samedi, 26 mai 2012
La Pentecôte - El Greco, Giotto
La Pentecôte, El Greco
Actes des Apôtres, II
Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient.
Ils virent apparaître des langues qu'on eût dites de feu ; elles se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint et commencèrent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer.
Or il y avait, demeurant à Jérusalem, des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui se produisit, la multitude se rassembla et fut confondue : chacun les entendait parler en son propre idiome.
Ils étaient stupéfaits, et, tout étonnés, ils disaient : "Ces hommes qui parlent, ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende dans son propre idiome maternel ? Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et d'Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d'Egype et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu !"
La Pentecôte, Giotto
> A consulter également : http://rouen.catholique.fr/spip.php?article201
09:13 Publié dans Beaux-Arts, Foi, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pentecôte, greco, giotto
vendredi, 25 mai 2012
La chambre 11 - Maupassant
Téléfilm : La chambre 11 (2007, durée 52min)
Réalisateur : Jacques Santamaria
D'après Maupassant
Mademoiselle Clarisse / Madame Marguerite Amandon (Clotilde Courau), Verengelles (Vincent Martinez, Le Colonel Bouchalois (Laurent Gerra), Charles Amandon (Jean-Luc Porraz), Trouveau (Yves Pignot), La mère Trouveau (Marilyne Even)
¤ ¤ ¤
Une femme : Il nous faut des baisers et des bras puissants pour nous enlacer. Sans cela, nous sommes de pauvres choses. Nous attendons... de disparaître.
10:16 Publié dans Ecrits, Les mots des films | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maupassant, courau, martinez, gerra
mercredi, 23 mai 2012
Le Rouge et le noir - Stendhal
En attendant de revoir la version de Claude Autant-Lara avec Gérard Philippe et Danille Darrieux de 1954...
Téléfilm : Le Rouge et le noir (1997, durée 1h35 & 1h50)
Réalisateur : Jean-Daniel Verhaeghe
D'après Stendhal.
Julien Sorel (Kim Rossi Stuart), Louise de Rênal (Carole Bouquet), monsieur de Rênal (Bernard Verley), Mathilde de La Môle (Judith Godrèche), le marquis de La Môle (Claude Rich), Elisa (Camille Verhaeghe), l'abbé Pirard (Rüdiger Vogler), l'abbé Chelan (Maurice Garrel), le comte Altamira (Francesco Acquaroli), madame de Fervaques (Claudine Auger)
¤ ¤ ¤ première partie ¤ ¤ ¤
Julien Sorel : Cette nuit ouvrez-moi votre porte, il faut que je vous parle.
Louise de Rênal : Mais vous êtes fou.
¤ ¤ ¤
Louise de Rênal : Vous vouliez me parler ?
Julien Sorel : Je ... je ... je vous aime... je vous aime... je vous aime avec passion... Je ne sais plus quoi faire. Je ne sais plus quoi faire. Il faut que vous m'aidiez. Oh aidez-moi.
Louise de Rênal : Je vous en supplie. Il ne faut pas. Tu es si jeune.
¤ ¤ ¤
Louise de Rênal : Si mon mari a entendu quelque chose, je suis perdue. Et si je suis perdue, je m'en fiche.
Julien Sorel : Et s'il te tue, tu t'en fiches aussi ?
Louise de Rênal : Non, pas ce matin. Ce matin, pour la première fois, je regretterai la vie.
Julien Sorel : Je me sens le maître du monde.
Louise de Rênal : Tu m'aimes encore depuis hier ?
Julien Sorel : Oh oui, je t'aime. Mais au fait, je vais devenir prêtre.
Louise de Rênal : Mais tu seras pape, cardinal, ministre, comme Richelieu. Ce portrait, tu vas finir par me le dire... ?
Julien Sorel : Non, je ne peux pas te le dire.
Louise de Rênal : Si tu ne me le dis pas je crie, j'ameute la maison, je me déshonore !
Julien Sorel : Bonaparte, c'est Bonaparte, Bonaparte, Napoléon Bonaparte.
