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jeudi, 10 octobre 2013

Après l'amour - Isabelle Huppert, Lio, Bernard Giraudeau, Hippolyte Girardot, Yvan Attal

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Film : Après l'amour (1991, durée 1h44)

Réalisatrice : Diane Kurys

Lola (Isabelle Huppert), Marianne (Lio), Rachel (Judith Reval), Anne (Ingrid Held), Elisabeth (Laure Killing)

David (Bernard Giraudeau), Tom (Hippolyte Girardot), Romain (Yvan Attal)

 

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Tom : Tu m'as manquée. J'ai failli t'appeler tous les jours.

Lola : Pourquoi tu l'as pas fait ?

Tom : Parce que c'est bon d'attendre.

[...]

Tom : T'as jamais eu envie de faire un enfant ?

Lola : Non.

Tom : Arrête, à qui tu veux faire croire ça ?

Lola : Non, je me vois pas avec un enfant. Souvent on fait un enfant pour être moins seul, pour sauver une histoire d'amour. Tu crois qu'un jour je vais le regretter ?

Tom : Tout ce que je sais, c'est qu'il vaut mieux regretter quelque chose qu'on a fait plutôt que quelque chose qu'on n'a pas fait, non ?

Lola : ...

Tom : Non ? 

 

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Tom : Je reviens ce soir. Attends-moi. Dors.

 

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Rachel : Qu'est-ce qu'elle a dit Lola quand elle a su que vous alliez avoir un enfant ?

David : Elle a rien dit.

Rachel : Mais c'est ça qui est incroyable ! Une autre femme à sa place, elle serait partie.

David : Elle est pas comme les autres.

Rachel : Mais si, elle est comme les autres. Elle a rien dit pour pas vous perdre, c'est tout.

David : T'as pas mangé ton chausson aux pommes.

Rachel : Quand je suis montée à Paris, j'aurais jamais cru que je rencontrerais des gens comme vous.

David : Qu'est-ce que tu veux faire ?

Rachel : Vous savez pas ce que ça représente pour moi d'être là, ce soir avec vous.

 

¤     ¤     ¤ 

 

Lola : Pourquoi tu m'as jamais quittée ?

David : Tu m'as jamais demandé. Parce que tu m'as jamais retenu. Oh, je sais pas Lola, il est six heures du matin.

 

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Lola : Vingt-quatre décembre, joyeux Noël, j'ai trente-cinq ans. Je retrouve mes vieux stylos, mes vieux cahiers d'il y a dix ans Et même le waterman que j'avais mordu jusqu'à l'encre quand j'ai fini mon premier livre. J'ai encore le goût de l'encre dans la bouche. Il faut que j'invente, il faut que je travaille, que j'écrive un roman, pas un journal. Je vis pas, je prends des notes, je perds mon temps. Demain matin, j'achète un crayon avec une gomme dessus. C'est décidé, à partir de maintenant j'écris au crayon, et à chaque fois que je dis la vérité, je l'efface.

 

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David : Je peux voir ?

Lola : Non, laisse ! C'est pas fini, je veux pas que tu lises.

David : C'est pour ça que t'y arrives pas. D'habitude tu me racontes au fur et à mesure, et là, je sais pas de quoi ça parle.

Lola : Moi non plus.

David : C'est nouveau, ça. Ca vient de sortir ? Tu dis rien sur moi, j'espère.

Lola : Benh si, ça parle de nous.

David : Alors il faut qu'il se passe des choses terribles, des vrais drames, des séparations. Des larmes, du sang, je sais pas, moi... un meurtre. Imagine le pire. C'est ça qu'il faut écrire. Je vais partir au Brésil, ou alors aux Bahamas. On va se quitter, Lola, on vit plus rien ensemble.T'écris ton livre, tu parles de nous, mais t'es toute seule dans ton histoire.

Lola : Mais je m'en fous de ce bouquin. Je le brûle si tu veux.

David : Pourquoi tu racontes notre histoire ?

Lola : Parce que je veux pas que ce soit fini.

David : Mais c'est fini, Lola... Mets un peu d'humour quand même. Je sais pas moi, invente-lui un amant, hein ? Ils font des choses très con, il l'emmène à Tourcoing. Je déconne. Tu devrais peindre en gris, ça se confondrait avec le ciel.

Lola : Si ça se trouve, je vais rien changer.

David : Pourquoi t'es pas partie en vacances ? Qu'est-ce que tu fais ce soir ?

 

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Lola à Tom : Pourquoi les femmes, quand elles sont amoureuses, ça les rend malades ? Les hommes, ça leur donne la pêche.

 

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Rachel : Vous me faites peur.

Lola : Pourquoi ? 

Rachel : Parce que vous dites la vérité.

