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jeudi, 18 juillet 2013

Rimbaud - IV - On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans

 

rimbaud,munch
Kiss by the window, Munch

 

Roman

I

On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -
A des parfums de vigne et des parfums de bière...

II

- Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon
D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...

 

rimbaud,munch
Girl by the window, Munch



III

Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
- Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l'ombre du faux col effrayant de son père...

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...
- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

IV

Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.
Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...

- Ce soir-là..., - vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

 

Pour plus de poësie d'Arthur Rimbaud : http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/arthur_rimbaud/index.html

 

 

rimbaud
Arthur Rimbaud (1854-1891), 1873, par Jef Rosman

 

 

mercredi, 17 juillet 2013

Rimbaud - III - Se détruira-t-elle comme les fleurs feues...

 

rimbaud,munch
Madonne, Munch

 

Est-elle almée ?

 

Est-elle almée ?... aux premières heures bleues
Se détruira-t-elle comme les fleurs feues...
Devant la splendide étendue où l'on sente
Souffler la ville énormément florissante !

C'est trop beau ! c'est trop beau ! mais c'est nécessaire
- Pour la Pêcheuse et la chanson du Corsaire,
Et aussi puisque les derniers masques crurent
Encore aux fêtes de nuit sur la mer pure !

 

Pour plus de poësie d'Arthur Rimbaud : http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/arthur_rimbaud/index.html

 

 

rimbaud
Arthur Rimbaud (1854-1891), 1873, par Jef Rosman

 

 

mardi, 16 juillet 2013

Rimbaud - II - Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...

 

rimbaud,munch
La danse de la vie, Munch

 

A la musique

 

Place de la Gare, à Charleville.

Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînant leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : " En somme !... "

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde - vous savez, c'est de la contrebande ; -

Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...

- Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.

J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
- Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
- Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...

 

Pour plus de poësie d'Arthur Rimbaud : http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/arthur...

 

 

rimbaud
Arthur Rimbaud (1854-1891), 1873, par Jef Rosman

 

lundi, 15 juillet 2013

Rimbaud - I - Mauvais sang

 

rimbaud,munch
Autoportrait à la bouteille de vin, Munch

 

Extrait de Mauvais sang, Arthur Rimbaud

 

J'ai de mes ancêtres gaulois l'œil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte. Je trouve mon habillement aussi barbare que le leur. Mais je ne beurre pas ma chevelure.

Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d'herbes les plus ineptes de leur temps.

D'eux, j'ai : l'idolâtrie et l'amour du sacrilège ; — oh ! tous les vices, colère, luxure, — magnifique, la luxure ; — surtout mensonge et paresse.

J'ai horreur de tous les métiers. Maîtres et ouvriers, tous paysans, ignobles. La main à plume vaut la main à charrue. - Quel siècle à mains ! - Je n'aurai jamais ma main. Après, la domesticité mène trop loin. L'honnêteté de la mendicité me navre. Les criminels dégoûtent comme des châtrés : moi, je suis intact, et ça m'est égal.

Mais ! qui a fait ma langue perfide tellement qu'elle ait guidé et sauvegardé jusqu'ici ma paresse ? Sans me servir pour vivre même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, j'ai vécu partout. Pas une famille d'Europe que je ne connaisse. - J'entends des familles comme la mienne, qui tiennent tout de la déclaration des Droits de l'Homme. - J'ai connu chaque fils de famille !

Si j'avais des antécédents à un point quelconque de l'histoire de France !

Mais non, rien.

Il m'est bien évident que j'ai toujours été de race inférieure. Je ne puis comprendre la révolte. Ma race ne se souleva jamais que pour piller : tels les loups à la bête qu'ils n'ont pas tuée.

Je me rappelle l'histoire de la France fille aînée de l'Église. J'aurais fait, manant, le voyage de terre sainte, j'ai dans la tête des routes dans les plaines souabes, des vues de Byzance, des remparts de Solyme ; le culte de Marie, l'attendrissement sur le crucifié s'éveillent en moi parmi les mille féeries profanes. — Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied d'un mur rongé par le soleil. — Plus tard, reître, j'aurais bivaqué sous les nuits d'Allemagne.

Ah ! encore : je danse le sabbat dans une rouge clairière, avec des vieilles et des enfants.

