vendredi, 11 juillet 2014
Petit bréviaire des tempéraments
Extrait de "Petit bréviaire des tempéraments", François-Gildas Tual, in "Cité musiques, la revue de la Cité de la musique", n°73, janvier-juillet 2014
Qu'on souffle de plus en plus fort dans un tuyau et le voici sonnant successivement à l'octave puis à la quinte supérieure, montrant le caractère naturel de ces intervalles. En maintenant le souffle égal, on obtiendrait un résultat comparable en ôtant du tuyau la moitié ou les deux tiers de la longueur, corrections de diamètre mises à part. Car il en est des tuyaux comme des cordes : coupé en deux ou en trois, ils rappellent que les nombres les plus simples produisent, par multiplication de fréquences, les combinaisons sonores les plus harmonieuses.
Les philosophes grecs ont très tôt révélé la perfection numérique des intervalles les plus agréables à l'oreille. Passant à côté d'une forge, Pythagore aurait pesé les marteaux s'abattant sur l'enclume afin de comprendre pourquoi ils sonnaient si bien ensemble, tandis qu'Hippas aurait utilisé des disques de bronze d'épaisseurs différentes, Lasos d'Herminè des vases à moitié, au tiers ou au quart pleins. Des légendes charmantes mais scientifiquement discutables, dont on retiendra surtout que de l'ordre dépend l'harmonie, du sage dépend le beau.
Résumons : il suffit de multiplier par 2 une fréquence pour parvenir à l'octave, par 3 pour entendre la quinte supérieur, par 3/2 pour avoir la première quinte au-dessus de la note initiale. Considérés comme purs, ces intervalles peuvent servir à la construction d'une gamme puisque, sautant de quinte en quinte, on rencontre les douze degrés de la gamme chromatique avant de retrouver la note de départ, transposée de quelques octaves.
Ironie des nombres, la combinaison de rapports simples engendre des rapports compliqués. Parce que le résultat est différent selon qu'on multiplie une fréquence par 3/2 à douze reprises ou qu'on la multiplie par 2 sept fois, la dernière note du cycle des quintes est trop haute, séparée d'un comma de la septième octave attendue. Pour construire une gamme à partir des quintes pures, il n'est donc d'autre solution que d'oublier la douzième multiplication, et d'admettre la présence d'une plus petite quinte très dérangeante. Les intervalles purs mis bout à bout ne faisant pas nécessairement bon ménage, les musiciens furent donc condamnés à fausser, ou plutôt à corriger leurs calculs, afin d'en tirer un résultat plus juste.
Sont dits purs les intervalles issus d'un rapport de fréquences arithmétiquement simple. Les notes ainsi unies ont la propriété acoustique de ne faire entendre aucun battement, capables de fusionner et de donner l'impression de ne former qu'un seul son. Ainsi l'octave (2/1) et la quinte (3/2), longtemps considérées comme des consonances parfaites, ainsi que les tierces majeures (5/4) et mineures (6/5), devenues consonances imparfaites. Les tierces obtenues au moyen du cycle pythagoricien des quintes n'étant pas pures, il est illusoire de vouloir trouver un système préservant simultanément la pureté de tous les intervalles.
Au XVIe siècle, conformément à l'évolution des sensibilités musicales, Zarlino suggéra de résoudre le problème en associant la pureté de quintes à celle des tierces. Mais un autre écueil se dressa car, dans son système, il existait maintenant plusieurs sortes d'espaces entre les notes conjointes ; en clair, le ré n'était plus également distant du do et du mi, et chanter une gamme revenait à monter un escalier fait de marches de hauteurs différentes, avec des tons majeurs et des tons mineurs.
