mercredi, 30 avril 2014
Des Chrétiens et des Maures II - Daniel Pennac
Extrait de Des chrétiens et des Maures, 1999, Daniel Pennac, Folio :
[...]
C'était un après-midi pluvieux. Nous ramenions maman de l'hôpital, vide d'enfant et pleine de larmes, sous un ciel qui vidangeait. L'ambiance était à la vengeance divine, je m'en souviens très bien. Il pleuvait continûment depuis trois jours. La Seine menaçait de tout nettoyer. Les mieux pistonnés songeaient déjà à s'offrir une arche.
Maman gémissait.
- C'est terrible, d'avoir aimé pour rien, Benjamin.
Je tenais la main de ma mère dans une ambulance qui luttait contre la noyade.
[...]
Devant, ce n'était pas plus gai. Hadouch conduisait l'ambulance à côté de ma sœur Louna qui pleurait autant que maman. Louna venait de se faire plaquer par un toubib de son hôpital, un neurologue. Elle y avait laissé un bon morceau de cœur.
- Je vais me le faire, ce fils de chienne, hurlait Hadouch. Donne-moi le feu vert, Louna, et je vais lui apprendre à aimer !
- Non, Hadouch, laisse-le, c'est pas sa faute, c'est la mienne. Je te jure, c'est moi, c'est moi !
- On ne traite pas comme ça, Louna ! Personne. Pas tant que j'existe. Sur la foi de ma mère ! Je vais lui foutre Mo et Simon au cul, il va comprendre sa douleur, ce queutard ! Comment il s'appelle ?
- C'est pas lui Hadouch, c'est moi !
Louna avait pris le pli inverse de notre mère. Elle se faisait jeter aussi souvent que maman larguait les hommes. Comme si elle cherchait à rétablir une sorte d'équité dans la république de l'amour. Mais elle tombait chaque fois de si haut et se faisait si mal qu'il nous en venait des envies de meurtre, à Hadouch et à moi. Seulement, venger Louna revenait à dépeupler la Faculté. Même Hadouch et ses copains s'y auraient pas suffi. Louna était déjà infirmière à l'époque. Le corps médical appréciait hautement le sien. Elle se donnait sans compter mais en espérant beaucoup. Elle supposait une âme aux hommes.
Total, il pleuvait autant à l'intérieur de l'ambulance que sur Paris. Les essuie-glaces brassaient les eaux du déluge sur celles du désespoir. Une période dramatique, en fait. Je passais mon temps à manier la serpillière. Une de ces déprimes domestiques qui vous font souhaiter une guerre mondiale, un bon cancer, un dérivatif, quoi, un rien de distraction.
Ce fut précisément ce que le destin nous offrit, sous la forme d'une calandre de Mercedes qui surgit sur notre gauche, dans une gerbe de flotte (je la revois très bien, cette calandre instantanée) :
- Merde !
Coup de barre à droite de Hadouche, coup de barre à gauche de l'autre, les tôles qui s'évitent de justesse, notre ambulance qui grimpe sur le trottoir, dérapage de la Mercedes.
Dont la porte arrière s'ouvre.
D'où roule une chose qui vient s'étaler sur notre trajectoire.
- Attention !
Nouveau coup de volant.
Choc.
- Nom de...
- Qu'est-ce que c'est ?
- Quelqu'un, je crois.
- Quelqu'un ?
[...]
Des chrétiens et des Maures
Daniel Pennac
1999
Folio
96 pages
www.amazon.fr/chrétiens-maures-Daniel-Pennac/dp/2070406962
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mardi, 29 avril 2014
Requiem for a dream
Quatre chutes humaines de personnages
qui ne sont pourtant pas détestables au départ.
Quatre destins abîmés.
Le film est conçu comme une œuvre musicale, une véritable partition à quatre voix.
