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mercredi, 05 septembre 2012

Misères au Jardin du Luxembourg - Eugène Cochet

Misère 2 : eine große misère

 

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Without a Dowry aka Sunday in the Luxembourg Gardens, James Tissot

 

Dans les années 1880, le jardin du Luxembourg hébergeait un curieux personnage : un vieillard barbu, hirsute et en guenille, qui serrait contre lui une grosse serviette de cuir bourrée de papiers. Eugène Cochet, ancien préfet de l'Eure que de mystérieux revers de fortune avaient conduit à cet état, vivait de la charité publique. Poète autoproclamé, inventeur du vers libre de vingt-quatre pieds, l'excentrique personnage clamait haut et fort son indignation de n'être point décoré.

Les étudiants du quartier Latin s'amusaient régulièrement à ses dépens, mais un dernier canular causa la perte de l'inoffensif monomane. [...]

 

> Pour connaître la suite de cette mésaventure  : http://urbantripparis.blogs-de-voyage.fr/archive/2010/03/...

 

mardi, 04 septembre 2012

Misères au Jardin du Luxembourg - Stéphane Zagdanski

Misère 1 : eine kleine misère

 

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Jardin du Luxembourg

 

 

Extrait de Miroir Amer, 1999, Stéphane Zagdanski, Coll. L'infini, Gallimard :

 

[...] au mois de mai, le jardin du Luxembourg est une résurrection. Le soleil vaporise son étincelante tiédeur à travers les branches hirsutes des marronniers, traverse les dossiers écaillés des chaises de métal vert, effleure les corps imperturbables des rugueuses reines blanches, inonde les parterres multicolores de fleurs hilares, orgueilleusement insensibles à la fadeur des propos qui se tiennent dans les fraîches entrailles d'ombre du mastodonte de pierre, le Sénat, à dix pas de leur vitalité splendide. Comme si les mots n'avaient été inventés que pour commenter leur sourire de soie, féliciter leur éclosion de coloris incoercibles, vanter leur gloire de crêpe, faire écho à l'éclat rayonnant de leur joie muette. Ce à quoi seuls parviennent, en réalité, les enfants éparpillés dont les cris cisaillent de part en part le large cadran horizontal du bassin, avec une insouciance similaire, une victoire spontanée et cruelle, comme celle des fleurs, comme celle de tous ceux à qui la mort n'a jamais tendu son miroir embué de cendre froide.

[...]

Je trébuche de deux pas en me levant de ma chaise. Pendant à peine une seconde le poids du métal a été aspiré par mon mouvement ascendant avant de se rabattre vers sa masse initiale avec une violence élastique, me rendant à ma légèreté, ou plutôt à cette gravité depuis si longtemps agglomérée à mon être que j'en ai oublié l'existence, de sorte que c'est cet oublié, rappelé à moi avec la brusquerie d'une saute de vent, qui me fait tituber comme s'il me frappait dans le dos à l'aide d'une fronde.

[...]

Je me relève doucement, et quelque chose arrive.

Tout s'accélère, ou plutôt tout réintègre son rythme, tandis que la masse d'aigreur molle et froide remonte de mon estomac à mes lèvres. Je m'écarte du bassin. Elie est déjà plus loin, en train de parler avec une petite fille devant un parterre. J'ai encore le temps, avant de tomber en avant, un bras appuyé sur le dossier d'un fauteuil de fer, de voir distinctement Claire, une cigarette aux lèvres, plongée dans son Gauguin, et d'avoir une dernière pensée pour la froide désapprobation des reines rigides, là-haut, en surplomb, comme les joyaux espacés d'une immense couronne.

Je vomis une longue coulée d'un jus d'orange avalé pourtant depuis plusieurs heures, puis une autre, pétillante et âcre, pénible et salvatrice. Je regarde la flaque visqueuse pailletée de pulpe sale, résidu écœurant d'une alchimie inachevée.