Louise de Rênal : Bonaparte ? J'étais si malheureuse à cause de Bonaparte ? Mais il est mort Bonaparte. Mon petit bonapartiste... mon amour... mon rebelle. C'est un rival merveilleux Bonaparte.
¤ ¤ ¤
Amie de Louise de Rênal : Oh, flute !
Louise de Rénal : Trop fort, ton jeu manque de subtilité.
Amie : Le tien aussi.
Louise de Rénal : Oh je t'en prie.
Amie : Tu te ridiculises. Tu vas te perdre Louise. Je suis ton amie et je refuse d'assister à une...
Louise de Rénal : Tu crèves de jalousie. Ca fait quinze ans que tu m'abreuves de récits sucrés, salés, poivrés. Tu changes d'amant à chaque courant d'air. Alors garde tes conseils.
¤ ¤ ¤ deuxième partie ¤ ¤ ¤
Le Marquis de La Môle : Il y a une chose que j'aimerais savoir. Au moins y a-t-il eu pour vous, à un moment quelconque, un amour imprévu ?
Julien Sorel : Comment ça, un amour imprévu ?
Le Marquis de La Môle : Vous savez que j'ai cent mille écus de rente, que j'aime ma fille plus que tout. Tout ça vous le saviez ! J'ai du mal à croire que Mathilde, la première, a pris l'initiative, mais admettons. Pourquoi n'avez-vous pas fui ? C'était votre devoir.
Julien Sorel : Je vous l'ai demandé, je vous ai demandé de m'envoyer plutôt à Londres ! Vous vous en souvenez ?
Le Marquis de La Môle : Vos sentiments, il n'y a jamais eu de vulgarité ? De vulgarité matérielle dans vos sentiments ?
Julien Sorel : Je ne suis pas intéressé par l'argent.
Le Marquis de La Môle : Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu veux ?
Julien Sorel : J'aime la vie, je veux vivre pour mon fils maintenant ! Vous ne pouvez pas me priver de cet amour, de mon enfant, et de Mathilde. Et je sais que vous ne pouvez pas vivre sans elle. Et elle ne peut pas vivre sans moi.
¤ ¤ ¤
Un militaire : Ce qui les énerve, c'est que vous soyez lieutenant sans jamais avoir été sous-lieutenant.
Julien Sorel : C'est compréhensible. Et ils n'ont encore rien vu. Avant mes trente ans, je serai général, c'est moi qui te le dis.
Mathilde de La Môle : Pourquoi m'as-tu écrit cette lettre affreuse ? m'ordonner de ne pas te répondre, m'interdire de parler de toi à notre enfant ? Je sors de chez le directeur. J'ai juré que j'étais ta femme, que nous étions mariés secrètement. J'ai tout obtenu : un droit de visite tous les jours, j'habite à deux rues, je me suis installée à Besançon.
Julien Sorel : Mathilde... Je t'en prie, ne me fais pas répéter. Ne me fais pas répéter ce que je t'ai dit dans ma lettre.
Mathilde de Le Môle : Pour les repas, ils te seront livrés deux fois par jour par quelqu'un de chez moi. La cour, celle où il y a les arbres, dorénavant tu peux t'y promener quand tu veux.
Julien Sorel : Je ne veux pas que tu t'occupes de moi, Mathilde... Tu m'oublieras, dans un an tu épouseras Philippe de Croisenois, tu seras heureuse, tu seras heureuse comme tout le monde. Même si aujourd'hui ça te parait impossible. Tu dois vivre, tu dois quitter le seixième siècle, Mathilde.
Mathilde de Le Môle : Pour l'avocat, j'ai le meilleur, maître Massonnet. Il a sauvé des dizaines d'assassins. Alors que toi, tu ne l'as pas tuée. Tu ne vas pas mourir pour quelqu'un que tu n'as pas tué.
Julien Sorel : Qu'est-ce que tu as dit ? Je ne l'ai pas tuée, c'est ce que tu as dit ? Tu en es certaine ?
Mathilde de Le Môle : Nous allons nous battre. Je te sauverai, Julien. Tu n'as rien fait qui vaille un tel châtiment.
Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, alors je l'ai blessée, elle doit souffrir, je l'ai blessée. Mais où je l'ai blessée ? Comment va-t-elle ? Tu le sais ? Tu peux te renseigner ? Je veux savoir.
Mathilde de Le Môle : Oui, je peux me renseigner.
Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, peut-être, va-t-elle me pardonner, peut-être.
Mathilde de Le Môle : Et dans ce cas au procès son pardon sera considéré comme...
Julien Sorel : Procès... C'est vrai, le procès....
Mathilde de Le Môle : Julien, pourquoi as-tu tiré sur cette femme ? Pourquoi ?
Julien Sorel : Il faudra que je me défende, l'éloquence des uns et les injures des autres, les journaux, toute cette vulgarité. Je préfère mourir tranquille.
Mathilde de Le Môle : Si tu meurs, je mourrai.
Louise de Rênal : Comme vous voyez, monsieur le Juge, je vais très bien. A peine deux mois se sont écoulés et je suis venue en voiture de Verrières à Besançon.
Le juge : Vous souhaitez donc assister au procès.
Louise de Rênal : Oh non, ma présence pourrait faire du tort à monsieur Sorel. On pourrait penser que je suis là pour demander vengeance. Alors que je souhaite plus que tout au monde qu'il soit sauvé.
Le juge : Mais il vous a tiré dessus.
Louise de Rênal : Mais c'était un moment de folie. Tout le monde vous dira à Verrières qu'il avait des lubies, des moments d'égarement. Il passait de l'enthousiasme à la mélancolie comme ça, sans préavis. Mon fils, qui l'adore, pourrait vous le confirmer. Il a des ennemis, qui n'en a pas. Mais personne n'a jamais mis en doute le talent, l'intelligence, la culture profonde de ce jeune homme. Ce n'est pas un être ordinaire que vous allez juger, monsieur. Il connaît la sainte Bible par cœur. C'est un homme pieux, pur.
Le juge : Vous avez écrit le contraire à monsieur de La Môle.
Louise de Rênal : Je le regrette tellement. J'ai été influencée, j'ai été trompée. J'ai perdu la tête. Je comprends que cette lettre l'ait rendu fou.
Le juge : Vous admettez donc que c'est votre lettre qui l'a poussé à ce geste effroyable. D'ailleurs il vous a tiré dessus une deuxième fois, il y a eu préméditation.
Louise de Rênal : Mais ce n'est pas vrai. Je l'ai vu, il ne savait pas ce qu'il faisait. J'ai reconnu son regard, ce regard un peu vague qu'il avait avant ses crises de délire. Je l'ai vu ! Monsieur le Juge, si par ma faute un innocent est conduit à la mort, ma vie entière en sera empoisonnée. Il n'y a pas eu préméditation.
¤ ¤ ¤
Julien Sorel : Je voudrais vous demander quelque chose. Avez-vous peur de la mort ?
L'abbé Chelan : La mort est une aventure individuelle. J'ai eu de la chance, je vis la mienne en compagnie de Dieu. Tu lui as tourné le dos mais il te sera beaucoup pardonné, puisque tu as beaucoup aimé.
Julien Sorel : J'aimerais tant que tout... tout se passe bien, simplement. J'espère ne pas avoir honte de moi avant de mourir.
L'abbé Chelan : Si tu sens ton courage fléchir, pense aux plus beaux moments, aux plus belles lumières. Dieu, lui, ne te tournera pas le dos. Tu n'es pas un monstre, mon enfant, moi je le sais.
09:22 Publié dans Ecrits, Les mots des films, Thèse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rouge, noir, stendhal, bouquet, stuart, godrèche
mardi, 22 mai 2012
Le Cinéma frappe à ma porte
C'est peut-être à force de prêter mes yeux et mes oreilles au cinéma,
Intensément et depuis de nombreux mois,
Non seulement mes yeux et mes oreilles, mais mes mains de surcroît,
Espérant, en vous offrant ici lecture de remarquables dialogues, engendrer en vous quelque émoi,
Mais le voici - le Cinéma en personne - qui frappe littéralement à ma porte,
A cet instant précis, oui, en ce moment même, il projette ses lumières au coin de ma fenêtre.
