jeudi, 24 janvier 2013
Un regard philosophique et littéraire sur le MPT - Romain Debluë
Avant de commencer, voyons l'étymologie du mot "mariage" gracieusement fournie par Wikipedia :
En français, le nom mariage provient du verbe latin maritare, issu de maritus, qui dérive, d’après une explication traditionnelle, de mas / maris, le mâle.
L’adjectif qui lui correspond « matrimonial », provient du substantif latin matrimonium, issu de mater, la mère et signifiant également mariage.
L'usage du mot latin matrimonium dans les textes juridiques et théologiques a largement contribué en Europe à l’élaboration de la notion. Il n'a pas laissé de substantif en français moderne, mais reste néanmoins présent en italien et en espagnol, sous la forme de matrimonio. Dans les pays d'Europe occidentale dont les langues découlent du latin, le cadre lexical du mariage renvoie donc à une forme juridique par laquelle la femme se prépare à devenir mère par sa rencontre avec un homme.
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Rose en papier faite main par une fillette en voyage
Extrait de "Petit traité de gamologie contemporaine", 2013, Romain Debluë :
"On a tout essayé, par la suite, avec le mariage. On l'a plié dans tous les sens. On a tâté de la polygamie, de la bigamie, de la monogamie, de l'adultère, du divorce à répétition, du mariage forcé, du mariage civil, du mariage religieux, du mariage d'argent, du mariage raté. On a même vu des mariages heureux. On a vu des mariages stériles et d'autres féconds, des unions dramatiques et des noces de sang. On en a fait des vaudevilles et des tragédies. Avec des placards pleins d'amants, des cocus en caleçon, des maîtresses acariâtres. Le mariage, en résumé, n'a été inventé que pour fournir des sujets de romans et pour assurer la chaîne sans fin des générations ainsi que veut l'espèce." (Ph. Muray, Le mariage transformé par ses célibataires mêmes, in Exorcismes spirituels IV)
Le mariage, institution des temps antérieurs, sacrale mais par lucidité religieuse, semble aujourd'hui comme jamais certes jadis disgracié de ses antiques prérogatives anthropologiques, - mais implicites toujours car luisantes des heureuses amours modernes.
Maint hémisphérique crétin désormais s'entrapplaudissent de n'y plus rien comprendre et glosent d'aisance une éphémère chimère dont à l'horizon de leur propre sottise, seule, ils peuvent parfois entrevoir l'ombre, vite abolie. On ne sait trop, d'ailleurs - faute à leur malaisance verbale bien souvent - quels sémantismes l'on devrait ouïr vibrer lorsque d'aucuns énoncent l'infatigable quoiqu'absurde formule du "mariage pour tous", ce mystérieux grumeau d'une gerbure d'intellect moisi, dégluti par quelque étêté politicard au fond d'une morne journée d'hypotention mentale.
Lors même que le mariage, en vertu de sa prime définition, constitue d'excellence une institution à toutes et tous ouverte ; pour peu, bien sûr, que l'on entende, de pleine volonté, se plier à sa structure, lors donc certains - insavants peut-être de l'art alphabétique, se répandent politiquement en bruyants hurlements d'étranges revendications qui, certes, eussent fait tressauter de rire ces notoires invertis que furent, par exemple, Proust, Wilde et, selon certain, Michel-Ange.
Le débat contemporain, qui voudrait qu'il n'y ait point débat puisque Dieu, en la bouche détournée et multiple du Parti Socialiste, a parlé, afflige et désole maints : certains parce que son objet fait évidence de son aberration, d'autres parce que l'opposition à son objet leur apparaît une monstruosité au moins comparable à ce que, jadis, l'inversion représentait aux yeux des moralistes.
Tous, notoires indigents mentaux, font mine de savoir de quoi l’on parle, et par l’insensé verbiage de leurs grinçants argumentaires, espèrent élever leur intime opinion à valeur d’universelle raison. Fasse l’Histoire que leur bilatérale folie ne puisse plus être longtemps dissimulée, car m’apparaît urgent de considérer, une bonne fois pour toute, le problème en ses principes et non point en ses inconciliables et confuses ramifications.