C'est pourquoi d'autres théoriciens décidèrent d'en finir avec la pureté utopique des gammes naturelles, et imaginèrent toutes sortes de tempéraments*. Veillant à ce que les écarts intempestifs fussent répartis tantôt régulièrement, tantôt irrégulièrement entre les autres intervalles, ils avaient pour premier souci que chaque rapport fût satisfaisant à l'oreille. Ils voulaient à la fois ne pas trop déformer les quintes naturelles, préserver la qualité de tierces, et éviter au musicien de tomber dans la gueule, ou plutôt dans la Quinte du loup, c'est-à-dire dans un intervalle mal dimensionné. Le tempérament étant fixé par l'accord préalable de l'instrument, il leur était aussi difficile de s'adapter aux modulations car le moindre changement de tonalité modifiait la distribution des intervalles dans la nouvelle gamme. C'est pour cette raison que Bach élabora un système qui pût répondre aux exigences du Clavier bien tempéré, dont les préludes et fugues traversaient les vingt-quatre tonalités.
D'un tempérament* à l'autre, une même gamme majeure pouvait sonner très différemment ; au sein d'un même tempérament, elle pouvait changer d'aspect selon la note de départ. Autant dire que les couleurs de l’œuvre dépendaient totalement du tempérament choisi, et que l'invention du tempérament égal** ne fut qu'un progrès relatif. Loin de la pureté pythagoricienne, il avait certes le mérite de paraître moins faux mais, en ne recourant qu'à une sorte de demi-ton, il rendait les diverses tonalités affreusement uniformes, réduisait les possibilités d'expression, jusqu'à abolir l'éthos des modes qui ne fut dès lors plus mentionné qu'à des fins symboliques. Au XXe siècle, certains décidèrent de s'extraire de ce carcan égalitaire en se réfugiant, les uns dans les micro-intervalles, tiers, quarts ou huitièmes de tons, les autres dans les hauteurs indéterminées des percussions ou des nouveaux moyens de production du son. A nous de trouver désormais consolation en écoutant les œuvres anciennes interprétées comme elles purent l'être autrefois, ou en sortant de nos territoires afin de partir en quête de musiques qui auraient échappé à de telles spéculations rationnelles. Hors des frontières occidentales, il en demeure qui laissent les notes se mouvoir librement en fonction des modes, des lignes mélodiques, des rapports harmoniques ou des affects, nous rappelant que stabilité et égalité ne vont pas de soi dans les domaines du sens et du sentiment.
* Tempérament : du latin impérial temperamentum, "juste proportion", ou du latin classique temperare, adoucir.
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jeudi, 10 juillet 2014
Clavecin et Jean-Sébasien
Extrait de "Les as du sautereau", Philippe Venturini, in "Cité musiques, la revue de la Cité de la musique", n°73, janvier-juillet 2014
[...] quatre axes qui régissent la musique pour clavier de Bach : les styles français (les suites) et italien (les concertos) que, comme ses contemporains, il se plaisait à vouloir mêler, les compositions savamment construites selon les règles du contrepoint comme Le Clavier bien tempéré ou les Variations Goldberg, et les pièce pédagogiques comme les Inventions et Sinfonias que tout apprenti claveciniste (et pianiste) a eu entre les doigts. Le génie synthétique de Bach a cependant allègrement sauté ces barrières, n'oubliant jamais d'instruire en divertissant. Ne destinait-il pas ses redoutables Variations Goldberg "à l'intention des amateurs pour la récréation de leur esprit"?
L'aventure révélera des pages moins connues que la Fantaisie chromatique et fugue ou les Toccatas, mais elle donnera aussi l'occasion de découvrir l'extraordinaire variété de la facture du clavecin grâce à des instrument historiques issus de collections particulières ou du riche Musée de la musique comme le Goujon/Swanen et le Hemsch.
Le premier se remarque par sa débauche d'or sur laque noire, ses vols d'oiseaux, ses bouquets d'arbres, ses pagodes et ses kimonos typiques de l'engouement européen pour les chinoiseries au milieu du XVIIIe siècle. Construit par Jean-Claude Goujon, il subira un premier ravalement, c'est-à-dire une extension du clavier, en 1749 (signature DF) puis un second en 1784 par Jacques Joachim Swanen. Il compte soixante-et-une notes (cinq octaves), deux jeux de 8 pieds et un de 4 pieds, deux claviers, des genouillères destinées à des effets tels que le diminuendo et le jeu de "buffle" (une pièce de cuir actionne la corde).
