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mardi, 21 mai 2013

The-blue-pipe - VIII - and she is soon to be mine - Marcel Schwob

 

marcel schwob
Marcel Schwob (1867-1905)

 

Extrait de Les portes de l'Opium, Marcel Schwob :

O just, subtle and mighty opium !...
THOMAS DE QUINCEY.

Je fus toujours l'ennemi d'une vie réglée comme celle de tous les autres. La monotonie persistante des actions répétées et habituelles m'exaspérait. Mon père m'ayant laissé la disposition d'une énorme fortune, je n'eus point le désir de vivre en élégant. Les hôtels somptueux ni les attelages de luxe ne m'attiraient ; non plus les chasses forcenées ou la vie indolente des villes d'eaux ; le jeu ne présentait que deux alternatives à mon esprit agité : c'était trop peu. Nous étions arrivés dans un temps extraordinaire où les romanciers nous avaient montré toutes les faces de la vie humaine et tous les dessous des pensées. On était lassé de bien des sentiments avant de les avoir éprouvés ; plusieurs se laissaient attirer vers un gouffre d'ombres mystiques et inconnues ; d'autres étaient possédés par la passion de l'étrange, par la recherche quintessenciée de sensations nouvelles ; d'autres enfin se fondaient dans une large pitié qui s'étendait sur toutes choses.

Ces poursuites avaient créé en moi une curiosité extravagante de la vie humaine. J'éprouvais le désir douloureux de m'aliéner à moi-même, d'être souvent soldat, pauvre, ou marchand, ou la femme que je voyais passer, secouant ses jupes, ou la jeune fille tendrement voilée qui entrait chez un pâtissier : elle relevait son voile à demi, mordait dans un gâteau, puis, versant de l'eau dans un verre, elle restait, la tête penchée.

Ainsi il est facile de comprendre pourquoi je fus hanté par la curiosité d'une porte. Il y avait dans un quartier éloigné un haut mur gris, percé d'yeux grillés à de grandes hauteurs, avec de fausses fenêtres pâlement dessinées par places. Et au bas de ce mur, dans une position singulièrement inégale, sans qu'on pût savoir ni pourquoi, ni comment, loin des trous grillés, on voyait une porte basse, en ogive, fermée d'une serrure à longs serpents de fer et croisée de traverses vertes. La serrure était rouillée, les gonds étaient rouillés ; dans la vieille rue abandonnée, les orties et les ravenelles avaient jailli par bouquets sous le seuil, et des écailles blanchâtres se soulevaient sur la porte comme sur la peau d'un lépreux.

Derrière, y avait-il des êtres vivants ? Et quelle insolite existence devaient-ils mener, s'ils passaient les journées à l'ombre de ce grand mur gris, cloîtrés du monde par la petite porte basse qu'on ne voyait jamais ouverte ! D'heure en heure mes promenades inactives me ramenaient dans cette rue silencieuse, et j'interrogeais la porte comme un problème.

Un soir que j'errais dans la foule, cherchant de curieuses figures, je remarquai un vieux petit homme qui tressautait en marchant. Il avait un foulard rouge pendant de sa poche, et il frappait le pavé d'une canne tordue, en ricanant. Sous le gaz, sa figure, semblait barrée d'ombre, et les yeux y étincelaient de lueurs si verdâtres que je fus invinciblement ramené à l'idée de la porte: dans l'instant je devins sûr qu'il y avait entre lui et elle quelque relation.

Je suivis cet homme. Je ne puis pas dire qu'il ait rien fait pour cela. Mais il m'était impossible d'agir autrement, et quand il parut au bout de la rue abandonnée où était la porte, je fus illuminé de ce pressentiment soudain qui vous fait saisir, comme dans un éclair du temps, qu'on sait ce qui va se passer. Il frappa deux ou trois coups ; la porte roula sur ses gonds rouillés sans grincer. Je n'hésitai pas, et je m'élançai ; mais je trébuchai sur les jambes d'un mendiant que je n'avais pas vu, et qui s'était assis le long du mur. Il avait sur les genoux une écuelle de terre et une cuillère d'étain à la main ; levant son bâton, il me maudit d'une voix rauque, lorsque la porte se referma silencieusement sur moi.

