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jeudi, 20 septembre 2012

Considérations sur l'architecture - Stéphane Zagdanski

 

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Extrait de Miroir Amer, 1999, Stéphane Zagdanski, Coll. L'infini, Gallimard :

 

[...]

Le grand architecte Angel Nivelard avait déjà pondu dans plusieurs capitales de la planète ses gigantesques cubes de glace, ziggourats vitrifiées d'acier et de filins consacrées aux indissociables divinités du reflet, du regard, de la transparence.

Le parcours du génie était célèbre.

Sa mère avait toujours désiré une fille, elle ne l'habilla jamais comme un garçon. Jusqu'à sa puberté, elle lui brandit chaque jour un miroir à la face en minaudant : "Regarde comme tu es jolie !" Angel n'acquit ainsi nullement la notion anodine de différence des sexes. Toute frontière lui devint floue. Il ne supportait pas qu'on trace une limite entre quoi que ce soit et quoi que ce soit. Il vécut longtemps connecté en permanence sur Internet, adepte fanatique du VVVV, Village Virtuel de la Vision Vraie, sans murs, sans portes, sans limites. Client exclusif de Louis Galle - le couturier qui fonda sa réputation subversive en démocratisant les jupes pour hommes -, il mit pour sa part à la mode le piercing des paupières.

Il devint surtout l'intraitable apôtre du voyeurisme polymorphe.

Quand on lui confia le projet de l'hôpital Rembrandt, il considéra que celui-ci renfermait suffisamment de ténèbres au cœur de son nom pour bannir tout ce qui participerait de la nuit au sein de sa structure.

C'est ainsi que s'érigent les plus aberrantes constructions ultramodernes. Leur base insoupçonnée est une tocade singulière, sans queue ni tête, une impulsive répugnance qui ravage tout sur son passage, un Attila de laideur conduisant une cohorte grimaçante de fantasmes asexués. C'est sur cette base enfouie que s'érige à grand renfort de technique informatisée, d'argent détourné et de propagande théorique assermentée, toute une machinerie de matières froides, rigides, frigides.

Faites comme si je n'étais pas là ! semblait être l'impérieux mot d'ordre de l'hôpital Rembrandt où des milliers d'être humains pénétraient chaque jour comme dans un temple de la surveillance révélée.

Il faut dire que la rue Morgue portait bien son nom. Elle ne s'émut pas outre mesure de l'apparition sur son flanc droit de cet étrange bubon miroitant contre lequel s'irisaient ses propres arbres, ses lampadaires, ses passants, ses voitures, et les immeubles de son flanc gauche. Tout y était redoublé, mais teinté d'argent. La rue vibrionnante de couleurs, de mouvements, de cris et de vrombissements, avait été capturée dans un scaphandre de pure étendue grise, une capsule de rutilements à l'épreuve de l'impureté du temps.

Mais au verso de cette intangible, impavide, inexpugnable muraille, une fois enfreint l'amer mirage métallisé, tout s'éclairait.

Rampes de néons lunaires, légions d'halogènes projetant leurs auras boréales, murs translucides et caméras à tous les étages s'entendaient à chasser la moindre parcelle d'ombre avec un acharnement réservé usuellement à la poussière. Les infirmières se déplaçaient, les médecins devisaient, les laborantins manipulaient, les machines clignotaient, les gardiens somnolaient, les ascenseurs s'activaient - aussi diaphanes que les parois contre lesquelles ils glissaient -, sous l'omniprésent regard de tout-un-chacun. L'hôpital Rembrandt était un titan radiographié en permanence depuis l'intimité de ses propres organes. Ici, chacun pouvait assister au spectacle de sa cité limpide suspendue dans les airs, comme un hologramme détaillé projeté à vingt mètres du trottoir dédaigneux de la rue Morgue.

Dès le hall d'entrée éclatait la devise de l'hôpital, sculptée en gros caractères cristallins, sous l'immense bas-relief en verre dépoli représentant La Leçon d'anatomie :

IN VITRO VERITAS

[...]

 

Bien entendu, dans l'interstice, il y a les corps que ces chiffres concernent. Les malades qui entrent ici, les morts qui en sortent, et tous ceux qui n'entrent ni ne sortent : les cadavres en transit au sous-sol, à la morgue. Il y a les souffrances, les souffles courts, les gémissements, les naissances, les bonnes, les mauvaises, les abominables nouvelles, les faits et les gestes risiblement humains qui ne sont en réalité que la part obscure de l'immense vaisseau vitrifié, sa soute de matières premières, son fuel de sangs, son charbon d'organes, son essence de spermes, son huile de peaux que la machine ingurgite, consomme et consume pour faire fonctionner sa montagne de chiffres.

Chiffres sur les moniteurs, les cadrans, les éprouvettes, les codes barres des étiquettes, les feuilles de soin, les bulletins d'entrée et de sortie, les bons de commande des substances chimiques, les sachets de seringues, les boîtes de compresses, les panneaux indicateurs dans les couloirs, les instruments de mesure, les thermomètres, les chronomètres, le encéphalogrammes, les cardiogrammes, les écrans de radiologie, les télés de surveillance, le réseau des ordinateurs, les balances et les échelles de croissance dans la nurserie, les agendas des  chirurgiens, les livres des psychologues, ceux qu'ils lisent, ceux que les plus audacieux écrivent, les sigles sur les portes des labos, les numéros des salles et des chambres, les codes gigantesques peints à même le goudron pour guider les ambulances et ceux sur la grosse cible où atterrissent l'hélicoptère bleu et blanc du Samu et l'hélicoptère rouge sang des pompiers.

[...]