Le second clavecin contraste par sa sobriété noire et or, qui n'empêche pas le fleurs de s'épanouir sur la table d'harmonie. Œuvre du facteur d'origine allemande Jean-Henri Hemsch installé à Paris, cet instrument de 1761 représente l'archétype français d'alors, sonore et lumineux : deux claviers, deux jeux de 8 pieds, un jeu de 4 pieds et un jeu de luth, cinq octaves. Le réglage de chacun, le fameux tempérament qui régit l'accord, longtemps variable avant de devenir égal (Le Clavier bien tempéré), participera aussi à la diversité musicale autant que la personnalité de chaque artiste.
"Contrairement à ce que l'on croit trop souvent, le son du clavecin change au gré des interprètes, explique Olivier Baumont. Chaque claveciniste fait naître sa propre sonorité." [...]
07:04 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bach, clavecin, clavier
mercredi, 09 juillet 2014
L'enfant de l'art - Mozart
"L'enfant de l'art", Florence Badol-Bertrand, in "Cité musiques, la revue de la Cité de la musique", n°73, janvier-juillet 2014
Il était une fois un petit garçon. Deuxième rescapé d'une fratrie de sept, il s'était cramponné à la vie à la suite de sa sœur aînée de cinq ans, Nannerl. Tous deux grandissaient dans un foyer aimant, animé par la joie de vivre de la mère et la musique de Leopold, le père. Lorsqu'elle eut 8 ans, le père commença à enseigner le clavecin à sa fille. Nannerl s'amusait tant à jouer que son frère ne cessait de rêver du moment où il apprendrait à son tour. Peu après, Leopold notait : "Ce menuet a été appris par mon fils un jour avant sa cinquième année".
A partir de 1763, ils sillonnèrent l'Europe trois ans durant, apportant leur radieuse lumière aux têtes couronnées avides d'émerveillement. Entretemps, le petit garçon avait commencé à composer pour clavier sans tarder à s'atteler à de plus vastes dimensions avec sa Première Symphonie écrite à Londres en 1764. Méticuleux, il avait demandé à sa sœur "de lui rappeler de donner quelque chose de beau aux cors". Et les cors jouent dans l'Andante une succession de quatre notes qu'il reprit symboliquement plus tard dans un Credo et dans sa dernière symphonie emplie de lumière.
Pour se faire la main en composition, il prenait une sonate et la transformait en concerto en répartissant les différentes lignes entre un clavier et un petit orchestre. Ainsi fut élaboré son Premier Concerto pour piano de 1767 à partir de sonates de Raupach et Honauer. Dans le même geste, il se constituait un répertoire qu'il joua longtemps en tournées.
Enfin, il partageait la musique de chambre avec son père et sa sœur dans différentes combinaisons de clavier et violon. Il adorait y glisser des effets pour s'amuser, tel ce rondeau dans lequel il faut être parfaitement exact pour croiser les mains, sans quoi on se heurte au risque d'en mourir de rire.
A Salzbourg, il faisait la fierté de ses compatriotes qui le sollicitèrent à leur tout. C'est ainsi qu'on lui commanda la cantate dramatique Apollo et Hyacinthus. Quelle bonne manière d'expérimenter les voix, la scène et ses conventions... de quoi s'aguerrir pour affronter la patrie de l'opéra !
14 et demi et on lui transmet le livret de Mitridate pour les représentations milanaises de Noël 1770 ! Un succès extraordinaire qui vaut au Maestrino la commande de Lucio Silla pour 1772. Les découvertes et rencontres italiennes ont aiguisé son sens critique. Il a entendu divas et castrats, compris ce qu'ils attendent, ce qui fera mouche ou ce qui est passé de mode. Aussi travaille-t-il les récitatifs "à s'en faire mal aux mains" en ajustant les airs aux qualités de chaque chanteur "pour bien mesurer l'habit au corps". Si le cahier des charges de l'opera seria est parfaitement respecté, certains passages s'en démarquent déjà : des cavatines pour changer des sempiternels arie da capo, le duo d'amour du premier acte...