J'étais dans un immense jardin sombre, où les herbes folles et les plantes sauvages poussaient à hauteur de genoux. La terre était détrempée, comme par des pluies continuelles ; elle paraissait de glaise, tant elle s'attachait aux pas. Tâtonnant dans l'obscurité vers le bruit mat du vieux qui avançait, je vis bientôt poindre une éclaircie ; il y avait des arbres où pendaient des lanternes de papier faiblement éclairées, donnant une lumière roussâtre, diffuse ; et le silence était moins profond, car le vent semblait respirer lentement dans les branches.

En approchant, je vis que ces lanternes étaient peintes de fleurs orientales et qu'elles dessinaient en l'air les mots :

MAISON D'OPIUM

Devant moi se dressait une maison blanche, carrée avec des ouvertures étroites et longues d'où sortait une lente musique grinçante de cordes, coupée de battements, et une mélopée de voix rêveuses. Le vieux se tenait sur le seuil, et, agitant gracieusement son foulard rouge, il m'invitait du geste à entrer.

J'aperçus dans le couloir une mince créature jaune, vêtue d'une robe flottante ; vieille aussi, avec la tête branlante et la bouche édentée - elle me fit entrer dans une pièce oblongue, tendue de soie blanche. Sur les tentures des raies noires s'élevaient verticalement, croissant jusqu'au plafond. Puis il y eut devant moi un jeu de tables de laque, rentrant les unes dans les autres, avec une lampe de cuivre rouge ou une fine flamme filait, un pot de porcelaine plein d'une pâte grisâtre, des épingles, trois ou quatre pipes à tige de bambou, à fourneau d'argent. La vieille femme jaune roula une boulette, la fit fondre à la flamme autour d'une épingle, et, la plantant avec précaution dans le fourneau de la pipe, elle y tassa plusieurs rondelles. Alors, sans réflexion, j'allumai, et je tirai deux bouffées d'une fumée âcre et vénéneuse qui me rendit fou.

Car je vis passer devant mes yeux aussitôt, bien qu'il n'y eût eu aucune transition, l'image de la porte et les figures bizarres du vieux homme au foulard rouge, du mendiant à l'écuelle et de la vieille à la robe jaune. Les raies noires se mirent à grandir en sens inverse vers le plafond, et à diminuer vers le plancher, dans une sorte de gamme chromatique de dimensions qu'il me semblait entendre résonner dans mes oreilles. Je perçus le bruit de la mer et des vagues qui se brisent, chassant l'air des grottes rocheuses par des coups sourds. La chambre changea de direction sans que j'eusse l'impression d'un mouvement ; il me parut que mes pieds avaient pris la place de ma tête et que j'étais couché sur le plafond. Enfin il y eut en moi un anéantissement complet de mon activité ; je désirai rester ainsi éternellement et continuer à éprouver.

C'est alors qu'un panneau glissa dans la chambre, par où entra une jeune femme comme je n'en avais jamais vu. Elle avait la figure frottée de safran et les yeux attirés vers les tempes ; ses cils étaient gommés d'or et les conques de ses oreilles délicatement relevées d'une ligne rose. Ses dents, d'un noir d'ébène, étaient constellées de petits diamants fulgurants et ses lèvres étaient complètement bleuies. Ainsi parée, avec sa peau épicée et peinte, elle avait l'aspect et l'odeur des statues d'ivoire de Chine, curieusement ajourées et rehaussées de couleurs bariolées. Elle était nue jusqu'à la ceinture ; ses seins pendaient comme deux poires et une étoffe brune guillochée d'or flottait sur ses pieds.

Le désir d'étrangeté qui me tenait devint alors si violent que je me précipitai vers cette femme peinte en l'implorant : chacune des couleurs de son costume et de sa peau semblait à l'hyperesthésie de mes sens un son délicieux dans l'harmonie qui m'enveloppait ; chacun de ses gestes et les poses de ses mains étaient comme des parties rythmées d'une danse infiniment variée dont mon intuition saisissait l'ensemble.