J'affirme, pour ma part, que l'infernal pandémonium qui aujourd'hui tient lieu de nationale préoccupation en terres françaises ne relève ni, en ses origines, du social, ni du sociétal, ni de l'anthropologique pur, ni bien sûr du politique : la question du mariage telle qu'elle est tordue et, osons le mot, pervertie aux nôtre embrumées époques, relève du Langage ; et donc, avant tout, de la littérature. Excluons donc de nos intellectuels interlocuteurs ceux qui n'y peuvent rien entendre, à commencer par le très cocasse gouvernement où d'égale façon se répartissent les jobards et les ribaudes en lequel résonnent depuis de longues semaines les sermons émouvants de Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et de l'Universelle Pénitence Masculine, souriante benjamine du gouvernement dont il semble, à première vue, fort malaisé de ne point se gausser tant son immuable ton de joviale maîtresse d'école, sorte de flûte envoûtante du Bien, paraît destiné à susciter chez autrui la plus immédiate vague d'hilarité qui soit, - méchante et misogyne bien sûr, car c'est un péché que de moquer une femme politique à travers laquelle, toujours, gronde l'assemblée intégrale des femelles d'ici et d'ailleurs prêtes à dégainer une plainte pénale exorbitante.
Comment, en effet, ne point ricaner lorsque l'on entend cette jeune et dynamique mégère déclarer, dans Le Monde, ce "choc des paupières" comme disait Desproges, que "pour les élèves, un apprentissage de l'égalité sera mis en place de la fin de la maternelle à la fin du primaire" et que, "enfin, l'éducation à la sexualité deviendra effective : il ne s'agit pas de parler de pratiques, mais d'apprendre l'égale dignité et le respect entre les sexes." Ainsi que, sans doute, demanderait Philippe Muray, moi-même m'interroge : quelle éducation ? quelle dignité et surtout quels sexes ? Autant de mots que, depuis plus de trente longues années, la France s'emploie à décortiquer comme d'inertes crevettes pour, très bientôt, finir par en jeter les débris épars dans les poubelles de l'Histoire terminée. Que puis-je donc, moi pauvre mâle phallique et mal famé, respecter lorsque l'autre sexe n'existe plus que d'une espérance de cosmique dissolution ?
[...]
Il semble difficile pour les nébulosités céphaliques de Mme Vallaud-Belkacem d'émettre ne serait-ce qu'un millilitre de substance cohérente et claire, quoique peut-être, nous pourrions l'espérer, vaguement élaborée. Si la susdite ministre du Droit aux radasses à faire voter en toute impunité leurs lois salopes n'avait pas, comme je le suppose, été au moins première de classe en cours de langue vivante II, option Français-Langue de bois, nous n'eussions pas eu à subir les ravages de sa prose sur plus, probablement, de deux lignes et demi car, peu ou prou, ainsi aurait-elle formulé sa diatribe : tant que l'individu n'est pas un mâle, l'individu a le droit de faire tout ce qu'il veut avec tous ceux qui consentent à ses phantasmes, sans quoi les gens risqueraient de ne point s'aimer les uns les autres, - et pour cause.
Qu'on me permette de traduire une seconde fois, pour les plus engourdis : la Loi n’a qu’un but, divin et socialiste, sa propre abolition dans la pure reconnaissance d’elle-même dans la fluide mouvance des désirs de tous. Hegel, en temps historiques où bientôt Marx allait surgir sur les terres par lui préparées à cette pensée, affirmait, cela dit avec le vague qui convient à une simplification pédagogique, que l’Histoire se pouvait ramener en ultime compréhension à quelque chose comme le « jeu du sujet singulier et de la Loi universelle »*; par malfortune, la post-Histoire qui est hui notre quotidien paraît bien loin de réaliser la finale synthèse qu’il affirmait être sienne. Si, de fait, le jeu a cessé, car les cons temporés n’aiment point l’implicite de gratuité qui sourd en cette activité, ce n’est certes pas en un sens d’aboutissement, bien plutôt de conflagration folle où se débat en débats et déboires l’humanité d’un temps en quoi le sujet singulier pour n’avoir plus à s’interdire quoi que ce soit, fait de la Loi l’instrument docile – car abstrait – de ses personnelles exigences. La Loi, primordiale quoiqu’en cet aspect inexhaustive et allégée de ses conséquences, était interdiction ; car c’est par l’interdiction que, du chaos naturel des vivants, s’extirpe l’Homme par-là devenu être de culture et de société. À la source, bien sûr, de cette assomption de l’Homme en sa propre essence, qui de toujours fut d’être culturel, se niche et même point ne se cache l’interdit de l’inceste, primitive nécessité de tout ordre social futurement projeté et réalisée par l’acte d’attribution aux mâles d’une femelle, empêchant par ce geste fondateur l’ancienne domination de l’unique chef de meute qui, de par cette position, portait haut le privilège d’ensemencer à lui seul toutes les utérines cavités alentours. D’où jaillissement d’une neuve et très symbolique fonction : la fonction du père, – et bientôt celle même des Nom-du-Père, ainsi que la formalisera Jacques Lacan. Inexistante, icelle, jusques alors, ce qui déjà signifie une évidence aujourd’hui oubliée, celle de l’indissolubilité radicale de la paternité et du mariage. Disons-le en termes simples, au risque d’éclabousser de cette simplicité quelqu’âme sensible inhabituée à sentir heurtés ses ronronnants préjugés post-modernes, le mariage n’a point d’autre prime et élémentaire fonction que d’offrir à tout enfant un père, c’est-à-dire, puisque par le père vient celle-là, une Loi ; pour mieux dire une existence au sein de cette Loi que dit le père et que, dans la bouche du fils, il entend faire respecter ; entende qui n’est pas toujours compréhension d’ailleurs.
