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lundi, 10 novembre 2014

Lettre ouverte au réalisateur de La vie d'Adel - et octosyllabe

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Film : La Vie d'Adèle, chapitres 1 & 2 (2013, durée 2h57)

Réalisateur : Abdellatif Kéchiche

D'après la bande dessinée "Bleu est une couleur chaude", Julie Maroh, 2010

Adèle (Adèle Exarchopoulos), Emma, artiste-peintre (Léa Seydoux)
Lise, la nouvelle compagne d'Emma (Mona Walravens)
Les parents d'Adèle (Catherine Salée, Aurélien Recoing)
La mère et le beau-père d'Emma (ANne Loiret, Benoît Pilot)
Thomas qui se fait larguer par Adèle (Jérémie Laheurte), Samir (Salim Kchiouche), Amélie qui insulte Adèle (Fanny Maurin), Béatrice qui drague Adèle (Alma Jodorowsky), Antoine (Benjamin Siksou), Valentin (Sandor Funtek), Kader (Karim Saidi), Pierre (Tom Hurier), Camille (Camille Rutheford), Vince (Vincent Gaeta)

 

¤

 

Monsieur Kéchiche,

Nausée il y a à regarder votre film... Mais d'où vient cette nausée ?

En premier lieu, de cette fâcheuse impression que derrière - ou dans le derrière d' - Adèle vous avez sournoisement flanqué votre Adel... Car quand même, Monsieur Kéchiche, vous osez d'emblée associer à Adèle une étymologie arabe - aucun dénigrement de ma part, dussé-je myself expliquer tantôt l'origine arabe de mon patronyme tout autant que de mon prénom. Voilà qui tombe vraiment comme un cheveux mal défrisé sur la soupe. Fichtre, ça commence bien. Alors soit on a oublié de nous expliquer un chapitre de l'histoire de la donzelle, soit on se moque du monde pas arabe. Je me vois ici dans l'obligation de commencer moi aussi par remettre les étymologies à leur place et les pendules à l'heure d'hiver : Adèle est un prénom français d'origine germanique et qui veut dire "noble". Tout ce que ce film n'est pas. Il est donc fortement injuste de se l'approprier sans justification.

Mais il ne suffit pas de corriger cette étymologie pour se débarrasser de cette nausée. Adèle... Adel... Et finalement, ne serait-ce pas Abdel en personne, car je ne vois ici qu'une mascarade de fausse castration qui fait qu'en réalité, vous nous montrez vos dessous à vous lorsque vous mettez au lit deux lesbiennes aux fesses bien blanches. Le film est certes tiré d'une bande dessinée écrite par une femme homosexuelle et parue en 2010, il y a pourtant imposture presque tout au long du film, à l'exception de deux vérités qui vont clore notre propos : le grand amour indélébile pour l'artiste et le naturisme sans encre.

L'imposture, c'est ce pois chiche géant gorgé d'une sauce outre-moderne inconcevable - aussi jaunâtre que celle que la muse-Adèle sert aux convives de l'artiste peintre qui aima - que vous nous enfoncez de force dans le gosier, Monsieur Kéchiche, et qui est passée sous le nez de tous, comme cette morve nasale qu'on ne veut pas laisser Adèle Exarchopoulos moucher. Le premier mouchoir n'arrive que très/trop tard. Ah comme on a envie qu'elle se mouche. Mais qu'elle se mouououche !

La bouche d'Adèle est une grosse ventouse inesthétique. Toujours en avant, gloutonne, mais jamais sexy. Comment est-ce possible d'enlaidir autant des lèvres pourtant joliment pulpeuses au départ ? On aura tout vu ici sauf les fameux baisers de cinéma. Ce n'est pas une question de naturisme : un baiser naturiste peut être splendide. Ici, non. Même l'inclusion d'un coucher de soleil entre les deux bouches ne fonctionne pas, c'est pourtant une tarte à la crème qui prend toujours. La boîte à questions canalesque reprise plus bas nous donne une piste... Un Kéchiche qui braille "maaaange !" On dépasse ici largement la malbouffe post-moderne. La malbouffe, c'est aimer la mauvaise bouffe. Ici ? Ici, c'est vraiment particulier et particulièrement outre-moderne. Toute la nourriture dégoûte. Les bouches ressemblent à des égouts. La mastication est laide. Ne parlons pas de l'enfournage... Une figurante dit avoir vu Adèle arriver "un hamburger dans la bouche". Après avoir visionné ce film, quiconque avait quelques kilos à perdre est en condition pour entamer un régime. Le jeûne est si paisible après pareilles orgies analimentaires. Et la cigarette... il est donc possible de fumer avec tant d'inélégance qu'on se prend à vouloir écraser leur clope, pas pour tenter de prolonger leur espérance de vie, mais pour ne plus subir ces wagons d'inélégance gestuelle. Comme tout ceci est plus efficace que les campagnes de santé publique, c'est magnifique. Il manque juste un petit verre de rouge...

