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jeudi, 24 janvier 2013

Un regard philosophique et littéraire sur le MPT - Romain Debluë

Avant de commencer, voyons l'étymologie du mot "mariage" gracieusement fournie par Wikipedia :

En français, le nom mariage provient du verbe latin maritare, issu de maritus, qui dérive, d’après une explication traditionnelle, de mas / maris, le mâle.

L’adjectif qui lui correspond « matrimonial », provient du substantif latin matrimonium, issu de mater, la mère et signifiant également mariage.

L'usage du mot latin matrimonium dans les textes juridiques et théologiques a largement contribué en Europe à l’élaboration de la notion. Il n'a pas laissé de substantif en français moderne, mais reste néanmoins présent en italien et en espagnol, sous la forme de matrimonio. Dans les pays d'Europe occidentale dont les langues découlent du latin, le cadre lexical du mariage renvoie donc à une forme juridique par laquelle la femme se prépare à devenir mère par sa rencontre avec un homme.

 

*

> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html

 

rose en papier.jpg
Rose en papier faite main par une fillette en voyage

 

Extrait de "Petit traité de gamologie contemporaine", 2013, Romain Debluë :

 

"On a tout essayé, par la suite, avec le mariage. On l'a plié dans tous les sens. On a tâté de la polygamie, de la bigamie, de la monogamie, de l'adultère, du divorce à répétition, du mariage forcé, du mariage civil, du mariage religieux, du mariage d'argent, du mariage raté. On a même vu des mariages heureux. On a vu des mariages stériles et d'autres féconds, des unions dramatiques et des noces de sang. On en a fait des vaudevilles et des tragédies. Avec des placards pleins d'amants, des cocus en caleçon, des maîtresses acariâtres. Le mariage, en résumé, n'a été inventé que pour fournir des sujets de romans et pour assurer la chaîne sans fin des générations ainsi que veut l'espèce." (Ph. Muray, Le mariage transformé par ses célibataires mêmes, in Exorcismes spirituels IV)

 

Le mariage, institution des temps antérieurs, sacrale mais par lucidité religieuse, semble aujourd'hui comme jamais certes jadis disgracié de ses antiques prérogatives anthropologiques, - mais implicites toujours car luisantes des heureuses amours modernes.

Maint hémisphérique crétin désormais s'entrapplaudissent de n'y plus rien comprendre et glosent d'aisance une éphémère chimère dont à l'horizon de leur propre sottise, seule, ils peuvent parfois entrevoir l'ombre, vite abolie. On ne sait trop, d'ailleurs - faute à leur malaisance verbale bien souvent - quels sémantismes l'on devrait ouïr vibrer lorsque d'aucuns énoncent l'infatigable quoiqu'absurde formule du "mariage pour tous", ce mystérieux grumeau d'une gerbure d'intellect moisi, dégluti par quelque étêté politicard au fond d'une morne journée d'hypotention mentale.

Lors même que le mariage, en vertu de sa prime définition, constitue d'excellence une institution à toutes et tous ouverte ; pour peu, bien sûr, que l'on entende, de pleine volonté, se plier à sa structure, lors donc certains - insavants peut-être de l'art alphabétique, se répandent politiquement en bruyants hurlements d'étranges revendications qui, certes, eussent fait tressauter de rire ces notoires invertis que furent, par exemple, Proust, Wilde et, selon certain, Michel-Ange.

Le débat contemporain, qui voudrait qu'il n'y ait point débat puisque Dieu, en la bouche détournée et multiple du Parti Socialiste, a parlé, afflige et désole maints : certains parce que son objet fait évidence de son aberration, d'autres parce que l'opposition à son objet leur apparaît une monstruosité au moins comparable à ce que, jadis, l'inversion représentait aux yeux des moralistes.

Tous, notoires indigents mentaux, font mine de savoir de quoi l’on parle, et par l’insensé verbiage de leurs grinçants argumentaires, espèrent élever leur intime opinion à valeur d’universelle raison. Fasse l’Histoire que leur bilatérale folie ne puisse plus être longtemps dissimulée, car m’apparaît urgent de considérer, une bonne fois pour toute, le problème en ses principes et non point en ses inconciliables et confuses ramifications.