Voyez donc, ce que je raconte est dans le tracte et les images qu'avec zèle je vous rapporte.
Ou si vous ne me croyez pas, vous avez le choix entre venir voir de vous-mêmes ou aller paître.
Pour agrandir le tracte tournage film Grand Ecart David Moreau.pdf
Canon à pluie
Le jour la nuit
Le camion-cantine qui fait monter des odeurs de cuisine à ma fenêtre.
¤ ¤ ¤
Nous souhaitons un franc succès à David Moreau et ses équipes.
10:16 Publié dans Les mots des films, Trivialités parisiennes, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david, moreau, tournage, grand, écart
dimanche, 20 mai 2012
Un amour de Swann - Proust, Irons, Delon, Muti, Ardant
Ce qu'il y a de gentil avec vous, c'est que vous n'êtes pas gaie.
Comment veux-tu que je t'aime si tu es une eau informe qui coule selon la pente
qu'on lui offre, un poisson sans mémoire ni volonté.
Film : Un amour de Swann (1984, durée 1h50)
Réalisateur : Volker Schlöndorf
D'après Proust.
Charles Swann (Jeremy Irons), Odette de Crécy (Ornella Muti), le baron de Charlus (Alain Delon), la duchesse de Guermantes (Fanny Ardant), le duc de Guermantes (Jacques Boudet), madame Verdurin (Marie-Christine Barrault), monsieur Verdurin (Jean-Louis Richard), madame de Cambremier (Charlotte de Turckheim), Forcheville (Geoffroy Tory), Chloé (Anne Bennent).
¤ ¤ ¤
Voix off de Charles Swann :
L'air est chaud et frais, plein d'ombres et de songes. Mon amour pour Odette va bien au-delà des régions du désir physique. Il est si étroitement mêlé à mes actes, à mes pensées, à mon sommeil, à ma vie, que sans lui je n'existerais plus.
Cela ne vous gêne pas que je remette droites les orchydées de votre corsage ?
Comme ça, en les enfonçant un peu moi-même.
Et si je les respirais ? Je n'en ai jamais senties.
Chaque matin au réveil, je sens à la même place la même douleur. Je sacrifie mes travaux, mes plaisirs, mes amis, finalement toute ma vie, à l'attente quotidienne d'un rendez-vous avec Odette.
Cette maladie qu'est mon amour en est arrivée à un tel degré qu'on ne pourrait me l'arracher sans me détruire tout entier. Comme on dit en chirurgie, il n'est plus opérable.
Lorsqu'un soir au théâtre le baron de Charlus me présenta Odette, elle m'était apparue, non pas sans beauté, mais d'un genre de beauté qui me laissa indifférent, me causa même une sorte de répulsion physique.
Charles Swann : Mémé, vous ne pourriez pas aller la voir et lui dire en passant que j'irai à Bagatelle cet après-midi disons à partir de cinq heures. Où allez-vous ?
Le baron de Chalus : Mais porter votre message.
Charles Swann : Surtout, surtout ne lui dites pas que je la demande. Enfin, si elle veut venir avec vous, ne l'empêchez pas de le faire. Dites-moi Mémé.
Le baron de Charlus : Oui ?
Charles Swann : Vous avez couché avec Odette ?
Le baron de Charlus : Pas que je sache.
La duchesse de Guermantes : Comme c'est ennuyeux de ne plus vous voir. Avouez que la vie est une chose affreuse.
Charles Swann : Oh oui, affreuse.
La duchesse de Guermantes : Il y a des jours où l'on aimerait mieux mourir. Il est vrai que mourir, c'est peut-être tout aussi ennuyeux puisqu'on ne sait pas ce que c'est.
Charles Swann : Ce qu'il y a de gentil avec vous, c'est que vous n'êtes pas gaie.
Charles Swann : Odette, mon chéri, je sais bien que je suis odieux, mais il faut que je te demande des choses. Tu te souviens de l'idée que j'avais eue à propos de toi et de madame Verdurin. Dis-moi si c'était vrai. Avec elle ou avec une autre.