   

 

miroir,amer,stéphane,zagdanskiSe procurer l'ouvrage :

Miroir Amer

Stéphane Zagdanski

1999

Coll. L'infini, Gallimard

147 pages

http://www.amazon.fr/Miroir-amer-Zagdanski/dp/2070754391/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1345723871&sr=1-1

 

 

> A consulter également, Paroles des Jours, le très généreux site de Stéphane Zagdanski : http://parolesdesjours.free.fr/

 

mercredi, 19 septembre 2012

Peur sur la ville - Verneuil, Belmondo, Denner, Morricone, Dante (bonus)

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Film : Peur sur la ville (1975, durée2h)

Réalisateur : Henri Verneuil

Musique : Ennio Morricone

Le commissaire Jean Letellier (Jean-Paul Belmondo), l'inspecteur Charles Moissac (Charles Denner), le commissaire divisionnaire Sabin (Jean Martin), un inspecteur de police (Henry Djanik), le préfet (Georges Riquier), l'inspecteur de police (Henry Djanik), l'inspecteur Duvielle (Louis Samier), Jacques Paoli (Jacques Paoli lui-même), le commissaire de quartier (Philippe Brigaud), le préfet (Georges Riquier), le sous-préfet (Jean-Louis Le Goff), un inspecteur (Maurice Auzel)

Julien Dallas l'étudiant (Jean-François Balmer), le psychologue (Roland Dubillard), un journaliste de RTL (André Valardy), Cacahuète (Jacques Rispal)
 
Pierre Valdeck alias Minos (Adalberto Maria Merli), Marcucci (Giovanni Cianfriglia), Cortes (Henri-Jacques Huet), l'invité qui se trompe de porte (Maurice Vallier)
 
Nora Elmer (Lea Massari), Germaine Doizon (Rosy Varte), Hélène Grammont (Catherine Morin), Pamela Sweet (Germana Carnacina), Eugène Merclin le gardien de l'immeuble de Nora (Roger Riffard), la concierge de Germaine (Gilberte Geniat), Julio Cortes l'amant de Nora (Henri-Jacques Huet)
 
 

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 That's all, Folks !

 

mardi, 18 septembre 2012

Peur sur la ville - Verneuil, Belmondo, Denner, Morricone, Dante (suite)

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Film : Peur sur la ville (1975, durée2h)

Réalisateur : Henri Verneuil

Musique : Ennio Morricone

Le commissaire Jean Letellier (Jean-Paul Belmondo), l'inspecteur Charles Moissac (Charles Denner), le commissaire divisionnaire Sabin (Jean Martin), un inspecteur de police (Henry Djanik), le préfet (Georges Riquier), l'inspecteur de police (Henry Djanik), l'inspecteur Duvielle (Louis Samier), Jacques Paoli (Jacques Paoli lui-même), le commissaire de quartier (Philippe Brigaud), le préfet (Georges Riquier), le sous-préfet (Jean-Louis Le Goff), un inspecteur (Maurice Auzel)

Julien Dallas l'étudiant (Jean-François Balmer), le psychologue (Roland Dubillard), un journaliste de RTL (André Valardy), Cacahuète (Jacques Rispal)
 
Pierre Valdeck le chef de clinique (Adalberto Maria Merli), Marcucci (Giovanni Cianfriglia), Cortes (Henri-Jacques Huet), l'invité qui se trompe de porte (Maurice Vallier)
 
Nora Elmer (Lea Massari), Germaine Doizon (Rosy Varte), Hélène Grammont (Catherine Morin), Pamela Sweet (Germana Carnacina), Eugène Merclin le gardien de l'immeuble de Nora (Roger Riffard), la concierge de Germaine (Gilberte Geniat), Julio Cortes l'amant de Nora (Henri-Jacques Huet)
 

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Jean Letellier : C'est qui, ça ?  (Il montre des photos au mur)

Cacahuète le patron du café : Laszlo Papp.

Jean Letellier : Bien. Et ça ?

Cacahuète : Max Cohen ?

Jean Letellier : Très bien. Et ça ? C'est un acteur, non ?

Cacahuète : Jean Gabin.

Jean Letellier : Très très bien. Et lui ? (Il tend une photo de sa poche)

Cacahuète : Je connais pas.

Jean Letellier : C'est pas un acteur... C'est pas un boxeur... Qu'est-ce qu'il y a là-dessous ?

Cacahuète : Mais, rien. C'est une cave. Des bouteilles, des saloperies qui s'entassent comme dans toutes les caves.

 

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Jean Letellier : Vous venez d'où comme ça ?

Un clandestin : D'Afrique. Du Mali.

Jean Letellier : Et vous vivez là-dedans ?

Le clandestin : Oui, patron.

Jean Letellier : Combien êtes-vous ?

Le clandestin : Quarante.

Jean Letellier : Combien payez-vous ?

Le clandestin : Chacun trente francs, tous les mois.

Charles Moissac : Benh il la rentabilise bien, sa cave, la salope.

 

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Jean Letellier : Eh benh, tu vois, on te doit des excuses. Tu avais raison. C'est une cave tout ce qu'il y a de plus normal. Avec des bouteilles, un tas de trucs qui s'entassent. Une vraie cave, quoi. Oh, mais dis donc, tu saignes, toi ?

Charles Moissac : Oui.

Jean Letellier : Mais dis, mon grand, c'est pas un coup de couteau, ça ?

Charles Moissac : Benh maintenant que tu me l'dis...

Jean Letellier : Hé, qui est-ce qui a pu te donner un coup de couteau ? Y'a personne dans la cave...

Charles Moissac : Ah non.

Jean Letellier : Y'a personne dans la salle... Qui est-ce qui a pu te faire ça ?

Cacahuète : Ca va pas, non ?

Jean Letellier : Frapper un policier à coup de couteau, est-ce que c'est sérieux, hein ?

Cacahuète : J'ai frappé personne !

Jean Letellier : Et ça ?

Cacahuète : Mais c'est pas à moi, ça !

Jean Letellier : Oui, mais y'a tes empreintes dessus maintenant. Donc, ce n'est pas un acteur, ce n'est pas un boxeur.