Je ne me souviens pas plus loin que cette terre-ci et le christianisme. Je n'en finirais pas de me revoir dans ce passé. Mais toujours seul ; sans famille ; même, quelle langue parlais-je ? Je ne me vois jamais dans les conseils du Christ ; ni dans les conseils des Seigneurs, - représentants du Christ.

Qu'étais-je au siècle dernier : je ne me retrouve qu'aujourd'hui. Plus de vagabonds, plus de guerres vagues. La race inférieure a tout couvert - le peuple, comme on dit, la raison ; la nation et la science.

Oh ! la science ! On a tout repris. Pour le corps et pour l'âme, - le viatique, - on a la médecine et la philosophie, - les remèdes de bonnes femmes et les chansons populaires arrangées. Et les divertissements des princes et les jeux qu'ils interdisaient ! Géographie, cosmographie, mécanique, chimie ! ...

La science, la nouvelle noblesse ! Le progrès. Le monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas ?

C'est la vision des nombres. Nous allons à l'Esprit. C'est très certain, c'est oracle, ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m'expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire.

Le sang païen revient ! L'Esprit est proche, pourquoi Christ ne m'aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté. Hélas ! l'Evangile a passé ! l'Evangile ! l'Evangile !

J'attends Dieu avec Gourmandise. Je suis de race inférieure, de toute éternité.

ME voici sur la plage armoricaine. Que les villes s'allument dans le soir. Ma journée est faite ; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes poumons ; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l'herbe, chasser, fumer surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, - cille faisaient ces chers ancêtres autour des feux.

Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'oeil furieux : sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or : je serai oisif et brutal.. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. JE serai mêlé aux affaires politiques. Sauvé

Maintenant je suis maudit, j'ai horreur de la patrie. Le meilleur, c'est un sommeil bien ivre, sur la grève.

On ne part pas. - Reprenons les chemins d'ici, chargé de mon vice, le vice qui a poussé ses racines de souffrance à mon côté, dès l'âge de raison - qui monte au ciel, me bat, me renverse, me traîne.

La dernière innocence et la dernière timidité. C'est dit. Ne pas porter au monde mes dégoûts et mes trahisons.

Allons ! La marche, le fardeau, le désert, l'ennui et la colère.

A qui me louer ? Quelle bête faut-il adorer ? Quelle sainte image attaque-t-on ? Quels coeurs briserai-je ? Quel mensonge dois-je tenir ? - Dans quel sens marcher ?

Plutôt, se garder de la justice. - La vie dure, l'abrutissement simple, - soulever, le poing desséché, le couvercle du cercueil, s'asseoir, s'étouffer. Ainsi point de vieillesse, ni de dangers : la terreur n'est pas française.

- Ah ! je suis tellement délaissé que j'offre à n'importe quelle divine image des élans vers la perfection.

Ô mon abnégation, ô ma charité merveilleuse ! ici-bas, pourtant !

De profundis Domine, suis-je bête !

Encore tout enfant, j'admirais le forçat intraitable sur qui se referme toujours le bagne ; je visitais les auberges et les garnis qu'il aurait sacrés par son séjour ; je voyais avec son idée le ciel bleu et le travail fleuri de la campagne ; je flairais sa fatalité dans les villes. Il avait plus de force qu'un saint, plus de bon sens qu'un voyageur - et lui, lui seul ! pour témoin de sa gloire et de sa raison.

Sur les routes, par des nuits d'hiver, sans gîte, sans habits, sans pain, une voix étreignait mon coeur gelé : "Faiblesse ou force : te voilà, c'est la force. Tu ne sais ni où tu vas ni pourquoi tu vas, entre partout, réponds à tout. On ne te tuera pas plus que si tu étais cadavre." Au matin j'avais le regard si perdu et la contenance si morte, que ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu.

Dans les villes la boue m'apparaissait soudainement rouge et noire, comme une glace quand la lampe circule dans la chambre voisine, comme un trésor dans la forêt ! Bonne chance, criais-je, et je voyais une mer de flammes et de fumées au ciel ; et, à gauche, à droite, toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres.

