dimanche, 08 février 2015
Variations sur points d'orgue
Variations sur points d'orgue
Pour bien la connaître, il faut dormir en elle.
Les points d'orgues de l'existence varient.
Les points bas écorchent. Et le sang jaillit. Il aura fallu mourir deux fois à l'aube d'une même matinée d'octobre. De la main de fer de l'homme, pour donner une jeune pousse au monde. Et d'un trou noir conséquent pour revenir et donner le monde à la jeune pousse. Peines prolongées que la main Aimée effaça par imposition. Mais un autre mois d'octobre, à six années près, lorsque la terre s'est fendue sous moi et moi avec elle, derechef mais sans la couche qui aurait autorisé le coma réparateur, il est passé une paire d'uniformes bleu nuit, point d'appui planté dans la rue à perte de vue. Fendue. Et violette à mes tempes, de la main Aimée. Et de l'écume projetée à mes cheveux, de la bouché Aimée. Et dans la loge, le sang sorti par mes narines, que ma bouche a goûté, de la main Aimée.
Les points hauts demeurent incandescents par tous temps. Le pied tremblant du petit d'homme allaité, trait d'union du passage unique du dedans au dehors. Le petit corps que l'on peut contempler endormi dans tous ses sommeils. Ses yeux dans lesquels on peut plonger et y voir sa propre projection reproduite. La frêle main tenue qui toujours surprend tant elle demeure petite. Et toutes les premières fois qu'elle nous offre, mots, pas, comments et pourquois.
Et dormir en elle : il est grand d'un mètre quatre-vingt sept et en emplirait un cube, et grand d'âme et de volonté. Il a dormi en elle. Après l'intense amour sans restriction et surtout pas de temps, il a posé sa tête enflammée sur ses seins, elle l'a entourée de ses mains pour accueillir et retenir son sommeil sur son cœur, point d'orgue. Il a rompu le vertigineux trou noir tombé autour d'elle par son sommeil commençant pour accéder à ses pensées à elle, dans les marmonnements d'un sommeil paradoxal, point d'orgue cosmique. Lui au piano, elle posée sur ses genoux et entre ses bras, son visage dans son cou, la Tempête qui déferle sous ses doigts la berce, point d'orgue. Dans le grand jour de la rue, il presse sa main fort et se délecte des inévitables gémissements qu'il lui arrache dans leur marche. A sa porte à elle, bras dans les bras, buste contre buste, rayonnement de chaleur. Rayonnement d'un nuage de chaleur qui enveloppe leurs deux cœurs, chaleur forte mais impalpable, les mains ne la sentent pas, ne le peuvent pas, seuls les cœurs se la transmettent par voie directe, en partage, point d'orgue. Au beau milieu de la nuit et de son jour à lui de labeur, il la réveille, la mine réjouie et les yeux pétillants, pour lui lire en primeur ce qu'il vient d'écrire, point d'orgue à la postérité.
Jana Hobeika
Paris, le 25 juillet 2014
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 22 janvier 2015
A la nue accablante - Mallarmé
Caron passant les ombres, Pierre Subleyras (1699-1749)
La barque de Caron traverse le Styx pour conduire les âmes jusqu'aux enfers
A la nue accablante tu
Basse de basalte et de laves
A même les échos esclaves
Par une trompe sans vertu
Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume, mais y baves)
Suprême une entre les épaves
Abolit le mât dévêtu
Ou cela que furibond faute
De quelque perdition haute
Tout l'abîme vain éployé
Dans le si blanc cheveu qui traîne
Avarement aura noyé
Le flanc enfant d'une sirène.
07:05 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Peinture, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 19 janvier 2015
Baiser
Extrait du billet d'Audrey Diwan, in magasine gratuit Stylist, N°050, 27 mai 2014 :
Etre amoureux
Ils sont là à s'embrasser, fouillant chacun la bouche de l'autre comme s'ils y avaient perdu quelque chose. Comme si chacun tentait de rentrer en l'autre et d'y disparaître pour de bon. L'amour se change un instant en fresque cannibale. C'est à la fois intense, joyeux et parfaitement obscène.