Charles Moissac : Je vais te souffler, pour t'aider un peu. Le hold up de la banque à Asnières, ça te dit quelque chose ?

 

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Le poste de radio : Z2 appelle TV108, Z2 appelle TV108 

Jean Letellier : TV108, j'écoute.

Le poste de radio : Où étiez-vous, bon Dieu, ça fait une heure que je vous appelle ! 

Jean Letellier : On a été acheter des cacahuètes.

 

¤     ¤     ¤

 

L'invité qui s'est trompe de porte, appelons-le Maurice.  

Jean Letellier : Quand vous avez sonné, vous n'avez entendu ni cri ni bruit de lutte ?

Maurice : Seulement son cri à elle, rien d'autre.

Jean Letellier : Une femme cri au secours dans la nuit, et vous allez tranquillement passer la soirée chez vos amis.

Maurice : Elle n'a pas crié au secours. Elle a tout simplement poussé un cri. C'était la première fois que je venais chez monsieur et madame Chisco, je me suis tout simplement trompé de porte, c'est tout.

 

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Jean Letellier : Vous êtes le gardien de l'immeuble ?

Le gardien : Eugène Merclin, quarante-cinq ans, célibataire !

Jean Letellier : A quelle heure madame Elmer est-elle rentrée ce soir ?

Le gardien : Attendez, j'ai regardé les informations, il devait être huit heures, ouais c'est ça, huit heures à peu près.

Charles Moissac : Et comment était-elle ?

Le gardien : Il me semble bien qu'elle portait un pantalon de toile, un peu style blue jean, vous voyez ?

Jean Letellier : C'est pas ce qu'on vous demande, mon toto. Elle était bouleversée, inquiète, nerveuse ?

Le gardien : Ah, pardon. Benh non, pas plus que d'habitude. Il faut dire qu'elle venait de perdre son mari dans un accident de voiture. Alors...

Jean Letellier : C'est lui ?

Le gardien : Ah benh ouais, ça c'est... hmm... enfin, c'était monsieur Elmer.

Charles Moissac : Elle vivait seule depuis ?

Le gardien : Même avant ! Il voyageait beaucoup, son mari. Il la laissait souvent seule.

Jean Letellier : Et lui, qui est-ce ?

Le gardien : Je ne sais pas. Ca me dit quelque chose, mais... Aah ! Il me semble bien que je l'ai vu dans l'immeuble.

Charles Moissac : Elle recevait beaucoup ?

Le gardien : Allez savoir où vont les gens ? Il y a quarante-huit étages dans cette putain de tour !

Jean Letellier : Raccompagne ces messieurs à cette putain de porte, on leur enverra une putain de convocation.

 

¤     ¤     ¤

 

Jean Letellier au téléphone : Letellier, brigade criminelle. Vous avez reçu l'appel d'une nommée Nora Elmer ?

Le commissaire de quartier : Euh exact. Elle se plaignait d'un maniaque du téléphone.

Jean Letellier : Vous avez envoyé quelqu'un ?

Le commissaire de quartier : Oh benh ça arrive dix fois par nuit. On ne va pas se déranger chaque fois.

Jean Letellier : Ce coup-ci vous auriez dû.

Le commissaire de quartier : Pourquoi ?

Jean Letellier : Parce qu'elle vous dérangera plus, celle-là.

 

¤     ¤     ¤

 

Charles Moissac : Dis donc, j'ai un peu regardé sa correspondance. Des condoléances, le patron de son mari, des amis, une petite cousine de la Nièvre, mais voilà, là, c'est autre chose : "Ma chérie, je sais que je vais te faire un peu de peine mais je dois quitter la France et je ne sais pas si je reviendrai un jour. Oublie-moi. Tu gardes toute ma tendresse, mon cœur saigne." Et c'est signé : Julio Cortès."

 

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Jean Letellier : Vous devez pas vous ennuyer dans ce quartier avec toutes ces tours.

Charles Moissac : Ca doit tomber comme des mouches.

: Comment ?

Jean Letellier : Quel beau métier que le nôtre. Les gens sautent, on les ramasse. C'est chouette, non ? Tu sais ce que j'ai envie de faire ?

Charles Moissac : Benh non.

Jean Letellier : J'ai envie de sauter, moi aussi. Tu diras que, passionné par cette affaire, qui doit sûrement être l'affaire du siècle, j'ai voulu procéder à une reconstitution.

 

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Jean Letellier : C'est vrai qu'il a le cœur qui saigne.

Cortes : A... Appelez une ambulance...

Charles Moissac : Qu'est-ce que tu dis ?

Jean Letellier : Hein ? J'ai rien dit.

Charles Moissac : Ah bon.

Jean Letellier qui allume une cigarette : Merci. C'est bon de se détendre après l'effort.

Cortes : Vous voyez... vous voyez pas que je pisse mon sang ? Je vais crever.

Jean Letellier : Qu'est-ce qu'il veut ?

Charles Moissac : Il dit qu'il est en train de mourir.

Jean Letellier : Dis-lui que je m'en fous.

Charles Moissac : Il s'en fout.

Cortes : A... Appelez une ambulance... Ah... Ah... Bon D...

Charles Moissac : Pourquoi tu as tiré ?

Jean Letellier : Tu parles d'abord, on appelle l'ambulance après.

Cortes : Et si je meurs ? Vous serez responsables ?

Jean Letellier : Tu crois qu'on pourra survivre à ce remords ?

Charles Moissac : Ce sera dur.

Jean Letellier : On essaie ? Allez ! On le laisse mourir pour voir si on supporte le choc, mmmh ?

Cortes : Revenez !

Jean Letellier : Il nous a appelés ?

Cortes : La valise... ah... le double fond... ... ... uuh... l'ambulance... vite...

Jean Letellier : Nora Elmer, tu connais ?

Cortes : Quoi ?