 

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Olivier, le fils aîné de David et Marianne : C'est quoi ton travail ? T'es architecte ?

Lola : Non, j'écris.

Simon, le cadet : A qui ?

Lola : A personne. A tout le monde.

 

lundi, 04 février 2013

Le temps des cigognes

 

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Extrait de "Du temps des cigognes à celui des éprouvettes", Soline Roy, Le Figaro, lundi 19 novembre 2012 :

 

Au XIXe siècle, Charles Pajot reçoit une jeune fille de bonne famille, vierge comme il se doit mais... enceinte. Le professeur d'obstétrique trouvera une explication simple : la demoiselle ayant longuement voyagé au côté de son amoureux, les "graines" de ce dernier ont cheminé jusqu'à elle sur le siège de la calèche... Des histoires comme celles-ci, Jacques Gonzalès, professeur de médecine et historien, nous en livre pléthore dans la réédition actualisée de sa jubilatoire Histoire de la procréation humaine - Croyances et savoirs dans le monde occidental (Ed. Albin Michel).

Car de l'Egypte antique à l'orée du XXe siècle, les théories les plus farfelues se sont affrontées. La femme a-t-elle des testicules ? Le plaisir joue-t-il un rôle dans la conception ? Le sexe de l'enfant à venir dépend-il de l'usage du testicule droit, ou de la position de madame durant le coït ? Pour Buffon, les menstrues régulent l'abondance de nourriture ; les animaux en évacuent l'excès par la pousse des poils, les femmes... par leurs règles ! Et puis, combien de cavités dans l'utérus ? Les trompes sont-elles des soupiraux permettant au foetus de respirer ? D'où vient que certains enfants naissent malformés ? Ambroise Paré attribue cela aux quantité et qualité de la semence : pas assez, il manque une jambe, trop, on obtient des siamois... Les semences de l'homme et de la femme ont-elle la même importance ?

En 1672, la description de l'ovulation est faite : la femme serait donc capable d'engendrer seule ? Mais cinq ans plus tard, Antoni van Leeuwenhoek fait part d'une extraordinaire découverte : dans le sperme s'agitent de minuscules "animaux spermatiques" ; d'aucuns en déduisent que voilà des humains miniatures, qui ne demandent qu'à grandir à l'abri d'un utérus...

Enfin, en 1875, Oscar Hertwig perce les secrets de la reproduction sexuée en observant la fécondation d'un oeuf d'oursin. Surprise : un plus un égal un ! Certaines prouesses n'auront pourtant pas attendu. En 1758, un Allemand annonce avoir fécondé artificiellement des truites ; en 1780, Lazzaro Spallanzini injecte, avec une seringue, la semence d'un chien barbet dans la matrice d'une femelle de la même espèce, non sans susciter enthousiasme et perplexité chez son ami Charles Bonnet : "Je ne sais pas si ce que vous venez de découvrir n'aura pas quelques jours, dans l'espèce humaine, des applications auxquelles nous ne songeons pas et dont les suites ne seront pas légères..." La prédiction se réalise dès 1791 : une femme dont le mari souffre d'une malformation du pénis se fait inséminer avec le sperme de son époux, et en obtient un fils.

A la fin du XIXe siècle, on comprend enfin qu'ovule et spermatozoïdes apportent chacun le même nombre de chromosomes. Puis on commence à découvrir les hormones. 

Aujourd'hui on clone, on congèle des ovocytes, on sélectionne et on implante des embryons, on rêve d'utérus artificiels... Mais au fond, la médecine ne fait que répondre, de mieux en mieux, aux deux extrêmes qui l'ont toujours préoccupée : permettre à des couples de procréer, à d'autres de ne pas le faire.

L'humain s'est longtemps soumis à des recettes mi-grand-mère; mi-sorcière. Ainsi les Egyptiens préconisaient de faire s'asseoir la femme sur des restes de farine mélangés à de la bière ; vomira, vomira pas ? Elle est stérile ou ne l'est pas... "La fertilité du cerveau dépasse très largement celle des gonades les plus prolifiques", écrit Jacques Gonzalès. Ne nous moquons donc pas trop de nos prédécesseurs : il pourrait bien se trouver, au XXIIe siècle, un auteur capable de se gausser des connaissances de 2012 sur le développement de l'embryon. Et surtout, continuons de rêver en voyant passer les cigognes...

 

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samedi, 02 février 2013

Ta face de bouc pas amoureux

 

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Extrait de "Comment Facebook bouscule la vie sentimentale", Pascale Senk, Le Figaro, lundi 19 novembre 2012 :

 

Non, les amoureux ne sont plus seuls au monde ! Avec 526 millions de personnes se connectant quotidiennement sur Facebook, chacun a désormais plus ou moins une chance de voir toute sa vie sentimentale commentée et influencée par le regard des autres.