Mais l'orgie et la camaraderie des femmes m'étaient interdites. Pas même un compagnon. Je me voyais devant une foule exaspérée, en face du peloton d'exécution, pleurant du malheur qu'ils n'aient pu comprendre, et pardonnant ! - Comme Jeanne d'Arc ! - "Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n'ai jamais été de ce peuple-ci ; je n'ai jamais été chrétien ; je suis de la race qui chantait dans le supplice ; je ne comprends pas les lois ; je n'ai pas le sens moral, je suis une brute : vous vous trompez..."

Oui, j'ai les yeux fermés à votre lumière. Je suis une bête, un nègre. Mais je puis être sauvé. Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre ; magistrat, tu es nègre ; général, tu es nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d'une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan. - Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer. Infirmes et vieillards sont tellement respectables qu'ils demandent à être bouillis. - Le plus malin est de quitter ce continent, où la folie rôde pour pourvoir d'otages ces misérables. J'entre au vrai royaume des enfants de Cham.

Connais-je encore la nature ? me connais-je ? - Plus de mots. J'ensevelis les morts dans mon ventre. Cris, tambour, danse, danse, danse, danse ! Je ne vois même pas l'heure où, les blancs débarquant, je tomberai au néant.

Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse !

Les blancs débarquent. Le canon ! Il faut se soumettre au baptême, s'habiller, travailler.

J'ai reçu au coeur le coup de la grâce. Ah ! je ne l'avais pas prévu !

Je n'ai point fait le mal. Les jours vont m'être légers, le repentir me sera épargné. Je n'aurai pas eu les tourments de l'âme presque morte au bien, où remonte la lumière sévère comme les cierges funéraires. Le sort du fils de famille, cercueil prématuré couvert de limpides larmes. Sans doute la débauche est bête, le vice est bête ; il faut jeter les pourriture à l'écart. Mais l'horloge ne sera pas arrivée à ne plus sonner que l'heure de la pure douleur ! Vais-je être enlevé comme un enfant, pour jouer au paradis dans l'oubli de tout le malheur !

Vite ! est-il d'autres vies ? - Le sommeil dans la richesse est impossible. La richesse a toujours été bien public. L'amour divin seul octroie les clefs de la science.

Je vois que la nature n'est qu'un spectacle de bonté. Adieu chimères, idéals, erreurs.

Le chant raisonnable des anges s'élève du navire sauveur : c'est l'amour divin. - Deux amours ! je puis mourir de l'amour terrestre, mourir de dévouement. J'ai laissé des âmes dont la peine s'accroîtra de mon départ ! Vous me choisissez parmi les naufragés, ceux qui restent sont-ils pas mes amis ?

Sauvez-les !

La raison est née. Le monde est bon. Je bénirai la vie. J'aimerai mes frères. Ce ne sont plus des promesses d'enfance. Ni l'espoir d'échapper à la vieillesse et à la mort. Dieu fait ma force, et je loue Dieu.

L'ennui n'est plus mon amour. Les rages, les débauches, la folie, dont je sais tous les élans et les désastres, - tout mon fardeau est déposé. Apprécions sans vertige l'étendu de mon innocence.

Je ne serais plus capable de demander le réconfort d'une bastonnade. Je ne me crois pas embarqué pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père.

Je ne suis pas prisonnier de ma raison. J'ai dit : Dieu. Je veux la liberté dans le salut : comment la poursuivre ? Les goûts frivoles m'ont quitté. Plus besoin de dévouement ni d'amour divin. Je ne regrette pas le siècle des coeurs sensibles. Chacun a sa raison, mépris et charité : je retiens ma place au sommet de cette angélique échelle de bon sens.

Quant au bonheur établi, domestique ou non... non, je ne peux pas. Je suis trop dissipé, trop faible. La vie fleurit par le travail, vieille vérité : moi, ma vie n'est pas assez pesante, elle s'envole et flotte loin au-dessus de l'action, ce cher point du monde.

Comme je deviens vieille fille, à manquer du courage d'aimer la mort !

Si Dieu m'accordait le calme céleste, aérien, la prière, - comme les anciens saints. - Les saints ! des forts ! les anachorètes, des artistes comme il n'en faut plus !

Farce continuelle ! Mon innocence me ferait pleurer. La vie est la farce à mener par tous.

Assez ! voici la punition. - En marche !

Ah ! les poumons brûlent, les tempes grondent ! la nuit roule dans mes yeux, par ce soleil ! le coeur... les membres...

Où va-t-on ? au combat ? je suis faible ! les autres avancent. Les outils, les armes... le temps ! ...

