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lundi, 16 juillet 2012

Considérations sur l'amour - Simone Weil, Paul Valéry, Romain Debluë, Auguste Rodin

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Le baiser, Rodin

 

Extrait de ""La pesanteur et la grâce", ou : aux marges du christianisme", 2012, Romain Debluë

 

Je ne peux m'empêcher de sentir parfois chez Simone Weil quelque chose d'inhumain à force de cette intransigeante surhumanité dont elle s'efforce de faire preuve jusques en ses plus vagues intuitions, lorsqu'elle écrit par exemple : "Je ne dois pas aimer ma souffrance parce qu'elle est utile, mais parce qu'elle est."*

Posant ainsi tout à la fois un principe éthique qui en peut faire plus d'un grincer des dents, et la saisissante prémisse d'une ontologie point très nette encore mais où l'amour semble tenir une place prépondérante puisque l'être constitue un argument à la son déploiement. Si je me dois d'aimer ce qui est, ce n'est cependant point par la force d'un panthéisme douteux qui ferait de la Création un amas d'omniprésence divine mais bien plutôt parce qu'il n'existe nul autre moyen d'avoir prise sur le réel : " le seul organe de contact avec l'existence est l'acceptation, l'amour."**

L'amour conçu comme "la croyance à l'existence d'autres êtres humains comme tels"*** est le seul rempart dont l'esprit humain dispose afin de se prémunir contre la tentation du solipsisme et d'autres idéalismes absolus ; autrement dit la seule preuve recevable de l'existence du monde extérieur est constituée par sa capacité à provoquer tel sentiment en l'Homme.

Aux yeux de Simone Weil, il n'y a d'être qu'aimable et il n'y a d'aimable que l'être, en vérité ; aussi pourrions-nous, sur le modèle du parlêtre lacanien (Lacan affirmait qu'il n'y a d'être que parlant), nous amuser à désigner telle conception sous lr nom d'aimêtre, ou plus rigoureusement d'êtraimable. L'amour, elle le dit elle-même, a "besoin de réalité"****. Ce en quoi elle s'oppose radicalement à la lucidité tranchante d'un Paul Valéry qui, dans Tel Quel, affirme qu'il "n'existe pas d'être capable d'aimer un autre être tel qu'il est. On demande des modifications, car on n'aime jamais qu'un fantôme. Ce qui est réel ne peut être désiré, car il est réel. [...] Peut-être le comble de l'amour partagé consiste dans la fureur de se transformer l'un l'autre, de s'embellir l'un l'autre dans un acte qui devient comparable à un acte artistique, - et comme celui-ci qui excite je ne sais quelle source de l'infini personnel."***** A quoi Simone Weil répond sobrement : "Ce besoin d'être le créateur de ce qu'on aime, c'est un besoin d'imitation de Dieu. Mais c'est un penchant à la fausse divinité."******

Voilà sans doute pourquoi, à l'instar de cette dernière qui jamais ne brilla par ses qualités purement littéraires, l'auteur du Cimetière Marin fut un poète immense...

 

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* Simone Weil, La pesanteur et la grâce, coll. « Pocket », Plon, 1988, p. 145.

** Ibid., p. 123.

*** Ibid., p. 122.

**** Ibid., p. 124.

***** Paul Valéry, Tel Quel, coll. « folio essais », Gallimard, 2008, p. 42-43.

****** Simone Weil, op. cit., p. 123. Voir également : « Or il n'est pas donné à l'homme de créer. », p. 130. 

 

> A consulter pour le texte intégral et beaucoup plus : http://amicusveritatis.over-blog.com/article-la-pesenteur...