Une "chance" en effet pour un grand nombre d'utilisateurs qui n'hésitent pas à envoyer des posts (messages) pour "booster" leur union. Cyril, 49 ans, a rencontré il y a trois mois chez un commerçant de son quartier une jeune femme avec qui il entame une liaison amoureuse. Quotidiennement, il "poste" sur son "mur" (sa page personnelle) une photo ou une vidéo de sa nouvelle conquête : à la table du petit déjeuner, au volant de sa voiture, devant un monument récemment visité... A chaque fois, il ajoute à ses publications quelques mots : "Love you", "tu me manques", ou "j'aime ta bouche"... Ses amis en rajoutent : "Quelle est belle", "bravo, garçon, tu tiens le bon bout !" et autres satisfecit...

Pour le psychiatre Pascal Couderc, qui vient d'écrire avec Catherine Siguret L'Amour au coin de l'écran (Ed. Albin Michel), le premier impact du plus célèbre des réseaux sociaux réside dans cette puissance d'amplification des sentiments et des émotions. "On peut parler ici d'hystérisation, avance-t-il, dans le sens où l'utilisateur attend un retour qui "enflammera" la relation, à la fois aux yeux des autres, mais surtout pour lui-même."

[...]

Résultat : à force de galvaniser ses ressentis, l'amoureux sur Facebook se sent "lui, en mieux". Une récente étude menée par le psychologue Keith Campbell de l'Université de Géorgie a d'ailleurs montré que l'estime de soi était augmentée chez les utilisateurs de Facebook. De là à se sentir pousser des ailes... "La tentative de maîtrise de ce que l'on ressent et de ce qu'on en donne à voir devient omniprésente sur le réseau, observe Pascal Couderc. Mais, en réalité, la situation peut vous échapper à tout moment, il y a tellement d' "autres" !". Et le psychologue d'y voir là l'une des raisons de la grande précarisation des relations via le réseau.

Hélène, 40 ans, en a fait les frais. Lorsque son compagnon depuis quatre ans a décidé de la quitter, elle est allée, effondrée, mettre en lien une chanson qui parlait de chagrin d'amour, manière d'exprimer à ses amis ce qu'elle ressentait sans vraiment le dire. Quelques heures plus tard, son compagnon a enlevé la mention "en couple" de son profil. Il était, en seulement un coup de clic, redevenu "célibataire" aux yeux de tous. Et il a exclu sa compagne de sa liste d'amis. "Ca a été comme un coup de poignard, se rappelle Hélène, pire que quand il m'a dit "je ne t'aime plus" en face à face." Le jour où, avec ses filles, elle a déménagé ses meubles de l'appartement commun, son compagnon a mis un post : "Les hyènes sont au travail." Une expression regrettable, qui a incité les enfants à ne plus lui parler du tout.

Quand les dires sont moins clairs, la situation s'envenime tout autant. Ne pouvant s'empêcher, grâce aux codes d'une amie, d'aller vérifier sur son mur la nouvelle vie de son "ex", Hélène s'est fait beaucoup de mal. "Je vérifiais les femmes avec qui il était ami, celles avec qui il échangeait beaucoup de posts, j'interprétais tout de travers..." Des ruptures interminables et difficiles constituent ainsi un risque pour de nombreux utilisateurs du réseau. Une étude récente a prouvé que ceux qui restaient amis avec leur ex et continuaient à avoir un "oeil" sur le mur, et donc la vie de celui-ci, se remettaient moins facilement de leur peine amoureuse.

Pour Pascal Couderc, cette inscription sur la durée des affects est l'un des aspects les plus pernicieux du network : "On pense, lorsque l'on écrit sur Facebook, que nos propos sont éphémères, et comme délébiles. En réalité, comme un graffiti, ils restent gravés sur un mur." Et le psychologue de conseiller à ses patients : "N'oubliez jamais, quand vous commentez quoi que ce soit, que c'est comme si quelqu'un regardait par-dessus votre épaule." 

 

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Extrait de "Le lien numérique prend de plus en plus de place", propos de Pascal Lardellier recueillis par P.S., Le Figaro, lundi 19 novembre 2012 :

 

[...] quand son créateur Mark Zuckerberg a fait rajouter le statut qui indique si l'on est "en couple", "marié", "célibataire" ou si dans sa vie affective, c'est "compliqué", il a clairement mis en concurrence Facebook avec les sites de rencontres traditionnel. Tous ces codes permettent de marivauder. En ce sens, oui, les réseaux sociaux sont, par détournement, de véritables outils de drague. D'ailleurs, en Grande-Bretagne, un divorce sur cinq mentionne une "problématique" Facebook.