Il faut dire aussi que ce mélange des cultures est malhonnête. Je m'explique. Abdellatif Kéchiche, vous êtes est franco-tunisien. Mais au fond, on voit ici que vous n'êtes ni l'un ni l'autre, et vous ne pouvez en fin de compte surtout pas être les deux - toujours aucun dénigrement de ma part qui suis tri-culturelle. Comme vous êtes perdu, ne sachant ni d'où vous venez, ni où en êtes allé, et l'on ne peut pas comprendre où vous essayez de nous dire que vous êtes. Vous ne faites décidément pas la part des choses. Et si jamais c'est volontaire de votre part, vous faites là une propagande douteuse.

J'explique encore un peu - par respect, contrairement à vous qui nous balancez au visage un plat suivi d'un autre sans ménagement. Mademoiselle Adèle prête ses petites mains à la préparation de bricks. Pourquoi ? Ensuite, elle fait une orgie de pâtes, une bassine géante qui est un "crève-cœur" pour mes amies italiennes et qui aurait tout au plus sa place dans une vague auberge espagnole erasmusienne ou sur une astéroïde restée en orbite, en tout cas très loin d'Italie. Je redemande pourquoi ? Entre les deux, vous nous faites un chapitre miteux sur les huîtres avec cette allusion non seulement de mauvais goût mais d'un autre temps à la moule (mince, je suis obligée d'y passer pour me faire comprendre). Comme on s'ennuie. Et cette sauce tomate qui devient jaune-pisse sur le menton des acteurs et actrices, on se sent aux chiottes depuis le début du repas. Et jamais vous ne cesserez l'horreur culinaire. On a juste envie de vomir le kebab que vous avez demandé à vos acteurs de "maaaanger". Manger, mangeoire, ce mot que des aristocrates apprécient peu dans la bouche des hommes parce qu'ils le réservent aux animaux.

A propos du langage, je serai brève : les acteurs vomissent un français des plus hideux dans le mouvement inverse avec la même vélocité qu'ils se bâfrent. Et pour ne rien dire.

Et quel est ce geste improbable : mettre ses mains dans ses cheveux entre l'eau de vaisselle et le torchon ? Ça n'existe pas. Vous avez réussi à énerver une capillophile qui supportait tant bien que mal jusqu'ici l'ensemble du décoiffage lugubre dont vous affublez Adèle. Pourquoi l'enlaidir à ce point ? Elle n'a eu des cheveux regardables que dans une seule scène nue, où d'ailleurs elle est un moment méconnaissable. On est tout à fait surpris quand une jolie hanche, sein ou fesse apparaît.

Pour ce qui est des scènes de sexe - nous y voici donc -, il y a non pas nausée mais véritable misère. Misère sexuelle précisément. Je suis agréablement surprise que Julie Maroh, qui a refusé toutes les sollicitations médiatiques, ait pris le soin de s'exprimer personnellement sur ce point et avec les arguments qu'elle avance. J'ai presque pitié de ces dames que vous mettez en scène. Mais comme elles ont du mal à atteindre l'orgasme... malgré vos injonctions du genre "tu jouiiiiis !". Cela peut se commander, oui, mais pas de là où vous vous trouviez. J'ai peur que vous ayez tué le fantasme de beaucoup d'hommes qui rêvent de voir des femmes nues ensemble. Mais sortez un peu, dans les bars et boites lesbiens justement, que vous décrivez n'importe comment. Toutes les lesbiennes ne sont pas aussi inesthétiques que ce que vous montrez là. J'ajoute qu'une lesbienne n'est pas nécessairement sans féminité. Non, ne venez pas dire qu'Adèle est féminine. Elle n'est pas finie, et plus vous la faites vieillir, plus on comprend qu'elle ne trouvera pas sa féminité, en tout cas pas devant votre caméra. Et Emma, no comment. 