Je crache un dernier filament d'aigreur, toujours courbé en deux, attendant que ma nausée se dissipe avec la flaque constellée de grumeaux orange que le gravier gris absorbe.

[...]

   

miroir,amer,stéphane,zagdanskiSe procurer l'ouvrage :

Miroir Amer

Stéphane Zagdanski

1999

Coll. L'infini, Gallimard

147 pages

http://www.amazon.fr/Miroir-amer-Zagdanski/dp/2070754391/...

 

 

> A consulter également, Paroles des Jours, le très généreux site de Stéphane Zagdanski : http://parolesdesjours.free.fr/

 

dimanche, 02 septembre 2012

Parisienne 37 au Cret de Rochefort - Guitry

 

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Extrait de Mémoires d'un tricheur, Sacha Guitry, 1935

 

[...]

Paris !

Grande impression, dois-je dire - mais pas très bonne impression, je dois le dire. Non. Trop de monde. Ou, plus exactement, trop de mondes, au pluriel. Trop de riches et trop de pauvres, trop de filles sur les trottoirs, trop de gens qui travaillent et trop de gens qui chôment. Trop de grandeur et de misère. Trop de pluie quand il pleut, trop de chaleur quand il fait chaud, et, quand vient l'hiver, trop de froid. 

C'était en vérité, trop grand, trop beau pour moi, Paris. Il m'a fallu bien des semaines, bien des mois pour en comprendre la splendeur - et, pour en goûter tout le charme, il m'a fallu bien des années.

En vérité, je crois qu'il faut en être, de Paris, pour se vanter de le connaître. [...]

Si l'on me demandait aujourd'hui brusquement ce que c'est que Paris, je répondrais tout de suite : "C'est la capitale de la France et c'est la plus belle ville du monde."

Puis, je réfléchirais - et j'ajouterais : "C'est autre chose également. Et c'est autre chose en plus."

Et j'essaierais de l'expliquer. Je dirais : "Toutes les villes ont un cœur, et ce qu'on appelle le cœur d'une ville, c'est l'endroit où son sang afflue, où sa vie se manifeste intensément, où sa fièvre se déclare, sorte de carrefour où toutes ses artères paraissent aboutir. Mais le cœur de Paris a ceci de particulier, c'est que chacun le place où il l'entend. Chacun a son Paris dans Paris. Le mien commence à l'Arc de Triomphe et se termine place de la République [...]. Ce que les Parisiens appellent entre eux Paris n'en est, en vérité, que la vingtième partie - et le nombre des Parisiens n'excède pas trois mille personnes. [...] Etre Parisien, ce n'est ni une fonction, ni un état, ni un métier - et cependant c'est tout cela. C'est unique et c'est inestimable - et ce n'est d'ailleurs pas à vendre. On en est, ou on n'en est pas. Et ceux qui n'en sont pas se demandent chaque matin ce qu'ils pourraient bien faire pour en être - et ceux-là n'en seront jamais ! Car, être de Paris, ce n'est ni une question de volonté, ni une question de fortune. Ce n'est même pas une question de valeur. C'est un indéfinissable mélange d'esprit, de goût, de snobisme, de jobardise, de bravoure et d'amoralité. On ne doit pas savoir au juste pourquoi on en est - et l'on doit seulement savoir pourquoi les autres n'en sont pas. Un Espagnol ne peut pas être Londonien, un Anglais ne peut pas être Berlinois : un Albanais peut être Parisien. Car pour en être, il ne s'agit pas d'être né à Paris - ni même en France. Il faut autre chose. Il faut être adopté par tous, sans que personne en ait parlé. Il y a dans ces élections quelque chose d'assez mystérieux, une sorte d'entente secrète. On est naturalisé Parisien, tout d'un coup, un beau soir. Oui, tous ces gens qui se haïssent, qui ne se quittent pas de l'année, qui échangent leurs femmes, leurs maîtresses et leurs amis, qui se regardent vieillir mais ne se voient pas changer, qui composent un véritable monde - je veux dire une véritable planète - avec ses moeurs, ses récréations, ses honneurs, son honneur et ses manies, oui, tous ces gens savent tomber d'accord, en un instant, quand il le faut."