[...] Mère l’est sans le dire, nul recours à la parole ici nécessaire, père en revanche ne l’est qu’en l’horizon du langage, et s’affirmer tel ne peut, en réalité, qu’être toujours un peu travestissement de la réalité, – car le langage laisse la possibilité de ne pas le dire. Dans cette précise négation réside la particularité de la fonction paternelle qui, à y regarder bien, n’a que peu de rapport avec le rôle de la mère, pourtant dit aujourd’hui adjacent et peut-être même équivalent. Point n’est ici notre volonté de contester la capacité que peuvent avoir deux hommes ou deux femmes à élever un enfant, car quoiqu’en disent les éberlués partisans du « mariage avec n’importe qui », la question ne peut ainsi être posée. La réalité des familles monoparentales ou, parfois même, homoparentales, comme l’on dit, n’est pas à nier, mais elle est à conserver en sa nature, qui est précisément d’être réalité ; or il est dangereux de mêler sans en prendre conscience le réel et le symbolique, selon les lacaniennes dénominations dont aujourd’hui tout le monde semble faire fi. L’enfant n’a pas, comme s’évertuent à le répéter les grenouilles ignares qui s’époumonent à coasser des lieux-communs de la psychanalyse en surgelés, d’un père et d’une mère nécessairement, mais de bien plus essentielle façon d’avoir prise sur deux fonctions, qui sont de paternité et de maternité, mais n’existent que dans l’ordre du Symbolique ; quoique profondément ancré dans le Réel soit la fonction maternelle, qui pourtant peut souffrir de lacune sans dommages psychiques systématiques. Aberration, donc, si l’on discute la réalité mais folie en revanche si l’on prétend faire d’icelle l’autorité des structures symboliques, dont la Loi, ultimement, n’est que la cristallisation culturelle la plus implacable.
Si les partisans et les opposants à cette loi ne pourront, d'éternité, s'entendre (et outre le fait que les deux clans sont en majorité composés d'irréductibles imbéciles) c'est en premier lieu parce qu'ils ne parlent tout simplement plus la même langue. Ou plutôt les uns radotent une langue morte dont ils n'ont plus l'entente, tandis que les autres bredouillent un post-langage infinitésimal dont avec l'inoxydable Vallaud-Belkacem nous avons pu avoir quelque impression vertigineuse. Cette égalité entre les enfants naturels et légitime, par exemple, ne voyons-nous donc point qu’en plus de signer la mort définitive de toute possible paternité, – qui commence précisément là où s’opère la distinction entre ces deux modes de géniture –, elle constitue (du moins en sa forme ultime qui, d’un jour à l’autre, menace de nous tomber sur le coin de la gueule) le plus court chemin vers cet ordre naturel dont plus haut j’ai fait mention en le disant préposé à toute forme de société car n’étant pas encore théâtre du partage des femmes, et donc de la plus originelle distinction qui se puisse concevoir en ce domaine qui est celui du parlêtre duquel l’Homme tient sa définition même ? Dans ce contexte, la Loi est rabougrie à l’état, latent, de phantasmes universalisés et portés à hauteur de décrets : si deux personnes s’aiment, de facto elles doivent pouvoir se marier car la loi est à présent celle du désir et son rôle, lorsque ce n’est pas en faveur d’un malin phallus, est de permettre, encore et toujours, jusqu’à ce que ce terme même, comme tant d’autres jà dissous, ne signifie plus que sa propre extinction imminente. En rien ne s’agit-il ici de nier le succès que peuvent avoir deux hommes ou deux femmes à éduquer un enfant, – quoique personnellement l’idée d’avoir deux mères me ferait arder d’une surnaturelle angoisse car l’on a bien assez d’une seule à laquelle échapper. Le plan susévoqué du Réel n’est ici nullement en cause, et nécessaire se fait la distinction. En revanche, là où le débat blesse, c’est lorsqu’il est exigé que cette réalité soit transcendée symbolique par l’action d’une Loi, laquelle précisément n’existe que pour n’avoir rien à faire avec la réalité sinon de surplomb et de prééminence.
