conduire assez vite dans "une petite pièce sentant l'iris" où il a pris très tôt l'habitude de s'enfermer. Ce sont bien, bien entendu, les toilettes, seul lieu de la maison qu'il peut fermer à clef. [...] Là, en-dehors d'opérations communes et plus "vulgaires", se déroulent des occupations qui réclament "une inviolable solitude : la lecture, la rêverie, les larmes et la volupté".

[...]

Ainsi de la révélation des aubépines : "Quand, au moment de quitter l'église, je m'agenouillai devant l'autel, je sentis tout d'un coup, en me relevant, s'échapper des aubépines une odeur amère et douce d'amandes, et je remarquai alors sur les fleurs de petites places plus blondes sur lesquelles je me figurai que devait être cachée cette odeur comme sous les parties gratinées le goût de la frangipane ou sous leurs taches de rousseur celui des joues de Mlle Vinteuil. Malgré la silencieuse immobilité des aubépines, cette intermittente odeur était comme le murmure de leur vie intense dont l'autel vibrait ainsi qu'une haie agreste visitée par de vivantes antennes, auxquelles on pensait en voyant certaines étamines presque rousses qui semblaient avoir gardé la virulence printanière, le pouvoir irritant, d'insectes aujourd'hui métamorphosés en fleurs."

Odeur, goût, métamorphoses, femme (et pas n'importe laquelle, Mlle Vinteuil, scandaleuse lesbienne), toute cette "virulence printanière" se trouve au pied d'un autel devenu un brasier érotique local.

On est du côté de Méséglise (décidément), du côté de chez Swann. Proust accentue sa pression florale : ce sont maintenant des lilas, des capucines, des myosotis, des pervenches, des glaïeuls, des lys et, plus loin, des pensées, des verveines, des jasmins, des giroflées. Mais le mystère est bien celui des aubépines (entendre, dans aubépines, aube et épines).

"La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir ; au-dessous d'elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s'il venait de traverser une verrière ; leur parfum s'étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j'eusse été devant l'autel de la Vierge, et des fleurs, aussi parées, tenaient chacune d'un air distrait son étincelant bouquet d'étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui, à l'église, ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail qui s'épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. Combien naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines qui, dans quelques semaines, monteraient elles aussi en plein soleil le même chemin rustique, en la soie unie de leur corsage rougissant qu'un souffle défait."

Proust parle en même temps des aubépines et de la phrase qu'il est en train d'écrire : les fleurs sont des mots, les mots sont des fleurs. Il cherche à s'identifier le plus possible à un phénomène qui l'enivre mais qu'il ne comprend pas. Il voudrait "s'ouvrir à son rythme", mélodie, intervalles musicaux. Il se repose un instant devant un seul coquelicot "faisant cingler au vent sa flamme rouge", puis revient aux aubépines, au plaisir obscur qu'elles lui donnent, et enfin découvre, grâce à son père qui se promène à ses côtés, une épine rose "plus belle encore que les blanches".

"Elle aussi avait une parure de fête, de ces seules vraies fêtes que sont les fêtes religieuses." Ce rose est une chose mangeable comme un fromage à la crème dans lequel on a écrasé des fraises. [...]

L'enfance et l'adolescence, dans le flot invisible du temps, c'est le surgissement, la prolifération, la multitude, la surabondance. Vient ensuite l'axe de la fixation érotique. L'excitation, désormais, choisit sa cible. Proust passe ainsi du mystère des aubépines à la révélation de l'orchidée "aux larges pétales mauves". L'orchidée, on s'en doute, n'est pas une fleur d'église. C'est ici le catleya d'Odette (Proust écrit cattleya avec un seul t). Avec Odette, dans le langage de son amant obsédé et jaloux, Swann, faire l'amour se dit "faire catleya". Ca commence, en voiture, par des arrangements timides de la fleur dans le corsage. Ca devient ensuite un code secret. [...]