 

J'affirme, pour ma part, que l'infernal pandémonium qui aujourd'hui tient lieu de nationale préoccupation en terres françaises ne relève ni, en ses origines, du social, ni du sociétal, ni de l'anthropologique pur, ni bien sûr du politique : la question du mariage telle qu'elle est tordue et, osons le mot, pervertie aux nôtre embrumées époques, relève du Langage ;  et donc, avant tout, de la littérature. Excluons donc de nos intellectuels interlocuteurs ceux qui n'y peuvent rien entendre, à commencer par le très cocasse gouvernement où d'égale façon se répartissent les jobards et les ribaudes en lequel résonnent depuis de longues semaines les sermons émouvants de Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et de l'Universelle Pénitence Masculine, souriante benjamine du gouvernement dont il semble, à première vue, fort malaisé de ne point se gausser tant son immuable ton de joviale maîtresse d'école, sorte de flûte envoûtante du Bien, paraît destiné à susciter chez autrui la plus immédiate vague d'hilarité qui soit, - méchante et misogyne bien sûr, car c'est un péché que de moquer une femme politique à travers laquelle, toujours, gronde l'assemblée intégrale des femelles d'ici et d'ailleurs prêtes à dégainer une plainte pénale exorbitante.

Comment, en effet, ne point ricaner lorsque l'on entend cette jeune et dynamique mégère déclarer, dans Le Monde, ce "choc des paupières" comme disait Desproges, que "pour les élèves, un apprentissage de l'égalité sera mis en place de la fin de la maternelle à la fin du primaire" et que, "enfin, l'éducation à la sexualité deviendra effective : il ne s'agit pas de parler de pratiques, mais d'apprendre l'égale dignité et le respect entre les sexes." Ainsi que, sans doute, demanderait Philippe Muray, moi-même m'interroge : quelle éducation ? quelle dignité et surtout quels sexes ? Autant de mots que, depuis plus de trente longues années, la France s'emploie à décortiquer comme d'inertes crevettes pour, très bientôt, finir par en jeter les débris épars dans les poubelles de l'Histoire terminée. Que puis-je donc, moi pauvre mâle phallique et mal famé, respecter lorsque l'autre sexe n'existe plus que d'une espérance de cosmique dissolution ?

[...]

Il semble difficile pour les nébulosités céphaliques de Mme Vallaud-Belkacem d'émettre ne serait-ce qu'un millilitre de substance cohérente et claire, quoique peut-être, nous pourrions l'espérer, vaguement élaborée. Si la susdite ministre du Droit aux radasses à faire voter en toute impunité leurs lois salopes n'avait pas, comme je le suppose, été au moins première de classe en cours de langue vivante II, option Français-Langue de bois, nous n'eussions pas eu à subir les ravages de sa prose sur plus, probablement, de deux lignes et demi car, peu ou prou, ainsi aurait-elle formulé sa diatribe : tant que l'individu n'est pas un mâle, l'individu a le droit de faire tout ce qu'il veut avec tous ceux qui consentent à ses phantasmes, sans quoi les gens risqueraient de ne point s'aimer les uns les autres, - et pour cause.

Qu'on me permette de traduire une seconde fois, pour les plus engourdis : la Loi n’a qu’un but, divin et socialiste, sa propre abolition dans la pure reconnaissance d’elle-même dans la fluide mouvance des désirs de tous. Hegel, en temps historiques où bientôt Marx allait surgir sur les terres par lui préparées à cette pensée, affirmait, cela dit avec le vague qui convient à une simplification pédagogique, que l’Histoire se pouvait ramener en ultime compréhension à quelque chose comme le « jeu du sujet singulier et de la Loi universelle »*; par malfortune, la post-Histoire qui est hui notre quotidien paraît bien loin de réaliser la finale synthèse qu’il affirmait être sienne. Si, de fait, le jeu a cessé, car les cons temporés n’aiment point l’implicite de gratuité qui sourd en cette activité, ce n’est certes pas en un sens d’aboutissement, bien plutôt de conflagration folle où se débat en débats et déboires l’humanité d’un temps en quoi le sujet singulier pour n’avoir plus à s’interdire quoi que ce soit, fait de la Loi l’instrument docile – car abstrait – de ses personnelles exigences. La Loi, primordiale quoiqu’en cet aspect inexhaustive et allégée de ses conséquences, était interdiction ; car c’est par l’interdiction que, du chaos naturel des vivants, s’extirpe l’Homme par-là devenu être de culture et de société. À la source, bien sûr, de cette assomption de l’Homme en sa propre essence, qui de toujours fut d’être culturel, se niche et même point ne se cache l’interdit de l’inceste, primitive nécessité de tout ordre social futurement projeté et réalisée par l’acte d’attribution aux mâles d’une femelle, empêchant par ce geste fondateur l’ancienne domination de l’unique chef de meute qui, de par cette position, portait haut le privilège d’ensemencer à lui seul toutes les utérines cavités alentours. D’où jaillissement d’une neuve et très symbolique fonction : la fonction du père, – et bientôt celle même des Nom-du-Père, ainsi que la formalisera Jacques Lacan. Inexistante, icelle, jusques alors, ce qui déjà signifie une évidence aujourd’hui oubliée, celle de l’indissolubilité radicale de la paternité et du mariage. Disons-le en termes simples, au risque d’éclabousser de cette simplicité quelqu’âme sensible inhabituée à sentir heurtés ses ronronnants préjugés post-modernes, le mariage n’a point d’autre prime et élémentaire fonction que d’offrir à tout enfant un père, c’est-à-dire, puisque par le père vient celle-là, une Loi ; pour mieux dire une existence au sein de cette Loi que dit le père et que, dans la bouche du fils, il entend faire respecter ; entende qui n’est pas toujours compréhension d’ailleurs.