Tu es fascinée par ce spectacle. Tu n'avais pas vu pareil baiser depuis le collège et l'époque où chaque pelle était une revendication, une marche franche vers l'âge adulte et la sexualité libre. Eux, représentent quelque chose de différent : déjà, ils ont 40 ans. Et ce baiser n'est même pas une réminiscence, pas non plus une forme de nostalgie. C'est un baiser compulsif, inévitable. Pourtant, il y a plein de gens autour d'eux, pourtant les gens les regardent du coin de l’œil, mi-moqueur mi-envieux, mais rien n'arrête leurs mains qui, elles aussi, se mêlent maintenant doucement de la partie.
Michel Audiard écrivait : "Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît." Toi, tu te dis que les amoureux sont pires que les cons en matière d'audace. A moins que ce ne soit l'amour qui rendre idiot.
Et courageux à la fois.
L'histoire récente de France ne manque pas de preuves. Domenech qui demande sa main à Estelle Denis à la télévision, insensible aux ricanements de millions de téléspectateurs. Un président qui met en péril sa sécurité pour apporter des croissants à l'élue de ses pensées.
Tous ont à cet endroit-là une forme d'insensibilité, une anesthésié passagère de la conscience. Tu te dis que de toutes les drogues, c'est sans aucun doute la plus efficace. Même un cocaïnomane ne prendrait pas autant de risques, se souvenant vaguement qu'une fois l'effet de la substance altéré, resteraient les conséquences de ses actes. [...]
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Trivialités parisiennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baiser, picasso
dimanche, 18 janvier 2015
Les lignes de la main - Grand Corps Malade
Signe astrologique de la vierge, Yves Bady
https://www.youtube.com/watch?v=KyeUo0YvY_A
Un certain soir d'incertitude
Je suis allé voir une voyante
Prêt pour l'arnaque et l'inquiétude
car la vision de l'avenir est payante
C'est mon cœur qui frappe quand je sonne à la porte
Je me sens tout gamin
Quand elle ouvre, me regarde, me sourit et m'escorte
Pour me lire les lignes de la main
Elle prend son pied en prenant mes mains
Ses mains tenant mes doigts sont balèzes
Elle est adroite et j'ai deux mains gauches, c'est main-
tenant mon malaise
Elle a la main forte
Elle a la main ferme, elle a la main mise
Moi faut que je sorte
Je veux revenir demain, mes deux mains sont prises
Sa main est agile, et ça m'indispose que sa main tripote
Car sa main est curieuse, et sa main est fouineuse, et ça m'insupporte
Mais ça m'intéresse quand sa main se calme, car sa main est belle
Oui, sa main est douce et sa main est chaude, et ça m'interpelle.
Elle prends ma main gauche pour me lire les lignes
Moi, j'ai un mauvais feeling
Car elle veut être précise, mais moi je lui propose de rester dans les grande lignes
Ses doigts glissent sur ma peau comme une piste de curling, elle vise la ligne de cœur
C'est une ligne à haute tension, elle est en première ligne, une ligne à la hauteur
Niveau cœur, pas besoin de savoir lire entre les lignes,
Elle voit que la ligne est occupée
C'est une ligne droite magnifique, longiligne, rectiligne
La ligne printemps-été
En revanche, la voyante ne trouve pas ma ligne de chance, j'ai vraiment pas de pot
Elle l'avait en ligne de mire, moi j'avais envie d'en rire, elle a ripé sur un bout de peau
Mais en ligne de compte elle a retrouvé ma chance, c'est une vraie pilote de ligne
La ligne de chance aime bien faire des feintes, elle est maligne ma ligne
La dernière ligne droite, la voyante a décidé d'analyser ma ligne de vie
Elle cherche la ligne d'arrivée
Mais la voyante a souligné
Qu'apparemment ma ligne dévie
Alors ma ligne de vie rage, ma ligne de vie perds, mais la voyante ne la voit pas bien
Elle a un air inquiet car la ligne est coupée, alors moi j'entends plus rien
Je lui demande si elle est sûre, elle scrute les interlignes
Ce moment est inhumain
Du coup elle va se faire une petite ligne
Moi j'ai perdu mon avenir quelque part au creux de ma main
Ça a mis un bout de temps mais on a retrouvé ma vie
Elle avait juste sauté une ligne
Quand la séance fut finie j'ai décidé de prendre soin de moi
Et de faire attention à ma ligne
Avant de quitter la voyante on s'est serré la main
On a mélangé nos lignes
Une chose est sûre je reviendrai pas demain
Elle s'est vraiment plantée sur toute les lignes
Depuis, ma ligne de conduite est de viser la ligne d'horizon
Pour voir plus loin que le bout de mes lignes
Fini de lire dans les mains, maintenant je préfère serrer le poing
Point à la ligne
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Chanson, Ecrits, Peinture, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 02 janvier 2015
Jacques S.
