lundi, 19 janvier 2015
Baiser
Extrait du billet d'Audrey Diwan, in magasine gratuit Stylist, N°050, 27 mai 2014 :
Etre amoureux
Ils sont là à s'embrasser, fouillant chacun la bouche de l'autre comme s'ils y avaient perdu quelque chose. Comme si chacun tentait de rentrer en l'autre et d'y disparaître pour de bon. L'amour se change un instant en fresque cannibale. C'est à la fois intense, joyeux et parfaitement obscène.
Tu es fascinée par ce spectacle. Tu n'avais pas vu pareil baiser depuis le collège et l'époque où chaque pelle était une revendication, une marche franche vers l'âge adulte et la sexualité libre. Eux, représentent quelque chose de différent : déjà, ils ont 40 ans. Et ce baiser n'est même pas une réminiscence, pas non plus une forme de nostalgie. C'est un baiser compulsif, inévitable. Pourtant, il y a plein de gens autour d'eux, pourtant les gens les regardent du coin de l’œil, mi-moqueur mi-envieux, mais rien n'arrête leurs mains qui, elles aussi, se mêlent maintenant doucement de la partie.
Michel Audiard écrivait : "Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît." Toi, tu te dis que les amoureux sont pires que les cons en matière d'audace. A moins que ce ne soit l'amour qui rendre idiot.
Et courageux à la fois.
L'histoire récente de France ne manque pas de preuves. Domenech qui demande sa main à Estelle Denis à la télévision, insensible aux ricanements de millions de téléspectateurs. Un président qui met en péril sa sécurité pour apporter des croissants à l'élue de ses pensées.
Tous ont à cet endroit-là une forme d'insensibilité, une anesthésié passagère de la conscience. Tu te dis que de toutes les drogues, c'est sans aucun doute la plus efficace. Même un cocaïnomane ne prendrait pas autant de risques, se souvenant vaguement qu'une fois l'effet de la substance altéré, resteraient les conséquences de ses actes. [...]
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Peinture, Trivialités parisiennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baiser, picasso
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