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dimanche, 08 juillet 2012

Psaume 62

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Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.
 
 
Je t'ai contemplé au sanctuaire
j'ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie
tu seras la louange de mes lèvres !
 
 
Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.
 
 
Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
Mon âme s'attache à toi,
ta main droite me soutient.
 
 
Mais ceux qui pourchassent mon âme,
qu'ils descendent aux profondeurs de la terre,
qu'on les passe au fil de l'épée,
qu'ils deviennent la pâture des loups !
 
 
Et le roi se réjouira de son Dieu.
Qui jure par lui en sera glorifié,
tandis que l'homme de mensonge
aura la bouche close !  

 

10:08 Publié dans Foi | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 07 juillet 2012

Etymologie - Chronographe

Chronographe
Source : L'Express, 23 février 2011

 

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> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html

 

vendredi, 06 juillet 2012

Le Rouge et le noir - Stendhal 2/2

Nouvelle édition, augmentée... 

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Téléfilm : Le Rouge et le noir (1997, durée 1h35 & 1h50)

Réalisateur : Jean-Daniel Verhaeghe

D'après Stendhal.

Julien Sorel (Kim Rossi Stuart), Louise de Rênal (Carole Bouquet), monsieur de Rênal (Bernard Verley), Mathilde de La Môle (Judith Godrèche),  le marquis de La Môle (Claude Rich), Elisa (Camille Verhaeghe), l'abbé Pirard (Rüdiger Vogler), l'abbé Chelan (Maurice Garrel), le comte Altamira (Francesco Acquaroli), madame de Fervaques (Claudine Auger)

 

¤   ¤   ¤   deuxième partie   ¤   ¤   ¤

 

Julien Sorel : Oui, je suis le secrétaire du marquis mais je ne suis pas payé pour assister à leurs soirées. Ils croient me faire plaisir. Je serais cent fois plus heureux de dîner tout seul dans une petite auberge à quatre sous.

L'abbé Pirard : Julien, tout Paris se bat pour être invité dans cette maison. C'est une famille puissante. Leurs amis les respectent et le respect n'est jamais amusant.

Julien Sorel : Vous auriez vu le regard que porte sur eux la fille du marquis. Elle est assez prétencieuse mais elle n'est pas idiote. Tout le contraire de son fiancé, elle, elle n'est pas dupe. C'est le plus doré et le plus ridicule du groupe.

L'abbé Pirard : Calme-toi.

Julien Sorel : Alors c'est décidé ? Vous partez pour la Normandie.

L'abbé Pirard : Dès ce soir.

Julien Sorel : Si seulement vous pouviez faire quelque chose pour ces dîners, ces réceptions, si vous pouviez obtenir, je ne sais pas, que...

L'abbé Pirard : Ne compte pas sur moi.

Julien Sorel : Je serais si heureux tout seul dans ma chambre avec le Mémorial de Sainte-Hélène. J'ai eu la chance de le trouver dans une très belle édition.

L'abbé Pirard : Les leçons du Christ sont aussi profitables et moins dangeureuses pour ta réputation. Je reviendrai dans quelques mois.

Julien Sorel : Je vais être très seul.

 

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Julien Sorel : Je peux vous aider ?

Mathilde de La Môle : Rien ne vous y oblige. Vous n'êtes pas payé pour ça.

Julien Sorel : Je suis payé pour vous répondre avec politesse. Et je vis de mon salaire.

Mathilde de La Môle : Je cherche Beaumarchais et Walter Scott. Vous savez où ils se trouvent ?

Julien Sorel : Je vous demande un instant, je ne suis pas encore habitué.

Mathilde de La Môle : Et Le mémorial de Sainte-Hélène, il y a ça ici ? Ou alors dans votre chambre, peut-être.

Julien Sorel : ... Walter Scott, il me semble en avoir vu un volume ce matin... Moi, mademoiselle, je crois que la France n'a jamais été aussi haut dans l'estime des peuples que pendant les treize années au cours desquelles l'empereur a régné.

Mathilde de La Môle : Régner, c'est bien le mot. Avec ses chambellans, sa noblesse de dentelle et ses réceptions, il a rendu à la France toutes les niaiseries d'avant la révolution.

Julien Sorel : Ce n'est pas tout ce qu'il a fait.

Mathilde de La Môle : Faire tuer dix mille soldats sur les champs de bataille, c'est plus courageux en effet.

Julien Sorel : Oui, mais il y était, lui, sur les champs de bataille !! C'est plus risqué que de se retrancher dans les beaux quartiers, en tremblant de peur que la révolution ne revienne ! Walter Scott, Ivanhoé, voilà.

Mathilde de La Môle : La règle étant de ne parler à dîner ni de Dieu ni du roi, ni de l'opposition ni de la révolution, surtout pour en dire du bien, il ne nous reste plus que le temps qu'il fait. Moi aussi j'trouve ça mortel. Alors si vous avez d'autres idées, surtout ne vous gênez pas.

Julien Sorel : Si vous décidez de parler de cet incident à votre père, je partirai dans l'heure.

 

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Le comte Altamira : On ne s'amuse plus en France, plus de passion, plus de folie. Même la cruauté n'est plus drôle, quel gâchi !

L'homme qui arbitre le duel : Messieurs, quand vous voulez.

Le comte Altamira : J'ai visé l'articulation, j'espère que je ne vous ai pas fait trop mal.

[...]

Le comte Altamira à lui-même : Il y a toujours une première fois, je viens de me battre avec un domestique.

 

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: Je décide où je vais et quand je pars.

Mathilde de La Môle : Oui, mais pas avec qui. Eh bien moi, je ne crois pas que je m'ennuierais moins si je m'appelais la duchesse de Croisenoix. Tiens, regarde. Là, tu vois, je ne lui donne pas cinq minutes pour qu'il me parle de la poésie du midi, des herbes de provence et des bienfaits de l'huile d'olive.

: Mathilde ! Vous avez un teint ! Je sais, la couleur de la Provence, le teint du thin et de la marjorie.

: J'adore cette valse.

 

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: Vous cherchez quelqu'un ?

Mathilde de La Môle : On sait jamais. Il y a peut-être dans tout ça une personne qu'on connait pas, qui a une drôle de tête, je sais pas, quelqu'un d'un peu inattendu.

: Eh bien vous avez de la chance, vous avez derrière vous un condamné à mort.

 

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Le comte Altamira : Vous, les Français, vous manquez de légèreté. Les Lumières, elles sont bien éteintes aujourd'hui ! L'argent a gagné sur les idées. Que serait Danton aujourd'hui ?

Julien Sorel : Un voleur.

Le comte Altamira : Même pas, un vendu ! Mais tous ! Napoléon, n'en parlons pas, quel voleur celui-là.

Mathilde de La Môle : Faut-il mieux voler ou se vendre ? Alors comme ça vous êtes amis ?

Le comte Altamira : Nous avons des tas de choses en commun, comme souvent les personnes... comment dire, dépassées. Parsonnez-moi, j'aperçois une ordure à laquelle je dois dire deux mots.

Mathilde de La Môle : Vous êtes beaucoup sorti à Paris ? On dit que c'est le plus joli bal de la saison.

Julien Sorel : Il m'est difficile d'en juger, c'est mon premier bal, mademoiselle. Mais il a l'air magnifique.

Mathilde de La Môle : Rousseau disait "toutes ces folies m'étonnent mais ne me séduisent pas". Je suppose que mon père ne vous paie pas non plus pour me parler de Jean-Jacques Rousseau. Qu'est-ce qu'il y a ?

Julien Sorel : Rien, je regardais vos yeux. Ils sont... ils sont vraiment très beaux.

Madame la maréchalle de Fervac  : Votre père m'a tuée, je vais boire une tisane, vous en voulez une ? Ca arrêtera les battements de mon cœur.

Mathilde de La Môle : Non merci, je vais danser avec mon fiancé, je pense que ça me fera le même effet.

Madame la maréchalle de Fervac : Julien, un jour vous me la direz au moins, la vérité ? Qui était votre père ? Ne suis-je pas votre amie ? Vous pouvez me le dire, j'adore les confidences.

 

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Mathilde de La Môle : Il y a ici quelqu'un que vous aimiez ?

Julien Sorel : Oui. Il y a quelqu'un, oui. Et vous ?

Mathilde de La Môle : Ah, moi, j'viens souvent ici. J'me promène. Je regarde les noms, les dates. Parfois il y a un médaillon, une épitaphe, on imagine plein de choses. Vous savez, j'me fiche complètement de c'que les gens pensent de moi. On vous a dit pourquoi je porte le deuil le dernier jour d'avril ?

Julien Sorel : Non.