Jean Letellier : "Ma chérie, je sais que je vais te faire un peu de peine mais je dois quitter la France..."

Cortes : Vous n'avez jamais eu l'intention d'appeler une ambulance, vous vouliez me descendre, c'est tout.

Jean Letellier : Comment ?

Cortes : Je vous ai refilé la drogue, je suis en train de crever, vous me lisez une lettre d'amour. Allez-vous-en.

Jean Letellier : Elle est morte.

Cortes : Nora ? Aaah... Uuuuh...

Charles Moissac : C'est toi qui l'a tuée.

Cortes : Moi ? ... Huh... Oh...

Charles Moissac : Allez, tu nous dis la vérité, tu es à l'hôpital dans cinq minutes.

Cortes : Tuer Nora Elmer, moi, mais pourquoi faire ?

Charles Moissac : Je crois qu'on peut laisser tomber. Appelle-lui... son ambulance.

Jean Letellier : Allô ? Ici le commissaire Letellier, oui. Envoyez-moi une... attendez une seconde. Dis donc, pendant qu'on y est, dis-moi comme ça, très vite, qui te fournissait la drogue ?

Cortes : Oh merde... Je recevais un coup de fil, ça se passait au bar La Frégate, place Pereire, c'était jamais le même type.

Jean Letellier : Eh benh voilà.

 

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Charles Moissac, qui répond au téléphone : Le commissaire Letellier est occupé. Je suis son adjoint.

L'assassin : Je veux parler au commissaire Letellier. C'est au sujet de la mort de Nora Elmer.

Jean Letellier : Commissaire Letellier, j'écoute.

L'assassin : Justice est faite. Cette nuit, Nora Elmer a payé de sa mort ses instincts les plus bas. C'était une ignoble salope qui salissait même le deuil le plus sacré. Je serai désormais le bras d'une justice qui condamnera et exécutera sans pitié toutes celles qui se vautreront dans cette immense boue sexuelle qui submerge le monde.

Jean Letellier : Qui êtes-vous ?

L'assassin : Je vais vous le dire, commissaire.

Jean Letellier, à son équipé : Essayer de localiser l'appel.

L'assassin : Permettez-moi de raccrocher d'abord, au cas où vous tenteriez de repérer mon appel. A tout de suite.

Jean Letellier : Merde ! Qu'est-ce que c'est que cette connerie... Commissaire Letellier, j'écoute.

L'assassin : Vous avez lu L'enfer de Dante, commissaire ? Sans doute pas. Eh bien, je suis Minos. Après chacune de mes condamnations, vous recevrez une lettre. Le double en sera envoyé à la presse, elle contiendra le nom de ma victime et une photo qui représentera une partie de mon corps. Vous les assemblerez comme un puzzle et vous obtiendrez un jour mon portrait tout entier, vous connaîtrez donc Minos. Mais, d'ici là, le monde aura tremblé.

 

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Le commissaire divisionnaire Sabin : "J'ai tué Nora Elmer", c'est ce qu'affirme un mystérieux correspondant dans une lettre adressée à France Soir et signée Minos.

Jean Letellier : C'est pas la première fois qu'un foldingue revendique un crime ? Ca arrive souvent. Et ceux qui en général écrivent aux journaux ou nous téléphonent... sont pas bien méchants. Et pour Nora Elmer, rien ne prouve encore que ce soit un assassinat. Bon, eh benh, voilà. Pas bien méchant, tout ça.

Sabin : Letellier ! Vous avez fait beaucoup de karaté, je crois.

Jean Letellier : Oui.

Sabin : Et puis du judo, aussi ?

Jean Letellier : Oui.

Sabin : Et au tir rapide, vous ne vous débrouillez pas mal non plus ?

Jean Letellier : Ecoutez, je vous arrête tout de suite, on m'a déjà fait le coup à l'armée. Vous savez parler l'anglais ? Oui ? Bon, alors corvée de chiottes.

Sabin : Je veux la liste de toutes les femmes qui depuis trois mois ont demandé le changement de leur numéro de téléphone. Je veux aussi savoir pourquoi elles ont demandé ce changement.

Jean Letellier : Navré de vous avoir coupé votre effet, monsieur Sabin.

Sabin : Letellier. Vous n'imaginez pas le nombre d'affaires de police qui ont été résolues par des corvées de chiottes.  

 

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Jean Letellier : Ouvre-le !

Charles Moissac : Je l'aimais bien, cette voiture. Je m'étais habitué.

Jean Letellier : Hein ?

Charles Moissac : C'est peut-être une bombe.

Jean Letellier : Il commence à me courir, ton copain, hein. D'ailleurs, c'est toute cette affaire qui commence à me courir. Sept-cent quatre-vingt demandes de changement de ligne dont deux cent soixante femmes. On en a déjà vu sept ce matin et j'en ai plein les bottes. Arrête de lire quand je te parle.

Charles Moissac : Oui-oui.

Jean Letellier : La dame, dont le numéro est à une chiffre près celui du radio taxi. La pute qui travaillait par téléphone et qui veut tirer un trait sur son passé. L'infirmière réveillée toutes les nuits par un maniaque. Aucun intérêt tout ça ! Mais arrête de lire !

Charles Moissac : Tiens, écoute. "Minos, c'est la terrible voix de la conscience qui juge les intentions et qui prononce les condamnations." Mais ça t'inquiète pas, ce type qui nous suit.

Jean Letellier : Mais c'est un foldingue ! Il fait joujou et j'ai pas de temps à perdre, moi. Bon, la prochaine s'appelle Germaine Doizon. y'a aucune raison qu'on s'emmerde à deux, on va tirer à pile ou face celui qui y va. Face, c'est moi, pile, c'est toi. Pour la peine, c'est moi.

Charles Moissac : Ca fait mille ou deux mille fois qu'on tire à pile ou face, tu perds toujours. La pièce est truquée.