Le mariage ouvert à tous entre tous et certainement bientôt entre parents proches, puisque la très algide Élisabeth Badinter, dans un ouvrage intitulé L’un et l’autre, au cœur d’un chapitre titré : La mort du patriarcat, autant dire tout un programme, et des plus bucoliques, écrivait que « pour la première fois, certains osent revendiquer à visage découvert le droit à l’inceste et d’autres s’emploient à le dédramatiser »** et semblait s’en réjouir comme si elle n’avait jamais fait d’études de Philosophie, – ce qui, dans le fond, est sans doute le cas ; ce mariage ouvert à tous, donc, constitue bel et bien l’annulation pure et simple du but premier et fondamental du mariage qui, jadis, était d’offrir à l’enfant un père, grâce à la sursumation légale de ce rôle dont nous avons dit qu’à l’origine, il se peut résumer à un pur acte de langage.
Comme on le peut constater sans peine, l’amour n’a que peu de rapport avec cette affaire, car il me paraît évidence que tout amour véritable, en matière sociale, cherche avant tout à profiter d’une certaine clandestinité ; et sur ce point, ce n’est certes pas Sollers qui me contredira. Or, depuis quelques années, il semble que maints s’accordent à considérer le mariage comme une forme de reconnaissance sociale de l’affection tissée entre un nombre d’êtres encore réduit à celui du couple, mais bientôt extensible à souhaits, cela va sans dire : se marier revient donc à demander à l’État de faire exister avec un peu plus de consistance l’amour que Monsieur Lambda éprouve pour un autre Lambda, vaguement apparenté à l’une des dix-huit identités sexuelles répertoriées. Faut-il donc, au fond du gouffre, rappeler que l’amour n’a nul besoin du mariage et qu’en affirmant pareille bêtise, les progressistes béats se mettent, à l’inverse de leurs troubles intentions, à faire le lit des plus traditionnelles et moralisatoires idéologies conjugales ?
J'ai dit plus haut que l’essentiel de la question était littéraire, et sur ce point ce me paraît être limpide, car après tout, seuls les contes de fées, destinés à offrir aux enfants une prise symbolique sur le Réel, se terminent par l’heureux mariage du Prince et de la Princesse. La littérature romanesque, précisément, commence là où finit le conte de fée, et s’entend donc le roman comme toujours étude de mœurs, sinon poésie insue. Impossible, cela va de soi, d’écrire Madame Bovary dans un monde où règne le droit pour tous d’infuser la substance de ses désirs dans la moelle de la Loi ; impossible d’écrire L’Education sentimentale dans un monde où il suffirait à Mme Arnoux de divorcer sans conséquence pour rejoindre Frédéric, de vivre avec lui jusqu’à plus soif, et peut-être même, après une durée de cohabitation suffisante, de le légaliser tuteur officiel de ses deux enfants ; impossible d’écrire Un prêtre marié en une époque où c’est précisément parce qu’ils sont célibataires que les ecclésiastiques sont la cible des moqueries de tous les éternels potaches de la République ; impossible à Feydeau d’écrire la moindre de ses hilarantes comédies dans un monde où nul amant n’a encore besoin de se cacher dans aucun placard ; impossible aussi d’écrire L’Homme qui rit dans un monde où Ursus aurait simplement pu adopter Gwynplaine et par là effacer jusqu’à la trace de sa biologique filiation que nul n’aurait pu découvrir nobiliaire ; impossible également d’écrire la Recherche du Temps perdu dans un monde où Charlus serait marié à Jupien et Albertine à Mlle de Vinteuil, les deux couples ayant d’ailleurs employé les vits et utérus anonymes de quelque philanthropique donneur et mère porteuse afin d’avoir trois enfants par couple, trois beaux enfants épanouis et heureux qui, le dimanche après-midi, s’en iraient porter des madeleines à Monsieur Proust dont tout le monde saurait qu’il envisage de se pacser avec sa chère « maman. » Je ne crois pas un seul chef-d’œuvre de la littérature capable de résister à cette énumération, qui se peut indéfiniment poursuivre d’ailleurs : impossible d’écrire Hamlet dans un monde où le père n’est qu’une construction sociale née d’un modèle arbitraire d’hétérosexualité dominante et qui donc en rien ne mérite qu’on le venge de quoi que ce soit ; impossible d’écrire Le lys dans la vallée, Partage de midi, Sous le Soleil de Satan, Les liaisons dangereuses, impossible aussi d’écrire le premier roman, superbe, de Boutang : La maison un dimanche, impossible d'écrire Rodogune et son noeud de vipères familial admirablement tressé tandis que tournoie dans l'obscurité une brillante coupe de poison, en laquelle scintille la Mort, plus noir que la nuit des âmes alentours ; bref l'à peu près intégralité des romans fondamentaux de notre histoire.