Et je lui disais, en la suppliant : - Fille de Lebanon, si tu es venue à moi des profondeurs mystérieuses de l'Opium, reste, reste... mon coeur te veut. Jusqu'à la fin de mes jours je me nourrirai de l'impréciable drogue qui te fait paraître à mes yeux. L'opium est plus puissant que l'ambroisie, puisqu'il donne l'immortalité du rêve, non plus la misérable éternité de la vie ; plus subtil que le nectar, puisqu'il crée des êtres si étrangement brillants ; plus juste que tous les dieux, puisqu'il réunit ceux qui sont faits pour s'aimer !

«Mais si tu es femme née de chair humaine, tu es mienne - pour toujours - car je veux donner tout ce qui est à moi pour te posséder...»

Elle fixa sur moi ses yeux miroitants entre les cils d'or, s'approcha lentement et s'assit dans une pose douce qui faisait battre mon coeur. «Est-il vrai ? murmura-t-elle. Donnerais-tu ta fortune pour m'avoir ?» - Elle secoua la tête avec incrédulité.

Je vous dis que la folie me tenait. Je saisis mon carnet de chèques - je le signai en blanc et je le lançai dans la chambre - il rebondit sur le parquet. «Hélas ! dit-elle - aurais-tu le courage d'être mendiant pour être à moi ? Il me semble que je t'aimerais mieux ; dis - veux-tu ?» - Elle me déshabillait légèrement. [...]

 

> Pour le texte intégral et la fin du récit : http://www.bmlisieux.com/litterature/schwob/portopiu.htm

 

> Pour d'autres texte de Marcel Schwob en audiolivres : http://www.litteratureaudio.com/livres-audio-gratuits-mp3...

 

 

lundi, 20 mai 2013

The-blue-pipe - VII - and she is soon to be mine - Avec ou pour dames

 

picasso
Picasso

 

 

sinatra
Sinatra

  

 

andie mc dowell    charlotte rampling
Andie Mc Dowell                      Charlotte Rampling

 

 

greta garbo, pipe, tabac, fumer    Jacqueline kennedy, pipe, tabac, fumer
Greta Garbo                   Jacqueline Kennedy

 

 

camille corot, pipe, tabac    george sand, pipe, tabac
Camille Corot                          George Sand

 

 

pompadour, marquise, tabac, pipe, fumer
La marquise de Pompadour

 

 

pipe  pipe
Celles-ci sont des pipes de lecture

A consulter également : 
Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
En Littérature : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
En chansons, textes, poëmes : http://fumeursdepipe.net/litterature.htm

Pour une encyclopédie de portraits : http://fumeursdepipe.net/personnalites.htm
Se fournir en articles pour fumer : http://www.pipe.fr/boutique/liste_rayons.cfm

 

dimanche, 19 mai 2013

Girl call

 

allo, nabilla

 

La Pentecôte - Giotto, El Greco

 

 

JPEG - 46.6 ko La Pentecôte, Giotto
 

 

Jn 14, 15-29 

A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : "Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l'Esprit de vérité.

Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m'aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n'est pas de moi : elle est du Père, qui m'a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

C'est la paix que je vous laisse, c'est ma paix que je vous donne ; ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : "Je m'en vais, et je reviens vers vous." Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu'elles n'arrivent ; ainsi, lorsqu'elles arriveront, vous croirez."

 

 

JPEG - 33.4 ko La Pentecôte, El Greco

 

Actes des Apôtres, II

 

Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient.

Ils virent apparaître des langues qu'on eût dites de feu ; elles se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint et commencèrent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer.

Or il y avait, demeurant à Jérusalem, des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui se produisit, la multitude se rassembla et fut confondue : chacun les entendait parler en son propre idiome.

Ils étaient stupéfaits, et, tout étonnés, ils disaient : "Ces hommes qui parlent, ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende dans son propre idiome maternel ? Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et d'Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d'Egype et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu !"