Il entend l'anglais, Proust (traduction de Sésame et les lys de Ruskin), et voici son Sésame : catleya. On dit un catleya. Dans cat, il y a chat ou chatte, suivez mon regard vers ce elle et ce il y a. Ce Proust, n'en doutons pas, est un dangereux maniaque, une sorte de psychotique stabilisé pervers, qui doit se réjouir, ces temps-ci, de voir des plants de lys sauvages, espèce désormais protégée, faire obstacle, dans un vaste champ de village français, à la construction d'un incinérateur de déchets qui exigerait leur arrachage. La commune de Combray y a pourtant un besoin urgent de cet incinérateur. Le repousser à cause de lys est encore un mauvais coup des partisans de l'art pour l'art (dirait M. de Noirpois).

Odette fait peut-être "catleya", comme son amant aux goûts raffinés mais conventionnels (Botticelli, Vermeer), elle n'en perçoit pas la nature de fleur. Encore moins peut-il être question de défloration, selon les croyances antiques, puisque nous avons affaire à une demi-mondaine, autrement dit à une prostituée de luxe, entretenue et transformée en fausse noble, Odette de Crécy. Sur la défloration, Buffon a cette phrase amusante : "Toute situation honteuse, tout état indécent dont une fille est obligée de rougir intérieurement, est une vraie défloration." Odette est loin de cette pudeur naïve, et c'est pourquoi c'est une femme artificielle, ou fleur artificielle, une actrice déjà usée [...].

Proust se lance alors dans une incroyable démonstration d'érotisme floral. Il est lui-même, dit-il, "un herboriste humain", un "botaniste moral". Il a beaucoup travaillé la question de la fécondation des fleurs, surtout des hermaphrodites. Il tient à cette imagerie pour expliquer ce qu'il ne veut pas appeler l'homosexualité (mot pour lui impropre, mais l'inversion, par rapport, donc, à une version. La perversion est l'inversion, ou plutôt la réversion, d'une version. Dans ce cas, la fécondation non reproductive est quand même une fécondation mais "au sens moral". Les hommes-femmes ("descendants de ceux des habitants de Sodome qui furent épargnés par le feu du ciel") sont comparés à des fleurs le plus souvent en difficulté, qui n'ont que rarement l'occasion de trouver une rencontre satisfaisante, d'où leur abstinence forcée pour leur affairement obsédé.

C'est la Recherche du pollen perdu. La fleur mâle, par exemple, n'est pas passive : ses étamines se tournent spontanément vers l'insecte pour mieux le recevoir. La fleur femme, elle (ici l'arbuste d'Oriane), "arquera coquettement ses "styles" et, pour être mieux pénétrée par l'insecte, fera imperceptiblement, comme une jouvencelle hypocrite mais ardente, la moitié du chemin". C'est toute la signification cryptée de la danse de Charlus autour de Jupien et de leur fascination réciproque [...].

A partir de là, Proust devient fou, compare les méduses répulsives de la mer à de "mauves orchidées", s'occupe de la stérilité de certaines fleurs ("organe mâle séparé par une cloison de l'organe femelle"), des obstacles sans nombre à surmonter pour arriver au but (attraction des insectes par les fleurs, sécrétion de liqueur qui immunise contre les pollens qui ne conviennent pas), etc. [...] C'est ce qui s'appelle travailler son sujet. [...] Proust, dans l'inversion, trouve la confirmation de la version. Les deux voies, génétique et anti-génétique, ne conduisent à aucun Paradis, mais seulement à l'enfer social, au bordel, à l'usure, à la mort. L'obsession de l'éternel retour de la reproduction est générale, y compris dans ce qui semble en nier l'effectuation. Seule triomphe l'œuvre, immense Fleur. 

 

Philippe, Sollers, FleursSe procurer l'ouvrage :

Fleurs

Philippe Sollers

2006

Hermann Littérature

121 pages

http://www.amazon.fr/Fleurs-grand-roman-l%C3%A9rotisme-floral/dp/2705665935/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1347284726&sr=1-1