[...] Si d’aucuns peuvent, sans que les axones de leurs neurones s’entrelacent de confusion, affirmer que le « mariage pour tous » ne change rien, c’est parce qu’eux-mêmes, en prémisses de leur absence de raisonnement, admettent une définition du mariage qui jà change tout. Si l’on entend dénier au mariage toute pertinence symbolique, en le résorbant en l’orbe atrophié d’une pure déclaration d’affection, le faisant ainsi, en termes hégéliens, le jouet d’une belle âme qui ne trouve sa vérité qu’en ses propres intimes désirs mais ne peut néanmoins s’empêcher de s’en justifier par ce moyen universel qu’est le Langage afin d’obtenir d’autrui manière de légitimation ; déjà, alors, on le défigure, on le prostitue sans vergogne aux autoritaires exigences d'un Surmoi de jouissance couronné souverain. L’égalité des droits est une nécessité qui n’exige rien de plus – nul ne me fera sur ce point dévier – que la mise en place d’une union civile taillée sur mesure pour les couples d’invertis ; laquelle exclurait bien sûr toute prolongation filiale et ne constituerait qu’une manière de faciliter, pour ces personnes, une vie sociale que, parfois, j’imagine effectivement compliquée.
Dans un monde où les mots pourraient encore avoir quelque forme d'importance, ce genre d'union ne pourrait bien sûr être désigné sous le terme de mariage, mais comme je l'ai affirmé plus haut, le post-humain militant ne parle malheureusement plus la langue qu'ici, pour ma part, je m'efforce d'ânonner avec plus ou moins de rigueur et, nonobstant, d'élégance. Lorsqu’il glapit : « mariage pour tous ! » j’entends une évidence qui est celle d’une institution ouverte à tout individu qui désirerait bénéficier d’icelle en tant que structure donnée ; nous ne nous comprenons plus parce que nous n’existons plus dans le même ordre d’être-au-monde, et c’est ce divorce significatif que signe et confirme cette nouvelle utopie des temps nôtres, ou la démence est faite roue libre pour le plaisir de tous et les droits d’aucun. Nous vivons à ce point de vue une époque des plus fascinantes, quoique nauséabonde par de nombreux côtés, qui s’affirme celle d’un tournant radical dans la débâcle post-historique dont Philippe Muray a su analyser les premières effusions. Consummatum est, peut-être, ou très bientôt en tous cas, et ne reste plus qu’à observer, de loin, les gagnants continuer à se battre pour une victoire déjà obtenue et les perdants continuer à résister, myopes, pour sauver tout ce qui est déjà mort et dont à présent ils n’agitent plus que les spectres ridicules et translucides. Peu me chaut que pareil projet soit voté ou ne le soit pas : il l’est déjà et lutter contre de pareilles évidences, tant elles sont démentielles, relève de l’inexorable effort inutile. Je préfère m’employer à prendre cette boue que l’on ne donne même pas afin que d’essayer d’en faire de l’or, – c’est-à-dire de la littérature. Ce qui, en la présente matière, vient d’être fait grâce à ce texte.
> A consulter pour le texte intégral et beaucoup plus : http://amicusveritatis.over-blog.com/article-petit-traite...
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jeudi, 10 janvier 2013
Etymologie - Battre en brèche
Source : Direct Matin, mardi 18 décembre 2012
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lundi, 24 décembre 2012
Etymologie - Amour - Fragonard, Blake, El Greco, Rubens
Diane et Endymion, Fragonard
Extrait de La Croix, lundi 19 novembre 2012
"Les mots pour le dire", Elodie Maurot
Avant de tisser lettres, poèmes ou romans autour de l'amour, toute langue est au défi de choisir les quelques mots qui incarneront l'amour...
Tout juste un mot, "amour", pour le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ? Qu'on ne s'y trompe pas, la langue française a hérité là d'un mot multiple, un mot-tiroir, un mot-valise, plein de sous-entendus et de nuances, où chaque époque a inscrit ses interrogations et ses certitudes. Dans l'Antiquité, il fallait une triade - éros, philia et agapè -, pour déployer toutes les couleurs de l'amour.