Odette : Qui est-ce qui a pu te mettre une idée pareille dans la tête ? Je ne comprends rien. Qu'est-ce que tu veux dire ?
Charles Swann : Est-ce que tu as déjà fait des choses avec des femmes ?
Odette : Avec des femmes, non.
Charles Swann : Tu en es sure ?
Odette : Tu le sais bien.
Charles Swann : Non, ne me dis pas tu le sais bien ! Dis-moi "je n'ai jamais fait ce genre de chose avec aucune femme". A mon âge on a besoin de connaître la vérité.
Odette : Je n'ai jamais fait ce genre de chose avec aucune femme.
Charles Swann : Tu peux me le jurer sur ta médaille de notre Dame de Laghet ?
Odette : Mais tu auras bientôt fini ! Qu'est-ce que tu as aujourd'hui ? Tu as décidé qu'il fallait que je te déteste.
Charles Swann : Tu as tort de te figurer que je t'en voudrais. Je ne t'en voudrais pas du tout. J'en sais toujours beaucoup plus que je ne dis. Si je suis en colère contre toi, ce n'est pas à cause de ce que tu fais, je te pardonne tout, puisque je t'aime. C'est à cause de ta fausseté. Ta fausseté absurde ! Pourquoi nier des choses que je sais ! Si tu veux ce sera fini dans une seconde. Tu seras délivrée pour toujours. Alors dis-moi, sur ta médaille si, oui ou non, tu l'as fait !
Odette : Mais je n'en sais rien. Peut-être il y a très longtemps. Sans me rendre compte de ce que je faisais. Peut-être deux ou trois fois !
Charles Swann : C'est fini. C'est fini... Dis-moi, c'était avec quelqu'un que je connais ?
Odette : Mai non, bien sûr. Je te le jure. D'ailleurs, je crois que j'ai un peu exagéré. Je n'ai jamais été jusque là.
Charles Swann : Ca ne fait rien. Mais c'est malheureux que tu ne puisses pas au moins me dire le nom. Si je pouvais me représenter la personne, je suis sûr que je n'y penserais plus. Et je ne t'ennuierais plus. Ce qui est affreux, c'est ce qu'on ne peut pas imaginer. Tu as déjà été si gentille. Je ne veux pas te fatiguer. Je te remercie, de tout mon cœur, c'est fini, c'est fini... Un mot seulement : il y a combien de temps ?
Odette : Charles, tu ne vois pas que tu me tues. Tout ça c'est de l'histoire ancienne. Je n'y avais jamais repensé. On dirait que tu veux absolument me redonner ces idées-là. Tu seras bien avancé.
Charles Swann : Je voulais seulement savoir si c'est depuis que je te connais. Est-ce que ça se passait ici ? Mais dis-moi au moins un soir pour que je puisse me rappeler ce que je faisais ce soir-là ! Et ne me dis pas que tu ne te rappelais pas avec qui, parce que ça ça n'est pas possible !
Odette : Mais je ne sais pas moi ! Je crois que c'était au bois. Le soir où tu es venu nous retrouver dans l'île. Tu te rappelles ? Il y avait une femme à la table voisine. Je ne l'avais pas vue depuis très longtemps. Elle me dit : "Venez donc derrière le petit rocher voir l'effet du clair de lune sur l'eau." D'abord j'ai baillé, j'ai répondu : "Non, je suis fatiguée, je suis très bien ici." Elle a insisté : "Vous avez tort, vous n'avez jamais vu un clair de lune pareil." Je lui ai répondu : "Cette blague !" Je savais très bien où elle voulait en venir. Charles, tu es un misérable. Tu te plais à me torturer, n'est-ce pas ? Tu me fais dire des tas de mensonges et je les dis pour que tu me laisses tranquille.
Charles Swann : Jamais je n'aurais pensé que c'était aussi récent. Pardonne-moi. Je sens que je te fais de la peine. C'est fini, je n'y pense plus. Alors, ce catleya...
Odette : Pas maintenant, il faut que je m'habille.
Charles Swann : Et si je te demandais de ne pas y aller ?