Mathilde de La Môle : Je porte le deuil par amour. Par amour pour une forme d'amour qui n'existe plus. La Môle, mon ancêtre, et Margot, la reine de Navarre, ont bravé les lois, les convenances. Il s'est damné pour elle. Et comme elle n'avait rien à lui sacrifier, à part sa réputation, elle l'a aimé devant tout le monde. Ils ont fini par le tuer. Il avait vingt ans. A la seconde où il l'a rencontrée, il a su, il a su qu'elle serait son seul amour et qu'il en mourrait. A Marguerite, on avait dit, comme on dit aux princesses, qu'elle serait plus heureuse que les autres, à cause de sa naissance et aussi parce qu'elle était très belle. Mais c'était pour mieux l'enfermer. C'est à cause de ce genre de choses que les rois deviennent fous, ou qu'ils meurent d'ennui. Quand il est mort, elle est allée chez le bourreau. Elle a embrassé ses lèvres mortes, elle a entouré sa tête, son cou ensanglanté avec des linges et elle l'a emmené. Elle l'a enterré dans un endroit secret. Et tous les trente avril du mois, jusqu'à ce qu'elle meurt, elle est revenue. Je ne veux pas qu'on les oublie. J'admire cet amour parce qu'il est hasardeux, dangeureux, fougueux. Sinon ça vaut pas la peine de vivre, non ? Il y a ici une femme que vous aimez, que vous aimez encore ? Vous pouvez me le dire, vous savez, je sais garder un secret.

Julien Sorel : Non, pas une femme. J'étais sur la tombe du maréchal Ney. Pour vous, c'est un traître, mais pour moi, non. Ce n'est pas un traître.

Mathilde de La Môle : Oh non, pas lui. A l'époque, on mourait pour une idée, jamais pour une médaille.

Julien Sorel : Moi, il y a vingt ans, j'aurais pu mourir pour de l'espoir.

Mathilde de La Môle : L'espoir d'un monde meilleur ?

Julien Sorel : Vous êtes cynique.

Mathilde de La Môle : Vous êtes bien susceptible.

Julien Sorel : Non, non, je ne suis pas susceptible, je suis jaloux. Vous avez une liberté de parole, de goût que moi je ne connaîtrai sans doute jamais, hélas.

Mathilde de La Môle : Mais pourquoi ?

Julien Sorel : Mais parce que je suis pauvre. Parce que pas même une pensée n'est... pas même une pensée n'est gratuite quand on a les poches vides. Pardonnez-moi, je n'ai... je n'ai pas l'habitude de me livrer, de cette façon.

Mathilde de La Môle : Il y a beaucoup d'orgueil de parler de sa pauvreté à quelqu'un d'aussi riche que moi. Vous méprisez l'argent ?

Julien Sorel : Non, je méprise l'aigreur de ceux qui n'ont rien et l'arrogance de ceux qui ont tout.

Mathilde de La Môle : Vous êtes bien malheureux alors.

Julien Sorel : Et vous, non ? 

 

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Julien Sorel : Et alors elle a buté contre une pierre, elle s'est agrippée à moi, elle s'est agrippée à moi pour se redresser.

Le comte Altamira : Montrez-moi.

Julien Sorel : Voilà, comme ça.

Le comte Altamira : Aussi fort ? La main, sur la main ou sur la manchette ? La peau a touché la peau ?

Julien Sorel : Bien sûr, oui, nous nous sommes effleurés. Ma peau a touché la sienne.

 

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Mathilde de La Môle : Et là tout à coup, il s'est passé une chose complètement inattendue, une chose qui je croyais ne m'arriverait jamais. J'ai arrêté de m'ennuyer. Il venait de m'avouer toute sa pauvreté, ses souffrances, ses humiliations.

 : Après tout, ce n'est qu'un domestique.

Mathilde de La Môle : J'ai eu tellement mal pour lui. Alors j'ai pensé, est-ce que je l'aime ?

 

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Julien Sorel : Pour la première fois, je l'ai trouvée belle, très belle, vraiment très belle [...]. Elle s'est mise à me parler de tout.

Le comte Altamira : Attention, ne rentre pas dans le rôle du confident.

Julien Sorel : Et puis nous sommes rentrés en calèche ensemble et j'ai voulu, j'ai eu envie qu'elle me parle de son fiancé. "Je reçois des dizaines de lettres, de lui, des autres, toutes les mêmes, mélancoliques, passionnées soi-disant, mais d'une prudence." Et là, j'ai commis une erreur, je lui ai dit "Mais il ne comprend rien", et elle "Mais, comprendre quoi ?", "Eh bien, que c'est l'imprudence qui vous intéresse".

 

¤     ¤     ¤

 

Mathilde de La Môle : J'ai détesté qu'il m'ait mise à nu de cette façon, je l'ai haï. Surtout quand il m'a dit "Vous l'aimez bien tout de même, ce que vous détestez en lui, c'est le futur mari, c'est tout." Pfff, quel aplomb, pour qui se prend-il, ce fils de charpentier ? ... Quand nous nous sommes revus dans la bibliothèque, j'ai été odieuse, insupportable.

 

¤     ¤     ¤

 

Julien Sorel : Et alors, depuis ce jour, amie, ennemie, elle passe d'un état à l'autre. Parfois elle est glaciale, hautaine, et puis soudain, elle se tourne vers moi, et elle me sourit, elle est gentille, elle me... elle me regarde mais... mais me regarde comme si...

Le comte Altamira : Elle... elle te regarde comme... comme si elle t'aimait ?

Julien Sorel : Non. Non, je connais le regard d'une femme amoureuse. Et puis pourquoi moi ? Pourquoi moi ? Philippe de Croisenoix à tout ! Il a le nom, les terres, le titre, la famille. Mais j'aime bien les batailles perdues, tu le sais. Au moindre signe d'humeur, je disparais un ou deux jours. Ou bien alors je l'ignore complètement. Et quand je l'ignore, elle vient me chercher. C'est elle qui vient me chercher, c'est toujours elle.

Le comte Altamira : Mais tout ça, c'est de la stratégie. Ce que tu veux, c'est qu'elle te choisisse, toi, plutôt qu'un descendant des Croisenoix qui a fait les croisades, hein, c'est ça, non ?

Julien Sorel : Qu'elle me choisisse. Nous verrons après si je l'aime.

 

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Julien Sorel : Me voilà.

Mathilde de La Môle : Je vous ai vu partir, revenir. J'ai cru que vous alliez jamais vous décider. Il faut enlever l'échelle. Mais arrêtez, qu'est-ce que vous faites !? J'ai préparé une corde.

Julien Sorel : Il semblerait que vous ayez l'habitude.

Mathilde de La Môle : Qu'est-ce que vous voulez dire ?

Julien Sorel : Vous avez couché avec Croisenoix et peut-être avec d'autres, non ?

Mathilde de La Môle : Vous êtes le premier à venir dans cette chambre... Vous avez si peur que ça ?

Julien Sorel : Ce n'est pas lâche d'avoir peur, beaucoup d'imbéciles sont courageux.

Mathilde de La Môle : J'ai décidé de vous aimer parce que vous n'êtes pas comme les autres. Parce que ça n'était pas prévu, parce que je sais pas qui vous êtes.

Julien Sorel : Vous avez "décidé" de m'aimer ? Vous croyez parler d'amour mais vous ne parlez que de vous.

Mathilde de La Môle : Attends ! Je veux être à toi, je suis à toi. Viens. Viens.

 

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Julien Sorel : Alors vous pensez pouvoir me traiter comme un être inférieur qui vous aimera quand ça vous amusera ?

Mathilde de La Môle : Rassurez-vous, ça ne m'amuse plus. Vous osez m'interpeler en public ! Vous voulez faire un scandale ? Crier à tout le monde que je me suis donnée à vous ? Eh bien allez-y, faites-le, allez-y !!

Julien Sorel : C'est vous qui faites un scandale.

Mathilde de La Môle : Et alors ? Je suis chez moi ici. J'ai changé d'avis, je me suis trompée. Vous m'intéressez pas. Et si dans votre petite tête de parvenu, vous vous êtes fait des illusions...

Julien Sorel : Taisez-vous, arrêtez.

Le comte Altamira : J'ai vu vos airs de trimonphe ! Je vous ai vu me regardez comme un propriétaire !

Julien Sorel : Arrêtez !

Le comte Altamira : Vous avez été le premier, benh vous serez pas le dernier !

Julien Sorel : Taisez-vous, arrêtez !

Mathilde de La Môle : Vous êtes qu'un fils de paysan, un batard en plus !

Julien Sorel : Arrêtez !

Mathilde de La Môle : Tue-moi si tu veux ! Vas-y... T'as voulu me tuer ?

Julien Sorel : Vous voyez ces débris ? Ils sont l'image exacte des sentiments que je vous portais.

 

¤     ¤     ¤

 

Julien Sorel : Mathilde, je suis devenu fou, j'ai peur de mes actes, de ce que je suis capable de faire.

Mathilde de La Môle : Plus jamais je me révolterai. Je te le jure. T'as voulu m'tuer, t'as voulu tout risquer pour moi.

Julien Sorel : Qu'est-ce que tu fais ?

Mathilde de La Môle : Si jamais j'te trompe, rappelle-moi que j'ai juré d'être à toi toute ma vie.

Julien Sorel : Mais alors tu m'aimes... Alors tu m'aimes.

Mathilde de La Môle : Benh oui je t'aime.

 

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Le Marquis de La Môle : Il y a une chose que j'aimerais savoir. Au moins y a-t-il eu pour vous, à un moment quelconque, un amour imprévu ?

Julien Sorel : Comment ça, un amour imprévu ?