 

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Et allons donc, vous nous livrez toutes les "positions" que vous avez pu imaginer, votre ultime kamasutra lesbien, qui est bien maigre il faut quand même vous le dire - malgré le temps que vous lui avez accordé. Soit, vous êtes libres de polluer l'humanité de vos images et les journalistes sont libres de perdre leur temps à chronométrer ces scènes pour arriver à une durée totale qui leur paraît faramineuse. Quand on aime, on ne compte pas. Et compter pour expliquer le problème reste au ras des pâquerettes. Le malaise soulevé provient du fait que ces scènes sont plus que maladroites tant vous mettez de temps, trop de temps à trouver un cadrage - quand cela vous arrive d'en trouver un. Et finalement, cet enchevêtrement de membres mal agencés fait plutôt penser à La chute des anges rebelles de Rubens. Et par-dessus cela, on voit tout sauf deux femmes... Ce ne sont pas deux hommes non plus... Ni un mix des deux... Sont-ce des créatures bizarres imaginées par un individu dont la sexualité ne serait elle-même pas très affirmée ? La seule chose que l'on puisse dire ici, c'est qu'on ne comprend pas. C'est peut-être aussi ce qui a perturbé les actrices qui ne savaient plus si elles étaient contre ou de travers, sur le coup mais aussi par la suite dans leurs réactions publiques. Résultat : réalisateur et actrices desservent la cause lesbienne qu'ils pensaient si fièrement défendre.

L'opposition des castes est elle aussi bigrement miteuse. Lisez opposition des classes, si vous préférez. Je gardais le mot classe pour plus tard. La caricature a été faite mille fois avant vous, monsieur Kéchiche, et avec classe ou humour, ou les deux. Ici, rien ne se produit. Le couple soit-disant intello-artiste est tout juste soixante-huitard mal dégrossi. Le couple bourgeois n'a rien de la bourgeoisie française. Il est vaguement maghrébin et seulement de loin. Et ce n'est pas drôle parce que non seulement manquant de sens critique, vous n'avez pas non plus une once d'auto-dérision - ce qui est plutôt une qualité des gens du Nord. Les scènes de repas familial avec pièce rapportée ne sont pas non plus tragiques car vous ne nous apprenez strictement rien. Pourtant les acteurs se sont donnés du mal, on voit bien qu'ils essaient, mais ils ne savent pas eux-mêmes le but de la scène.

Et puis vous êtes d'une inculture confondante. Vous voulez dépeindre des gens simples ? Eh bien les gens simples n’ânonnent pas de pareilles inepties sur des sujets qu'ils ne maîtrisent pas. En revanche, les cons ça ose tout... Vous avez réussi en un seul film à souiller la musique, la littérature, la philosophie et la peinture. Allez au diable, vous et votre communauté artistique bidon. Elle n'existe que dans votre imaginaire et vous auriez mieux fait de ne pas l'étaler sur écran. Il est inquiétant que vous ayez reçu la palme d'or : le cul, l'homosexualité et la différence ont plu, je peux le concevoir. Mais vous avez adressé à la communauté de l'art un film qui la méprend à tous les niveaux. Et l'on voit bien que plus personne ne pense et ne parle dès qu'on a badigeonné un sujet d'homosexualité ou de cul tout court.

Zemmour voit un tournant venu avec la série télé "Hélène et les garçons". Je me souviens de ma gentille mère qui était dépitée lorsque je rentrais du lycée et me plantais devant cette merde. En ce temps-là, et à ce créneau horaire, aucune autre des six chaînes ne trouvait grâce à mes yeux immatures, et je n'avais pas assez de neurones actifs pour penser décompresser autrement que devant la lucarne. Il semble que cette série de merde ne soit pas entrée bien loin dans ma cervelle, ou qu'elle en est sortie aussi rapidement, j'avais alors l'attention d'un poisson rouge devant un bocal vide. Pour revenir à nos moutons, je pense qu'un autre tournant est en train d'être mal négocié en France et votre film marque une étape dans notre descente vers l'horreur qui souille tout : l'art, le langage, l'école. Et le mal parler n'est plus l'apanage de séries B et autre téléréalité : le voilà exhibé au cinéma.