Jean Letellier : C'est toi qui la lance.

Charles Moissac : Alors tu es cocu.

Jean Letellier : C'est toi qui est marié.

Charles Moissac : Alors, merde.

Jean Letellier : Allez, détends-toi. Elle est peut-être passionnante cette Germaine Doizon ? 

 

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Germaine Doizon : Mon mari était bijoutier. Il avait un port d'arme.

Un "policier" : Il est chargé ?

Germaine Doizon : Ah benh bien sûr ! Ce salaud m'a menacée plusieurs fois de venir. Eh benh, je l'attends. Voulez-vous une cigarette ?

Un "policier" : Non merci. Pourquoi "ce salaud" ?

Germaine Doizon : Vous avez raison, je devrais dire "ce malade". C'est sûrement un... un irresponsable. Mais il me rend la vie tellement impossible que moi j'ai du mal à lui trouver des excuses. Voulez-vous boire quelque chose, commissaire ? Un petit café, hein ?

Un "policier" : Non merci.

Germaine Doizon : Ah, vraiment ?

Un "policier" : Pourquoi "un malade" ?

Germaine Doizon : Oh benh, parce que... benh il est par normal, ce type, c'est évident.

Un "policier" : Vous trouvez anormal de stigmatiser le vice, la pourriture qui nous entoure ?

Germaine Doizon : Comment ?

Un "policier" : C'est plus simple de le traiter de fou, n'est-ce pas ? Ca permet de fermer les yeux sur soi-même, de continuer sa petite vie sans remords.

Germaine Doizon : J'avoue que j... je ne vous suis pas du tout.

Un "policier" : J'essayais de comprendre, c'est tout. Un policier qui a un minimum de sensibilité doit essayer de comprendre les criminels, vous ne croyez pas ?

Germaine Doizon : Oui, mais enfin lui, y'a rien à comprendre. C'est un pauvre fou. Puis il doit être impuissant en plus.

Un "policier" : Ah oui ?

Germaine Doizon : Ah oui ! Ca alors, pour dire toutes ces saletés ! Il doit rêver de les faire et ne pas pouvoir. Ah oui, ça alors, c'est sûrement un impuissant.

Un "policier" : Comment l'imaginez-vous physiquement ? Enfin, d'après sa voix.

Germaine Doizon : Je sais pas. Je peux pas lui voir un visage normal comme vous et moi. Ni même un corps. C'est... oh, c'est pas un monstre non plus, non, mais plutôt quelque chose d'informe. Oh, il faut dire que je suis encore dans un demi-sommeil quand il me parle, c'est comme un cauchemar en fait. Oh, et puis quand il se met à baver sur ma vie privée, j'imagine une espèce de grosse chenille pleine de haine.

Un "policier" : Et bien sûr, votre vie privée à vous est irréprochable.

Germaine Doizon : Ah mais absolument ! Mais je baise moi, commissaire ! Je suis veuve depuis cinq ans et parfaitement normale. Alors, j'allais pas entrer au couvent, non ? Vous me pardonnerez ma franchise mais je m'envoie en l'air de temps en temps et j'aime ça.

Un "policier" : Je prendrais bien un café finalement.

Germaine Doizon : Oui ? Je nous apporte ça tout de suite. Vous l'aimez très fort ?

Un "policier" : En fait, nous savons un peu à quoi ressemble Minos. Nous avons fait une sorte de portrait robot.

Germaine Doizon : Ah bon ?

Un "policier" : Ce n'est pas une grosse chenille. Il est plutôt beau. Assez beau pour inspirer le désir à n'importe quelle salope... et assez fort pour ne pas lui céder !

 

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Charles Moissac : J'ai pas besoin de la voiture, moi. Prends-la. T'en meurs d'envie.

Jean Letellier : Tu crois ?

Charles Moissac : Ouais. Je rentrerai en bus.

Jean Letellier : Benh non, y'a déjà trois types en faction. T'as une cigarette.

Charles Moissac : Non, terminé.

Jean Letellier : Dis-donc, c'est incompréhensible, ce truc-là.

Charles Moissac : Ouais, c'est pas facile à lire.

Jean Letellier : Si l'autre dingue a été jusqu'au bout, ça vaut une remise de peine.

Charles Moissac : Bon, je vais voir Germaine.

Jean Letellier : Bonne bourre !

Charles Moissac : Ca vole haut avec toi. Je t'accompagne, alors fais-moi un beau sourire.

 

¤     ¤     ¤

 

Jean Letellier : N'importe quel flic supplierait à genoux qu'on la lui donne. Pas moi. Marcucci, dans un, cinq, dix ans, j'aurais fini par l'avoir. C'est ma catégorie. Mais le schyzo-machin à tendance paranoïde, c'est pas mon truc ça, je trouverai pas la distance. Alors, monsieur le directeur, je vous demande de me retirer de l'affaire. Voilà.

Sabin : Letellier ! Vous ne trouvez pas que vous en faites un peu trop ? Dans le style petite tronche et gros bras, rien dans la tête, tout dans les muscles !?

Jean Letellier : Dans le fond, qu'est-ce que c'est que les muscles ? Quelques grammes de gélatine durcie placés où il faut. Ca sert aussi quelques fois à faire des flics vivants.

Sabin : Letellier, vous êtes commissaire principal de la brigade criminelle, pas videur dans une boite de nuit. Que vous préfériez le western à l'explication psychologique, ça vous regarde. Mais on ne fait pas toujours ce qu'on aime. Minos vous a dénoncé, Letellier, il vous a cafté ! Et vous avez un compte à régler avec lui maintenant. Le schyso-machin à tendance paranoïde, il vous a foutu dans la merde jusqu'au cou ! Et si vous n'essayez pas de vous en sortir, vous pouvez compter sur moi pour vous appuyer sur la tête et pour vous y enfoncer complètement !! Je vous demande pardon, monsieur le directeur.