Le Marquis de La Môle : Vous savez que j'ai cent mille écus de rente, que j'aime ma fille plus que tout. Tout ça vous le saviez ! J'ai du mal à croire que Mathilde, la première, a pris l'initiative, mais admettons. Pourquoi n'avez-vous pas fui ? C'était votre devoir.

Julien Sorel : Je vous l'ai demandé, je vous ai demandé de m'envoyer plutôt à Londres ! Vous vous en souvenez ?

Le Marquis de La Môle : Vos sentiments, il n'y a jamais eu de vulgarité ? De vulgarité matérielle dans vos sentiments ?

Julien Sorel : Je ne suis pas intéressé par l'argent.

Le Marquis de La Môle : Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu veux ?

Julien Sorel : J'aime la vie, je veux vivre pour mon fils maintenant ! Vous ne pouvez pas me priver de cet amour, de mon enfant, et de Mathilde. Et je sais que vous ne pouvez pas vivre sans elle. Et elle ne peut pas vivre sans moi. 

 

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Un militaire : Ce qui les énerve, c'est que vous soyez lieutenant sans jamais avoir été sous-lieutenant.

Julien Sorel : C'est compréhensible. Et ils n'ont encore rien vu. Avant mes trente ans, je serai général, c'est moi qui te le dis.  

 

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Julien Sorel : Toi aussi, tu es venu.

Le comte Altamira : Mais qu'est-ce qui t'a pris ? Tu avais tout. Quelle mouche t'a piqué ?

 

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Louise de Rênal : Comment est-il ?

: Oh, c'est difficile à dire. Il a l'air ailleurs, comme si déjà... Il doit se préparer, il paraît qu'il veut se défendre lui-même. Il m'a envoyé un ami, un Italien, il voulait savoir comment tu te portais.

Louise de Rênal : Il a demandé de mes nouvelles ? Mon Dieu, il a demandé comment je me portais...

 

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Julien Sorel : Messieurs les jurés, je n'ai pas l'honneur d'appartenir à votre classe. Je ne vois parmi vous ni artisans, ni ouvriers, ni paysans enrichis. Ce qui veut dire que je ne serai pas jugé par mes pairs, pour l'abominable crime que j'ai commis. Je ne me fais aucune illusion, je ne requiers... je ne requiers aucune faveur. Mon crime est atroce. Il était prémédité. Je mérite donc la mort pour avoir attenté à la vie d'une femme. Une femme digne de respect, pure, une femme que j'ai tellement aimée, que j'ai aimée comme... comme la mère que je n'ai jamais eue, comme une sœur, et pour laquelle j'avais une adoration, une adoration sans borne. Parce qu'elle m'a montré que la douceur et la générosité existaient dans ce monde. Elle seule m'a laissé entrevoir l'horizon du bonheur. Donc je mérite la mort, oui. Je dois être puni pour le crime que j'ai commis. Je vois dans cette salle des hommes qui souhaitent me punir pour un autre crime !! Un crime qui à leurs yeux est encore plus grave !! Je vois dans cette salle des hommes, qui à travers cette faute capitale, veulent essayer de décourager cette génération de jeunes gens !! Ces jeunes gens, nés dans les classes inférieures !! Ces jeunes gens opprimés, opprimés et révoltés par votre mépris, révoltés par l'inégalité. Ces jeunes gens qui ont l'audace de réclamer une bonne éducation, ces jeunes gens qui veulent prendre, qui veulent prendre une place dans ce que vous, les riches, vous appelez "la société" ! Pour vous, ceci est un crime. Regardez-vous, votre terreur est inscrite sur vos visages. Vous avez peur que l'on vous enlève encore une fois tous vos privilèges ! Vos économies ! Vous avez peur, peur, oui, et c'est normal. Oui, c'est normal, parce que la révolution n'est pas loin !! Elle est à vos portes !! Vous ne voulez pas l'entendre, hein !? Vous ne voulez pas l'entendre ! Vous ne voulez pas l'entendre !! Mais elle viendra !! Elle viendra !! Rien ne pourra arrêter les forces de la fraternité !! Les forces de l'égalité !!

 

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Julien Sorel : Tu n'as pas aimé ma plaidoirie ? Dommage. Pour la première fois, j'ai été sincère, j'ai improvisé. Certainement pour la dernière fois aussi.

Mathilde de La Môle : Signe, Julien, signe là et dans deux mois...

Julien Sorel : Je préfère mourir tout de suite, tant que j'ai encore du courage.

Mathilde de La Môle : Tu ne signes pas.

Julien Sorel : Non, je ne signe pas.

Mathilde de La Môle : Toi qui maudis soi-disant l'hypocrisie, t'es le plus hypocrite de tous. Alors s'il te plait, fais un effort, une dernière fois, essaie d'être sincère ! Tu aimes cette femme, tu l'aimes et tu l'as toujours aimée ! Tu crois que tu as voulu la tuer par vengeance ou par amour pour moi ? Tu te mens à toi-même. T'as voulu la tuer parce que tu l'aimes. Et si c'était elle aujourd'hui qui te suppliait de signer ton appel, tu le ferais. T'as toujours fait ce qu'elle a voulu. Et même cette lettre, cette lettre ignoble qu'elle a envoyé pour te perdre, là encore elle a réussi à te faire faire exactement ce qu'elle voulait. Se punir et te perdre. J'la hais ! J'la hais et je maudis le jour où je t'ai rencontré !

 

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Julien Sorel : Tu es venue.

Louise de Rênal : Tais-toi. Laisse-moi te regarder.

Julien Sorel : Pardonne-moi. Je t'en prie.

Louise de Rênal : Non, pardon, c'est toi qui dois m'pardonner.

Julien Sorel : Je t'ai toujours aimée, toujours aimée, tu es la seule que j'aime. Ta blessure ?

Louise de Rênal : Non !

Julien Sorel : Fais voir. Montre-moi.

Louise de Rênal : C'est fini.

Julien Sorel : Comment ai-je pu te faire ça ?

Louise de Rênal : Et moi, comment ai-je pu envoyer cette lettre abominable ? C'est pas moi qui l'ait écrite, tu sais ? Je l'ai recopiée, je l'ai signée. J'ai tellement honte. Pardonne-moi, mais j'étais jalouse, ton bonheur avec cette jeune fille. Tu peux m'le raconter maintenant ?

Julien Sorel : Tu es la seule que j'aime. Tu es la seule que j'ai jamais aimée. Il n'y a que toi.

Louise de Rênal : Pleure pas... J'ai donné une fortune au geôlier. J'pourrai venir tous les jours pendant deux mois. Il faut signer, Julien.

Julien Sorel : C'est pour cette raison que tu es venue ?

Louise de Rênal : Oui, deux mois avec toi. Puis après on se quittera.

Julien Sorel : Que veux-tu dire ?

Louise de Rênal : Rien.

Julien Sorel : Je vais signer, mais à une seule condition. Jamais, jamais tu t'attenteras à tes jours.

Louise de Rênal : Et si nous mourrions ici ensemble.

Julien Sorel : Non. Non. Je préfère passer deux mois avec toi. Tu m'le jures ?

Louise de Rênal : Je te l'jure.

Julien Sorel : Je suis si heureux. Tu viendras tous les jours ?

Louise de Rênal : Tous les jours, oui.

 

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Mathilde de La Môle : L'appel est rejeté. Je ne lui ai pas encore dit. Je pense que ça lui fera plaisir. Pourquoi veut-il mourir, vous le savez ? Il vous parle plus qu'à moi.

Louise de Rênal : Mais non. L'appel est rejeté.

Mathilde de La Môle : Je suis au courant, chacune de vos visites, combien de fois, combien de temps vous restez avec lui. J'vous ai fait surveiller. Au début, j'ai beaucoup pleuré. J'lui ai fait des scènes atroces. Mais j'ai changé. J'ai grandi peut-être. J'ai compris qu'il vous aimait plus que moi. Pourtant vous lui avez fait tant de mal. Il faut beaucoup de force pour accepter ça. Mais j'en ai. J'accepte. Je vais vous surprendre, j'l'aime plus qu'jamais.

Louise de Rênal : Vous m'surprenez pas. Mon Dieu, l'appel est rejeté.

Mathilde de La Môle : Pourquoi n'étiez-vous pas à la prison hier ?

Louise de Rênal : Parce que je suis trop faible quelques fois pour...

Mathilde de La Môle : ... faire semblant d'être bien.

Louise de Rênal : Oui.

Mathilde de La Môle : Il faut y aller demain, c'est important. Il a beau m'dire le contraire, vos visites le rendent très heureux. Vos visites et rien d'autre.

Louise de Rênal : Donnez-moi votre bras, pour que je m'y appuie. Julien est né là où il ne fallait pas, quand il ne fallait pas. Cette noblesse qu'il n'a pas eue, il essaie de la remplacer par la noblesse du cœur. C'est pour ça qu'il veut mourir simplement. Et sans affectation. Pour être digne de vous, de votre enfant.

Mathilde de La Môle : Mon père va voir le roi demain à Saint-Cloud. La grâce est notre dernière chance, mais c'est une chance.