"L'éros est l'amour conçu comme ardent désir d'être uni à quelqu'un", souligne Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice du Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale (PUF). La philia, elle, désigne "une relation empreinte de réciprocité et d'estime mutuelle". Ce terme, souvent traduit par "amitié", a une portée plus large, et consiste en une affection qui se caractérise par la volonté d'entretenir avec autrui des rapports où se manifeste une certaine excellence morale. "Enfin, l'agapè, est l'amour consacré à autrui, mais autrui considéré dans sa qualité fondamentale d'être humain et un prochain. C'est un sentiment sans attente de réciprocité et d'une certaine façon indépendant de ce qu'est l'aimé."
L'amour d'Adam et Eve, William Blake
Comment les Grecs se rapportaient-ils à ces distinctions, quels usages en faisaient-ils ? "Une chose est sûre, les Grecs et les Romains séparaient plus fortement que nous ne le faisons le plaisir du désir, répond Paul Veyne, historien de l'Antiquité. Dans l'Antiquité, le plaisir est omnisexe - ce qui explique la fréquence de l'homosexualité - alors que le désir, lui, choisit un sexe." L'amitié, de son côté, pouvait y être ardente. "Les Romains étant capables d'en faire une véritable passion, alors que cette forme d'amitié est aujourd'hui peu populaire et toujours suspecte d'homosexualité", poursuit l'historien.
Le terme agapè connaît une gloire plus tardive. On sait que son usage était connu de la littérature païenne, on le retrouve dans l'oeuvre du philosophe juif hellénisé Philon d'Alexandrie (premier siècle avant l'ère chrétienne), mais le concept connus une promotion soudaine quand les auteurs du Nouveau Testament l'adoptèrent pour désigner l'amour chrétien. Dans ce contexte, agapè - traduit par amour ou charité - désigne la vertu des vertus, comme dans l'Hymne à l'amour de la première lettre de Paul aux Corinthiens (chapitre 13) et la première épître de Jean.
C'est au XIIe siècle que va surgir le mot "amor" pour désigner l'amour. "Les médiévaux ont un vocabulaire plus pauvre que les Grecs, ils ont "amour" et "charité", point final", résume Michel Zink, spécialiste de la littérature amoureuse du Moyen Âge. Le mot "charité", qui vient du grec, via le latin, s'est rapidement spécialisé pour désigner l'amour divin et l'amour se manifestant dans les oeuvres, d'où le sens moderne de "bienfait envers les pauvres" (Petit Robert) qu'il a pris par la suite. "Cette dichotomie imposée par le vocabulaire complique la tâche des médiévaux, poursuit Michel Zink. Ils doivent sans cesse rappeler que l'amour recouvre tout, et que la vraie charité, c'est l'amour !" Dans son vocabulaire, comme dans sa réflexion, le Moyen Âge se trouve donc dans une tension. "Il est à la fois le temps de l'invention d'une poésie de la passion amoureuse, de l'éros, et la première époque chrétienne qui réfléchit, plus que jamais, sur l'amour sous toutes ses formes, y compris l'amour de Dieu et du prochain."
Pieta, El Greco
Dans ce contexte, les auteurs du Moyen Âge n'hésitent pas à utiliser le mot amor pour qualifier l'amour humain comme l'amour divin. Le Roman de la rose, best-seller du Moyen Âge, traduit cette double polarité. Dans sa première partie, il est un chant de la passion amoureuse, irrigué par la poésie des troubadours, dont est celui qui tient la plume, Guillaume de Lorris. Dans la seconde, rédigée par Jean de Mun, un clerc et un savant, il s'oriente vers une réflexion encyclopédique et théologique qui cherche à rassembler le tout de la connaissance de l'amour. Au "jardin de Déduit", jardin du plaisir, scène du coup de foudre initial, fait pendant la "prairie de l'Agneau", paradis final où l'Amour mène paître ses élus...
Les nuances de l'amor médiéval se dévoilent dans ses usages. On le voit être distingué d' "amar", l'amour bestial. "L'amor est le bon amour, l'amour exigeant, qui n'est pas obligatoirement chaste, mais qui est maîtrisé et noble", précise Michel Zink. Quant à la poésie, dont celle de Chrétien de Troyes, elle se plaît à des jeux de mots entre le verbe aimer (amer) et ses homophones "amer" ("amertume") et "la mer", car le sentiment amoureux est ambivalent, dangereux comme une mer immense et inconnue...
