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lundi, 04 février 2013

Le temps des cigognes

 

procréation,amour

 

 

Extrait de "Du temps des cigognes à celui des éprouvettes", Soline Roy, Le Figaro, lundi 19 novembre 2012 :

 

Au XIXe siècle, Charles Pajot reçoit une jeune fille de bonne famille, vierge comme il se doit mais... enceinte. Le professeur d'obstétrique trouvera une explication simple : la demoiselle ayant longuement voyagé au côté de son amoureux, les "graines" de ce dernier ont cheminé jusqu'à elle sur le siège de la calèche... Des histoires comme celles-ci, Jacques Gonzalès, professeur de médecine et historien, nous en livre pléthore dans la réédition actualisée de sa jubilatoire Histoire de la procréation humaine - Croyances et savoirs dans le monde occidental (Ed. Albin Michel).

Car de l'Egypte antique à l'orée du XXe siècle, les théories les plus farfelues se sont affrontées. La femme a-t-elle des testicules ? Le plaisir joue-t-il un rôle dans la conception ? Le sexe de l'enfant à venir dépend-il de l'usage du testicule droit, ou de la position de madame durant le coït ? Pour Buffon, les menstrues régulent l'abondance de nourriture ; les animaux en évacuent l'excès par la pousse des poils, les femmes... par leurs règles ! Et puis, combien de cavités dans l'utérus ? Les trompes sont-elles des soupiraux permettant au foetus de respirer ? D'où vient que certains enfants naissent malformés ? Ambroise Paré attribue cela aux quantité et qualité de la semence : pas assez, il manque une jambe, trop, on obtient des siamois... Les semences de l'homme et de la femme ont-elle la même importance ?

En 1672, la description de l'ovulation est faite : la femme serait donc capable d'engendrer seule ? Mais cinq ans plus tard, Antoni van Leeuwenhoek fait part d'une extraordinaire découverte : dans le sperme s'agitent de minuscules "animaux spermatiques" ; d'aucuns en déduisent que voilà des humains miniatures, qui ne demandent qu'à grandir à l'abri d'un utérus...

Enfin, en 1875, Oscar Hertwig perce les secrets de la reproduction sexuée en observant la fécondation d'un oeuf d'oursin. Surprise : un plus un égal un ! Certaines prouesses n'auront pourtant pas attendu. En 1758, un Allemand annonce avoir fécondé artificiellement des truites ; en 1780, Lazzaro Spallanzini injecte, avec une seringue, la semence d'un chien barbet dans la matrice d'une femelle de la même espèce, non sans susciter enthousiasme et perplexité chez son ami Charles Bonnet : "Je ne sais pas si ce que vous venez de découvrir n'aura pas quelques jours, dans l'espèce humaine, des applications auxquelles nous ne songeons pas et dont les suites ne seront pas légères..." La prédiction se réalise dès 1791 : une femme dont le mari souffre d'une malformation du pénis se fait inséminer avec le sperme de son époux, et en obtient un fils.

A la fin du XIXe siècle, on comprend enfin qu'ovule et spermatozoïdes apportent chacun le même nombre de chromosomes. Puis on commence à découvrir les hormones. 

Aujourd'hui on clone, on congèle des ovocytes, on sélectionne et on implante des embryons, on rêve d'utérus artificiels... Mais au fond, la médecine ne fait que répondre, de mieux en mieux, aux deux extrêmes qui l'ont toujours préoccupée : permettre à des couples de procréer, à d'autres de ne pas le faire.

L'humain s'est longtemps soumis à des recettes mi-grand-mère; mi-sorcière. Ainsi les Egyptiens préconisaient de faire s'asseoir la femme sur des restes de farine mélangés à de la bière ; vomira, vomira pas ? Elle est stérile ou ne l'est pas... "La fertilité du cerveau dépasse très largement celle des gonades les plus prolifiques", écrit Jacques Gonzalès. Ne nous moquons donc pas trop de nos prédécesseurs : il pourrait bien se trouver, au XXIIe siècle, un auteur capable de se gausser des connaissances de 2012 sur le développement de l'embryon. Et surtout, continuons de rêver en voyant passer les cigognes...

 

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