Louise de Rênal : Et si j'y allais moi aussi ? J'me jetterai à ses genoux, je l'implorerai.

Mathilde de La Môle : J'ai voulu faire la même chose, Julien me l'a interdit.

Louise de Rênal : Oui, mais moi je n'ai rien à perdre. Je dirai que je l'ai rendu jaloux, qu'il a menti au procès pour me protéger, que tout est de ma faute. Il y a déjà eu des cas de grâce pour des crimes de ce genre !

Mathilde de La Môle : Julien déteste les scandales. Laissez mon père agir, il y a encore de l'espoir.

Louise de Rênal : J'voudrais vous prendre dans mes bras. Attention, j'ai mal à l'épaule.

 

¤     ¤     ¤

 

Le frère de Mathilde : Le roi n'est plus le roi, il va abdiquer.

Le père de Mathilde : Ce siècle est devenu fou.

 

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Mathilde de La Môle : Pourquoi m'as-tu écrit cette lettre affreuse ? m'ordonner de ne pas te répondre, m'interdire de parler de toi à notre enfant ? Je sors de chez le directeur. J'ai juré que j'étais ta femme, que nous étions mariés secrètement. J'ai tout obtenu : un droit de visite tous les jours, j'habite à deux rues, je me suis installée à Besançon.

Julien Sorel : Mathilde... Je t'en prie, ne me fais pas répéter. Ne me fais pas répéter ce que je t'ai dit dans ma lettre.

Mathilde de Le Môle : Pour les repas, ils te seront livrés deux fois par jour par quelqu'un de chez moi. La cour, celle où il y a les arbres, dorénavant tu peux t'y promener quand tu veux.

Julien Sorel : Je ne veux pas que tu t'occupes de moi, Mathilde... Tu m'oublieras, dans un an tu épouseras Philippe de Croisenoix, tu seras heureuse, tu seras heureuse comme tout le monde. Même si aujourd'hui ça te parait impossible. Tu dois vivre, tu dois quitter le seixième siècle, Mathilde.

Mathilde de Le Môle : Pour l'avocat, j'ai le meilleur, maître Massonnet. Il a sauvé des dizaines d'assassins. Alors que toi, tu ne l'as pas tuée. Tu ne vas pas mourir pour quelqu'un que tu n'as pas tué.

Julien Sorel : Qu'est-ce que tu as dit ? Je ne l'ai pas tuée, c'est ce que tu as dit ? Tu en es certaine ?

Mathilde de Le Môle : Nous allons nous battre. Je te sauverai, Julien. Tu n'as rien fait qui vaille un tel châtiment.

Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, alors je l'ai blessée, elle doit souffrir, je l'ai blessée. Mais où je l'ai blessée ? Comment va-t-elle ? Tu le sais ? Tu peux te renseigner ? Je veux savoir.

Mathilde de Le Môle : Oui, je peux me renseigner.

Julien Sorel : Elle est vivante. Mais alors, peut-être, va-t-elle me pardonner, peut-être.

Mathilde de Le Môle : Et dans ce cas au procès son pardon sera considéré comme...

Julien Sorel : Procès... C'est vrai, le procès....

Mathilde de Le Môle : Julien, pourquoi as-tu tiré sur cette femme ? Pourquoi ?

Julien Sorel : Il faudra que je me défende, l'éloquence des uns et les injures des autres, les journaux, toute cette vulgarité. Je préfère mourir tranquille.

Mathilde de Le Môle : Si tu meurs, je mourrai. 

 

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Louise de Rênal : Comme vous voyez, monsieur le Juge, je vais très bien. A peine deux mois se sont écoulés et je suis venue en voiture de Verrières à Besançon.

Le juge : Vous souhaitez donc assister au procès.

Louise de Rênal : Oh non, ma présence pourrait faire du tort à monsieur Sorel. On pourrait penser que je suis là pour demander vengeance. Alors que je souhaite plus que tout au monde qu'il soit sauvé.

Le juge : Mais il vous a tiré dessus.

Louise de Rênal : Mais c'était un moment de folie. Tout le monde vous dira à Verrières qu'il avait des lubies, des moments d'égarement. Il passait de l'enthousiasme à la mélancolie comme ça, sans préavis. Mon fils, qui l'adore, pourrait vous le confirmer. Il a des ennemis, qui n'en a pas. Mais personne n'a jamais mis en doute le talent, l'intelligence, la culture profonde de ce jeune homme. Ce n'est pas un être ordinaire que vous allez juger, monsieur. Il connaît la sainte Bible par cœur. C'est un homme pieux, pur.

Le juge : Vous avez écrit le contraire à monsieur de La Môle.

Louise de Rênal : Je le regrette tellement. J'ai été influencée, j'ai été trompée. J'ai perdu la tête. Je comprends que cette lettre l'ait rendu fou.

Le juge : Vous admettez donc que c'est votre lettre qui l'a poussé à ce geste effroyable. D'ailleurs il vous a tiré dessus une deuxième fois, il y a eu préméditation.

Louise de Rênal : Mais ce n'est pas vrai. Je l'ai vu, il ne savait pas ce qu'il faisait. J'ai reconnu son regard, ce regard un peu vague qu'il avait avant ses crises de délire. Je l'ai vu ! Monsieur le Juge, si par ma faute un innocent est conduit à la mort, ma vie entière en sera empoisonnée. Il n'y a pas eu préméditation. 

 

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Julien Sorel : J'ai obéi à des convenances que je ne respectais pas. J'ai été... j'ai été orgueilleux... j'ai été ambitieux... j'ai obéi à des convenances que je ne respectais pas. J'ai voulu ôter la vie de la seule femme qui pleurera ma mort. Vous voulez un peu de vin ? Ca vous f'ra du bien. Il est bon, Mathilde l'a fait venir de Toscane.

L'abbé Chelan : Continue, mon enfant. Continue.

Julien Sorel : Je n'me suis repenti qu'après l'avoir revue. Vivante. Elle était vivante ! Mon père, j'ai réalisé alors quelque chose de très étrange. Je me suis rendu compte que j'aimais follement cette femme et j'ai compris l'horreur de mon acte. Je l'aime éperduement. Merci, mon père, d'être venu. Il fallait que je vous voie.

L'abbé Chelan : J'ai eu tant de chagrin en apprenant... Je venais de recevoir ta lettre de Strasbourg, et tout cet argent que tu m'as envoyé. Et que je t'ai rapporté.

Julien Sorel : Garde-le pour vous, ou donnez-le à quelqu'un. Vous semblez tellement fatigué.

L'abbé Chelan : Je crois qu'il vaut mieux mourir jeune que d'arriver à cette décrépitude.

Julien Sorel : Je voudrais vous demander quelque chose. Avez-vous peur de la mort ?

L'abbé Chelan : La mort est une aventure individuelle. J'ai eu de la chance, je vis la mienne en compagnie de Dieu. Tu lui as tourné le dos mais il te sera beaucoup pardonné, puisque tu as beaucoup aimé.

Julien Sorel : J'aimerais tant que tout... que tout se passe bien simplement.  Et j'espère ne pas avoir honte de moi avant de mourir.

L'abbé Chelan : Si tu sens ton courage fléchir, pense aux plus beaux moments, aux plus belles lumières. Dieu, lui, ne te tournera pas le dos. Tu n'es pas un monstre, mon enfant, moi je le sais.

 

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jeudi, 05 juillet 2012

Celibidache

Celibidache, SergiuSergiu Celibidache (1912-1996)

 

Documentaire Arte : Sergiu Celibidache Maestro Furioso (2011, durée 1h52) 

 

Celibidache, Sergiu

"La fin est simultanée au commencement."

 

 

Celibidache, Sergiu

Chef d'orchestre et compositeur à l'oreille absolue. 

 

 

Celibidache, Sergiu

Celibidache, Sergiu

Il a formé de nombreux chefs d'orchestre. Ci-dessus ses élèves lors de ses classes.

 

 

Celibidache, Sergiu

Celibidache, Sergiu

Il leur demandait de sourire en dirigeant.

 

 

Celibidache, Sergiu

 En tant que chef d'orchestre, il ne dirigea aucune des œuvres qu'il composa.

 

 

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 "La fin est simultanée au commencement."

 

Celibidache, Sergiu

Celibidache, Sergiu

 

mercredi, 04 juillet 2012

La mascarade du maquillage barbouillé d'acronymes

maquillage, femme

 

Etre femme, c'est pouvoir gagner en hauteur rien qu'en chaussant ses pieds.

Etre femme, c'est pouvoir se réchauffer le cou en hiver rien qu'en ayant les cheveux longs et lâchés.

Etre femme, c'est encore avoir le droit de crier à la vue d'une araignée.

Etre femme, c'est câliner sans limite la peau douce de l'enfant que l'on a portée.

Mais être femme, aujourd'hui, c'est porter un maquillage qui s'effrite en buée.

Lorsque les vocables usités pour le désigner s'acronymisent, il perd forcément son éclat adoré.

 

Alors que femme portait fard, poudre, mouches et rouge à lèvre, corsets et jupons, dentelles et crinolines, éventails et ombrelles...