Odette : Et pourquoi ?
Charles Swann : Oh ça n'est pas à cause d'Une nuit de Cléopâtre, non, ça ne compte pas. Si je te demande de ne pas sortir ce soir, c'est pour voir si tu m'aimes assez pour renoncer à un plaisir. Je dois savoir qui tu es. Comment veux-tu que je t'aime si tu es une eau informe qui coule selon la pente qu'on lui offre, un poisson sans mémoire ni volonté.
Odette : Toi et tes laïus vous allez finir par me faire rater l'ouverture.
Charles Swann : Je te jure que je ne pense qu'à toi en te demandant cela. Je serais même bien embarrassé si tu restais avec moi car j'ai mille choses à faire ce soir.
Odette : Eh bien fais-les, ce n'est pas moi qui t'en empêcherais.
Charles Swann : Vraiment, tu es bien moins intelligente que je ne le croyais... D'ailleurs j'ai réfléchi, je viens avec toi. Ah oui, ça me fera du bien de voir et d'entendre jusqu'où les gens s'abaissent.
Odette : Mais tu n'es même pas en tenue de soirée. Tu veux seulement afficher notre liaison. Tu me traites comme une fille. Donne-moi ma cape.
¤ ¤ ¤
Charles Swann : Elle vous ressemble, vous ne trouvez pas ? La saillie des pommettes, la cadence de la nuque, la flexion des paupières. L'air mélancolique.
Odette : Qui est-ce ?
Charles Swann : Zephora, la fille de Jéthro, par Boticelli. Il l'a peinte à la Détrempe au XVème siècle sur des murailles de la Chapelle Sixtine.
Odette : Mais je ne suis pas une pièce de musée, moi.
¤ ¤ ¤
Odette à Charles Swann : Vous êtes un être si à part. J'aimerais connaître ce que vous aimez. Deviner un peu ce qu'il y a sous ce grand front qui travaille tant.
¤ ¤ ¤
Charles Swann : J'imagine que vous devez être très prise.
Odette : Moi ? Je n'ai jamais rien à faire. Je suis toujours libre. Et je le serai toujours pour vous. A toute heure du jour ou de la nuit, appelez-moi et je serais trop heureuse d'accourir. Vous le ferez, vous m'appellerez souvent ?
Charles Swann : Je vous demande pardon, mais les amitiés nouvelles m'effrayent un peu.
Odette : Vous avez peur d'une affection ? Comme c'est étrange. Je ne cherche que ça. Je donnerais ma vie pour en trouver une.
Charles Swann à Odette : Tu as mis du sérieux dans ma vie. Et de la délicatesse dans mon cœur. Grâce à toi je vois le monde entier baigné dans une lumière mystérieuse. Si tu savais la sécheresse de ma vie avant toi.
¤ ¤ ¤
Au dernier moment, Odette décide de rentrer en calèche avec les Verdurin et Forcheville, et non pas avec Charles Swann.
Le cocher : Qu'est-ce qui se passe monsieur, il vous est arrivé un malheur ?
Charles Swann : Non, Rémi. Je vais marcher un peu, suivez-moi.
Charles Swann à lui-même : Vulgaire ! Pauvre petite ! Aaaah ! Surtout tellement bête !! Cette maquerelle ! L'entremetteuse ! La mère Verdurin. Ah c'est vraiment le plus bas dans l'échelle humaine. Ca croit aimer l'art. Quelle idiote. Cette plaisanterie fétide. Moi qui ai voulu tirer Odette de là. Ah c'est vraiment les bas-fonds de la société, le dernier cercle de Dante ! Ah et moi, pourquoi je me soumets à cette humiliation ? Au début je la trouvais laide ! Il a fallu que je décide de l'aimer ! Que je décide qu'elle me rappelait un Botticelli. Et maintenant je décide de ne plus l'aimer, je ne peux pas ! Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas. Ce soir, ce soir, j'ai compris, que son amour pour moi, que j'ai d'abord refusé, que ce sentiment qu'elle a eu, pour moi, ne renaîtra plus jamais. Et sans elle je n'existerais plus. Je sens que c'est une maladie, dont je peux mourir. En même temps j'ai peur de guérir ! Parfois je me dis qu'il vaudrait mieux qu'Odette meurt, sans souffrance, dans un accident. Ce serait fini.