Pour les couples installés, que provoque la fréquentation d'un tel réseau social ?

Elle peut soit intensifier le lien amoureux, soit le dégrader. Aujourd'hui, de toute façon, tout couple vit une forme de "tyrannie du branchement" : nous sommes assignés à envoyer des SMS à notre conjoint, ils fonctionnent comme de petites caresses, et ainsi le lien numérique prend de plus en plus de place dans notre manière d'être avec l'autre. Il prolonge et renforce le lien amoureux. Combien s'inquiètent dès qu'ils n'ont pas reçu de réponse à leur texto ? Sur Facebook, notre histoire d'amour est scénarisée. Tous les voyeurs y sont convoqués, et on peut montrer où nous en sommes affectivement comme dans une bonne série TV.

C'est donc plutôt positif ?

Oui, même si par certains aspects les réseaux sociaux sont la téléréalité du pauvre, ils permettent de transformer sa vie en une sorte de roman. On voit certains couples s'ennuyer dans la "real life" et avoir une histoire torride, ensemble mais parallèlement, dans la réalité virtuelle, où les partenaires multiplient les connexions numériques. Autre point positif : le soutien communautaire produit par les amis numériques. Nos chagrins, nos engagements amoureux, nos malheurs sont commentés en ligne. Ils produisent des liens. C'est une nouvelle preuve que les réseaux sociaux font leur lit là où les structures traditionnelles de soutien (la famille, les collègues de bureau, etc.) sont défaillants.

Pascal Lardellier est professeur à l'Université de Bourgogne, spécialiste des nouvelles technologies. Il vient de publier Les Réseaux du coeur. Sexe, amour et séduction sur Internet (François Bourin Editeur).

 

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vendredi, 28 décembre 2012

Le surréaliste sommeil amoureux - Picasso, Proust

 

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Les dormeurs, Picasso

 

Extrait de La Recherche du temps perdu, V "La Prisonnière", Marcel Proust :

 

Je pouvais mettre ma main dans sa main, sur son épaule, sur sa joue, Albertine continuait de dormir. Je pouvait prendre sa tête, la renverser, la poser contre mes lèvres, entourer mon cou de ses bras, elle continuait à dormir comme une montre qui ne s'arrête pas, comme une bête qui continue de vivre quelque position qu'on lui donne, comme une plante grimpante, un volubilis qui continue de pousser ses branches quelque appui qu'on lui donne. Seul son souffle était modifié par chacun de mes attouchements, comme si elle eût été un instrument dont j'eusse joué et à qui je faisais exécuter des modulations en tirant de l'un, puis de l'autre de ses cordes, des notes différentes.

 

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> A consulter également : http://doudou.gheerbrant.com/?cat=43

 

 

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Jeune femme endormie, Lovis Corinth

lundi, 24 décembre 2012

Etymologie - Amour - Fragonard, Blake, El Greco, Rubens

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Diane et Endymion, Fragonard

 

 

Extrait de La Croix, lundi 19 novembre 2012

"Les mots pour le dire", Elodie Maurot

 

Avant de tisser lettres, poèmes ou romans autour de l'amour, toute langue est au défi de choisir les quelques mots qui incarneront l'amour...

Tout juste un mot, "amour", pour le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ? Qu'on ne s'y trompe pas, la langue française a hérité là d'un mot multiple, un mot-tiroir, un mot-valise, plein de sous-entendus et de nuances, où chaque époque a inscrit ses interrogations et ses certitudes. Dans l'Antiquité, il fallait une triade - éros, philia et agapè -, pour déployer toutes les couleurs de l'amour.

"L'éros est l'amour conçu comme ardent désir d'être uni à quelqu'un", souligne Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice du Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale (PUF). La philia, elle, désigne "une relation empreinte de réciprocité et d'estime mutuelle". Ce terme, souvent traduit par "amitié", a une portée plus large, et consiste en une affection qui se caractérise par la volonté d'entretenir avec autrui des rapports où se manifeste une certaine excellence morale. "Enfin, l'agapè, est l'amour consacré à autrui, mais autrui considéré dans sa qualité fondamentale d'être humain et un prochain. C'est un sentiment sans attente de réciprocité et d'une certaine façon indépendant de ce qu'est l'aimé."

 

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L'amour d'Adam et Eve, William Blake

 

Comment les Grecs se rapportaient-ils à ces distinctions, quels usages en faisaient-ils ? "Une chose est sûre, les Grecs et les Romains séparaient plus fortement que nous ne le faisons le plaisir du désir, répond Paul Veyne, historien de l'Antiquité. Dans l'Antiquité, le plaisir est omnisexe - ce qui explique la fréquence de l'homosexualité - alors que le désir, lui, choisit un sexe." L'amitié, de son côté, pouvait y être ardente. "Les Romains étant capables d'en faire une véritable passion, alors que cette forme d'amitié est aujourd'hui peu populaire et toujours suspecte d'homosexualité", poursuit l'historien.