Puis kohl et mascara (mots arabes soit dit en passant), paillettes, bigoudis et mèches, bas et porte-jarretelles, soutien-gorge et jolies robes...

Et maintenant gloss, anti-cerne ("anti"), faux-ongles ("faux"), acide hyaluronique ("acide"), botox, Q10plus, peeling, piercing...  et autres acronymes tout frais de cet été, lisez donc : 

maquillage,rouge à lèvre,ral,fard à paupires,fap

(Source : Beautiful Newspaper, le journal des belles nouvelles, offert par e.l.f., numéro zéro été 2012) 

 

L'on raconte qu'il faut bien souffrir pour être belle, mais alors souffrir des yeux à la vue de ces acronymes, et des oreilles à l'idée d'entendre prononcer pareilles barbaries sonores, signes manifestes de la triste décadence qui va du maquillage au barbouillage, en passant par le trompe-couillon.

Adieu pinceaux, poudriers, houpettes et vaporisateurs d'antan.

Bonjour lingettes, roll-on et séances laser. 

 

¤     ¤     ¤

 

Laissez de côté ces horreurs et venez donc par ici voir la beauté de gentes dames bellement apprêtées soigneusement immortalisées :

http://www.gogmsite.net/new-content/

 

mardi, 03 juillet 2012

Le destin fabuleux de Désirée Clary - Guitry 2/2

 

Le film est d'un tenant mais la transcription de pareil chef d'oeuvre demande la place de deux parties... 2/2

 

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Film : Le destin fabuleux de Désirée Clary (1941, durée 1h50)

Réalisateur : Sacha Guitry 

Désirée (Gaby Morlay), Désirée jeune (Geneviève Guitry), Julie Clary (Yvette Lebon) 
 
Bonaparte (Jean-Louis Barrault), Bernadotte (Jacques Varenne), Talleyrand (Jean Périer), Fouché (Noël Roquevert) 
 
Le conteur (Sacha Guitry) 

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Napoléon : J'ai prié votre altesse royale de bien vouloir se déranger pour répondre à la question suivante : que faites-vous encore à Paris, madame, alors que Bernadotte est en Suède depuis six mois ?

Désirée : Mais rien, Sire. Je continue d'y vivre comme par le passé, n'ayant pas l'intention de me rendre à Stockholm.

Napoléon : Allons donc, ne sentez-vous pas l'inconvenance d'une pareille attitude ?

Désirée : Pourquoi considérer que c'est une attitude ? C'est une préférence. J'aime Paris, j'adore y vivre. Est-ce que votre majesté voit des inconvénients ?

Napoléon : Nnnnon. Mais peut-être trouverais-je des avantages si vous étiez là-bas.

Désirée : Est-ce une mise en demeure ?

Napoléon : Voudriez-vous que ce fut une prière ? Comprenez-moi bien, j'ai été séduit par la glorieuse vision d'un maréchal de France devenant roi et une femme à laquelle je m'intéresse devenant reine, et d'un filleul devenant prince. Laissez-moi le soin de régler votre départ. D'ici là je vous invite au dîner de famille que je donne tous les dimanches aux Tuileries. Et puis, qui sait, j'ai peut-être besoin que vous soyez là-bas ? Oui, et si j'avais besoin de vous ?

Désirée : Besoin de moi ?

Napoléon : Pourquoi donc pas ? Donnez-moi votre main.

Désirée : C'est la seconde fois que vous me la demandez.

Napoléon : Oui, mais la première fois, ce n'était que pour un mariage.

Désirée : Et cette fois-ci ?

Napoléon : C'est pour une alliance. Désirée...

Désirée : Sire...

Napoléon : Qu'est-ce que vous aimez le plus au monde ? Répondez-moi : la France.

Désirée : La France.

Napoléon : Bien, écoutez-moi.

 

Un mois plus tard, le 27 janvier 1811, Désirée faisait son entrée au palais royal de Stockholm. Accueillie par Bernadote, entourée aussitôt de mille prévenances, on lui laisse pas le temps de se changer un peu, ni de se recoiffer, car le vieux roi Charles XIII l'attend depuis trois heures, impatient de connaître enfin sa fille adoptive. Il ne faut même pas qu'elle retire son manteau, ni son chapeau s'ailleurs, car le roi veut la voir à son arrivée telle qu'elle sera venue de France. Il s'en fait une joie.

 

Désirée : Il parle le français ?

Bernadotte : Il n'en sait pas une syllabe.

Désirée : Vous comprenez vous le suédois ?

Bernadotte : Je n'en connais pas un seul mot.

Désirée : Alors comment vous y prenez-vous ?

Bernadotte : Il me parle en suédois, je réponds en français.

Désirée : Tiens.

Bernadotte : Attendez-vous à un accueil très paternel.

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Le roi de Suède : *ù%§¤£µé"'_çè('-($$£^^$**§§ù

L'interprète : Sa majesté demande à votre altesse son impression sur ce palais qui deviendra le vôtre un jour.

Désirée : Je le trouve bien beau, bien magnifique pour la fille d'un négociant de Marseille.

L'interprête : Bravo. 

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Bernadotte : Pourquoi as-tu quitté Paris ?

Désirée : J'ai...

Bernadotte : Oui, puisqu'il était convenu entre nous que tu resterais là-bas une année entière avant de me rejoindre. Pourquoi as-tu quitté Paris sans ma permission ?

Désirée : Mais parce que l'empereur m'en a pour ainsi dire donné l'ordre.

Bernadotte : Allons donc, et sans raison définie ?

Désirée : Ma présence à Paris semblait inconvenante, paraît-il, à beaucoup de personnes.

Bernadotte : Mmm-hmmm... C'est-à-dire qu'elle l'inquiétait lui probablement. Il se méfie de toi. Combien de fois l'as-tu vu depuis mon départ?

Désirée : Trois fois. Tu as eu mes lettres ?

Bernadotte : Combien m'en as-tu envoyées ?

Désirée : Quatre.

[...]

Désirée : Tu te méfies de moi, toi aussi ?

Bernadotte : Non. Non, mon enfant, non. Mais cela n'a pas d'intérêt pour toi. Ma petite Désirée, je vais te parler bien franchement.

Désirée : Je t'en prie.

Bernadotte : Comme tu ne m'es pas du tout nécessaire ici, et comme tu peux m'être extrêmement utile là-bas, tu vas me faire le plaisir de t'en retourner dans une quinzaine de jours.

Désirée : A Paris ?

Bernadotte : Oui.

Désirée : Entendu.

Bernadotte : Rentre sans prévenir personne. Montre-toi le moins possible. Ne fréquente que des personnes dont tu sois absolument sure. Tâche enfin qu'il ignore ton retour le plus longtemps possible. Tu seras partie d'ici pour raisons de santé.

Désirée : Bien, Parfait.

Bernadotte : As-tu reçu chez toi Talleyrand et Fouché ?

Désirée : Pas encore.

Bernadotte : Oh, je t'avais pourtant bien recommandé de le faire dans ma dernière lettre ! Je t'en conjure, ne sois pas négligeante, chérie. Enfin, voyons, tu ne peux pas rester une enfant toute ta vie ! Il faut que je puisse compter sur toi. Je ne te demande pas de mal agir, je te demande de m'aider. Efforce-toi de me comprendre à demi-mot : pour le bien de la France, il ne faut plus d'empereur. Ce n'est pas un titre français d'abord, il faut à la France un roi, mais la race des Bourbons est une race usée. Et je te supplie de ne pas perdre de vue mon unique ambition, le seul rêve de ma vie ici-bas, la raison enfin pour laquelle j'ai fait ce grand détour par la Suède. 

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Quelques semaines plus tard, Désirée est de retour à Paris. Et la voilà bientôt prise dans l'engrenage. Elle reçoit chez elle Talleyrand et Fouché, et suit les directives que son mari lui donne. Elle parle, elle écoute, elle se croit prudente et cherche à deviner les mobiles secrets de ceux qui la renseignent. Hélàs, elle est comme un jouet entre les mains de ces deux hommes pervers, prestigieux, subtiles. Elle a voulu jusqu'alors se venger de l'empereur et lui faire du mal un peu comme une enfant rageuse, mais sans y parvenir réellement en somme. Et voilà qu'aujourd'hui par la force des choses, elle devient responsable un peu des malheurs [...], les erreurs même qu'elle commet volontairement, tout se retourne contre celui qu'elle n'a jamais cessé d'aimer et qui depuis quinze ans n'a eu que des bontés pour elles. 

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Se rendant compte un soir du crime qu'elle commet, elle fausse compagnie à ses invités. Elle sera de retour avant une heure. Elle part.

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Et tente chez l'empereur, au milieu de la nuit, pour le mettre au courant, de cette nouvelle conspiration qui se trame contre lui, et à laquelle elle est mêlée, elle l'avoue. Mais, ne pourrait-elle pas peut-être le sauver, sait-on jamais ? L'empereur est au courant de déjà bien des choses, il se sait entouré d'espions, de scélérats, de traîtres, et rien ne l'étonne plus. Pourtant, s'il veut bien faire une expérience encore, il ne lui demande pas de trahir son mari, mais qu'elle tâche donc de savoir par Talleyrand s'il est exact que l'Angleterre assure à Bernadote un million de livres sterling par an s'il prend les armes contre la France. Elle le pense. Lui, l'empereur, il en est sûr, mais il voudrait savoir si Talleyrand le sait. Elle le lui dira demain. Talleyrand ignore-t-il qu'elle est venue le voir ?