Jean Letellier : Je peux me retirer ?

 

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Jean Letellier : Vous allez sursauter longtemps comme ça ? C'est horripilant à la fin. Ca fait deux nuits qu'on passe ensemble, et chaque fois que je rentre quelque part, vous sursautez. Vous devriez commencer à vous habituer.

Hélène Grammont : Ne prenez pas ce verre.

Jean Letellier : Pourquoi ?

Hélène Grammont : Il est ébréché.

Jean Letellier : S'il est ébréché, pourquoi vous le gardez ?

Hélène Grammont : Je ne sais pas !!

Jean Letellier : Je garde pas les verres ébréchés, moi.

 

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Jean Letellier : Vous feriez mieux d'aller vous coucher.

Hélène Grammont : Non ! Arrêtez de hocher la tête. Ca fait deux jours que vous hochez la tête, ça aussi c'est horripilant !

 

¤     ¤     ¤

 

Pierre Valdeck, au téléphone : Hélène ?

Hélène Grammont, au téléphone : Oui.

Pierre Valdeck : Je te réveille ?

Hélène Grammont : Non, tu ne me réveilles pas, je ne suis pas seule. Je suis avec quelqu'un de la police pour ce que tu sais.

Pierre Valdeck : Et alors ?

Hélène Grammont : Rien de neuf. [...]

Jean Letellier : Dites à votre gugusse de plus appeler la nuit.

Hélène Grammont : Il appelle parce qu'il s'inquiète pour moi. Et c'est pas un gugusse !

Jean Letellier : Je sais, il est chef de clinique, marié et père de deux enfants. Vous vouliez garder secrets vos rapports, c'est raté. Je vous rappelle que vous êtes sur écoute et que nous vérifions toutes les communications.

Hélène Grammont : Je lis les journaux tous les matins. On vous traîne dans la boue depuis trois jours. Vous avez sans doute des raisons d'être nerveux mais moi aussi, figurez-vous ! Entre les urgences la nuit et les appels de Minos, je ne dors plus depuis des semaines.

Jean Letellier : Allez vous coucher ! Je ne vous demande pas de me tenir la main.

Hélène Grammont : Non ! Vous êtes arrivé ici d'une humeur de chien et c'est moi qui paie. Et je n'ai aucune raison de supporte ça. Allez-vous-en, je n'ai pas besoin de vous !

Jean Letellier : Ne - criez - pas.

Hélène Grammont : Allez-vous en.

 

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Jean Letellier : "L'as de la brigade joue les westerns en plein Paris." J'aurais eu Marcucci il y a un an, j'étais un héro. 

 

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Jean Letellier : Commissaire principal à la brigade criminelle, attendre vissé dernière un téléphone l'appel d'un dingue. Ah, non de Dieu, quand je pense à ce que j'imaginais quand j'étais gosse.

Hélène Grammont : Ah oui ?

Jean Letellier : Ah oui, alors.

Hélène Grammont : Et qu'est-ce que vous imaginiez ?

Jean Letellier : Sur la police, sur tout, quoi. Y'a un truc qui m'avait frappé, une image. Les g-men américains qui escortaient les voitures officielles. Ils marchaient la main sur le capot, la voiture avançait au pas, et leur regard était extraordinaire. Ils cherchaient un type sur les toits, ou derrière une fenêtre, embusqué. J'étais tout gosse, moi. Et quand je voyais ces types, aux actualités, ces g-men, je me disais "c'est ça, un flic". Je crois que j'ai jamais raconté ça à personne.

Hélène Grammont  : Heureusement.

Jean Letellier : Hein ?

Hélène Grammont : Je dis, heureusement que vous n'avez jamais raconté ça à personne.

Jean Letellier : Pourquoi ?

Hélène Grammont : Parce que c'est consternant.

Jean Letellier : Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?

Hélène Grammont : Ca veut dire que le rêve du commissaire Letellier depuis trente ans, c'est de devenir un gorille. Excusez-moi, mais je trouve ça complètement débile. Oh mais je l'avais pressenti en lisant les journaux, "le commissaire flingueur", "l'as de la brigade anti-gangs". Je m'attendais à tomber sur un demeuré. Mais à ce point-là... Douze ans d'âge mental ! Et encore, mon petit frère a neuf ans et il est plus évolué.

Jean Letellier : Peut-être pas très évolué mais vous, c'est pas mal non plus. Vous avez lu les journaux et moi j'ai écouté les communications. Votre roman photo avec le chirurgien, c'est dégoulinant de connerie. Elle l'aime. Il est marié, père de deux enfants. Trouveront-ils le bonheur ? En vente tous les jeudis dans les kiosques. Lui : "Allô, ma chérie, excuse-moi, je ne pourrai pas passer la soirée avec toi. Un confrère étranger qui débarque, sans crier gare." Elle : "Ne mens pas, tu vas encore passer la soirée avec ta femme." Lui : "Enfin, ma chérie, tu sais très bien qu'il n'y a plus rien entre ma femme et moi." Elle : "Pourquoi ne divorces-tu pas ?" Lui : "Les enfants ne comprendraient pas, mon amour." Moi : je me prends peut-être pour un cow-boy mais au moins je ne joue pas les backstreets avec mon chef de service !

Hélène Grammont : Vous êtes content ?

Jean Letellier : Je suis fatigué.

Hélène Grammont : Enlevez votre chemise.

Jean Letellier : Pardon ?

Hélène Grammont  : Allez, enlevez-moi ça et venez par ici. Je fais de la rééducation à l'hôpital, vous en avez sérieusement besoin. Venez vous allonger ici.

 

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Hélène Grammont : C'est bon ?

Jean Letellier : Formidable... Vous savez, quand je vous ai traitée de conne, tout à l'heure, je le pensais pas vraiment.

Hélène Grammont : Et moi, quand je vous ai traité de demeuré, je le pensais.