[...] Mère l’est sans le dire, nul recours à la parole ici nécessaire, père en revanche ne l’est qu’en l’horizon du langage, et s’affirmer tel ne peut, en réalité, qu’être toujours un peu travestissement de la réalité, – car le langage laisse la possibilité de ne pas le dire. Dans cette précise négation réside la particularité de la fonction paternelle qui, à y regarder bien, n’a que peu de rapport avec le rôle de la mère, pourtant dit aujourd’hui adjacent et peut-être même équivalent. Point n’est ici notre volonté de contester la capacité que peuvent avoir deux hommes ou deux femmes à élever un enfant, car quoiqu’en disent les éberlués partisans du « mariage avec n’importe qui », la question ne peut ainsi être posée. La réalité des familles monoparentales ou, parfois même, homoparentales, comme l’on dit, n’est pas à nier, mais elle est à conserver en sa nature, qui est précisément d’être réalité ; or il est dangereux de mêler sans en prendre conscience le réel et le symbolique, selon les lacaniennes dénominations dont aujourd’hui tout le monde semble faire fi. L’enfant n’a pas, comme s’évertuent à le répéter les grenouilles ignares qui s’époumonent à coasser des lieux-communs de la psychanalyse en surgelés, d’un père et d’une mère nécessairement, mais de bien plus essentielle façon d’avoir prise sur deux fonctions, qui sont de paternité et de maternité, mais n’existent que dans l’ordre du Symbolique ; quoique profondément ancré dans le Réel soit la fonction maternelle, qui pourtant peut souffrir de lacune sans dommages psychiques systématiques. Aberration, donc, si l’on discute la réalité mais folie en revanche si l’on prétend faire d’icelle l’autorité des structures symboliques, dont la Loi, ultimement, n’est que la cristallisation culturelle la plus implacable.

 

Si les partisans et les opposants à cette loi ne pourront, d'éternité, s'entendre (et outre le fait que les deux clans sont en majorité composés d'irréductibles imbéciles) c'est en premier lieu parce qu'ils ne parlent tout simplement plus la même langue. Ou plutôt les uns radotent une langue morte dont ils n'ont plus l'entente, tandis que les autres bredouillent un post-langage infinitésimal dont avec l'inoxydable Vallaud-Belkacem nous avons pu avoir quelque impression vertigineuse. Cette égalité entre les enfants naturels et légitime, par exemple, ne voyons-nous donc point qu’en plus de signer la mort définitive de toute possible paternité, – qui commence précisément là où s’opère la distinction entre ces deux modes de géniture –, elle constitue (du moins en sa forme ultime qui, d’un jour à l’autre, menace de nous tomber sur le coin de la gueule) le plus court chemin vers cet ordre naturel dont plus haut j’ai fait mention en le disant préposé à toute forme de société car n’étant pas encore théâtre du partage des femmes, et donc de la plus originelle distinction qui se puisse concevoir en ce domaine qui est celui du parlêtre duquel l’Homme tient sa définition même ? Dans ce contexte, la Loi est rabougrie à l’état, latent, de phantasmes universalisés et portés à hauteur de décrets : si deux personnes s’aiment, de facto elles doivent pouvoir se marier car la loi est à présent celle du désir et son rôle, lorsque ce n’est pas en faveur d’un malin phallus, est de permettre, encore et toujours, jusqu’à ce que ce terme même, comme tant d’autres jà dissous, ne signifie plus que sa propre extinction imminente. En rien ne s’agit-il ici de nier le succès que peuvent avoir deux hommes ou deux femmes à éduquer un enfant, – quoique personnellement l’idée d’avoir deux mères me ferait arder d’une surnaturelle angoisse car l’on a bien assez d’une seule à laquelle échapper. Le plan susévoqué du Réel n’est ici nullement en cause, et nécessaire se fait la distinction. En revanche, là où le débat blesse, c’est lorsqu’il est exigé que cette réalité soit transcendée symbolique par l’action d’une Loi, laquelle précisément n’existe que pour n’avoir rien à faire avec la réalité sinon de surplomb et de prééminence.