Désirée : Oui.

Or Talleyrand ne l'ignorait pas car il l'avait fait suivre.

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Talleyrand : Ne jouez pas un double jeu, madame, prenez garde. L'empire est condamné, et votre altesse le comprend bien. La France court à grands pas vers une monarchie constitutionnelle. Or, quel homme montera sur le trône de France, si ce n'est celui qui l'aura délivrée du fléau qui la tue ? Et cet homme-là, vous ne voulez donc pas que ce soit Bernadotte ? Le mensonge, la délation, le crime lui-même, tout est permis quand l'intérêt de la nation se trouve en cause. Et pour ma modeste part, je n'ai jamais trahi que lorsque j'avais la moitié de la France pour complice.

Elle ne sait plus que faire. Les uns lui demandent de trahir l'empereur, l'empereur lui demande de trahir les autres, et celui-ci, comme les autres, lui dit que c'est pour sauver la France. Perdant la tête, elle trahit les uns, comme elle trahit l'autre.

Et voici que les événements vont se précipiter, tragiques, impitoyables. Tout d'abord, c'est le traité d'Alliance de la Suède avec la Russie, puis c'est la déclaration de guerre à la Russie trois mois plus tard. C'est l'entreprise téméraire, extravagante, c'est la retraite de Moscou en octobre 1812, c'est aussitôt l'alliance de l'Angleterre avec la Russie et la Suède ; de la Russie et de la Prusse avec l'Autriche, avec la Suède et l'Angleterre. C'est l'Europe entière en armes contre lui. C'est la lutte héroïque et vaine, c'est la défaite, le désastre. Enfin c'est Waterloo plus tard, c'est la France envahie, c'est Paris occupée.

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Et c'est alors l'abdication définitive de l'empereur, trahi de tous côtés, abandonné, vaincu. C'est enfin son départ. C'est l'offre de sa personne à l'Angleterre qui la repousse. Et c'est l'exile à Sainte-Hélène, et c'est la fin.

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Puis, l'ouragan passé, tout se calme, tout s'apaise, l'Europe pousse un immense soupir de soulagement. Le roi Louis XVIII, hypocondre et goutteux, vient reprendre la place sur le trône de ses ancêtres.

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Et voilà tout à coup qu'une autre Désirée se révèle inconnue.

Désirée : Non, non, non et non ! J'y laisserai ma vie s'il le faut, ma santé, ma raison, mais je veux racheter ma faute, et par n'importe quel moyen. Je tiendrai, qu'on allège un peu ses souffrances. Quant à quitter Paris, jamais, jamais-jamais !

- Votre réputation pourrait bien en souffrir.

Désirée : Ma réputation ? Ma conscience d'abord.

- Et cependant, madame, en raisonnant un peu...

Désirée : Messieurs mes conseillers, j'ai pour vous la plus vive estime, mais je ne veux rien entendre.

- Pourtant, si votre majesté daignait...

Désirée : Je ne suis pas une majesté, monsieur. Je suis une pauvre petite bourgeoise de Marseille qui a commis un crime et qui veut l'effacer.

- Mais quel crime avez-vous donc commis, madame ? Vous vous accusez bien à tort. L'empereur a son destin. On ne pouvait lui faire en vérité ni bien ni mal.

- Et vous n'êtes dans son malheur, madame.

Désirée : Non, j'y suis pour rien, c'est vrai, mais je l'ai souhaité.

 

¤     ¤     ¤ 

 

Et de 1815 à 1840, pendant vingt-cinq années, la  fiancée de l'empereur n'a eu que cette idée en tête. Or le roi Louis XVIII, de retour à Paris pour la deuxième fois, assitôt après les cent jours, a pris possession du bureau de l'empereur. Il en admire l'architecture, mais il est des détails qui lui sont bien désagréables, odieux même, il ne veut pas se parer des plumes du paon. Mais, quelqu'un se présente.  Accueillie par le roi, Désirée le supplie d'intervenir en faveur de celui qu'on tenait enchaîné là-bas. 

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Elle frappe à toutes les portes. A tous les cœurs, au cœur des femmes qui sollicitent ses confidences avec un intérêt qui n'est pas toujours exsang d'une certaine indiscrétion. Même on la vit un jour chez l'ambassadeur infléxible d'Angleterre. Devenue reine de Suède, elle continua de vivre à Paris incompréhensiblement, sous le nom de la comtesse de Gotland. Indifférente à l'opinion qu'on avait d'elle, elle se compromettait crânement, mais poursuivait son but. Elle revit Fouché. Eu l'honneur et la joie de connaître un soir Chateaubriand... 

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... Mais elle lassa le monde. Finit par ennuyer le duc de Richelieu qui lui rendit ses lettres. Et eut enfin les yeux ouverts un soir par Talleyrand.

Talleyrand : Mais non, madame. Votre majesté s'obstine en vain. Si voulez plaider sa cause utilement un jour, attendez au moins qu'il soit mort.

Désirée : Ah.

Hélas, il disait vrai. L'empereur entra dans la légende et devint immortel le 5 mai 1821 à six heures du soir. Dès lors, le monde libéré chanta sa gloire, exhalta son génie, et Désirée devint un peu le point de mire.

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Une femme : Vous qui l'avez connu, vous l'aimez aimé. Dites-nous, je vous prie ?

L'ambassadeur d'Angleterre : En vérité, c'était un homme fabuleux, l'un des plus grands soldats que le monde ait connu.

Un homme : Croyez-le bien, messieurs, l'ombre de Napoléon s'élèvera seule, à l'extrêmté du vieux monde détruit.

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Elle revit Marmont, Davout et rencontra le docteur Antomarchi qui avait assisté l'empereur à ses derniers moments. Il revenait de Sainte-Hélène et c'est par lui qu'elle connut la terrible phrase dictée par l'empereur.

Le docteur Antomarchi : "Vous direz que je suis mort dans l'état le plus déplorable, manquant de tout, abandonné à moi-même et à ma gloire. Vous direz qu'en expirant, je lègue à toutes les familles régnantes l'horreur de mes derniers moments."

C'est en entendant ces mots affreux que Désirée prit la décision de quitter la France et de rejoindre le roi de Suède, son mari.

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Désirée : Je ne te savais pas souffrant.

Bernadotte : Oh cela n'a pas été très grave. Et ça va beaucoup mieux déjà. Je t'attendais d'ailleurs.

Désirée : Tu m'attendais ?

Bernadotte : Oh oui, j'étais sûr que tu allais venir maintenant. Comment te portes-tu toi-même ?

Désirée : Oh, moi, je vais très bien.

Bernadotte : Tu sais ce qui m'est arrivé le jour de sa mort ? Eh bien, le 5 mai, à six heures moins dix exactement, du soir, j'ai ressenti au coeur une douleur très vive. S'il n'y avait pas eu des témoins, je ne mentionnerais pas le fait. Mais il est évident que j'ai eu le pressentiment de sa mort. Combien tu as dû souffrir toi-même.

Désirée : Combien je souffre encore.

Bernadotte : Oh, je le pense bien. Tu sais ce qu'il a dit de moi ? [...] Des choses horribles et très injustes ! Ce qu'il a dit de moi d'ailleurs, il a dû le regretter, car le docteur O'Mehara a bien voulu me transmettre la phrase la plus importante que l'empereur ait dite à mon sujet. Je l'ai copiée, tu penses bien. Attends, attends. Tu vas connaître aussi, oh trois lignes abominables, qu'il a dictées au docteur Antomarchi.

Désirée : Oh je les connais. "Je lègue à toutes les familles régnantes l'horreur de mes derniers moments".

Bernadotte : Oui-oui-oui-oui, ah tais-toi, je ne dors plus depuis qu'on me les a rapportées, ces lignes. Mais tiens, tiens, voici, la phrase du docteur O'Mehara qui, elle, efface tout. "Je peux accuser Bernadotte d'ingratitude, mais non de trahison." Oh, cela, il ne faudra jamais l'oublier, n'est-ce pas ?

Désirée : Jamais.  

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Vingt ans plus tard, devenus reine et roi de Suède à la mort du roi Charles XIII, ils gagnèrent l'estime et l'amitié de leurs sujets. Mais combien leur mémoire était restée fidèle. 

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La servante : Bien, votre majesté.

Désirée : Appelez-moi "madame" quand nous sommes seules.

La servante :  Bien, votre majesté. 

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Mais une autre pensée l'obsédait davantage à toute heure en tout lieu.

Bernadotte : Nous nous sommes détestés, tous les deux mais je ne l'ai pas trahi. J'ai agi en Suédois mais je n'ai jamais cessé de penser en Français. Ca a toujours été ma hantise du reste. Et c'est pour cela sans doute que je n'ai jamais pu apprendre le suédois.

[...]

Bernadotte : D'ailleurs, nous ne nous sommes pas réellement détestés, lui et moi.

Désirée : Mais non, j'en suis certaine.