Le jeune homme : Je croyais que vous vouliez vraiment regarder ce clair de lune avec moi.
Le baron de Charlus : Monsieur ! La plus grande des sottises est de trouver ridicules les sentiments que l'on n'éprouve pas ! J'aime la nuit et vous la redoutez. Adieu ! Ma sympathie pour vous est bien morte. Rien ne peut la résusciter.
Le jeune homme : Monsieur, je vous jure que je n'ai rien dit pour vous offenser.
Le baron de Charlus : Et qui vous dit que je suis offensé ! Vous ne savez donc pas quel prodigieux personnage je suis ! [...] Adieu monsieur, nous allons nous quitter pour toujours. Il n'est pas indigne de moi de confesser que je le regrette. Je me sens comme le booz de Victor Hugo. Je suis seul, je suis veuf, et sur moi le soir tombe.
Le baron se repoudre le nez.
Charles Swann : Il est grand temps que je me mette à travailler, s'il n'est pas trop tard déjà. Quand je me suis réveillé ce matin, j'étais tout à coup délivré d'Odette. Maintenant, même son image s'éloigne de moi, son teint pâle, ses pommettes saillantes. Elle m'a peut-être aimé plus que je n'ai cru.
Le baron de Charlus : Elle vous a aussi trompé davantage.
Charles Swann : Elle va partir pour l'Egypte avec Forcheville et les Verdurin.
Le baron de Charlus : C'est vous qui payez le voyage ?
Charles Swann : Oui. Dire que j'ai gâché des années de ma vie. Puis j'ai voulu mourir. J'ai eu mon plus grand amour pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre.
Le baron de Charlus : Quand l'épouserez-vous ?
La duchesse de Guermantes : Ah Charles, comme c'est bien de venir saluer sa vieille amie. D'ailleurs en vous Charles, tout est comme il faut, ce que vous portez, ce que vous dites, ce que vous lisez et ce que vous faites.
00:01 Publié dans Films historiques, littéraires, N&B, biopics, Les mots des films | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : proust, swann, irons, muti, delon, ardant, barrault, turckheim, bennent, crécy, odette, guermantes, verdurin, cambremier, forcheville
jeudi, 17 mai 2012
L'Ascension du Christ - Grünewald, Giotto, Rembrandt
La Résurrection, Mathias Grünewald
Il vous est avantageux que je m'en aille car si je ne m'en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m'en vais, je vous l'enverrai. (Jean 16,7)
J'enverrai sur vous ce que mon Père a promis ; mais vous, restez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la puissance d'en haut. (Luc 24-49)
L'Ascension, Giotto
Les apôtres virent le Christ s'élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s'en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller vers le ciel. » (Actes des Apôtres 1, 1-11)
L'Ascension, Rembrandt
06:08 Publié dans Beaux-Arts, Foi, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ascension, christ, grünewald, giotto, rembrandt
mercredi, 16 mai 2012
Marie douce lumière
Marie douce lumière
Porte du ciel temple de l'Esprit,
Guide-nous vers Jésus et vers le Père,
Mère des pauvres et des tout petits.
Bénie sois-tu Marie, ton visage rayonne de l'Esprit
Sa lumière repose sur toi
Tu restes ferme dans la foi.
Bénie sois-tu Marie, en ton sein, tu portes Jésus-Christ
Le créateur de tout l'univers
Le Dieu du ciel et de la terre.
Bénie sois-tu Marie, la grâce de Dieu t'a envahie
En toi le Christ est déjà Sauveur
De tout péché il est vainqueur.
Bénie sois-tu Marie dans tes mains qui sans cesse supplient
Tu portes la douleur du péché
Le corps de Jésus déchiré.
Bénie sois-tu, Marie, toi l'inône de l'église qui prie,
Pour l'éternité avec tous les saints,
Les anges te chantent sans fin.
07:59 Publié dans Foi | Lien permanent | Commentaires (0)