Un bel enchevêtrement entre le cinéma et la musique
Film : Requiem for a dream / Retour à Brooklyn (2000, durée 1h50)
Réalisateur : Darren Aronofsky
D'après le roman de d'Hubert Selby
Harry Goldfarb, junkie et dealer (Jared Leto), Sara Goldfarb qui rêve de passer à la télé (Ellen Burstyn), Marion/Marianne Silver sa petite amie (Jennifer Connelly), Tyron C. Love (Marlon Wayans), Tappy Tibbons (Christopher McDonald), Ada (Louise Lasser), Rae (Marcia Jean Kurtz), Perlman (Janet Sarno), Mrs Scarlini (Suzanne Shepherd), Mrs Ovadia (Joanne Gordon), Miles (Charlotte Aronofsky), Rabinowitz (Mark MArgolis), Arnold (Sean Gullette), Big Tim (Keith David), le Dr Spencer (Ben Shenkman), King Nepture (Abraham Abraham)
http://www.youtube.com/watch?v=lgo3Hb5vWLE
http://www.youtube.com/watch?v=jzk-lmU4KZ4
http://www.youtube.com/watch?v=ADJE5gat_W8
http://www.youtube.com/watch?v=i5Kwf_nNmGI
https://www.youtube.com/watch?v=mhSSi2R1kc4
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lundi, 28 avril 2014
L'euro puissance 4
07:00 Publié dans Farce et attrape | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : puissance 4, l'homme moderne, porte-monnaie, euro, argent
dimanche, 27 avril 2014
Faust - Goethe
Samson et Dalila, Rubens
Extrait de Faust, Goethe, 1964, Flammarion :
FAUST
Tu as donc des antipathies ?
MARGUERITE
Je dois me retirer.
FAUST
Ah ! ne pourrai-je jamais reposer une seule heure contre ton sein... presser mon cœur contre ton cœur, et mêler mon âme à ton âme ?
[...]
(Dans un creux du mur, l'image de la Mater dolorosa ; des pots de fleurs devant.)
MARGUERITE
Abaisse, ô mère de douleurs ! un regard de pitié sur ma peine !
Le glaive dans le coeur, tu contemples avec mille angoisses la mort cruelle de ton fils !
Tes yeux se tournent vers son père ; et tes soupirs lui demandent de vous secourir tous les deux !
Qui sentira, qui souffrira le mal qui déchire mon sein ?
l'inquiétude de mon pauvre cœur, ce qu'il craint, et ce qu'il espère ? toi seule, hélas ! peux le savoir !
En quelque endroit que j'aille, c'est une amère, hélas ! bien amère douleur que je traîne avec moi !
Je suis à peine seule, que je pleure, je pleure, je pleure ! et mon cœur se brise en mon sein !
Ces fleurs sont venues devant ma croisée ! tous les jours je les arrosais de mes pleurs : ce matin je les ai cueillies pour te les apporter.
Le premier rayon du soleil dans ma chambre me trouve sur mon lit assise, livrée à toute ma douleur !
Secours-moi ! sauve-moi de la honte et de la mort ! abaisse, ô mère de douleurs ! un regard de pitié sur ma peine !
Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, Enguerrand Charonton
Musée du Louvre
Pieta, El Greco
Pietà, Gustave Moreau
Pour le Lacrimosa
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/04/10/lacrimosa.html
Le Requiem se trouve ici
http://fichtre.hautetfort.com/archive/2014/02/20/requiem-mozart.html
Faust
Goethe
1964
Flammarion
185 pages
http://www.amazon.fr/Goethe-Faust-Traduction-Pr%C3%A9face...
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samedi, 26 avril 2014
Etymologie - Whisky
Autoportrait à la bouteille de vin, Munch
Extrait du Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis,1997 , Pierre Desproges, Seuil :
Whisky n.m. (mot anglais emprunté à l'irlandais). Eau-de-vie de grain que l'on fabrique surtout en Écosse et aux États-Unis.
Le whisky est le cognac du con.
Son bouquet évoque la salle d'emboîtage des vaccins antigrippaux de l'institut Mérieux. Additionné d'eau gazeuse, il insulte le palais de l'homme de goût qu'il éclabousse d'inopportune salaison et de bulles impies que le Champenois crache au noroît dans son mépris d'Albion.
En vieillissant, le whisky gagne en platitude ce qu'il perd en infamie. On peut y conserver ses bébés morts en bas Armagnac.