C'est au retour du deuxième séjour italien, le 16 décembre 1771, que la vie bascule. Le bienveillant archevêque Schrattenbach meurt le jour même et avec lui la liberté de courir le monde. La Salzbach devient une frontière contrôlée par le nouvel élu et peu tolérant Colloredo. Divertimenti et messes constituent la tâche essentielle tandis qu'Amadeus renonce aux genres qui lui tiennent à cœur : symphonie, concerto pour piano, opéra... Le bouquet des cinq concerti pour violon composé dans la seule année 1775 est représentatif des goûts du prélat : les mouvements rapides dans l'exubérance italienne, les lents de type aria di amore, ou ariette française, les finale en rondeau à la française aux refrains pastoraux. Mais l'adolescent tord plus d'une fois le cou aux principes : une turquerie véhémente, des à-coups tragiques, l'infini cantabile étouffé par les sourdines... Sous sa plume, le style galant recrée une sensation qui prend source dans l'enfance : celle du jeu ignorant les limites. L'espace circonscrit de la partition permet d'en redécouvrir la saveur dans un temps dont le recul - ses 19 ans - lui a déjà révélé la fugacité.
Mais l'expression tragique éclate. Début 1777, la pianiste française Jeunehomme lui donne l'occasion d'exprimer la douleur profonde dans le mouvement lent du Neuvième Concerto. La perspective d'un séjour parisien alors avivée, il compose son Concerto pour hautbois, instrument implicitement lié à la culture française. En outre, il choisit pour rondo la mélodie de sa Sonate à quatre mains de Londres qui ne peut que lui rappeler les souvenirs de l'enfance pérégrine et qu'il associe par la suite à l'idée de liberté : air de Blonde prisonnière du sérail, finale de la Gran Partita d'une incroyable liberté stylistique, Pamina et Papageno faussant compagnie à Monostatos. Le message set donc clair. D'ailleurs, en septembre, la coupe est pleine. L'archevêque ayant refusé les congés, Leopold consent à laisser partir son fils avec sa mère. L'étape de Mannheim est capitale : il tombe amoureux de la cantatrice Alyosa Weber, découvre l'orchestre le plus avant-gardiste et fraternise avec les vents, dont Wendling, flûte-solo, qui lui fait obtenir la commande d'un flûtiste amateur. Un peu moins motivante que si elle avait été pour lui, elle comprend le Premier Concerto en sol. Rien ne saurait alors altérer sa légèreté :
"M. Wendling sera fâché
Que je n'aie presque rien écrit
Mais en passant le Rhin
Je rentrerai c'est certain
Et j'écrirai quatre Quartetti
Pour ne pas être coquin
Le Concerto me le réserve pour Paris
Là le gribouille d'un coup"
Mais à Paris, le coup fatal est porté. La mort de sa mère, dont Leopold lui attribue la responsabilité, le propulse dans la sphère adulte, un boulet à tirer pour l'éternité.
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mardi, 08 juillet 2014
L'esprit mozartien des quatuors à cordes
"De l'esprit mozartien", Bernard Fournier, in "Cité musiques, la revue de la Cité de la musique", n°73, janvier-juillet 2014
En dehors de leur qualité artistique exceptionnelle, les quatuors de Mozart représentent une expérience spirituelle capitale. Ils montrent l'itinéraire d'un génie dont les perspectives esthétiques évoluent radicalement, mais aussi d'un homme ne proie au succès facile, puis au doute et aux difficultés, d'un homme aux sentiments ambivalents. Derrière l'élégance et la légèreté, derrière l'alacrité apparente, se révèle quelque chose qui procède de l'angoisse, du désarroi, voire du désespoir. Si ces œuvres reflètent la transformation d'une écriture et d'un style, elles participent aussi à l'approfondissement d'un genre comme moyen d'expression privilégié du moi. Dans ses quatuors, Mozart se focalise de plus en plus sur "l'inexprimable, en tant qu'inexprimable" (Simone Weil, La Pesanteur et la Grâce), à une époque où, précisément, s'opère une mutation des objectifs de la musique instrumentale qui s'éloigne d'une simple imitation de la nature.