Voilà qui me permet de ne pas oublier l'école - moi qui suis prof. Cette maîtresse devant sa classe de CP et, avant, ses cours de français au lycée, sont la caricature du malheur de l'éducation : de trop nombreux profounets manquant de profondeur, descendus de leur estrade, et qui finissent par ne plus transmettre grand chose, c'est-à-dire rien de grand. Je remarque d'ailleurs que ça ne vous gêne pas de cracher dans la soupe - en même temps, votre inculture culinaire le prédisait - puisque que votre message, si j'ai bien compris, c'est de dire que l'école que vous peignez si mal vous a sauvé, vous - ou alors seulement Julie Maroh (?).

Résumé en une phrase, le misérable spectacle qu'offre Abdellatif Kéchiche dans sa vie d'Adel est une morve sidérale qui, en apparence seulement, se bave intello-artiste opposée à la mode - en l'occurrence la mode en peinture qui tracasse Emma qui aima toxiquement l'Adèle mal dégrossie -, et qui est en réalité totalement engluée dans l'outre-modernisme, malpensant, malparlant, malbouffant et malbaisant.

dièse

Mais passons aux qualités du film avant que ses défauts n'aient raison de nos yeux pas bleus. A propos de l'amour, on met enfin le doigt sur une vérité pure et instructive. La vérité à propos de l'amour de l'artiste. Qui se lasse aussi vite qu'il n'est pas tombé amoureux. Qui fabrique une scène de ménage violente, bourrée de cris et d'insultes tous azimuts  - dont une dans la rafale qui aura raison du couple, et nous rappelle que l'attaque reste la meilleure défense de ceux qui s'inspirent de Talleyrand - et donc

tout ces sonores hurlements
pour pas dire qu'il est en faute
l'artiste aux deux bras ballants,
en panne le grand chenapan,
infidèle argonaute,
plus capable de sentiments,
vidé de sienne substance
bonhomme revenu rance,
incapable de se renouveler
sans se remettre à aspirer
une autre qu'il a déjà dans
son collimateur si savant.

L'amour dure trois ans, pour ce genre (entendez : artiste, homme ou femme, hétéro ou homo). Y a-t-il plus pute que l'amour de ce genre de mante religieuse qui oscille entre l'hystérie et la perversion narcissique ?

Dans la configuration que l'on nous propose, il faut comprendre que la femme enceinte - et en grossesse avancée -  présente l'atout rare de l'enfant qu'elle peut apporter à un couple lesbien, et dont le ventre rond relance l'inspiration de l'artiste peintre en mal de muse. Attrait face auquel Adèle ne fait pas le poids, et n'en est mise au courant qu'a posteriori, preuve que la décision est prise sans elle et n'a pas pour base son infidélité pressentie - il fallait bien trouver un prétexte - en l'occurrence masculin - qui somme toute tardait à venir. Au fait, quelqu'un sait qui est le père ?

Pour boucler la boucle, il faut se demander si vous, Abdellatif Kéchiche, n'êtes pas davantage dans le profil d'une Emma manipulatrice que d'une Adèle niaise dont la consonance ne berne plus à la fin du film.

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Il y a pour finir le naturisme. Le naturisme de Kéchiche est fortement appuyé par l'absence de maquillage des actrices. Adèle rougit mieux sans maquillage, cela ne fait aucun doute, bravo. On pense à une Sophie Marceau adolescente aux joues rougissantes. Mais le déséquilibre entre les actrices est dommageable : là où Adèle est présentable, avec de jolis cils naturels (d'ailleurs bien plus esthétiques ainsi que recouverts de mascara pour le spectacle de danse africaine), Léa Seydoux avait besoin d'un minimum... quand même.

Avant de partir, il nous faut souhaiter que si vous aviez le malheur de récidiver avec les chapitres suivants, de grâce, essayez de faire montre d'un chouïa d'honnêteté intellectuelle.

 

Jana Hobeika
Paris, le 10 novembre 2014

 

 

Vous ne refuserez pas un petit tour dans la boîte à Q


http://www.youtube.com/watch?v=gN63ZCgabZs

 

 

> Pour une critique de convenance et morve friendly :
http://www.huffingtonpost.fr/marine-le-breton/critique-la...

http://www.petitelucarneetgrandecran.com/article-la-vie-d...

 

> Bande annonce :
http://programme-tv.premiere.fr/film/la-vie-d-adele-chapitres-1-2
http://www.youtube.com/watch?v=PC9epD2tRgQ