Le terme agapè connaît une gloire plus tardive. On sait que son usage était connu de la littérature païenne, on le retrouve dans l'oeuvre du philosophe juif hellénisé Philon d'Alexandrie (premier siècle avant l'ère chrétienne), mais le concept connus une promotion soudaine quand les auteurs du Nouveau Testament l'adoptèrent pour désigner l'amour chrétien. Dans ce contexte, agapè - traduit par amour ou charité - désigne la vertu des vertus, comme dans l'Hymne à l'amour de la première lettre de Paul aux Corinthiens (chapitre 13) et la première épître de Jean.

C'est au XIIe siècle que va surgir le mot "amor" pour désigner l'amour. "Les médiévaux ont un vocabulaire plus pauvre que les Grecs, ils ont "amour" et "charité", point final", résume Michel Zink, spécialiste de la littérature amoureuse du Moyen Âge. Le mot "charité", qui vient du grec, via le latin, s'est rapidement spécialisé pour désigner l'amour divin et l'amour se manifestant dans les oeuvres, d'où le sens moderne de "bienfait envers les pauvres" (Petit Robert) qu'il a pris par la suite. "Cette dichotomie imposée par le vocabulaire complique la tâche des médiévaux, poursuit Michel Zink. Ils doivent sans cesse rappeler que l'amour recouvre tout, et que la vraie charité, c'est l'amour !" Dans son vocabulaire, comme dans sa réflexion, le Moyen Âge se trouve donc dans une tension. "Il est à la fois le temps de l'invention d'une poésie de la passion amoureuse, de l'éros, et la première époque chrétienne qui réfléchit, plus que jamais, sur l'amour sous toutes ses formes, y compris l'amour de Dieu et du prochain."

 

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Pieta, El Greco

 

Dans ce contexte, les auteurs du Moyen Âge n'hésitent pas à utiliser le mot amor pour qualifier l'amour humain comme l'amour divin. Le Roman de la rose, best-seller du Moyen Âge, traduit cette double polarité. Dans sa première partie, il est un chant de la passion amoureuse, irrigué par la poésie des troubadours, dont est celui qui tient la plume, Guillaume de Lorris. Dans la seconde, rédigée par Jean de Mun, un clerc et un savant, il s'oriente vers une réflexion encyclopédique et théologique qui cherche à rassembler le tout de la connaissance de l'amour. Au "jardin de Déduit", jardin du plaisir, scène du coup de foudre initial, fait pendant la "prairie de l'Agneau", paradis final où l'Amour mène paître ses élus...

Les nuances de l'amor médiéval se dévoilent dans ses usages. On le voit être distingué d' "amar", l'amour bestial. "L'amor est le bon amour, l'amour exigeant, qui n'est pas obligatoirement chaste, mais qui est maîtrisé et noble", précise Michel Zink. Quant à la poésie, dont celle de Chrétien de Troyes, elle se plaît à des jeux de mots entre le verbe aimer (amer) et ses homophones "amer" ("amertume") et "la mer", car le sentiment amoureux est ambivalent, dangereux comme une mer immense et inconnue...

Le Moyen Âge élabore dans le même temps tout un corps de doctrines précisant les qualités que doit développer celui qui aime. Il vante la "mesure", la maîtrise de soi, et "le prix" ou le mérite. "Il faut aimer de façon à ce que cela augmente votre mérite, aimer une dame qui a du prix, aimer pour avoir soi-même du prix.", explique Michel Zink. Il valorise "joi" (nom masculin), la joie et "joven", la jeunesse. "Joi, c'est à la fois la joie et l'inquiétude de l'amour, précise Michel Zink. Et joven, c'est une sorte d'énergie, c'est l'élan vital de la jeunesse. Ce n'est pas seulement une question biologique mais une question morale. C'est, pourrait-on dire, la façon de vivre la jeunesse."

 

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Samson et Dalila, Rubens

 

Aujourd'hui, que reste-t-il de cette riche palette de vocabulaire et de concepts ? Trop souvent une simple opposition entre erôs et agapè, entre l'amour plaisir et l'amour désintéressé, durcie par l'héritage du jansénisme et du puritanisme. Fruit aussi du succès d'un traité philosophique, somme toute récent, Eros et agapè (1932), publié en France après-guerre, qui exerça une profonde influence dans les milieux philosophiques et ecclésiaux. Durcissant leur différence, Anders Nygren, théologien luthérien suédois, y faisait de la confrontation entre éros et agapè la clé de lecture de l'histoire occidentale de l'amour, opposant une vision grecque de l'amour, possessive et égocentrique, à une version chrétienne, oblative et désintéressée.