Deux ans après un délicieux quatuor composé à 14 ans, les Quatuors "milanais", tout en s'inspirant des modèles italiens, trouvent à la fois un ton et un style personnels : beauté des thèmes souvent empreints d'un lyrisme ou d'un charme caractéristiques de cpmpositeur, traitement du motif via le dialogue instrumental.
Ebloui par la découverte des Quatuors opus 20 de Haydn, Mozart écrit ses Quatuors "viennois", œuvres parfois austères, où il cherche ici à concilier son désir d'expression personnelle et la nécessité qu'il s'impose de suivre un modèle contraignant et étranger à sa sensibilité.
Après le choc des Quatuors opus 33 de Haydn, Mozart prend quatre ans pour écrire six quatuors qu'il dédie à son aîné devenu ami. "Fruits d'un long et laborieux effort", ces chefs-d’œuvre absolus, où le style sérieux voire dramatisant intègre avec naturel des tendances ludiques et populaires, traduisent une pensée musicale complexe. A travers la transparence de l'écriture percent des signes multiples mais discrets et disséminés grâce auxquels s'exprime l'angoisse de la condition humaine, portée par cette douloureuse palpitation de l'âme et qui, avant ces quatuors, n'avait jamais encore trouvé à se manifester avec autant de résonance profonde.
Astre isolé, le Quatuor K. 499 se révèle un des plus parfaits du compositeur dont l'esthétique ambivalent s'exprime ici de manière moins voilée, mêlant charme et rudesse, abandon pré-schubertien et inquiétude. Opus inachevé, les Quatuors "prussiens" sont teintés d'amertume. Parfois sombres et même âpres, les deux derniers sont parcourus de notations étranges, grinçantes, voire grimaçantes, Mozart connaissant ici une sorte de période "expressionniste" mais tempérée par les canons du classicisme.
Avec ses dix derniers quatuors, Mozart a atteint les plus hauts sommets du genre, la transparence de l'écriture et la pudeur du style se conjuguant avec l'expression la plus intime du trouble de l'âme.
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samedi, 05 juillet 2014
Voyage dans les catacombes et le temps
Camille Saint Saens (1835-1921)
Saint-Saëns à l'Opéra Garnier, crédits photographiques Jana Hobeika
http://www.youtube.com/watch?v=YyknBTm_YyM
http://www.youtube.com/watch?v=g3DOCTWoBM8
https://www.youtube.com/watch?v=MdZShj03khU&feature=y...
http://www.youtube.com/watch?v=71fZhMXlGT4
Transcription pour piano par Liszt, interprétée par Horowitz
http://www.youtube.com/watch?v=xvrMKzuea0c
Transcription pour un duo violon-piano
http://www.youtube.com/watch?v=X0z3KuivDow
http://www.youtube.com/watch?v=_Ye03Gu2dHA
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vendredi, 04 juillet 2014
L'atonalisme au Collège de France
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vendredi, 06 juin 2014
Lettre ouverte à Deborah de Robertis
Lettre ouverte à Deborah de Robertis
Cherchez l'erreur..., l'intruse qui erre...
Mademoiselle ou Madame,
Je n'avais pas prévu de prendre la plume aujourd'hui. Mais il arrive que la colère tourne à l'encre.
"Deborah"... Je vais commencer par une anecdote enfantine. A l'âge de huit, neuf ans, une fillette qui vivait en Suisse dans les années quatre-vingt et porte le même prénom que vous, entendait en moqueries "Déborah, déborde pas !". A ne pas méditer, c'est un simple clin d’œil au prédéterminisme des prénoms qui me sert ici de prologue.