 

Le mariage ouvert à tous entre tous et certainement bientôt entre parents proches, puisque la très algide Élisabeth Badinter, dans un ouvrage intitulé L’un et l’autre, au cœur d’un chapitre titré : La mort du patriarcat, autant dire tout un programme, et des plus bucoliques, écrivait que « pour la première fois, certains osent revendiquer à visage découvert le droit à l’inceste et d’autres s’emploient à le dédramatiser »** et semblait s’en réjouir comme si elle n’avait jamais fait d’études de Philosophie, – ce qui, dans le fond, est sans doute le cas ; ce mariage ouvert à tous, donc, constitue bel et bien l’annulation pure et simple du but premier et fondamental du mariage qui, jadis, était d’offrir à l’enfant un père, grâce à la sursumation légale de ce rôle dont nous avons dit qu’à l’origine, il se peut résumer à un pur acte de langage.

Comme on le peut constater sans peine, l’amour n’a que peu de rapport avec cette affaire, car il me paraît évidence que tout amour véritable, en matière sociale, cherche avant tout à profiter d’une certaine clandestinité ; et sur ce point, ce n’est certes pas Sollers qui me contredira. Or, depuis quelques années, il semble que maints s’accordent à considérer le mariage comme une forme de reconnaissance sociale de l’affection tissée entre un nombre d’êtres encore réduit à celui du couple, mais bientôt extensible à souhaits, cela va sans dire : se marier revient donc à demander à l’État de faire exister avec un peu plus de consistance l’amour que Monsieur Lambda éprouve pour un autre Lambda, vaguement apparenté à l’une des dix-huit identités sexuelles répertoriées. Faut-il donc, au fond du gouffre, rappeler que l’amour n’a nul besoin du mariage et qu’en affirmant pareille bêtise, les progressistes béats se mettent, à l’inverse de leurs troubles intentions, à faire le lit des plus traditionnelles et moralisatoires idéologies conjugales ?

J'ai dit plus haut que l’essentiel de la question était littéraire, et sur ce point ce me paraît être limpide, car après tout, seuls les contes de fées, destinés à offrir aux enfants une prise symbolique sur le Réel, se terminent par l’heureux mariage du Prince et de la Princesse. La littérature romanesque, précisément, commence là où finit le conte de fée, et s’entend donc le roman comme toujours étude de mœurs, sinon poésie insue. Impossible, cela va de soi, d’écrire Madame Bovary dans un monde où règne le droit pour tous d’infuser la substance de ses désirs dans la moelle de la Loi ; impossible d’écrire L’Education sentimentale dans un monde où il suffirait à Mme Arnoux de divorcer sans conséquence pour rejoindre Frédéric, de vivre avec lui jusqu’à plus soif, et peut-être même, après une durée de cohabitation suffisante, de le légaliser tuteur officiel de ses deux enfants ; impossible d’écrire Un prêtre marié en une époque où c’est précisément parce qu’ils sont célibataires que les ecclésiastiques sont la cible des moqueries de tous les éternels potaches de la République ; impossible à Feydeau d’écrire la moindre de ses hilarantes comédies dans un monde où nul amant n’a encore besoin de se cacher dans aucun placard ; impossible aussi d’écrire L’Homme qui rit dans un monde où Ursus aurait simplement pu adopter Gwynplaine et par là effacer jusqu’à la trace de sa biologique filiation que nul n’aurait pu découvrir nobiliaire ; impossible également d’écrire la Recherche du Temps perdu dans un monde où Charlus serait marié à Jupien et Albertine à Mlle de Vinteuil, les deux couples ayant d’ailleurs employé les vits et utérus anonymes de quelque philanthropique donneur et mère porteuse afin d’avoir trois enfants par couple, trois beaux enfants épanouis et heureux qui, le dimanche après-midi, s’en iraient porter des madeleines à Monsieur Proust dont tout le monde saurait qu’il envisage de se pacser avec sa chère « maman. » Je ne crois pas un seul chef-d’œuvre de la littérature capable de résister à cette énumération, qui se peut indéfiniment poursuivre d’ailleurs : impossible d’écrire Hamlet dans un monde où le père n’est qu’une construction sociale née d’un modèle arbitraire d’hétérosexualité dominante et qui donc en rien ne mérite qu’on le venge de quoi que ce soit ; impossible d’écrire Le lys dans la vallée, Partage de midi, Sous le Soleil de Satan, Les liaisons dangereuses, impossible aussi d’écrire le premier roman, superbe, de Boutang : La maison un dimanche, impossible d'écrire Rodogune et son noeud de vipères familial admirablement tressé tandis que tournoie dans l'obscurité une brillante coupe de poison, en laquelle scintille la Mort, plus noir que la nuit des âmes alentours ; bref l'à peu près intégralité des romans fondamentaux de notre histoire.