 

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L'assassin, au téléphone : Vous avez encore vu votre amant aujourd'hui.

Hélène Grammont, au téléphone : J'ai le droit de faire ce que je veux de ma vie.

L'assassin : La loi vous en donne le droit. L'Eglise ferme hypocritement les yeux. Le monde moderne vous applaudit. Mais ma justice, car il faut qu'il y en ait une, vous a déjà condamnée.

Jean Letellier : Continuez.

Hélène Grammont : Quand vous avez appelé, j'étais sur le point de faire l'amour avec un homme. Un homme avec un corps d'homme, des mains d'homme. Faire l'amour, Minos, vous ne savez sans doute ce que ça veut dire, mais ça peut être très beau. Il était si près de moi, il est presque nu. Et nous vous plaignons beaucoup, tous les deux.

L'assassin : Sale putain ! Vous êtes en train de localiser mon appel.

Jean Letellier : Vous n'auriez pas dû le provoquer comme ça.

Hélène Grammont : C'est vous que je provoquais.

Jean Letellier : Il doit pas être content.

Le téléphone sonne.

Jean Letellier : Il est pas content du tout.

Hélène Grammont : Allô ?

Un homme : Mademoiselle Grammont ?

Hélène Grammont : Oui.

Un homme : Ici l'hôpital de la Trinité, c'est pour une urgence. Le professeur Hermione entre en salle d'opération, on vous attend.

Hélène Grammont : J'arrive.

 

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Hélène Grammont : Salut cow-boy.

Jean Letellier : Le cow-boy débile et demeuré évidemment.

Hélène Grammont : Je ne sais pas. Mais je peux vous assurer quelque chose, c'est que si vous aviez eu la tête d'Einstein, je ne vous aurais pas massé les épaules.

Jean Letellier : Euh, quel âge il a déjà votre petit frère ?

Hélène Grammont : Neuf ans ?

Jean Letellier : Eh benh je vais quand même essayer de le rattraper.

Hélène Grammont : Oh, si vous devez rester encore quelque temps à la maison, je vous achéterai un rasoir.

Jean Letellier : Mécanique ! Avec un blaireau et du savon qui fait beaucoup de mousse.

 

lundi, 17 septembre 2012

Peur sur la ville - Verneuil, Belmondo, Denner, Morricone, Dante

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Film : Peur sur la ville (1975, durée2h)

Réalisateur : Henri Verneuil

Musique : Ennio Morricone

Le commissaire Jean Letellier (Jean-Paul Belmondo), l'inspecteur Charles Moissac (Charles Denner), le commissaire divisionnaire Sabin (Jean Martin), un inspecteur de police (Henry Djanik), le préfet (Georges Riquier), l'inspecteur de police (Henry Djanik), l'inspecteur Duvielle (Louis Samier), Jacques Paoli (Jacques Paoli lui-même), le commissaire de quartier (Philippe Brigaud), le préfet (Georges Riquier), le sous-préfet (Jean-Louis Le Goff), un inspecteur (Maurice Auzel)

Julien Dallas l'étudiant (Jean-François Balmer), le psychologue (Roland Dubillard), un journaliste de RTL (André Valardy), Cacahuète (Jacques Rispal)
 
Pierre Valdeck alias Minos (Adalberto Maria Merli), Marcucci (Giovanni Cianfriglia), Cortes (Henri-Jacques Huet), l'invité qui se trompe de porte (Maurice Vallier)
 
Nora Elmer (Lea Massari), Germaine Doizon (Rosy Varte), Hélène Grammont (Catherine Morin), Pamela Sweet (Germana Carnacina), Eugène Merclin le gardien de l'immeuble de Nora (Roger Riffard), la concierge de Germaine (Gilberte Geniat), Julio Cortes l'amant de Nora (Henri-Jacques Huet)

 

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Nora Elmer : Comment vous le savez ? Hein ? Hein ?? [...] Quoi !? Vous êtes rentré chez moi, vous.

Le tueur : C'est joli chez vous, j'aime beaucoup. Surtout votre lit. Je l'ai essayé. Il est doux, moelleux, un vrai lit pour l'amour. Un lit qui doit vous rappeler un amant et un pauvre mari qui est mort maintenant, n'est-ce pas, Nora ?

Nora Elmer : Vous étiez... vous étiez un ami de Pierre, n'est-ce pas ?

Le tueur : Ha ha ha ha, non, rassurez-vous. Mais vous pourrez me parler de lui, puisque je viens.

Nora Elmer : Oh non !! 

 

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Le concierge: Allô ?

Nora Elmer : Allô, monsieur Merclin ? 

Le concierge: Oui.

Nora Elmer : Je suis Nora Elmer. Je viens d'être menacée par téléphone. Je vous en supplie, ne laissez monter personne !

Le concierge : Menacée ?

Nora Elmer : Oui, menacée ! Je vous en supplie, personne.

Le concierge: Je surveillerai, mais vous savez bien qu'on peut monter directement par le parking. Alors là, j'y peux rien. Vous devriez plutôt prévenir la police.

Nora Elmer : Je viens de téléphoner ! mais ça ne répond pas. Qu'est-ce que je dois faire là ?

Le concierge : La nuit, il faut appeler le commissariat d'arrondissement. Je vous donne le numéro.

Nora Elmer : Oui, merci, attendez. Dites-moi.

Le concierge : Défense 44 52.

 

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Le commissaire de quartier : Ne vous inquiétez pas, madame, nous avons l'habitude de ce genre d'appels. Ce sont des détraqués, ils s'excitent de la frayeur qu'ils provoquent. Ils disent tous qu'ils vont venir, ça fait partie de leur petit cinéma mais ils ne viennent jamais.

Nora Elmer : Mais s'il vient quand même ? Qu'est-ce que je dois faire, moi ?