Le sexe est et reste un lieu d'amour, de plaisir, et de naissance. Chacun choisira l'ordre qui lui convient et la possibilité ou non de cumuler entièrement ou en partie les trois prérogatives ici énoncées. Et les amants sont libres de se contempler l'un l'autre. Et les exhibitionnistes de se montrer, au risque de se faire prendre. Et les voyeurs de voir ce qu'ils en pensent.
Mais le sexe n'est pas un œil, ni de près ni de loin, et ne peut pas être assimilé à un œil. Ni le sexe de la femme, ni celui de l'homme - et ne vous amusez pas à récidiver avec le sexe de l'homme. Peut-être avez-vous regardé avec ferveur Le seigneur des anneaux et avez-vous vu dans l’œil maléfique une fente verticale qui vous rappelle votre foufounette. C'est bien le seul endroit - à ma connaissance - où cet amalgame douteux puisse être commis.
Et si vous avez qualifié votre sexe d’œil, c'est bien pour donner libre cours à votre exhibo-voyeurisme à vous. L'on dit bien sado-maso, alors permettez cet exhibo-voyeurisme ou exhibo-voyo. Oui, votre exhibo-voyeurisme à vous, qui vous gavez du regard des personnes qui sont - par hasard ou par votre entremise - au contact de vos soi-disant "œuvres". Vous voulez faire de ces personnes une partie intégrante de votre "œuvre" ? Fichtre. Si j'avais été présente ce jour-là, vous auriez vu cette lettre prendre une tournure différente et d'autant moins plaisante à votre égard.
Poursuivons le raisonnement : votre sexe serait un œil. Donc il regarde. Et alors vous voudriez faire croire que si l'on le regarde en retour, on fait autre chose que regarder l'entrée de vos organes reproducteurs. Nous serions les yeux dans les yeux avec votre personne ? Re-Fichtre. Notez que c'est bien vous qui ouvrez l’œil en premier. La métaphore en devient drôle puisque - comme Courbet le rappelle fidèlement - tout n'est pas dehors, il y a comme des paupières que l'on a toujours appelées "lèvres". Vous voudriez peut-être que l'on change de vocabulaire suite à votre sortie sans bas au musée... Mais je ne devrais pas écrire ceci, vous allez maintenant vouloir faire parler votre chatte.
Il adviendra aussi après vous, dans peut-être une trentaine d'années, le temps de passer à la (dé)génération suivante, un individu encore plus dégénéré donc et par conséquent moins gêné que vous - entendez qui a moins froid aux yeux que vous -, qui aura dépouillé une morgue d'un corps de femme pour découper son vagin ou son utérus en dés bien carrés, disposés en vrac ou dans un ordre mal pensé par elle ou lui, et alors déposés en offrande, en hommage, en prolongement, en réplique,... mais non, en insulte à Courbet.
Il faudrait en effet penser à Courbet, et Schubert par la même occasion. Et demander qu'on cesse de les insulter en qualifiant d'art un vague délire mineur qui les a pris en otages. Car ce sont eux les véritables otages de cette pauvre prestation, bien plus que les visiteurs à qui les représentants du musée ont jugé qu'il fallait à un moment donné rappeler où se trouvait la sortie. Mais le tableau, lui, ne pouvait pas se défaire de ses clous, ni la bande son se taire. Et d'ailleurs, de nos jours aussi incivilisés soient-ils, l'on demande quand même bien l'autorisation à un photographe avant d'utiliser son travail - en tout cas c'est la politique de notre maison. Il aurait fallu penser à Schubert et, non pas lui demander ce qu'il pense de l'utilisation de son Ave Maria..., mais vous retenir. En toute simplicité.
Et je m'abstiens de commenter votre "je veux que tu me reconnaisses vierge comme l'eau créatrice du sperme".