la grande chorégraphie cosmique de l'histoire humaine
chaque chemin de vie, tendu entre la terre et le ciel
y dessine ses volutes et ses arabesques
ses tornades ou ses mouvantes circonvolutions
dans l'enclave de liberté qui s'offre à chacun
entre l'orient et le ponant de chaque être
Plafond de l'Opéra Garnier, crédits photographiques Jana Hobeika
Poëme préintroductif à Le courage d'être soi, une charte du mieux-être avec soi-même et avec autrui, Jacques Salomé, 1999, Les Editions du Relié :
Pour chacun d'entre nous,
chaque trajectoire de recherche personnelle
dispose d'une place dans l'espace temps de l'univers.
Chaque existence a un rôle à jouer
dans la grande chorégraphie cosmique de l'histoire humaine.
Chaque chemin de vie, tendu entre la terre et le ciel,
y dessine ses volutes et ses arabesques,
ses tornades ou ses mouvantes circonvolutions,
Soumis qu'il est à des aspirations contradictoires
entre ancrage ou enracinement, élan ou envol.
Nos errances oscillent entre expansion vers les autres
et retour, repli ou centrage sur soi.
Nous nous cherchons par bonds successifs,
trois pas en avant et parfois deux en arrière
quand ce n'est pas un saut nécessaire sur le côté.
La quête sans fin du meilleur de soi se meut
dans l'enclave de liberté qui s'offre à chacun
entre dette et créance, allégeance et autonomie,
à la lisière du défini et de l'indéfinitif,
du passé et de son devenir,
entre l'orient et le ponant de chaque être.
Se procurer l'ouvrage :
Le courage d'être soi, une charte du mieux-être avec soi-même et avec autrui
Jacques Salomé
1999 (réédité en 2003)
Pocket Evolution, Les Editions du Relié
219 pages
http://www.amazon.fr/Courage-d%C3%AAtre-soi-mieux-%C3%AAt...
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Peinture, Poësie, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 28 décembre 2014
Considérations sur la violence, la religion et la femme - le décentrage empathique
Les deux carrosses, Claude Gillot (1673-1722)
Musée du Louvre
Source : http://www.illustre.ch/illustre/article/boris-cyrulnik-%C...
Propos de Boris Cyrulnik
[...]
La violence, jusqu’aux années 60, était adaptative. J’ai connu l’époque où les ouvriers travaillaient douze heures par jour et six jours par semaine. Le travail était violent, les rapports sociaux aussi. Quand je suis venu au monde, en 1937, il n’y avait pas de caisse de retraite, pas de sécurité sociale, donc la violence des hommes était une valeur pour s’adapter à la violence du monde. Les femmes méprisaient d’ailleurs les hommes non violents. Elles les appelaient femmelettes, omelettes… Les mères méprisaient leur fils s’il n’était pas bagarreur. Et puis, après les années 60, il y a eu la croissance économique et l’émergence des droits de l’homme. On s’est demandé alors si la violence était vraiment, dans notre société, une manière de vivre ensemble et d’être heureux.
[...]
