jeudi, 14 février 2013
Sois sage - & bilingue
Crédits photographiques Marc Kandalaft
Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
— Charles Baudelaire
Meditation
Be quiet and more discreet, O my Grief.
You cried out for the Evening; even now it falls:
A gloomy atmosphere envelops the city,
Bringing peace to some, anxiety to others.
While the vulgar herd of mortals, under the scourge
Of Pleasure, that merciless torturer,
Goes to gather remorse in the servile festival,
My Grief, give me your hand; come this way
Far from them. See the dead years in old-fashioned gowns
Lean over the balconies of heaven;
Smiling Regret rise from the depths of the waters;
The dying Sun fall asleep beneath an arch, and
Listen, darling, to the soft footfalls of the Night
That trails off to the East like a long winding-sheet.
— William Aggeler, The Flowers of Evil (Fresno, CA: Academy Library Guild, 1954)
Source : http://fleursdumal.org/poem/321
07:31 Publié dans Ecrits, Photographie, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baudelaire
mercredi, 13 février 2013
Mercredi des Cendres - Je me lèverai
Eglise Saint-Sulpice
Crédits photographiques Jana Hobeika
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Vers Toi, Seigneur, j'élève mon âme,
Je me confie en Toi, mon espoir.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Vois mon malheur, regarde ma peine.
Tous mes péchés, pardonne-les moi.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Mon coeur a dit : je cherche ta face;
Entends mon cri, pitié, réponds-moi.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Vers Toi, Seigneur, je crie et j'appelle.
Ne sois pas sourd, ô Toi, mon Rocher.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Ne ferme pas pour moi tes tendresses.
Que ton amour me garde à jamais.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Guéris mon coeur et guéris mon âme.
Car j'ai péché envers ton amour.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Pitié pour moi, ô Dieu de tendresse.
Purifie-moi de tous péchés.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Ô Dieu, tu sais toute ma folie.
Et mes péchés sont tous devant Toi.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Reviens vers nous malgré nos offenses.
Prends en pitié, Seigneur, tes enfants.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Rends-moi la joie de la délivrance.
Ouvre mes lèvres pour te chanter.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
Heureux celui à qui Dieu pardonne
Toutes ses fautes, tous ses péchés.
Oui, je me lèverai,
Et j'irai vers mon Père.
20:08 Publié dans Foi, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mercredi des cendres, église saint-sulpice
L'irréparable - Baudelaire, Degas
La coiffure, Degas
L'irréparable
Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords,
Qui vit, s'agite et se tortille,
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille ?
Pouvons-nous étouffer l'implacable Remords ?
Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,
Noierons-nous ce vieil ennemi,
Destructeur et gourmand comme la courtisane,
Patient comme la fourmi ?
Dans quel philtre ? – dans quel vin ? – dans quelle tisane ?
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,
À cet esprit comblé d'angoisse
Et pareil au mourant qu'écrasent les blessés,
Que le sabot du cheval froisse,
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,
À cet agonisant que le loup déjà flaire
Et que surveille le corbeau,
À ce soldat brisé ! s'il faut qu'il désespère
D'avoir sa croix et son tombeau ;
Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire !
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
Peut-on déchirer des ténèbres
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,
Sans astres, sans éclairs funèbres ?
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
L'Espérance qui brille aux carreaux de l'Auberge
Est soufflée, est morte à jamais !
Sans lune et sans rayons, trouver où l'on héberge
Les martyrs d'un chemin mauvais !
Le Diable a tout éteint aux carreaux de l'Auberge !
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?
Dis, connais-tu l'irrémissible ?
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,
À qui notre coeur sert de cible ?
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?
L'Irréparable ronge avec sa dent maudite
Notre âme, piteux monument,
Et souvent il attaque, ainsi que le termite,
Par la base le bâtiment.
L'Irréparable ronge avec sa dent maudite !
– J'ai vu parfois, au fond d'un théâtre banal
Qu'enflammait l'orchestre sonore,
Une fée allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore ;
J'ai vu parfois au fond d'un théâtre banal
Un être, qui n'était que lumière, or et gaze,
Terrasser l'énorme Satan ;
Mais mon coeur, que jamais ne visite l'extase,
Est un théâtre où l'on attend
Toujours, toujours en vain, l'Être aux ailes de gaze !
07:15 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Peinture, Poësie | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 12 février 2013
La vie au conditionnel ou le moment flottant des possibles - Delerm
Philippe Delerm (né en 1950)
Extrait de La première gorgée de bière, 1997, Philippe Delerm, Gallimard :
On pourrait presque manger dehors
[...]
"On pourrait presque manger dehors." La phrase vient toujours au même instant. Juste avant de passer à table, quand il semble qu'il est trop tard pour bousculer le temps, quand les crudités sont déjà posées sur la nappe. Trop tard ? L'avenir sera ce que vous en ferez. La folie vous poussera peut-être à vous précipiter dehors, à passer un coup de chiffon fiévreux sur la table de jardin, à proposer des pull-overs, à canaliser l'aide que chacun déploie avec un enjouement maladroit, des déplacements contradictoires. Ou bien vous vous résignerez à déjeuner au chaud - les chaises sont bien trop mouillées, l'herbe si haute...
Mais peu importe. Ce qui compte, c'est le moment de la petite phrase. On pourrait presque... C'est bon, la vie au conditionnel, comme autrefois, dans les jeux enfantins : "On aurait dit que tu serais..." Une vie inventée, qui prend à contre-pied les certitudes. Une vie presque : à portée de main, cette fraîcheur. Une fantaisie modeste, vouée à la dégustation transposée des rites domestiques. Un petit vent de folie sage qui change tout sans rien changer...