Bernadotte : Et, vingt fois, nous avons failli nous jeter dans les bras l'un de l'autre.

Désirée : Oui mais voilà, il y avait quelque chose entre vous.

Bernadotte : Non, il y avait quelqu'un entre nous. Et si tu étais moins modeste, tu aurais deviné que c'était toi.

Désirée : Qu'est-ce que tu veux dire ?

Bernadotte : Tu as toujours cru que je l'enviais, lui, sans jamais te demander si je n'étais pas jaloux de toi.

Désirée : Tu as été jaloux de moi ?

Bernadotte : Je n'ai jamais cessé de l'être.

Désirée : Oh...

Bernadotte : As-tu cessé, toi, de l'aimer ?

Désirée : Mais... pourquoi ne m'as-tu jamais fait d'observations à cet égard ?

Bernadotte : Pour te le faire aimer d'avantage ? Merci.

Désirée : Mais lui ne m'aimait plus.

Bernadotte : Mmmh, non. Mais on n'est jamais satisfait de voir au bras d'un autre celle qu'on a aimé.

Désirée : Ah... Je pensais bien qu'un jour tout retomberait sur moi.

Bernadotte : Pardon, pardon, mais je suis... si malheureux.

Désirée : Je le vois bien.

Bernadotte : Pense, j'étais maréchal de France, et je suis roi de Suède.

Et nous savons d'ailleurs qu'à son heure dernière, mais... n'anticipons pas.

Bernadotte : Qu'est-ce que c'est que ce pli ?

Désirée : Je ne sais pas. Tu dormais, on l'a déposé.

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Bernadotte : C'est la copie du testament de l'empereur que le roi Louis-Philippe me fait parvenir. Mon Dieu, il y a donc encore un Français qui s'intéresse à moi. "Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né, il y a cinquante ans."

Désirée : "Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé". 

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Désirée : Tu ne dors pas ?

Bernadotte : Oh non, du tout.

Désirée : Tu me demandais récemment ce que nous pourrions faire pour lui.

Bernadotte : Oui.

Désirée : Je pense à ce désir qu'il exprime si bien, que ses cendres reposent sur les bords de la Seine.

Bernadotte : Au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé moi-même. Tu as raison. Et je vois deux choses à faire, et tout de suite.

Désirée : Oui, dis.

Ce qu'il a fait, ce qu'elle a fait, jamais on ne le saura sans doute. Et d'autre part, quel a été le sens du voyage mystérieux de la reine de Suède dont la chronique s'est émue ? Et cette visiteuse voilée qui vint se jeter suppliante aux genoux du roi Louis-Philippe, qui était-elle ? Et le jour du retour des cendres de l'empereur, cette même personne voilée, qui se disait en sanglottant "j'y suis un peu pour quelque chose", n'était-elle pas Désirée Clary, la petite fiancée du général Bonaparte, qui naquit à Marseille, et mourut reine de Suède. 

Guitry, Napoleon, Clarisse, destin, fabuleux

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lundi, 02 juillet 2012

Le destin fabuleux de Désirée Clary - Guitry 1/2

Le film est d'un tenant mais la transcription de pareil chef d'oeuvre demande la place de deux parties... 1/2

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Film : Le destin fabuleux de Désirée Clary (1941, durée 1h50)

Réalisateur : Sacha Guitry 

Désirée (Gaby Morlay), Désirée jeune (Geneviève Guitry), Julie Clary (Yvette Lebon) 
 
Bonaparte (Jean-Louis Barrault), Bernadotte (Jacques Varenne), Talleyrand (Jean Périer), Fouché (Noël Roquevert) 
 
Le conteur (Sacha Guitry)
 
 

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Napoléon : Bernadotte saura que vous êtes venue ?

Désirée : Non.

Napoléon : Qui trahissez-vous de nous deux ?

Désirée : Ce soir, je me le demande. 

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Napoléon : Faites savoir à Junot qu'il doit cesser de m'écrire sur du gras papier de deuil, c'est contraire au respect que l'on doit à un supérieur et cela me donne des idées sinistres quand je reçois ses lettres. 

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Benadotte : Sire, j'ai pensé longtemps que la France ne pouvait être heuseuse qu'en république. C'est à la sincérité de cette conviction que votre majesté doit attribuer mon attitude pendant trois ans. Mes illusions sont dissipées. Je vous prie d'être persuadé de mon empressement à exécuter les mesures que votre majesté pourra prescrire dans l'intérêt de la patrie.
 
Napoléon : Monsieur le maréchal, la conviction que j'ai que votre langue a toujours été l'interprète fidèle de votre cœur donne à l'aveu que vous venez de faire une grande valeur à mes yeux. C'est seulement par une union complète que nous pouvons espérer achever la gloire, la tranquillité et la prospérité de la France. 

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Napoléon : Tenons-nous prêts à partir en campagne à la fin de l'année. L'Angleterre n'ayant pas respecté les clauses du traité d'Amiens, je forme le projet de porter la guerre dans l'île. Lannes, je te prie de te taire.
 
Lannes : Mais je...
 
Napoléon : Si tu n'es pas content, va-t-en.
 
Lannes : Non.
 
Napoléon : Comment, non ?
 
Lannes : Non. Tu as trop besoin de moi. 

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Et pendant trois années, de juin 1804 à juillet 1807, l'empereur ne va guère quitter des yeux cette carte d'Europe, tandis que Désirée continuera de le haïr. 

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Désirée : Chaque étape de sa prodigieuse carrière est comme une nouvelle humiliation que je ressens, qui me torture et qui m'exaspère.
 
Julie : Je m'en rends compte, hélàs. Et je suis bien obligée de l'admettre. Mais entre nous, ce que je ne comprends pas, c'est que Bernadotte éprouve lui ce sentiment à son égard.
 
Désirée : Mais il est tout différent du mien, son sentiment ! Il ne le déteste pas, lui.
 
Julie : Bernadotte ne déteste pas l'empereur ?
 
Désirée : Pas du tout ! Il admire son génie. Mais, que veux-tu, il le considère comme un homme néfaste.
 
Julie : Sincèrement ?
 
Désirée : Sincèrement oui. Parce qu'il ne sait pas la vérité.
 
Julie : Et quelle est donc la vérité ?
 
Désirée : La vérité, c'est qu'il l'envie, c'est tout. Et c'est l'explication de tout. Depuis le premier jour, il l'envie. Depuis Toulon, depuis Arcole, enfin depuis toujours.  Mais il ne s'en rend pas compte. Car, s'il est incroyablement ambitieux, il est le plus honnête homme du monde.
 
Julie : Ambitieux, il me semble pourtant que l'empereur l'a comblé.
 
Désirée : Oh, oui, de toutes les manières, argent, dignités, faveurs, il lui a tout donné.
 
Julie : Alors, que peut-il envier ?
 
Désirée : Sa place. La seule chose évidemment que l'autre ne lui donnera jamais. Mais Bernadotte ne désespère pas de la lui prendre un jour.
 
Julie : Mais toi non plus.
 
Désirée : Mais moi non plus. Avec cette différence que si même un jour Bernadotte prenait la place de l'empereur, moi je n'occuperais pas celle de Joséphine.
 
Julie : Et cependant, tu l'aurais, sa place.
 
Désirée : Oui, mais pas dans son lit. Parlons d'autre chose, tu veux... [...] Joseph !
 
Joseph : Oui, bonjour, bonjour chérie . J'ai des nouvelles de Bernadotte que l'empereur vient à l'instant de me communiquer. Elles sont excellentes et mon frère m'a prié de vous les transmettre. Ah, pendant que j'y pense, pardon, je suis roi de Naples.
 
Julie : Qu'est-ce que tu dis ?
 
Joseph : Tu as bien entendu.
 
Julie : Tu es roi de... ?
 
Joseph : Oui, et toi reine de Naples.
 
Julie : Et tu ne me l'dis pas ?!
 
Joseph : Mais je te l'dis ! Je l'avais oublié un instant, excuse-moi, chérie, il m'a dit tant de choses aujourd'hui.
 
Julie : Mais pourquoi es-tu roi de Naples ?
 
Joseph : Mais parce qu'il l'a décidé ! Qu'est-ce que tu veux que je te dise, tu le connais, n'est-ce pas ? Et Louis et roi de Hollande.
 
Désirée : Votre fère ?
 
Joseph : Oui, lui il est enchanté.
 
Julie : Vous, non ?
 
Joseph : Oh, ne me dis pas "vous", je t'en supplie. Tu sais que je n'ai jamais eu le goût des titres et des dignités. Déjà quand on m'appelle altesse, je trouve ça inconvenant, c'est bien simple. Mais revenons à Bernadotte.
 
Désirée : Pardon, comment se porte l'empereur ?
 
Joseph : Comment donc ? Il est arrivé ce matin, il repart ce soir. Il dort cinq heures par nuit, déjeune en dix minutes, va de victoire en victoire. Ah, je crois que son divorce est chose décidée.
 
Désirée : Et vous me l'dites pas ?! 
 
Joseph : Mais... j'vous l'dis. Mais revenons à Berdanotte.
 
