jeudi, 13 juin 2013
Capillomanie, capillophilie I - Delerm
Janvier 2011.
Ich habe eine Ânerie gemacht.
Nicht kleine, große.
Aber eine Ânerie pré-moutonnière.
(Source : Direct Matin, mardi 26 février 2013)
Janvier 2013
Strong hair did that...
Extrait de La sieste assassinée, Fabrice Delerm, 2005, Folio :
On est là, tout engoncé dans le fauteuil, tout vaporeux, flottant dans la soyeuse blouse vague que le coiffeur vous a fait enfiler. Au début, il a eu ce geste du doigt glissant autour de votre cou pour placer la petite serviette protectrice - et dès lors on s'est laissé faire, anesthésié par tant d'autorité et tant de prévenances, par tant d'effluves de violette et de fougère répandus au hasard de la pièce.
Quand le coiffeur vous parle dans le dos, ce n'est pas très poli de le suivre des yeux dans la glace, et puis ça l'agace un peu - il ne dit rien, mais vous saisit la tête entre ses mains, à hauteur des tempes, et rectifie la position avec une douceur très implacable. Puis le ballet du peigne et des ciseaux reprend, et la conversation aussi, après un petit blanc. Alors c'est assez étrange : on se regarde dans la glace bien en face tout en bavardant. On ne peut pas dire qu'on se voie vraiment, ni qu'on s'admire - ce serait bien gênant d'opposer une telle suffisance à cet artisanat butinant qui se déploie autour de vos oreilles. On se regarde en s'oubliant. On devient la conversation, bien anodine le plus souvent, du type moralisateur à consensus très large, sur l'évolution défensive du football, par exemple - qu'est-ce que vous voulez, c'est l'argent qui commande.
Mais la minute qui compte, c'est tout à la fin. Les gestes se sont alentis, le coiffeur vous a délivré du tablier de nylon, qu'il a secoué d'un seul coup, dompteur fouetteur infaillible. Avec une brosse douce, il vous a débarrassé des poils superflus. Et l'instant redouté arrive. Le coiffeur s'est rapproché de la tablette, et saisit un miroir qu'il arrête dans trois positions rapides, saccadées : sur votre nuque, trois quarts arrière gauche, droite. C'est là qu'on mesure soudain l'étendue du désastre... Oui, même si c'est un peu près ce qu'on avait demandé, même si l'on avait très envie d'être coiffé plus court , chaque fois on avait oublié combien la coupe fraîche donne un air godiche. Et cette catastrophe est à entériner avec un tout petit oui oui, un assentiment douloureux qu'il faut hypocritement décliner dans un battement de paupières approbateur, une oscillation du chef, parfois un "c'est parfait" qui vous met au supplice. Il faut payer pour ça.
Se procurer l'ouvrage :
La sieste assassinée
Philippe Delerm
2005
Folio
112 pages
http://www.amazon.fr/La-Sieste-assassin%C3%A9e-Philippe-D...
07:02 Publié dans Ecrits, littérature contemporaine, Votre dévouée | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Ah! le coiffeur je l'évite depuis des années, je me coupe mes cheveux et ma barbe tout seul et ça me convient très bien!!!!!!
Écrit par : Stephan Rémi | vendredi, 24 octobre 2014
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