S'il me fallait donner quelques conseils à un homme nouvellement élu Parisien, je lui dirais ceci : "Tu es élu ? Parfait. Maintenant, attention - pas de gaffes ! Le jour où tu as été élu, quel chapeau avais-tu ? Celui-là ? Bien. Mets-le. Il est vieux, dis-tu ? Ca ne fait rien. Mets-le. Tu avais cette cravate ridicule ? Tant pis, garde-la. Il ne faut plus jamais que tu en changes. Ceci est presque plus important que tout. Fais-toi refaire ce chapeau, fais-toi refaire cette cravate, prends modèle sur toi-même - et prends modèle aussi sur ceux qui en sont depuis trente ans. Que ta silhouette soit toujours la même, car il faut qu'on puisse te reconnaître de loin. Ta tête se fera petit à petit - c'est l'affaire d'un an ou deux. Quand elle sera faite, on la fera. C'est-à-dire qu'on fera sa caricature. Il faudra t'y conformer. C'est essentiel. Si l'on te fait un peu voûté, reste voûté. Ne grossis pas. Ne maigris pas. N'embête surtout pas les dessinateurs ! Ils ne te feraient plus. Mais la mode, dis-tu ? Là, je te mets tout de suite en garde. Lance-la si tu peux, mais ne la suis jamais. Tu ne dois pas être à la mode. Le vrai Parisien, c'est celui qui est en retard de quinze ans sur elle - ou en avance de quinze jours. Tu aurais l'air d'un provincial si tu suivais la mode. Voilà pour la façade. Le reste est moins facile. Au sujet de ta vie privée, on doit savoir de toi des choses assurément. Mais il n'est pas mauvais qu'elles soient imprécises. Il faut qu'on te croie marié si tu ne l'es pas - et divorcé si tu es marié. On ne doit connaître le nom de tes maîtresses que lorsque tu t'en es séparé. Il faut que tu aies l'air de cacher quelque chose, afin qu'une légende se crée autour de toi. Ainsi, sur ta fortune, il est bon que les avis soient partagés - et si tu peux laisser supposer que Napoléon III a été l'amant de ta grand-mère, ce sera excellent. Aux allusions qui t'y seront faites, tu souriras. D'ailleurs, en principe, n'avoue jamais rien - et tout ce qu'on dira de toi finira par être vrai - et tu finiras par le croire toi-même. Dans la conversation, sois optimiste, indulgent, paradoxal et cruel. Si tu as de l'esprit, sois féroce, impitoyable. Un "mot", c'est sacré. Tu dois le faire contre ta sœur, contre ta femme, s'il le faut - pourvu que le mot soit drôle. On n'a pas le droit de garder pour soi un mot drôle. Il y a des mots mortels. Tant pis ! Les mots qui sont mortels font vivre du moins ceux qui les font. Etre de Paris, cela nourrit son homme - et tu en vivras. Je peux même t'assurer que tu en mourras, ton chapeau sur la tête et ta cravate au cou."

[...] 

 

guitry mémoires d'un tricheur.jpgSe procurer l'ouvrage :

Mémoires d'un tricheur

Sacha Guitry

1935

Ed. Gallimard, folio

157 pages

http://www.amazon.fr/M%C3%A9moires-dun-tricheur-Sacha-Guitry/dp/2070364348

samedi, 01 septembre 2012

Syndrome de tourismite aiguë

 

Argent et célébrité n'entament en rien la tourismite numérico-fessebouco-panurgienne aiguë du vingt-et-unième siècle dont quelqu'une fait ici montre...

 

shakira au musée.jpg

 

Non, nous n'aimons pas à mourir la tourismite.