La violence n’était plus adaptée à un contexte de paix. On s’est rendu compte qu’elle n’apportait que du malheur: violence conjugale, violence familiale, violence culturelle, violence de la guerre. La violence que l’on voit ressurgir aujourd’hui n’est pas due à une réadaptation à un contexte de violence, mais à l’émergence d’une idéologie totalitaire: l’islamisme, le djihadisme. On voit réapparaître la violence la plus effroyable pour défendre un Dieu. C’est un retour à la barbarie.
[...]
Il y a une formule qui s’applique bien en l’occurrence, c’est celle de La Boétie, le copain de Montaigne. Il parle du bonheur dans la servitude volontaire. Pourquoi les hommes éprouvent-ils un tel bonheur à se soumettre? Parce que dès qu’on s’engage dans un groupe, que ce soit chez les nazis, les communistes ou les djihadistes, on n’a plus d’angoisse. Tous les criminels de guerre disent la même chose: «Je n’ai fait qu’obéir, donc je ne suis responsable de rien.» Cette perte de jugement apporte un grand bénéfice psychologique. C’est un tranquillisant.
[...]
La religion qui a le plus protégé les femmes, c’est le christianisme, parce qu’il y avait la Vierge Marie. J’ai un peu de mal à comprendre la violence des djihadistes contre les femmes, de même que j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi il y a tant de femmes qui sont séduites par les djihadistes. [...] Ça me rappelle le nazisme, là aussi. Les nazis avaient un mépris incroyable pour les femmes: ils les traitaient de juments, de poules. Pourquoi ont-elles voté pour le nazisme? Parce que le nazisme leur promettait mille ans de bonheur. Le même discours que les djihadistes! Si vous vous voilez, vous serez une femme vertueuse, on va vous respecter, vous serez plus près de Dieu. Beaucoup de femmes appellent cela le féminisme djihadiste. Vous comprenez cela, vous? [...] Lévi-Strauss disait qu’on fait circuler les femmes pour faire du social. On les marie au gré des nécessités: tu épouseras Untel parce qu’il a un champ voisin du mien, parce que c’est le fils d’un roi qui nous permettra d’éviter la guerre… En donnant les femmes, on assure la paix sociale. Mais ça implique que la personnalité des femmes n’existe pas.
[...]
Je pense qu’on ne sait pas vivre en paix. On est plus doué pour vivre dans la guerre, même si ça nous fait souffrir, que pour vivre dans la paix. Parce que pour vivre en paix, il faut prendre l’initiative du bonheur. Il faut organiser des fêtes, il faut parler gentiment, il faut chercher à comprendre l’autre, cet autre qui n’a pas la même couleur de peau que moi, pas la même religion, pas le même niveau social. Je dois me décentrer empathiquement de qui je suis pour me représenter qui il est.
[...]
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Politique & co, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : boris, cyrulnik, gillot, deux carrosses
vendredi, 26 décembre 2014
Neuvaine à saint Joseph - De La Tour
L'Apparition de l'ange à saint Joseph, Georges de La Tour Saint Joseph, Georges de la Tour
dit aussi le Songe de Saine Joseph Au Musée du Louvre
Au Musée des Beaux-Arts de Nantes
Glorieux saint Joseph, époux de Marie, accordez-nous votre protection paternelle, nous vous en supplions par le Cœur de Jésus-Christ.
Ô vous dont la puissance infinie s'étend à toutes nos nécessités et sait nous rendre possibles les choses les plus impossibles, ouvrez vos yeux de Père sur les intérêts de vos enfants.
Dans l'embarras et la peine qui nous pressent, nous recourons à vous avec confiance.
Daignez prendre sous votre charitable conduite cette affaire importante et difficile, cause de nos inquiétudes.
Faites que son heureuse issue tourne à la Gloire de Dieu et au bien de ses dévoués serviteurs.
Amen
Saint Joseph, église Saint-Germain-des-Prés
Crédits photographiques Jana Hobeika
> A consulter également :
http://www.ndgrace-passy.com/editoriaux/editoriaux_10/edi...
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Foi, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)