Feu ! feu sur moi ! Là ! ou je me rends. - Lâches ! - Je me tue ! Je me jette aux pieds des chevaux !

Ah ! ...

- Je m'y habituerai.

Ce serait la vie française, le sentier de l'honneur.

 

Pour le texte intégral commenté : http://abardel.free.fr/petite_anthologie/mauvais_%20sang_...

 

 

rimbaud
Arthur Rimbaud (1854-1891), 1873, par Jef Rosman

vendredi, 17 mai 2013

The-blue-pipe - V - and she is soon to be mine - Alphonse Rabbe

  

Extrait d'Album d'un Pessimiste, 1835 (posthume), Alphonse Rabbe (1784-1829) :

Jeune homme, allume ma pipe ; allume et donne, pour que je chasse un peu l'ennui de vivre ; pour que je me livre à l'oubli de toutes choses, tandis que ce peuple imbécile, avide de grossières émotions, précipite ses pas vers la pompeuse cérémonie du sacré coeur, dans l'opulente et superstitieuse Marseille. 

 

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Image du film "Rimbaud Verlaine" (1995), Leonaro di Caprio                      Rimbaud croqué par Verlaine

 

Pour moi, je hais la multitude et son stupide empressement : je hais ces tréteaux sacrés ou profanes, ces fêtes, aux prix desquels un peuple malheureux consent si aisément à l'oubli des maux qui l'accablent. Je hais ces marques d'un servile respect, que la foule abusée prodigue à qui la trompe et l’opprime. Je hais ce culte d'erreur qui absout le crime, contriste l'innocence et pousse au meurtre le fanatique, par ses inhumaines doctrines d'exclusion.

Pardonnons aux dupes ! Tous ceux qui vont là, se sont promis du plaisir. Infortunés humains ! nous poursuivons sur toutes les routes ce fantôme attrayant. N'être pas où l'on est, changer de place et d'affections, quitter le supportable pour le pire ; voguer de nouveautés en nouveautés pour obtenir une sensation de plus ; vieillir chargé de désirs non satisfaits, mourir enfin d'avoir vécu, telle est notre destinée.

 

gregory peck   humphrey bogart
Gregory Peck                                     Humphrey Bogart

 

Que cherché-je moi-même au fond de ton petit fourneau, ô ma pipe ? Je cherche, comme un alchimiste, à transmuer les chagrins du présent en passagères délices. Je pompe ta vapeur à coups pressés, pour porter dans mon cerveau une heureuse confusion, un rapide délire préférable à la froide réflexion. Je cherche le doux oubli de ce qui est, le rêve de ce qui n'est pas, et même de ce qui ne peut pas être.

Tu me fais payer tes consolations faciles : le cerveau s’use et s'alanguit peut‑être, par le retour journalier de ces mouvements désordonnés. La pensée devient paresseuse, et l'imagination se fait vagabonde, par l'habitude d'ébaucher en vacillant d'agréables fictions.

La pipe est la pierre de touche des nerfs : le véritable dynamomètre de la fibre déliée. Jeunes gens qui cachez une organisation délicate et féminine sous des vêtements d'hommes, ne fumez pas, ou redoutez de cruelles convulsions ; et, ce qui serait plus cruel encore, la perte des faveurs de Vénus.

Fumez, au contraire, amants malheureux, esprits ardents et inquiets, obsédés du poids de vos pensées.

 

Mallarmé, manet
Mallarmé par Manet

 

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Van Gogh, autoportrait

 

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Monet, autoportrait


Les savants de l'Allemagne tiennent une pipe à côté de leur écritoire. C'est à travers les flots de fumée de tabac, qu'ils poursuivent les vérités de l'ordre intellectuel et transcendantal. Voilà pourquoi leurs ouvrages, toujours un peu nuageux, passent la portée de nos philosophes français, que la mode et les salons obligent de s'imbiber de parfums plus suaves et plus gracieux.

Lorsque le député des muses d'Erlangen arriva dans la maison de Kotzebue, le vieillard, avant que de venir le joindre, lui fit présenter du café et une pipe. Ce signe d'une hospitalité touchante ne désarma point l'intrépide jeune homme : une larme vint mouiller sa paupière ; mais il persista. Pourquoi ? il s'immolait pour la liberté.

