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lundi, 07 janvier 2013

L'Enfer de Dante - Chants 21, 23, 24, 30, 33 - Delacroix


dante, delacroix, divine comédie, enfer, enfers, la barque de danteLa barque de Dante (Dante et Virgile aux Enfers), Eugène Delacroix, 1822

 

Extrait de La divine comédie, L'Enfer, 1314, Dante, traduction de Jacqueline Risset, GF-Flammarion 1985 : 

 

Chant 21

[...]
Je me tournai alors comme un homme anxieux
de voir le danger qu'il doit fuir
et que la peur soudaine désarçonne,
mais qui, pour voir, ne prend pas de retard :
et je vis derrière nous un diable noir
qui venait en courant sur le rocher.
[...]

 

Chant 23

[...] "Si j'étais de verre étamé
je ne refléterais pas ton image extérieure
plus vite que je n'accueille celle de ton âme.
Car tes pensées venaient parmi les miennes,
si pareilles de geste et de visage,
que j'ai fait de toutes un seul dessein.
Si la berge à main droite est assez douce
pour que nous puissions passer dans l'autre bolge,
nous éviterons la chasse imaginée."
Il n'avait pas fini d'expliquer ce projet
que je les vis venir, les ailes déployées,
non loin de nous, pour nous saisir.
Mon guide me prit aussitôt dans ses bras,
comme une mère éveillée par le bruit
qui, voyant tout près les flammes allumées,
prend son enfant et fuit sans s'arrêter,
ayant plus soin de lui que d'elle,
à peine vêtue d'une seule chemise ;
sur le dos, du haut de la dure falaise,
il se laissa glisser sur le rocher en pente
qui ferme un des côtés de l'autre bolge.
Jamais l'eau ne coula si vite par un canal
pour faire tourner sur terre une roue de moulin,
quand elle approche le plus près de ses aubes,
que ne fit mon maître sur ce rebord
en me portant sur sa poitrine,
comme son enfant, non comme un compagnon.
[...]
Et le moine : "J'ai entendu jadis dire à Bologne
que le diable a beaucoup de vices, et entre autres,
qu'il est menteur et père de mensonge."
Mon guide à ces mots s'en alla à grands pas,
un peu troublé par la colère, en son visage ;
et je quittai alors ces accablés,
suivant la trace de ses pieds bien-aimés.

 

Chant 24

[...]
Ainsi mon maître me fit m'épouvanter
quand je vis son front se troubler de la sorte,
mais bientôt il mit un baume sur le mal :
car quand nous arrivâmes au pont brisé,
il se tourna vers moi, mon guide, avec cet air
très doux que je lui vis d'abord au pied du mont.
Il ouvrit les bras, après avoir tenu
conseil avec lui-même, et bien considéré
l'éboulement - et puis il me saisit.
Comme celui qui pense et agit à la fois,
et qui semble toujours tout penser à l'avance,
ainsi, me portant vers la cime
d'un gros rocher, il avisa un autre bloc
et dit : "Accroche-toi bien à celui-ci ;
mais éprouve d'abord s'il peut te soutenir."
[...]
L'haleine des poumons s'était faite si courte,
lorsque j'y fus, que je ne pus aller plus loin,
et je m'assis à la première halte.
"Il faut maintenant que tu chasses la paresse",
dit mon maître : "ce n'est pas assis sous la plume
ni sous la couette, qu'on arrive à la gloire ;
or qui consume sa vie sans elle
laisse de soi, sur terre, trace pareille à celle
de la fumée dans l'air, et de l'écume dans l'eau.
Lève-toi donc ; vaincs cette angoisse
par le courage qui gagne les batailles,
s'il ne fléchit pas sous le poids du corps.
Il nous faudra monter plus longue échelle ;
avoir laissé les diables ne suffit pas.
Si tu m'entends, que la leçon te serve."
Je me levai alors, en me montrant pourvu
de plus de souffle que je n'en sentais,
et dis : "Va donc, je suis fort et hardi."
[...] 

 

Chant 30

[...]
J'étais tout entier tendu à les entendre,
quand mon maître me dit : "Prends garde !
encore un peu et je m'emporte contre toi !"
Lorsque je l'entendis parler avec colère,
je me tournai vers lui avec une telle honte
qu'elle s'agite encore dans ma mémoire.
Et tel est celui qui rêve son dommage
et qui en rêvant espère qu'il rêve,
désirant ce qui est, comme si ce n'était pas ;
tel je devins alors, sans plus pouvoir parler,
car je désirais m'excuser, et m'excusais
de fait, tout en croyant ne pas le faire.
"Moins de regret peut laver faute plus grosse",
me dit mon maître, "que n'a été la tienne ;
aussi décharge-toi de tout chagrin,
et rappelle-toi que je suis près de toi,
s'il advient encore que fortune t'amène
là où sont des gens en pareille querelle ;
car vouloir les entendre est bas désir."

 

Chant 33

[...] 
"Mais étends la main à présent jusqu'ici,
ouvre-moi les yeux." Et moi, je ne les ouvris pas,
et ce fut courtoisie de lui être vilain.
[...]

 

Chant 34

[...] 
Comme je devins alors glacé, sans force,
ne le demande pas, lecteur, et je ne l'écris pas,
car toute parole serait trop peu.
Je ne mourus pas, et ne restai pas vivant :
juge par toi-même, si tu as fleur d'intelligence,
ce que je devins, sans mort et sans vie.
[...]
Et si alors je fus troublé,
les gens grossiers le penseront, qui ne voient pas
quel est le point que j'avais dépassé.
[...] 

 

 

41ZAB9F45HL__SL500_AA300_.jpgSe procurer l'ouvrage :

La divine comédie, L'Enfer

34 chants, écrits en 1314

Dante

1985

Traduction de Jacqueline Risset, GF Flammarion

380 pages, édition bilingue

http://www.amazon.fr/Divine-Com%C3%A9die-LEnfer-Dante-Alighieri/dp/2080707256/ref=sr_1_16?s=books&ie=UTF8&qid=1353399190&sr=1-16

 

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