[...]

 

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Eros : divinité grecque, Eros désigne le désir amoureux, désir ardent d'union avec un autre singulier et déterminé. Dans la littérature grecque, Eros est tantôt une puissance inquiétante, qui trouble la raison, paralyse la volonté, tantôt un dieu malicieux, qui se plaît au jeu de l'amour, noue les intrigues ou les dénoue...

Philia, souvent traduite par "amitié", évoque un amour éprouvé pour ses semblables, au sein d'une famille ou pour les membres d'une communauté. C'est un sentiment défini par la tendresse, la générosité et la réciprocité. Pour Aristote, "aimer", au sens de philia, "c'est souhaiter pour quelqu'un ce que nous croyons être des biens, pour lui et non pour nous".

Agapè est l'amour consacré à autrui, considéré comme un prochain, à la suite du commandement de l'Evangile : "Tu aimerais le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et avec toutes tes forces et tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Mt 22, 37-40)? L'amour du prochain va au-delà de la demande de réciprocité et entend aimer ceux qui ne pourront rendre cet amour.

 

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> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html

 

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Sapin de Noël gourmand, Trocadéro, Paris 2012
Crédits photographiques Jana Hobeika

  

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Pralines au chaudron
Crédits photographiques Jana Hobeika

 

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Vitrine de la pâtisserie "Aux Merveilleux", rue de l'Annonciation, Paris
Crédits photographiques Jana Hobeika

 

Et d'autres jours...
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Crédits photographiques Jana Hobeika

 

mercredi, 31 octobre 2012

Considérations sur l'amour - Marcelle Auclair

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Marcelle Auclair (1899-1983)

  

 

  

Extrait de L'amour, notes et maximes, 1963, Marcelle Auclair, Hachette :  

 

L'accord physique ? Ne suffit pas. L'accord des caractères ? Ne suffit pas. La complicité des ambitions, des rêves ? Ne suffit pas. Pour un grand amour il faut tout. A moins qu'il ne faille rien, que l'amour.

 

En amour, comme en toutes choses, on n'est jamais victime que de soi-même.

 

Triste : Le réveil d'une jeune femme auprès d'un vieil homme. Plus triste : Le réveil d'un jeune homme auprès d'une vieille femme. Plus triste que tout : Cette femme.

 

Pour se contenter de peu, il faut aimer bien peu. A moins qu'on aime tant qu'on supplée à tout.

 

Mme Y. à une jeune veuve : "Remariez-vous, épousez un homme important, riche, que votre beauté, votre savoir-faire aideront à devenir plus important encore, et plus riche.
- Et s'il me plaît d'aimer ?
- L'amour ? Paris est si grand !

 

Dans les âmes fortes, l'amour se glisse par les points faibles.

 

Un homme ne connaît une femme, une femme ne connaît un homme, que lorsqu'ils ont travaillé, ou dormi ensemble.

 

"L'amour, écrit Stendhal, se forme par cristallisation." Pour certains cœurs prompts à s'attendrir, c'est caramélisation qu'il faudrait dire.

 

L'ambition fait flèches de tout, même de l'amour. C'est l'une des rares occasions où l'amour soit humilié.

 

L'amour se mesure au besoin de la présence.

 

Le secret est l'âme des grandes amours.

    

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Le Christ lui-même posait l'éternelle question des amants : "M'aimes-tu ?"

 

Les surprises de Dieu et celles de l'amour se ressemblent : l'amour, lui aussi, vient comme un voleur.

 

Dans la Bible, posséder une femme se dit "la connaître". C'est déjà un art d'aimer.

 

Le temps n'existe ni pour l'amant ni pour le mystique. L'un et l'autre reçoivent tout en un instant.

 

"L'aimes-tu ?
- Il fait courir mon sang plus vite." 

 

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On sait rarement pourquoi on aime. On croit toujours savoir pourquoi on n'aime plus.

 

Quand on crois savoir pourquoi on aime - ou pourquoi on n'aime plus -, on ne s'avoue pas toujours les vraies raisons.

 

Est-ce mentir que se mentir à soi-même ? Nul amant ne connaît le fond de son cœur.

 

Elle. - J'aurais aimé l'aimer, s'il avait été aimable...

 

Peut-on aimer et ne jamais craindre, ne jamais être faible, ne jamais vouloir davantage ?

 

Il est des fous pour découvrir qu'ils aimaient, qu'ils aiment, lorsque, à force de s'être rendus haïssables, ils sont haïs.

 

Elle le mène par le bout du nez : son teint ne supporte pas la contrariété.