Je n'avais pas non plus prévu de prendre ma plume pour défendre ce Courbet que je comprends encore peu et que je suis encore loin de contempler. Tout de même, je sais lire et j'ai lu des experts qui s'accordent à dire que la femme peinte vient d'être aimée. Par le peintre lui-même selon certains avis. Qui aurait alors voulu la coucher sur sa toile - que voilà sur la toile. Les experts se sont penchés sur la chair du modèle pour dire qu'elle est enflée, enflée d'amour. Et alors il y a deux actes : l'amour charnel et puis la peinture.
Vous avez peut-être fait - tout à fait malgré vous - un pas pour ceux qui sont peu versés dans la peinture, Mademoiselle ou Madame de Robertis : en écartant vos cuisses inélégantes, vous avez mis en valeur L'origine du monde de Courbet et rappelé que Schubert est le compositeur de cet Ave Maria. Si d'aucuns voyaient un grand écart entre l'Ave Maria et L'origine du monde, vous venez de réduire cet espacement par votre écartement de jambes qui vous propulse au fin fond du monde, déplaçant ainsi le barycentre de ce qui est communément acceptable ou accepté, ou les deux.
Mais si l'on revient à vous : après toute la réflexion soi-disant artistique dont vous vous êtes fendue - il paraît -, vous n'avez fait que poser votre derrière et étaler l'entrée de vos organes génitaux - au passage, instruisez-nous, s'en relève-t-on les fesses froides ou très froides ? De surcroît, il a bien fallu y mettre vos doigts. Voyez, voyez bien, vous êtes seule. Accompagnée peut-être de personnes fondues dans la foule des visiteurs et qui ont initié des applaudissements. Sur le plan sociologique, il aurait mieux valu qu'elles s'abstiennent de faire ce raffut de paluches - d'ailleurs, le lieu était un musée sans œuvres sonores, n'est-ce pas ? et voilà que vos compères éparsement planqués et vous en avez fait un vague cirque - histoire que nous puissions validement observer les visiteurs et leur véritable (non-)réaction.
Je vous l'écris derechef : voyez, voyez bien, vous êtes seule. Vous n'avez rien à voir avec le tableau, mis à part le fait de faire partie du même sexe que le modèle, comme la moitié de l'humanité au passage, l'autre moitié faisant partie du même sexe que le peintre.
C'est là qu'il y aurait de quoi verser quelques larmes, puissent-elles être dorées.
Jana Hobeika
Paris, le 6 juin 2014
http://www.youtube.com/watch?v=OgO5e-nYJBg
Deborah de Robertis affirme : « Il y a un « trou » dans l’histoire de l’art, le point de vue absent de l’objet du regard. Dans sa peinture réaliste, le peintre montre des cuisses ouvertes, mais le sexe reste fermé. Il ne dévoile pas le trou, c’est-à-dire, l’œil. Je ne montre pas mon sexe, mais je dévoile ce que l’on ne voit pas dans le tableau, l’œil du sexe, le trou noir, cet œil enfoui, ce néant, qui au-delà de la chair répond à l’infini insoutenable, l’origine de l’origine. Face à la surexposition du sexe dans notre monde contemporain, il n’y a plus rien à dévoiler, sauf l’annonce d’un monde nouveau où les grands maîtres se laissent regarder par les femmes. Je propose le miroir inversé du tableau de Courbet, qui nous rappelle que l’histoire se raconte dans le deux. »
Dans la presse
http://www.lefigaro.fr/culture/2014/06/03/03004-20140603A...
http://www.20min.ch/ro/news/monde/story/-Une-scene-devant-mon-sexe-et-devant-mes-yeux--18510081
Un fan ou un amoureux, en tout cas un partisan
http://youngbohemia.blogspot.fr/2014/06/performance-artist-deborah-de-robertis.html
La vidéo
http://www.dailymotion.com/video/x1yaxll_une-artiste-expose-son-sexe-sous-l-origine-du-monde_redband
A propos de L'origine du monde de Courbet :
http://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/courbet/o...
12:34 Publié dans Beaux-Arts, Musique, Peinture, Trivialités parisiennes, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : courbet, l'origine du monde, schubert, avec maria, le seigneur des anneaux, musée d'orsay, deborah de robertis