 

>   A consulter également : http://rouen.catholique.fr/spip.php?article201 

 

samedi, 18 mai 2013

The-blue-pipe - VI - and she is soon to be mine - Jacques Brel, Herman Melville

 

gainsbourg
Serge Gainsbourg

 

 

 jacques brel, pipe, tabac     georges brassens, pipe, tabac     
Jacques Brel                                  Georges Brassens 

 

Extrait du Dernier repas, Jacques Brel

Après mon dernier repas
Je veux que l'on s'en aille
Qu'on finisse ripaille
Ailleurs que sous mon toit
Après mon dernier repas
Je veux que l'on m'installe
Assis seul comme un roi
Accueillant ses vestales
Dans ma pipe je brûlerai
Mes souvenirs d'enfance
Mes rêves inachevés
Mes restes d'espérance

  

 

herman melville, moby dick
Herman Melville (1819-1891) 

 

Extrait de Moby Dick, 1851, Herman Melville

Il se passa quelques moments : les épaisses bouffées, régulières et fréquentes, sortaient nerveusement d'entre ses lèvres, et le vent les lui rabattait au visage.

- Quoi donc ? se prit-il à soliloquer en écartant le tuyau de sa bouche. Fumer ne m'apporte plus le calme ? Oh ! Il faut que ça aille durement pour moi, ma pipe, si maintenant ton charme n'opère plus. Mais voilà que je suis resté là, plus mécaniquement occupé que prenant mon plaisir à fumer, mais oui ! ignorant même que je fumais contre le vent, ah ! pendant tout ce temps ; contre le vent, soufflant ma fumée en jets si nerveux, comme ceux de la baleine agonisante, comme s'ils étaient aussi les derniers, ceux qui sont les plus forts et les plus chargés, les plus troublés d'angoisse... Qu'ai-je affaire avec cette pipe ? Pareil objet veut et est fait pour la sérénité, pour laisser paisiblement monter de douces blanches vapeurs vers de doux blancs cheveux, non pas vers de raides torons gris de fer comme ceux que je porte. Soit ! je ne fumerai plus ! ...

Il lança sa pipe encore allumée à la mer ; le feu siffla dans la vague. Et l'instant d'après, le navire avait effacé la bulle laissée par la pipe engloutie. Sous son grand chapeau aux bords rabattus, Achab, de son pas cahotant, repris sa déambulation sur le pont. 

 

 

promeneur, chateaubriand, falaise, mer
Le voyageur contemplant une mer de nuages, Caspar Friederich

 

 

pipe  pipe
Celles-ci sont des pipes de lecture

A consulter également : 
Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
En Littérature : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
En chansons, textes, poëmes : http://fumeursdepipe.net/litterature.htm

Pour une encyclopédie de portraits : http://fumeursdepipe.net/personnalites.htm
Se fournir en articles pour fumer : http://www.pipe.fr/boutique/liste_rayons.cfm

 

vendredi, 17 mai 2013

Quadruple gun pour des adieux aux Champs Elysées

 

champs elysées, paris, noir et blanc, ancienne photo
> Source et pour davantage de photos du vieux Paris : http://www.juliachou.fr/paris/paris-quand-la-vie-etait-en-noir-et-blanc.html 

 

Paris, le 17 mai 2013

Champs Elysées,  

Pour vous enlaidir, et de Noël en Noël,

Il semble que vous n'avez pas votre pareil.

Que vous arrive-t-il, vous semblez presque à terre ?

Un parfait musée des horreurs à ciel ouvert.

x 12

L'indécence et la décadence,

Pillages et puis matraquages,

A minuit tout comme à midi.

x 8

What next ?

What else ?

 

Jana Hobeika

 

 De Noël en Noël
champs elysee, noel, xmas
> Source : http://www.fotocommunity.fr/pc/pc/display/15520447

 

A minuit
PSG, football, incidents, violence, champs elysees, paris, vitrines
Photo originale retouchée en style caléïdoscope

> Le cas PSG : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/05/13/01016-...
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/psg-champion-21-...