Le Moyen Âge élabore dans le même temps tout un corps de doctrines précisant les qualités que doit développer celui qui aime. Il vante la "mesure", la maîtrise de soi, et "le prix" ou le mérite. "Il faut aimer de façon à ce que cela augmente votre mérite, aimer une dame qui a du prix, aimer pour avoir soi-même du prix.", explique Michel Zink. Il valorise "joi" (nom masculin), la joie et "joven", la jeunesse. "Joi, c'est à la fois la joie et l'inquiétude de l'amour, précise Michel Zink. Et joven, c'est une sorte d'énergie, c'est l'élan vital de la jeunesse. Ce n'est pas seulement une question biologique mais une question morale. C'est, pourrait-on dire, la façon de vivre la jeunesse."
Samson et Dalila, Rubens
Aujourd'hui, que reste-t-il de cette riche palette de vocabulaire et de concepts ? Trop souvent une simple opposition entre erôs et agapè, entre l'amour plaisir et l'amour désintéressé, durcie par l'héritage du jansénisme et du puritanisme. Fruit aussi du succès d'un traité philosophique, somme toute récent, Eros et agapè (1932), publié en France après-guerre, qui exerça une profonde influence dans les milieux philosophiques et ecclésiaux. Durcissant leur différence, Anders Nygren, théologien luthérien suédois, y faisait de la confrontation entre éros et agapè la clé de lecture de l'histoire occidentale de l'amour, opposant une vision grecque de l'amour, possessive et égocentrique, à une version chrétienne, oblative et désintéressée.
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Eros : divinité grecque, Eros désigne le désir amoureux, désir ardent d'union avec un autre singulier et déterminé. Dans la littérature grecque, Eros est tantôt une puissance inquiétante, qui trouble la raison, paralyse la volonté, tantôt un dieu malicieux, qui se plaît au jeu de l'amour, noue les intrigues ou les dénoue...
Philia, souvent traduite par "amitié", évoque un amour éprouvé pour ses semblables, au sein d'une famille ou pour les membres d'une communauté. C'est un sentiment défini par la tendresse, la générosité et la réciprocité. Pour Aristote, "aimer", au sens de philia, "c'est souhaiter pour quelqu'un ce que nous croyons être des biens, pour lui et non pour nous".
Agapè est l'amour consacré à autrui, considéré comme un prochain, à la suite du commandement de l'Evangile : "Tu aimerais le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et avec toutes tes forces et tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Mt 22, 37-40)? L'amour du prochain va au-delà de la demande de réciprocité et entend aimer ceux qui ne pourront rendre cet amour.
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Sapin de Noël gourmand, Trocadéro, Paris 2012
Crédits photographiques Jana Hobeika
Pralines au chaudron
Crédits photographiques Jana Hobeika
Vitrine de la pâtisserie "Aux Merveilleux", rue de l'Annonciation, Paris
Crédits photographiques Jana Hobeika
Et d'autres jours...
Crédits photographiques Jana Hobeika
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lundi, 17 décembre 2012
Etymologie Eschatologie, tour du monde en statistiques googliennes, et un peu de psychologie
Extrait de "L'apocalypse selon les gens", Laure Belot, Le Monde, 15 décembre 2012
Etymologie - Eschatologie
Par quel ressort intime 700 millions de Terriens redoutent une fin du monde, annoncée pour le 21 décembre ? Et quels éléments rationnels peuvent nourrir cette crainte ? [...]
Le discours de la fin des temps a un terme, l'eschatologie, nom féminin, entré dans le Littré en 1864. Dérivant du grec savant eskhatos ("extrême", "dernier"), et de logos ("sciences", "discours"), il désigne l'ensemble de doctrines et de croyances portant sur le sort ultime et l'homme après sa mort (eschatologie individuelle) et sur ce lui de l'univers après sa disparition (eschatologie universelle).
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Tour du monde en statistiques googliennes : Colombiens, Haïtiens, Suisses,...
L'analyse des citoyennetés des internautes tapant "fin du monde" sur Google aide à identifier des lieux blessés, meurtris, propices à alimenter ce sentiment d'angoisse. Ainsi, selon Google Trends, les internautes anglophones les plus avides de renseignements se trouvent aux Philippines (indice d'intensité de recherche 100), où les catastrophes naturelles se succèdent. Le dernier typhon, mardi 4 décembre, a fait près de 500 morts, un bilan encore provisoire. Les internautes américains arrivent en deuxièmes (indice 89), alors que les Etats-Unis, puissance mondiale en pleine crise existentielle, voient le barycentre de la planète basculer vers l'Asie. [...]
C'est aussi le cas en Amérique du Sud, où déforestation, instabilité politique, corruption ou criminalité alimentent l'actualité. En tête des requêtes "fin del mundo", les Colombiens (100), les Boliviens (97) et les Paraguayens (88) distancent les Nicaraguayens, les Péruviens et les Equatoriens (indice 82 chacun).