Désirée : Pardon, un mot. Vous a-t-il dit lui-même qu'il divorçait ou bien est-ce une impression que vous avez ?
 
Joseph : Il me l'a fait comprendre. Donc, Bernadotte annonce une victoire éclatante.
 
Désirée : Je, Je voudrais savoir. Est-ce qu'il se résigne à divorcer ou bien... le désire-t-il un peu déjà ?
 
Joseph : Ca, je ne saurais le dire. Donc, Bernadotte annonce une victoire écrasante à Lübeck, la prise de la ville et la capture par lui de quinze cent Suédois qui combattaient parmi les troupes prussiennes.
 
Julie : Et où est Lübeck ?
 
Joseph : Au Danemark. Or, cette petite armée suédoise était commandée par le colonnel comte Mörner, et aussitôt après la victoire, vous allez reconnaître là votre mari, voici comment les choses se sont passées. 

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Bernadotte : Et vous direz à la maréchalle, que je suis victime d'une abominable machination de Davout et de Berthier. 

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Napoléon : Non, sa disgrâce est un fait accompli désormais. C'est en vain que vous pleurez, mesdames, c'en est fini de Bernadotte. Sa conduite à Iéna, son attitude à Wagram, après toutes ces fanfaronnades exaspérantes, mettent un point final à sa carrière militaire. Non, pas cette fois-ci. J'ai pu lui pardonner tout ce dont vous étiez coupables, ses insinuations, ses médisances, ses intrigues, ses complots eux mêmes. J'ai pu passer l'éponge enfin sur tout ce qui portait la marque de votre inspiration. Mais me désobéir en présence de l'ennemi, cela, vous ne le lui auriez jamais conseillé. C'est la troisième fois qu'il n'est pas fusillé grâce à vous ! Ne m'en demandez pas davantage. La mise en disponibilité de Bernadotte est définitive à présent. Vous pouvez vous retirer, mesdames. 

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Bernadotte : Aujourd'hui, il me nomme gouverneur de Rome, me fait grand dignitaire de l'empire et m'accorde une dotation de deux millions.
 
Désirée : Oooh....
 
Bernadotte : Comment veux-tu que j'y comprenne quelque chose ?
 
Désirée : Oooh....
 
 
Mais le soir-même, quelqu'un que nous allons reconnaître se présentait chez Bernadotte. Cette visite allait bouleverser tous les projets de l'empereur, elle allait ouvrir une voie nouvelle à l'ambition du maréchal, elle venait enfin confirmer quel destin fabuleux fut celui de Désirée Clary. 

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Bernadotte : Ah, colonnel ! Soyez le bienvenu.
 
Fournier : Monsieur le maréchal, je ne puis vous dissimuler l'émotion que j'éprouve à revoir votre altesse. Madame la maréchale ?
 
Bernadotte : Oui. 

Fournier :  Madame, vous êtes l'épouse d'un véritable gentilhomme. Si vous saviez.

Désirée : Oh, mais je sais.

Fournier : Sans doute. Mais ce que vous ignorez, madame, c'est le souvenir que mon pays en a conservé, tant votre altesse est populaire en Suède. Votre fils ?

Bernadotte : Oui.

Fournier : On aime à dire qu'un bienfait n'est jamais perdu. Eh bien, tenez, en voici une preuve éclatante. Prince, vous n'ignorez pas que la Suède se trouve en un état voisin de l'anarchie. D'autre part, vous savez que notre vieux roi, Charles XIII, n'a pas de projéniture. Or, il nous faut un chef, il nous faut un prince royal. Notre pays n'a besoin ni d'un Danois, ni d'un Russe. Ce qu'il désire, c'est un Français, un Français qui adoptera notre religion, qui deviendra suédois, un Français connu pour ses exploits guerriers, pour l'estime où le tient l'auguste empereur des Français, qui appartienne à la famille de l'empereur, étant le beau-frère du roi d'Espagne, enfin qui ait un fils susceptible de lui succéder un jour. Telle est l'mouvant mission que j'avais à remplir auprès de votre altesse.

Bernadotte : Monsieur le comte, votre déclaration m'honore et me touche profondément. Mais elle me prend au dépourvu, je dois le dire. Devant une éventualité aussi considérable, certaines objections me viennent à l'esprit. Cesser d'être français, abjurer ma religion...

Fournier : ... comme l'a fait le roi Henri IV, votre concitoyen.

Bernadotte : Oui, mais... même en admettant la question résolue pour moi, il me resterait encore à poser une condition formelle, que j'hésite à formuler.

Fournier : Parlez, je vous en prie.

Bernadotte : Eh bien...

 
¤     ¤     ¤
 

Napoléon : Je suis ravi d'en être débarrassé. En tout cas, je ne pouvais pas refuser mon consentement, car un maréchal de France sur le trône de Gustav Adolf est l'un des meilleurs tours qu'on puisse jouer à l'Angleterre. J'ai trois valets et deux rois, autant dire cinq valets. 

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Talma : Sire, on prétend même que si Dieu vous laissait faire, vous lui prendriez sa place.

Napoléon : Eh bien, non, je n'en voudrais pas, car c'est un cul-de-sac. A vous de jouer, Talma. Et d'ailleurs, c'est justice.

Talma : Non, sire, c'est à vous. Monsieur de Talleyrand vient d'abattre le roi.

Napoléon : Je n'en suis point surpris. Eh bien, je joue carreau.

Talleyrand : Mais, sire, puis-je vous faire observer...

Napoléon : ... que ?

Talleyrand : Que vous avez sept cartes en main.

Napoléon : Eh bien ?

Talleyrand : C'est deux de trop.

Napoléon : Nous ne jouons pas d'argent. Alors ?

Talleyrand : Et d'ailleurs, vous avez tous les droits.

Napoléon : Non, prince, je n'ai précisément pas tous les droits, et je ne peux justement pas tout faire. La boutonnière de Talma en est la preuve. Oui, je peux distribuer tous les trônes d'Europe à mes frères, personne n'ose élever la voix, mais si je veux décorer un comédien, cela fait un scandale. Cambronne, c'est à vous de parler.

Cambronne : Mmmmmh.

Napoléon : Vous ne dites rien, Cambronne ?

Cambronne : Mmmmmh.

Napoléon : Et qu'entendez-vous par "Mmmmmh" ?

Cambronne : Rien, sire, je passe.

Napoléon : Bien.

 

¤     ¤     ¤

 

Désirée : Le vieux roi de Suède trouve inacceptable la condition posée par Bernadotte.

Julie : Mais quelle est donc cette condition ?

Désirée : Devenir son fils, oui, enfin, prince héritier.

Julie : Oh, je ne savais pas. Oh...

Désirée : Tu penses bien que Bernadotte ne va pas se faire naturaliser suédois, devenir protestant, s'exiler en Suède, sans courir au moins la chance de monter sur le trône un jour.

 Julie : Evidemment.

Désirée : D'autre part, ce vieux roi, n'est-ce pas, mettons nous à sa place.

Julie : C'est ce que vous étiez en train de faire justement.

Le valet : Un pli pour madame la maréchale.

Désirée : Donnez, donnez. Mon Dieu, pourquoi j'ai le pressentiment qu'un malheur est arrivé ?

Julie : Veux-tu que je ... ?

Désirée : Non-non-non-non... Oh, mon Dieu !

Julie : L'empereur ?

Désiée : Non, mais mon pressentiment ne m'avait pas trompée.

Julie : Ton mari ?

Désirée : Oui.

Julie : Mort ?

Désirée : Non, roi de Suède.

Julie :Qu'est-ce que tu dis ?

Désirée : C'est fait. Charles XIII consent à l'adopter, tiens, lis toi-même. Oh, mon Dieu, mon Dieu...

Julie : Ma chérie, oh non, ne pleure pas.

Désirée : Je le redoutais depuis trois mois. Voilà, c'est fait, je suis reine de Suède... Je ne sais même pas où est la Suède. Moi qui croyais que c'était un petit pays comme P---. Mais pas du tout, il parait que c'est immense ! C'est là-haut, tout là-haut, là-haut.

Julie : Enfin, inclinons-nous devant la destinée.

Désirée : Eh oui, et nous revoilà de nouveau toutes les deux, l'une consolant l'autre.

Julie : Comme le jour où je suis devenue reine d'Espagne.

Désirée : Oui, c'est vrai. Mais qu'est-ce que nous avons bien pu faire au bon Dieu pour qu'il nous arrive tout cela ? Encore toi, tu le sentais que c'était provisoire.

Julie : Et puis enfin moi, je ne suis pas allée en Espagne.

Désirée : Parce que tu t'imagines que je vais aller en Suède ?

Julie : Tu n'iras pas ?

Désirée : Moi ? Ah, jamais de la vie ! Quitter la France ? Non. M'en aller de Paris ? Non-non-non-non-non. Non, et puis...

Julie : Et puis il y a l'autre.

Désirée : Eh oui.

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Julie : Enfin, quoi qu'il en soit, nous voilà reines toutes les deux.

Désirée : Oui, tu y crois toi ?

Julie : Pas beaucoup. Ca n'a pas l'air sérieux tout cela.

Désirée : C'est peut-être pas sérieux, mais c'est grave.