 

 A midi
champs elysees, virgin, soldes, lunettes 3D
Photo originale retouchée en style lunettes 3D 

> Le cas Virgin : http://lesretrogaleriesdemistergutsy.blogspot.fr/2013/05/... repris sur http://www.rue89.com/2013/05/16/soldes-a-virgin-etes-comportes-comme-pourritures-242388

 

quadruple gun, champs elysees, l'écume des jours
Réalisation Jana Hobeika

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Ajout du dimanche 19 mai 2013 :

"Comme le pauvre pain de l'hostie, pain de misère, devient Pain de vie éternelle par la descente de l'Esprit, que ce même Esprit se répande sur les bourreaux et les fous sauvages pour apporter la lumière à ceux qui paraissent au-delà de toute espérance."

Père Gabriel Würz

The-blue-pipe - V - and she is soon to be mine - Alphonse Rabbe

  

Extrait d'Album d'un Pessimiste, 1835 (posthume), Alphonse Rabbe (1784-1829) :

Jeune homme, allume ma pipe ; allume et donne, pour que je chasse un peu l'ennui de vivre ; pour que je me livre à l'oubli de toutes choses, tandis que ce peuple imbécile, avide de grossières émotions, précipite ses pas vers la pompeuse cérémonie du sacré coeur, dans l'opulente et superstitieuse Marseille. 

 

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Image du film "Rimbaud Verlaine" (1995), Leonaro di Caprio                      Rimbaud croqué par Verlaine

 

Pour moi, je hais la multitude et son stupide empressement : je hais ces tréteaux sacrés ou profanes, ces fêtes, aux prix desquels un peuple malheureux consent si aisément à l'oubli des maux qui l'accablent. Je hais ces marques d'un servile respect, que la foule abusée prodigue à qui la trompe et l’opprime. Je hais ce culte d'erreur qui absout le crime, contriste l'innocence et pousse au meurtre le fanatique, par ses inhumaines doctrines d'exclusion.

Pardonnons aux dupes ! Tous ceux qui vont là, se sont promis du plaisir. Infortunés humains ! nous poursuivons sur toutes les routes ce fantôme attrayant. N'être pas où l'on est, changer de place et d'affections, quitter le supportable pour le pire ; voguer de nouveautés en nouveautés pour obtenir une sensation de plus ; vieillir chargé de désirs non satisfaits, mourir enfin d'avoir vécu, telle est notre destinée.

 

gregory peck   humphrey bogart
Gregory Peck                                     Humphrey Bogart

 

Que cherché-je moi-même au fond de ton petit fourneau, ô ma pipe ? Je cherche, comme un alchimiste, à transmuer les chagrins du présent en passagères délices. Je pompe ta vapeur à coups pressés, pour porter dans mon cerveau une heureuse confusion, un rapide délire préférable à la froide réflexion. Je cherche le doux oubli de ce qui est, le rêve de ce qui n'est pas, et même de ce qui ne peut pas être.

Tu me fais payer tes consolations faciles : le cerveau s’use et s'alanguit peut‑être, par le retour journalier de ces mouvements désordonnés. La pensée devient paresseuse, et l'imagination se fait vagabonde, par l'habitude d'ébaucher en vacillant d'agréables fictions.

La pipe est la pierre de touche des nerfs : le véritable dynamomètre de la fibre déliée. Jeunes gens qui cachez une organisation délicate et féminine sous des vêtements d'hommes, ne fumez pas, ou redoutez de cruelles convulsions ; et, ce qui serait plus cruel encore, la perte des faveurs de Vénus.

Fumez, au contraire, amants malheureux, esprits ardents et inquiets, obsédés du poids de vos pensées.