 
 
"Est-elle heureuse ?
- D'un bonheur menacé qu'elle n'échangerait pas contre la paix du cœur."

 

Manoeuvre délicate : retirer votre main de la sienne pour manger chaud.

 

La main dans la main, les yeux dans les yeux. Mais l'âme est ailleurs.

 

Réfléchir n'a jamais empêché d'aimer, mais aimer empêche de réfléchir. 

 

Partager le lit, la table, l'existence : bonheur des amants dans le désert de l'amour. Mais vient le jour où il faut partager ses amis : c'est peut-être l'épreuve la plus périlleuse.

 
Fastidieux : L'amour de quelqu'un qu'on n'aime pas.
Exaspérant : L'amour de quelqu'un qu'on n'aime plus. 

 

L'amour qui s'exhibe  s'évapore. Il est rare que "les amoureux qui s'bécottent sur les bancs publics" s'aiment longtemps.

 

"Être amoureux" n'est pas toujours synonyme d'aimer.

 

Il en est de l'amour comme de tout au monde : quand il ne progresse point, il déchoit.

 

Vous croyez aimer cette personne compliquée ? Ce sont les complications que vous aimez.

 

Certains coups au cœur ne sont que des coups de tête. 

 

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On parle des pays où les époux ne se voient qu'après la cérémonie.

L'optimiste : Peut-on aimer un homme qu'on ne connaît pas ?
La pessimiste : On ne peut aimer qu'un homme qu'on ne connaît pas...

 

L'amant, variété transhumante de l'époux...

 

On a si longtemps dissocié l'idée d'amour de celle de mariage que la plupart des couples n'y cherchent qu'une liaison "sous garantie". Or, il y a loin de s'engager dans la passion à persévérer dans la patience.

 

Que d'amours médiocres deviennent, après rupture, de grandes amours !

 

Le président H. disait : "J'ai commencé à payer les femmes de bonne heure. Ainsi, je ne me vois pas vieillir..."

 

Ceux qui ont peur de l'amour comme on a peur de l'eau risquent fort de s'y noyer.

 

Par lâcheté devant les exigences de l'amour, certains ne conjuguent plus le verbe aimer qu'au passé.

 

Amour : Ce qui demeure quand on a oublié toutes les raisons d'aimer.

 

Jamais, en amour, on ne ressaisit ce qu'on a perdu.

 

L'amour humain, souvent, se nourrit de ses déceptions et s'exalte de sa misère.

 

Prétendre à l'absolu dans l'amour humain, c'est éponger l'océan avec un mouchoir.

 

L'amour heureux rend heureux tout de suite.

 

De nos jours, la cause des drames du cœur n'est pas dans le mépris des sentiments, mais dans l'erreur sur les sentiments.

 

Quiconque refuse les souffrances de l'amour est indigne de ses joies.

 

L'amoureux le plus fou se fait l'habile avocat de sa mauvaise cause.

 
A l'amoureuse folle qui demande : "Que faire ?"
On peut répondre sans peur de se tromper : "Le contraire..."

 

Mieux vaut avouer une passion folle qu'un sot calcul.

 

Vivre simultanément le passé, le présent, et l'avenir : privilège des amants.

 

Certains, doués de l'imagination du cœur, parent au jour le jour un penchant banal de tous les prestiges du souvenir.

 

Les "explications" entre amants compliquent de littérature des sentiments simples : on aime, ou on n'aime pas, ou on n'aime plus.

 

Il en est des mots tendres murmurés la nuit comme des étoiles : seuls les plus ardents ne pâlissent point, au premier signe de l'aurore.

 

Quelle femme doute de l'amour d'un homme qui lui téléphone de New York, de Rome, ou de Tokio ? "Longue distance" équivaut à "passionnément". Handicap pour l'amant qui n'appelle que de Bécon-les-Bruyères.

 

Aimer l'égoïste pour son égoïsme, le menteur (ou la menteuse) pour ses mensonges : c'est plus sûr que d'espérer leur transformation par la grâce de l'amour.

 

On ne change guère, par amour, que provisoirement. Mais une passion profonde peut métamorphoser une chenille en papillon.

 

Pitié n'est pas amour ; toutefois, les cœurs généreux s'y trompent souvent.

 

Pour une femme, la seule défaite : n'avoir pas su rendre heureux l'homme qu'elle aimait.

 

L'amoureuse aime à être entourée, enveloppée, relancée, serrée de près jusque dans son sommeil. C'est pourquoi elle poursuit de ses soins l'homme, qui déteste cela.

 

Elle l'aime tant, et si généreusement, qu'il ignorera toujours qu'elle vaut mieux que lui.

 

Celle qui reconnaît qu'un chagrin d'amour l'enlaidit est déjà à moitié guérie.