Le commissaire : Rappelez-nous. En moins de cinq minutes, on est chez vous. Mais rassurez-vous, il ne viendra pas. Bonsoir, madame.

Nora Elmer : Bonsoir, monsieur, merci.

 

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Le policier : Quarante-sept avenue George Méliès. Défénestration. Nom de la victime, Nora... Elmer. Je préviens la criminelle. 

 

A suivre...

 

samedi, 15 septembre 2012

Octosyllabes vers le Ciel

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Pont de Bir-Hakeim, Paris
Crédits photographiques Karim Hobeika

 

 

Le Ciel est beau assurément,

Le Ciel est grand infiniment,

Il est vrai, nous sommes en reste,

Il emporte, sommes palimpseste.

 

Si nos yeux ne savent pas voir,

Portons-lui toujours nos regards,

En espérant y percevoir

Sa divine pluie azurée,

 

Pour la joie ô d'en recevoir

Quelque goutte d'or fin bleuté

Dont notre cœur saura goûter

La Vérité et la Beauté.

 

 

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Eglise Saint-Sulpice
Crédits photographiques Jana Hobeika 

 

jeudi, 13 septembre 2012

Marre des livres avec rien dedans ?

 Avez-vous entrepris de lire vos contemporains et vos contemporaines ? Ces chers auteurs et chères auteures, écrivains et écrivaines, intellectuels et intellectuelles qui peuplent les émissions littéraires, qui se déplacent pour nous montrer leur dernière coupe de cheveux ou le jaune de leurs dents et le marron de leurs yeux cernés, et qui nous ont concocté une rentrée littéraire qui s'annonce encore d'un grand cru.

Avez-vous été jusqu'à prendre un de leurs livres en main dans une librairie ou une bibliothèque... jusqu'à l'emprunter... jusqu'à l'acheter... jusqu'à le conserver au sein de votre bibliothèque à vous à proximité de vos magnifiques livres de littérature, de poésie et d'histoire !? Fichtre alors...

Je m'adresse donc à vous qui aimez lire et encore davantage à ceux et celles qui auraient répondu par la négative.

Voici un roman (pour son contenu) que l'on peut aussi qualifier de nouvelle (pour sa taille effective en nombre de pages) qui s'intitule tout simplement Psychose. Inséré dans un recueil, il est plus petit que beaucoup de livres que vous trouverez en librairie, où l'on a pris l'habitude de nommer "roman" des livres creux de 130 à 160 pages, des machins qui traînent en longueur, se répètent, tournent autour du pot pour ne pas dire du "je" et finissent par ne laisser qu'un souvenir confus si ce n'est désagréable. Psychose est tout différent : un concentré dense, riche, qui ne vous laissera pas indifférents et encore moins déçus, et vous le lirez d'un trait, en trombe furieuse et joyeuse !

Son auteur, Romain Debluë, n'est pas un habitué des plateaux de télévision, ni des émissions radiophoniques, ni même du salon du livre ou des signatures en librairies. C'est sans doute la raison pour laquelle vous n'avez encore jamais entendu ou lu son nom. Mais il a tout le temps de le devenir et c'est bien là tout le mal qu'on lui souhaite.

 

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Carrefour de l'Odéon, vers 1850

 

Venez donc, suivez-nous, à Paris, dans le quartier latin, à la fin du XIXème siècle. Venez, si vous n'avez pas peur. Je dis bien si vous n'avez pas peur, peur  de voir certaines de vos conceptions quelque peu chahutées, car Romain Debluë a décidé de brouiller les cartes d'emblée : dès les premières lignes de son court roman, un peu plus d'une vingtaine de pages, pages écrites à un âge particulièrement vert, dès les premières lignes, il donne la parole au narrateur, qui vous place à un carrefour : le narrateur nage-t-il dans son propre océan de psychose comme il sait qu'on le dit autour de lui ? ou le monde est-il fou et seul le narrateur est sain d'esprit ? Prendrez-vous position pour ou contre lui ? A vous de voir, chers lecteurs et chères lectrices, et vous ne serez pas au bout de vos surprises.

 

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Rue Soufflot, vers 1850

 

Romain Debluë nous décrit avec force et intensité notre Paris d'avant, son quartier latin et la chambre dans laquelle s'est reclus le narrateur qui enseigne à la Sorbonne. Le style qu'il déploie dans ce livre nous offre des tournures de phrases délicieuses, un vocabulaire moiré, le tout enveloppé dans une parfaite élégance. Il pourra vous évoquer Poe, Baudelaire, des gravures de Rops ou les Contes cruels de Villiers-de l'Isle Adam. Et puis vous ne pourrez rester indifférents au destin du personnage principal, au point que votre chambre à vous - si vous avez le malheur de lire de votre chambre - pourrait bien prendre les allures inquiétantes de la sienne...

 

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Rue saint Séverin, vers 1850

 

Noire est l'encre de Romain Debluë lorsqu'il écrit ce roman-nouvelle en 2009.

Dense est l'encre qui sort de son encrier pour venir se poser sur le papier en caractères forts et ornés de vocabulaire précieux, autant de gemmes qu'il incruste avec virtuosité dans le noir originel de l'encre.  

J'aimerais tant vous en dire plus, il y a tant à dire, à décrire, à discuter... mais j'ôterais à votre plaisir de découvrir et de vous laisser surprendre en lisant. 

 

 

psychose,romain,debluëSe procurer l'ouvrage :

"Psychose" in Sur le fil

Romain Debluë

2009

Ed. Mille Plumes

144 pages

> Chez l'éditeur : http://www.milleplumes.info/nouvelle.html

> Chez Chapitre : http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/imperialdream/su...

  

 

 

Du même auteur :

> Ecrits publiés en ligne : http://www.inlibroveritas.net/auteur5163.html

> Blog : http://amicusveritatis.over-blog.com

> Partitions en ligne : http://www.free-scores.com/partitions_gratuites_romain-de...

 

Problème de programme

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