 

Mallarmé, manet
Mallarmé par Manet

 

van gogh, pipe, autoportrait
Van Gogh, autoportrait

 

monet autoportrait, pipe, tabac
Monet, autoportrait


Les savants de l'Allemagne tiennent une pipe à côté de leur écritoire. C'est à travers les flots de fumée de tabac, qu'ils poursuivent les vérités de l'ordre intellectuel et transcendantal. Voilà pourquoi leurs ouvrages, toujours un peu nuageux, passent la portée de nos philosophes français, que la mode et les salons obligent de s'imbiber de parfums plus suaves et plus gracieux.

Lorsque le député des muses d'Erlangen arriva dans la maison de Kotzebue, le vieillard, avant que de venir le joindre, lui fit présenter du café et une pipe. Ce signe d'une hospitalité touchante ne désarma point l'intrépide jeune homme : une larme vint mouiller sa paupière ; mais il persista. Pourquoi ? il s'immolait pour la liberté.

Le malheureux travaille le jour ; et le soir, quand son pain est gagné, les bras croisés, devant sa porte en ruines, il dissipe dans la fumée de sa pipe le peu de pensée que le repos de ses membres pourrait lui laisser.

J'honore vos intentions, philosophes modernes qui voulez que cet homme réfléchisse, raisonne, discute, approuve ou blâme, tout comme vous. Par l'exercice de sa pensée, il évitera, je l'avoue, quelques‑uns des nombreux écueils de la vie ; il échappera à quelques embûches ; mais il tombera dans l'abîme du doute et s'instruira tristement du néant de son propre coeur. Ah ! tant que l'ordre éternel ne lui fera pas des destins meilleurs, laissez-le boire et fumer; c'est le plus sûr.
Maupertuis ne fut pas un homme vulgaire : il avait mesuré le pôle, et sondé les mystères de la génération. Enhardi par ses premiers succès, il entreprit de lever le voile qui cache à nos yeux le monde inconnu. Il voulut relever le trépied prophétique de l'avenir ! L'infortuné ! son châtiment suivit de près cette audace insensée...

Bientôt, se plongeant dans l'oubli de lui‑même, il se tua par l'usage immodéré des spiritueux. N'eût‑il pas mieux valu pour lui, fumer et moins penser ? s'étourdir doucement chaque jour, au lieu de s’empoisonner en désespéré, à grands flots d'eau-de-vie! Objet digne de pitié, même pour ces misérables Lapons, qu'il avait si curieusement observés !

 

cary grant  clarck gable
Cary Grant                                         Clarck Gable

 

gary cooper   henry fonda
Gary Cooper                              Henry Fonda

 

O ma pipe, que je te dois de biens ! Qu'un importun, un sot discoureur, un méprisable fanatique vienne à m'aborder, soudain je tire un cigare de mon étui ; je commence à fumer, et dès lors si je suis condamné au déplaisir de l'entendre, j'échappe du moins au supplice de lui répondre.

Par intervalles, un sourire amer fait contracter mes lèvres ; et le sot s'applaudit, croyant que je l'approuve. Il attribue à l'effet du cigare indiscret 1’expression équivoque dont je paie son babil... il redouble d audace... Mais suffoqué de son impertinence, je pousse tout à coup les flots d'une épaisse fumée amassée dans ma bouche, comme le dépit dans mon sein.

J'exhale tout à la fois une vapeur brûlante et une indignation contrainte. Oh ! que la sottise d'autrui est nauséabonde à qui déjà est mécontent et las de son propre poids !... je le submerge de fumée... que ne puis-je 1’asphyxier, le sot, de la lave de mon petit volcan ! ...

 

Dali    Errol Flynn
Dali                                        Errol Flynn

 

Mais lorsqu'un ami, aimable d'esprit et de coeur, vient au‑devant de moi, le plaisir de la pipe me rend plus vif encore le bonheur de cette rencontre. Après les premiers discours qui s'élancent rapides, tandis que le punch enflammé dissipe, dans la flamme pétillante, les parties spiritueuses dont la liqueur surabonde, les verres se touchent... Ami, de ce jour en un an, puissions‑nous vider la coupe fraternelle, sous des auspices meilleurs !