Parfois, on dit : "On aurait presque pu..." Là, c'est la phrase triste des adultes qui n'ont gardé en équilibre sur la boîte de Pandore que la nostalgie. Mais il y a des jours où l'on cueille le jour au moment flottant des possibles, au moment fragile d'une hésitation honnête, sans orienter à l'avance le fléau de la balance. Il y a des jours où l'on pourrait presque.
Crédits photographiques Karim Hobeika
Se procurer l'ouvrage :
La première gorgée de bière
Philippe Delerm
1997
Coll. L'Arpenteur, Gallimard
91 pages
07:58 Publié dans Ecrits, littérature contemporaine, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 11 février 2013
Les deux faces souvent diffèrent...
Les deux faces souvent diffèrent...
... ou quand le malheur des uns fait le bonheur des autres.
Source : http://iris-bleu.centerblog.net/rub-masques-de-venise-.html
Deux amies qui se parlent :
- Alors, ta soirée d'hier, bien ?
- Non, c'était un désastre. Mon mari est arrivé à la maison, a avalé en quatre minutes le dîner que j'avais passé l'après-midi à préparer, a fait l'amour en trois minutes, s'est retourné sur le côté et est tombé endormi en deux minutes. Et toi ?
- Oh, c'était incroyable ! En arrivant à la maison, mon mari m'attendait, il m'a invitée pour un dîner très romantique. Après le dîner, nous avons marché pendant une heure. Rentrés chez nous, il a allumé toutes les bougies dans la maison et nos préliminaires ont duré une heure ! Après, nous avons fait l'amour pendant une heure ! Et après, on a discuté pendant une autre heure. C'était merveilleux !
Au même moment, les deux hommes discutent :
- Alors, ta soirée d'hier, bien ?
- Géniale ! Quand je suis arrivé, la bouffe était prête. J'ai mangé, on a baisé et je me suis endormi. Et toi ?
- L'enfer ! J'étais rentré tôt pour fixer l'étagère de la cuisine. En démarrant la perceuse, le courant a sauté, impossible à remettre. Quand elle est rentrée, la seule solution pour ne pas me faire engueuler, c'était de l'emmener au restaurant. Le dîner a coûté tellement cher que je n'avais plus assez d'argent pour payer le taxi du retour. Il a fallu marcher une heure pour rentrer ! Arrivés à la maison, forcément, toujours pas d'électricité, j'ai dû allumer des putains de bougies pour qu'on y voit quelque chose dans la baraque. Cette histoire m'a foutu tellement en rogne que ça m'a pris une heure pour bander, et après ça m'a pris une autre heure pour jouir. Finalement, encore énervé, ça m'a pris une heure pour réussir à m'endormir et pendant ce temps, l'autre n'a pas arrêté de parler !
07:59 Publié dans Farce et attrape | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : masque, venitien, venise
dimanche, 10 février 2013
Etymologie - croire
Marque-page
Extrait de l'article "Signification d' "avoir la foi" : ce que l'hébreu nous apprend", in La revue Passy Notre-Dame, numéro 517, décembre 2012, père Gabriel Würz :
"Avoir la foi" ou "croire", en hébreu, vient d'une racine (AMaN) qui évoque au sens strict la notion de support : ce qui soutient. Ainsi, c'est cette racine qui sera employée pour parler du soutien solide des bras du parent qui tient le petit enfant sans défense. C'est encore cette même racine qui sera utilisée pour désigner les piliers qui supportent les portes du sanctuaire du Seigneur (cf. 2 R 18,16). Le sens de base est donc celui d'une fermeté, d'une stabilité, d'un support stable. Le verbe "croire", "avoir la foi", est constitué, quant à lui, en utilisant cette racine au "hiphil" - mode causatif.
Cela implique que "croire en quelque chose", dans la logique de la langue hébraïque, c'est faire de ce quelque chose un support, un soutien, ce sur quoi on va prendre appui.
"Croire" n'est donc pas un sentiment de certitude qui serait éprouvé mais un acte de la volonté qui décide de faire de l'objet en question un appui. Cette décision n'est d'ailleurs pas forcément concomitante avec la sensation effective de l'appui (qui correspond à l'usage de la racine au "niphal" - mode passif). Le prophète Isaïe joue sur cette nuance et ce décalage lorsqu'il dit "Si vous ne croyez pas, vous ne serez pas établis" (Is 7,9) soit littéralement : "Si vous ne faites pas [de Dieu] un appui, vous ne serez pas en appui" (Lo TaAMiNou Ki Lo TéAMéNou).
L'acte de foi en Dieu n'est donc pas tant une certitude éprouvée de son appui qu'une décision très pratique de dépendre de lui, de sa Parole, d'en faire le socle de notre existence. La foi est une fidélité, une stabilité, une fermeté, dans cette décision d'appuyer et de réappuyer les actes de notre existence sur le Seigneur.
Père Gabriel Würz
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> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html
07:40 Publié dans Foi, Les mots français | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 09 février 2013
Lune de Fiel - Polanski
Film : Lune de Fiel (1992, durée 2h18)
Réalisateur : Roman Polanski
Oscar l'écrivain (Peter Coyote), Mimi sa femme (Emmanuelle Seigner), Nigel le confident d'Oscar (Hugh Grant), Fiona la femme de Nigel (Kristin Scott Thomas)
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Oscar parlant de Mimi à Nigel : Elle me faisait pitié. Elle gisait là avec son ventre qui criait famine, ses organes en pagaille.
07:34 Publié dans Films étrangers, Les mots des films | Lien permanent | Commentaires (0)