 

[...] Si d’aucuns peuvent, sans que les axones de leurs neurones s’entrelacent de confusion, affirmer que le « mariage pour tous » ne change rien, c’est parce qu’eux-mêmes, en prémisses de leur absence de raisonnement, admettent une définition du mariage qui jà change tout. Si l’on entend dénier au mariage toute pertinence symbolique, en le résorbant en l’orbe atrophié d’une pure déclaration d’affection, le faisant ainsi, en termes hégéliens, le jouet d’une belle âme qui ne trouve sa vérité qu’en ses propres intimes désirs mais ne peut néanmoins s’empêcher de s’en justifier par ce moyen universel qu’est le Langage afin d’obtenir d’autrui manière de légitimation ; déjà, alors, on le défigure, on le prostitue sans vergogne aux autoritaires exigences d'un Surmoi de jouissance couronné souverain. L’égalité des droits est une nécessité qui n’exige rien de plus – nul ne me fera sur ce point dévier – que la mise en place d’une union civile taillée sur mesure pour les couples d’invertis ; laquelle exclurait bien sûr toute prolongation filiale et ne constituerait qu’une manière de faciliter, pour ces personnes, une vie sociale que, parfois, j’imagine effectivement compliquée.

 

Dans un monde où les mots pourraient encore avoir quelque forme d'importance, ce genre d'union ne pourrait bien sûr être désigné sous le terme de mariage, mais comme je l'ai affirmé plus haut, le post-humain militant ne parle malheureusement plus la langue qu'ici, pour ma part, je m'efforce d'ânonner avec plus ou moins de rigueur et, nonobstant, d'élégance. Lorsqu’il glapit : « mariage pour tous ! » j’entends une évidence qui est celle d’une institution ouverte à tout individu qui désirerait bénéficier d’icelle en tant que structure donnée ; nous ne nous comprenons plus parce que nous n’existons plus dans le même ordre d’être-au-monde, et c’est ce divorce significatif que signe et confirme cette nouvelle utopie des temps nôtres, ou la démence est faite roue libre pour le plaisir de tous et les droits d’aucun. Nous vivons à ce point de vue une époque des plus fascinantes, quoique nauséabonde par de nombreux côtés, qui s’affirme celle d’un tournant radical dans la débâcle post-historique dont Philippe Muray a su analyser les premières effusions. Consummatum est, peut-être, ou très bientôt en tous cas, et ne reste plus qu’à observer, de loin, les gagnants continuer à se battre pour une victoire déjà obtenue et les perdants continuer à résister, myopes, pour sauver tout ce qui est déjà mort et dont à présent ils n’agitent plus que les spectres ridicules et translucides. Peu me chaut que pareil projet soit voté ou ne le soit pas : il l’est déjà et lutter contre de pareilles évidences, tant elles sont démentielles, relève de l’inexorable effort inutile. Je préfère m’employer à prendre cette boue que l’on ne donne même pas afin que d’essayer d’en faire de l’or, – c’est-à-dire de la littérature. Ce qui, en la présente matière, vient d’être fait grâce à ce texte.



* J.-F. Marquet, Leçons sur la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, ellipses, 2009, p. 357.

** E. Badinter, L’un et l’autre, Odile Jacob, 1986, p. 239.

 


> A consulter pour le texte intégral et beaucoup plus : http://amicusveritatis.over-blog.com/article-petit-traite...

Commentaires

Pouvez-vous m'indiquer où se procurer l'ouvrage dont est extrait ce texte ? De Debluë je ne trouve que Les Métamorphoses de Protée...

Écrit par : S. | lundi, 04 novembre 2013

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