vendredi, 01 juin 2012
Considérations sur le temps - Ratzinger
Extrait de la Foi chrétienne, hier et aujourd'hui, 2005, Joseph Ratzinger
La pensée actuelle est tributaire de cette idée que l'éternité est pour ainsi dire enfermée dans son immutabilité. Dieu apparaît comme le prisonnier de son dessein formé "avant tous les temps". Etre et devenir ne se mélangent pas. L'éternité est ainsi comprise de façon purement négative comme l'absence de temps ; elle est ce qui est autre par rapport au temps, et qui ne saurait exercer aucune influence dans le temps, ne serait-ce que parce qu'elle cesserait alors d'être immuable et deviendrait elle-même temporelle...
Or l'éternité n'est pas ce qu'il y a de plus ancien, ce qui était avant le temps, mais ce qui est tout autre ; elle est pour chaque moment du temps qui passe l'aujourd'hui, elle est pour lui présent ; elle n'est pas enfermée entre un avant et un après, elle est au contraire puissance du présent en tous les temps. L'éternité n'est pas à côté du temps, sans rapport avec lui, elle est la force créatrice qui porte tous les temps, qui englobe le temps qui passe en son unique présent et lui permet d'être. Elle n'est pas absence de temps mais domination du temps. Et parce qu'elle est l'aujourd'hui contemporaine à tous les temps, elle peut aussi agir dans le temps, à chaque instant.
Joseph Ratzinger, le Pape Benoît XVI (né en 1927)
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jeudi, 31 mai 2012
Considérations sur le temps - Maurice Blondel
Crédits photographiques Karim Hobeika
Extrait de L'action, 1893, Maurice Blondel
C'est pour avoir prétendu se contenter de la durée et se borner à la nature, que l'homme meurt ; non qu'il ne puisse emplir et dépasser l'espace ou le temps : mais il a tant agrandi ce domaine des sens et de la science qu'il pourrait presque feindre de s'y mouvoir à l'aise et d'y trouver une demeure définitive s'il ne lui fallait, bon gré mal gré, toujours en sortir par l'inévitable avertissement de la conscience, par le scandale de la souffrance et de la mort. Si mourir au temps lui apprend ce qu'est vivre, c'est parce que cette vie qui ne passe pas dans le temps, est exposée à la seconde mort, à celle qui subsiste à jamais. Faire, ce n'a été l'oeuvre que d'un instant ; avoir fait et vouloir, c'est pour toujours. Ce qui est fait ne peut pas ne pas avoir été fait... sous les apparences qui se succèdent dans notre connaissance, se cache l'action qui en fixe la réalité permanente.
Maurice Blondel (1861-1949)
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mercredi, 30 mai 2012
Considérations sur le temps - Rainer Maria Rilke
Extrait des Lettres à un jeune poète, 23 avril 1903, Rainer Maria Rilke
Tout n'est que porter à terme, puis mettre au monde. Laisser chaque impression et chaque germe de sentiment parvenir à la maturité au fond de soi, dans l'obscurité, dans l'indicible, l'inconscient, l'inaccessible à l'entendement, et attendre avec une profonde humilité, une profonde patience, l'heure de l'accouchement d'une nouvelle clarté : vivre dans l'art, c'est cela, et c'est cela seul : pour comprendre aussi bien que pour créer.
Là, il n'y a point de mesure temporelle, une année ne compte pas et dix ans ne sont rien, être artiste signifie : ne point calculer ni compter ; mûrir comme l'arbre, qui ne fait pas monter sa sève plus vite qu'elle ne va et se dresse avec confiance au milieu des tempêtes du printemps sans avoir peur que ne vienne aucun été. Il viendra. Mais il ne viendra que pour ceux qui sont patients, qui sont là comme s'ils avaient l'éternité devant eux, dans l'insouciance de son calme et de son immensité. Je l'apprends tous les jours, je l'apprends dans la douleur, à qui j'en ai la gratitude : la patience est tout.
Rainer Maria Rilke (1875-1926)
07:09 Publié dans Ecrits, Réflexions, philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : temps, rilke
mardi, 29 mai 2012
Considérations sur le temps - saint Augustin, Dali
La permanence du temps, Salvator Dali
Extrait des Confessions, livre XI, saint Augustin
Peut-être, dira-t-on avec vérité : il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l'avenir. Car ce triple mode de présence existe dans l'esprit ; je ne le vois pas ailleurs. Le présent du passé, c'est la mémoire ; le présent du présent, c'est l'attention actuelle ; le présent de l'avenir, c'est mon attente...
Toute ma vie à moi n'est qu'une dissipation ; et votre main m'a rassemblé en mon Seigneur, fils de l'homme, médiateur en votre unité et nous, multitude, multiplicité et division, afin qu'en lui j'appréhende celui qui m'a appréhendé par lui ; et que ralliant mon être dissipé au caprice de mes anciens jours, je demeure à la suite de votre unité, sans souvenance de ce qui n'est plus, sans aspiration inquiète vers ce qui doit venir et passer, mais recueilli "dans l'immutabilité toujours présente," et ravi par un attrait sans distraction à la poursuite de cette palme que votre voix me promet dans la gloire où j'entendrai l'hymne de vos louanges, où je contemplerai votre joie sans avenir et sans passé.
Saint Augustin (354-450)
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