Alors nous allumons nos cigares : pressé de lui parler de mille choses diverses, je laisse souvent éteindre le mien, et il me donne de son feu... je suis comme un vieil époux qui rallume vingt fois de suite, sur les lèvres d'une jeune beauté, 1’énergie de sa flamme vingt fois impuissante ; ô mon ami, quand donc luiront des jours plus heureux ?

Dis‑le moi, mon ami : dans les lieux d'où tu viens, les hommes sont‑ils pleins d'espérance et de courage ? Gardent‑ils une fidélité constante au culte de notre grande divinité ? Combien de temps encore nous faudra‑t‑il ronger le frein humiliant qui nous condamne au silence...

Qu'il me tarde de jeter ma part de servitude ! Qu'il me tarde de voir réduire en poudre les titres vains de la tyrannie qui nous opprime ! De voir les cendres d'un diadème déshonoré se dissiper au souffle des patriotes, comme la cendre de ma pipe se dissipe au mien. Mon âme est lasse d'attendre je calcule avec effroi les manoeuvres d'une ténébreuse perversité.

Regarde comme ce peuple, soulevé tout entier par l'infâme secte de Loyola, court se précipiter au-devant de leurs bizarres processions : vieux et jeunes, hommes et femmes, tous s'empressent de recevoir leurs hypocrites et inutiles bénédictions. Les imbéciles ! Si la peste passait en procession, ils iraient la voir aussi. Dis‑moi ? Un tel peuple est‑il fait pour la liberté ? N'est‑il pas plutôt condamné à vieillir enfant dans les langes d'un double esclavage ?

 

Rainier   andré breton
Rainier                                         André Breton

 

Heureusement la liberté a ses secrets et ses ressources. Ce peuple, qui nous semble à jamais abruti, s'instruit cependant, et s'éclaire chaque jour : pardonnons aux esclaves de courir aux distractions. Souffrons qu'une mère impudique se flatte que ses filles passeront pour vierges, quand elles auront été bénies. Ne nous étonnons pas que de vieux scélérats espèrent suer le levain du crime, en se fatiguant à porter des simulacres méprisés.

Les hommes sont encore enfants ; pourtant le genre humain grandit, et brise, en marchant, ses lisières. Le temps approche où il n'écoutera plus le boiteux qui criera d'arrêter, où il ne demandera plus son chemin à l'aveugle. Que le monde s'éclaire, Dieu le veut... Pour nous, fumons en attendant une aurore nouvelle.

O ma pipe ! Je te dois chaque jour cet emblème expressif d’humilité que la religion ne place qu’une fois par an sur le front de 1’adorateur chrétien. L'homme n est que cendre et poussière... C'est, en effet, tout ce qui reste à la fin, du coeur le plus tendre ou le plus magnanime, du coeur le plus enivré de joie et d'orgueil, ou le plus consumé de peines amères.

Ce faible reste, ces cendres mêmes le plus léger zéphyr les dissipe dans le vague de l'air. Où donc est maintenant la poussière d'Alexandre, la cendre de Gengis ? Ils ne sont plus que de vains fantômes historiques ; que es noms sonores, objet d'enthousiasme vain, ou d'inutiles malédictions.

 

 

man ray, pipe, tabac       alain, philosophe, pipe, tabac, fumer
Man Ray                                                         Alain (philosophe)

 

 

Je périrai bientôt : tout ce qui compose mon être et le nom même dont on me nomme, disparaîtra comme cette légère fumée... Dans quelques jours, peut‑être, à la place où j'écris, on ne saura pas même si ai jamais vécu... Mais, de ce corps si périssable, s'exhalera‑t‑il quelque chose qui ne périsse pas et s'élève en haut ? Réside‑t‑il en effet dans l'homme une étincelle digne d'allumer le calumet des anges sur le parvis des cieux ? ...

O ma Pipe ! chasse, bannis ce désir ambitieux et funeste de l'inconnu, de l'impénétrable.  

 

 

pipe  pipe
Celles-ci sont des pipes de lecture

A consulter également : 
Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
En Littérature : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
En chansons, textes, poëmes : http://fumeursdepipe.net/litterature.htm

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