Se procurer l'ouvrage :
Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis
Pierre Desproges
1997 et 2013
Coll. Points, Seuil
138 pages
www.amazon.fr/Dictionnaire-superflu-lusage-l%C3%A9lite-nantis/dp/2757833979
*
> Pour davantage : http://fichtre.hautetfort.com/les-mots-francais.html
07:00 Publié dans Beaux-Arts, Ecrits, Farce et attrape, Les mots français, littérature contemporaine, Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : desproges
vendredi, 25 avril 2014
She waits X - Formidable
07:00 Publié dans Chanson, Trivialités parisiennes, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : formidable, charles aznavour
jeudi, 24 avril 2014
Des Chrétiens et des Maures I - Daniel Pennac
Extrait de Des chrétiens et des Maures, 1999, Daniel Pennac, Folio :
[...]
- Ma mère tient ses fichiers à jour. Elle connaît l'adresse de tous ses hommes, mais pas de celui-là.
- Il suffit d'en dégoter un autre ! N'importe lequel ! Il ne doit pas manquer de brave type pour jouer un rôle aussi honorable. Moi-même, si je peux te rendre ce service...
Ce disant en posant sa sombre main de Casamance sur ma blanche main d'ici. Il eut un sourire devant le contraste :
- Avec un peu de persuasion...
- Je ne doute pas de ton génie dans ce domaine, Loussa, mais le Petit ne s'y trompera pas. Si on lui fourgue un figurant en guise de papa, on précipite la catastrophe.
- L'instinct ?
- Je suppose, comme diraient tes amis anglais.
- Wo huaiyi (jen doute), répondraient mes amis chinois.
- C'est pourtant ça.
Suivit un silence d'impasse pendant lequel Youcef déposa la graine sur la table. Loussa nous servit en couscous et c'était comme un surcroît de silence qui tombait dans nos assiettes. Pluie silencieuse de la semoule... Dunes, bientôt... Apaisement, un peu... Si bien que je finis par murmurer :
- C'est étrange, d'ailleurs, quand j'y pense... Le père du Petit est le seul homme de ma mère qui ait vécu sous notre toit.
- Ah bon ? Tu le connais alors...
- Non.
Et Loussa me fit une proposition.
- Ecoute, on s'autorise une traversée du désert et tu me racontes ça à l'arrivée, d'accord ? Pendant le thé à la menthe.
Il me fallut donc, pendant le thé à la menthe, remonter une dizaine de mois avant la naissance du Petit. C'est un passé difficile à concevoir, aujourd'hui que le Petit, avec ses lunettes roses - ou les rouges, il en a deux paires -, me semble évoluer depuis toujours dans mon paysage. Nos enfants datent de toute éternité...
Notations préliminaires que Loussa accueillit avec une patience de Bédouin.
- Je t'en prie, fit-il, prends ton temps.
Un filet de thé tomba du ciel dans mon verre damassé.
- J'ai un ami, dis-je, qui affirme n'avoir jamais vu son père à jeun. Bourré, du matin au soir. Plein comme un œuf. Il ne l'a pas vu sobre une seule fois... Tout comme moi. Je n'ai jamais vu ma mère autrement qu'enceinte.
- Vous n'êtes pourtant pas si nombreux, dans votre tribu.
- C'est compter sans les fausses couches.
- Excuse-moi, lâcha Loussa comme si je venais d'évoquer une série de deuils récents.
- Pas de mal. Régulation naturelle de l'espèce... en fonction de notre surface habitable, peut-être, ou de mon salaire au Talion, va savoir. Si la nature avait laissé ma mère faire selon son cœur, la quincaillerie qui nous tient lieu de maison ressemblerait à un orphelinat de Dickens. Je serais obligé d'en estropier la moitié pour les envoyer faire la manche.
Je tournais autour du pot. Je touillais une mayonnaise qui commençait à prendre.
- C'était...
[...]
Des chrétiens et des Maures
Daniel Pennac
1999
Folio
96 pages
www.amazon.fr/chrétiens-maures-Daniel-Pennac/dp/2070406962
07:00 Publié dans Ecrits, littérature contemporaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : daniel pennac, des chrétiens et des maures