 

Souvent, les amants célèbres tiennent à leur légende, les simples amoureux à leurs habitudes, plus qu'ils ne tiennent l'un à l'autre.

  

  

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Marcelle Auclair (1899-1983)

 

  

 > A consulter également :

http://www.babelio.com/auteur/Marcelle-Auclair/10101

http://pagesfeuilletees.free.fr/chroniques/MAuclair.htm

 

 

amour, marcelle auclairSe procurer l'ouvrage :

L'amour, notes et maximes

Marcelle Auclair

1963

Hachette

341 pages

http://www.amazon.fr/Lamour-AUCLAIR-Marcelle/dp/B003WS0DU...

  

mercredi, 01 août 2012

Considérations sur l'amour - Les papillons du mal I - Baudelaire

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"Les papillons du mal I"

 

 

Divers extraits de l'oeuvre de Baudelaire :

 

Trois milliards d'êtres qui broutent les orties du sentiment !

 

Laissez les écoliers ivres de leur première pipe chanter à tue-tête les louanges de la femme grasse.

 

Dans l'amour comme dans presque toutes les affaires humaines, l'entente cordiale est le résultat d'un malentendu. Ce malentendu, c'est le plaisir. L'homme crie : "Ô mon ange !" La femme roucoule "Maman ! Maman !" et ces deux imbéciles sont persuadés qu'ils pensent de concert. - Le gouffre infranchissable, qui fait l'incommunicabilité, reste infranchi.

 

Il y a dans l'acte d'amour une grande ressemblance avec la torture, ou avec une opération chirurgicale.

 

Ce qu'il y a d'ennuyeux dans l'amour, c'est que c'est un crime où l'on ne peut se passer d'un complice.

 

Dans Les Oreilles du comte de Chesterfield, Voltaire plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé pendant neuf mois entre des excréments et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère. Au moins aurait-il pu deviner dans cette localisation une malice ou une satire de la providence contre l'amour, et, dans le mode de la génération, un signe du péché originel. De fait, nous ne pouvons faire l'amour qu'avec des organes excrémentiels.

 

Ce qu'il y a de plus désolant, c'est que tout amour fait toujours une mauvaise fin, d'autant plus mauvaise qu'il était plus divin, plus ailé à son commencement. Il n'est pas de rêve, quelque idéal qu'il soit, qu'on ne retrouve avec un poupard glouton suspendu au sein.

 

Ne pouvant pas supprimer l'amour, l'Eglise a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage.

 

Cette histoire de fouterie provinciale, dans un lieu sacré, n'a-t-elle pas tout le sel classique des vieilles saletés françaises ?

 

Il me semble que quand le mari ne se plaint pas, le Cocuage est une institution, à la manière du Duel.

 

Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent, solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l'homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : "Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur !"

 

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Charles Baudelaire (1821-1867) 

 

Plus l'homme cultive les arts, moins il bande. Il se fait un divorce de plus en plus sensible entre l'esprit et la brute. La brute seule bande bien, et la fouterie est le lyrisme du peuple. Foutre, c'est aspirer à entrer dans l'autre, et l'artiste ne sort jamais de lui-même.

 

Le sentiment pousse l'enfant, s'il est très énergique, à tuer son père pour un pot de confiture, ou pour acheter des dentelles pour une fille, s'il a dix-huit ans, pousse la femme à tuer son mari pour acheter des bijoux ou pour entretenir un drôle ; - exactement comme il pousse le chient à tout bousculer pour s'emparer d'un morceau de viande.

 

Goût invincible de la prostitution dans le cœur de l'homme, d'où naît son horreur de la solitude - il veut être deux. L'homme de génie veut être un, donc solitaire. La gloire, c'est rester un, et se prostituer d'une manière particulière. C'est cette horreur de la solitude, le besoin d'oublier son moi dans la chair extérieure, que l'homme appelle noblement besoin d'aimer.

 

Après une débauche, on se sent toujours plus seul, plus abandonné.

 

L'amour brille pas son absence. Ce qu'on appelle amour ici est une pure opération gymnastique animale que je n'ai pas à vous décrire.

 

Mais ce que je sais bien, c'est que j'ai horreur de la passion, - parce que je la connais, avec toutes ses ignominies.

 

Mais quelque fois votre amitié pour moi vous pousse à me traiter un peu mal, je subis un paquet de reproches qui ne me concernent pas.

 

La haine est une liqueur précieuse, un poison plus cher que celui des Borgia, - car il est fait avec notre sang, notre saleté, notre sommeil et les deux tiers de notre amour ! Il faut en être avare !

 

Que diriez-vous de mes principes, et des conseils que je donne à ce sexe trompeur qui souvent ne fait que feindre l'amour.