Quant aux internautes francophones, les plus soucieux en ligne se trouvent en Haïti (100), pays frappé par une gigantesque épidémie de choléra. Depuis le séisme de 2010, qui a tué 2,3% de la population (10 millions d'habitants), 7 500 victimes de la maladie ont été déclarées en Haïti. Les requêtes sont également intenses à Madagascar (89), où insécurité croissante et surexploitation de la terre sont au centre des préoccupations. Notons que les francophones s'y intéressant le moins sont... les Suisse (intensité de recherche 6), qui vivent dans un pays paisible, connu pour sa neutralité à toute épreuve.
Et un peu de psychologie
Curient de connaîte l'état d'esprit de notre lectorat, Le Monde a lancé, mardi 20 novembre, un appel à témoignages en ligne : "Vous redoutez (ou non) le 21 décembre. Témoignez". Près de 200 réponses sont parvenues en quelques heures - le compteur a été arrêté sur ce chiffre rond. [...] et appel en ligne a permis de recueillir la parole de Thierry, professeur d'une quarantaine d'années. "Je suis ce qu'on pourrait appeler un "survivaliste", explique-t-il. Choqué par les images du tsunami en Thaïlande et par la multiplication des catastrophes naturelles, je me suis lancé dans la construction avec des amis d'une "arche de Noé" souterraine de 35m² où nous pouvons vivre à huit pendant au moins six mois." Thierry ajoute : "Ma femme n'a pas voulu me suivre. Je suis en instance de divorce." Pour Michel Schneider, ces personnes "ne croient pas. Elles savent et mettent de la certitude dans quelque chose d'incertain. Freud dit que tout délire se construit autour d'un noyau de vérité. C'est une manière de fuir le débat scientifique et la construction d'un savoir".
Une attitude extrême qui peut se rapprocher, selon le psychanalyste, de ceux qui raillent avec véhémence l'événement. Comme Marc, qui trouve "cet appel à témoignages complètement grotesque". C'est la catégorie "des esprits forts", note-t-il. "Ceux qui croient qu'on peut se passer de toute croyance, ce qui est encore une croyance. C'est ceux-là mêmes que moque La Bruyère quand il écrit : "Les esprits forts savent-ils qu'on les appelle ainsi par ironie ?". Le psychanalyste voit dans ces deux types de réactions opposées "un refus de penser. Or le monde humain est le monde de la croyance."
Des dizaines de lecteurs déclarent justement vouloir "profiter de cet événement pour réfléchir." Comme Sandra, infirmière : "J'espère la fin d'un système. Crises financières, guerres, destruction massive d'espèces. La colonisation a fait perdre à des peuples leur culture. Le pouvoir est laissé à une poignée d'hommes riches, alors que toute une population, même dans des pays "développés", s'appauvrit." Clément ajoute : "Si je n'ai pas poussé le vice jusqu'à me faire construire un abri antiatomique, je ne peux pas dire que le sujet n'ait eu aucun impact sur moi. Cela permet de se poser des questions sur sa vie, ce que l'on changerait si le temps nous était compté." Soit deux réactions instructives pour Michel Schneider : "Ces personnes, qui prennent en compte cette crainte sans la considérer comme une certitude et réfléchissent, ont une approche plutôt rationnelle. L'incertitude est propre au savoir."
Cet appel numérique est même arrivé en contrée maya. "Nous sommes allés à la messe dans un village au centre du pays, explique Vincent, francophone vivant au Mexique. Dans l'homélie, le célébrant a demandé si quelqu'un pensait que la fin du monde serait le 21 décembre... Réponse négative de la foule. En revanche, beaucoup d'espérance et d'attente envers le nouveau gouvernement pour qu'il apporte la paix. Pour que les narcotrafics cessent et ne conduisent pas à la fin des traditions maya, et donc de leur monde."
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08:35 Publié dans Farce et attrape, Les mots français, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (1)
vendredi, 07 décembre 2012
Etymologie - La berezina
Source : Direct Matin, lundi 26 novembre 2012
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09:06 Publié dans Les mots français | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 novembre 2012
Etymologie - Marquer d'une pierre blanche
Source : Direct Matin, vendredi 9 novembre 201
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08:00 Publié dans Les mots français | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 17 novembre 2012
Etymologie - Semer la zizanie
Source : Direct Matin, mercredi 31 octobre 2012
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08:40 Publié dans Les mots français | Lien permanent | Commentaires (0)