Le malheureux travaille le jour ; et le soir, quand son pain est gagné, les bras croisés, devant sa porte en ruines, il dissipe dans la fumée de sa pipe le peu de pensée que le repos de ses membres pourrait lui laisser.

J'honore vos intentions, philosophes modernes qui voulez que cet homme réfléchisse, raisonne, discute, approuve ou blâme, tout comme vous. Par l'exercice de sa pensée, il évitera, je l'avoue, quelques‑uns des nombreux écueils de la vie ; il échappera à quelques embûches ; mais il tombera dans l'abîme du doute et s'instruira tristement du néant de son propre coeur. Ah ! tant que l'ordre éternel ne lui fera pas des destins meilleurs, laissez-le boire et fumer; c'est le plus sûr.
Maupertuis ne fut pas un homme vulgaire : il avait mesuré le pôle, et sondé les mystères de la génération. Enhardi par ses premiers succès, il entreprit de lever le voile qui cache à nos yeux le monde inconnu. Il voulut relever le trépied prophétique de l'avenir ! L'infortuné ! son châtiment suivit de près cette audace insensée...

Bientôt, se plongeant dans l'oubli de lui‑même, il se tua par l'usage immodéré des spiritueux. N'eût‑il pas mieux valu pour lui, fumer et moins penser ? s'étourdir doucement chaque jour, au lieu de s’empoisonner en désespéré, à grands flots d'eau-de-vie! Objet digne de pitié, même pour ces misérables Lapons, qu'il avait si curieusement observés !

 

cary grant  clarck gable
Cary Grant                                         Clarck Gable

 

gary cooper   henry fonda
Gary Cooper                              Henry Fonda

 

O ma pipe, que je te dois de biens ! Qu'un importun, un sot discoureur, un méprisable fanatique vienne à m'aborder, soudain je tire un cigare de mon étui ; je commence à fumer, et dès lors si je suis condamné au déplaisir de l'entendre, j'échappe du moins au supplice de lui répondre.

Par intervalles, un sourire amer fait contracter mes lèvres ; et le sot s'applaudit, croyant que je l'approuve. Il attribue à l'effet du cigare indiscret 1’expression équivoque dont je paie son babil... il redouble d audace... Mais suffoqué de son impertinence, je pousse tout à coup les flots d'une épaisse fumée amassée dans ma bouche, comme le dépit dans mon sein.

J'exhale tout à la fois une vapeur brûlante et une indignation contrainte. Oh ! que la sottise d'autrui est nauséabonde à qui déjà est mécontent et las de son propre poids !... je le submerge de fumée... que ne puis-je 1’asphyxier, le sot, de la lave de mon petit volcan ! ...

 

Dali    Errol Flynn
Dali                                        Errol Flynn

 

Mais lorsqu'un ami, aimable d'esprit et de coeur, vient au‑devant de moi, le plaisir de la pipe me rend plus vif encore le bonheur de cette rencontre. Après les premiers discours qui s'élancent rapides, tandis que le punch enflammé dissipe, dans la flamme pétillante, les parties spiritueuses dont la liqueur surabonde, les verres se touchent... Ami, de ce jour en un an, puissions‑nous vider la coupe fraternelle, sous des auspices meilleurs !

Alors nous allumons nos cigares : pressé de lui parler de mille choses diverses, je laisse souvent éteindre le mien, et il me donne de son feu... je suis comme un vieil époux qui rallume vingt fois de suite, sur les lèvres d'une jeune beauté, 1’énergie de sa flamme vingt fois impuissante ; ô mon ami, quand donc luiront des jours plus heureux ?

Dis‑le moi, mon ami : dans les lieux d'où tu viens, les hommes sont‑ils pleins d'espérance et de courage ? Gardent‑ils une fidélité constante au culte de notre grande divinité ? Combien de temps encore nous faudra‑t‑il ronger le frein humiliant qui nous condamne au silence...

Qu'il me tarde de jeter ma part de servitude ! Qu'il me tarde de voir réduire en poudre les titres vains de la tyrannie qui nous opprime ! De voir les cendres d'un diadème déshonoré se dissiper au souffle des patriotes, comme la cendre de ma pipe se dissipe au mien. Mon âme est lasse d'attendre je calcule avec effroi les manoeuvres d'une ténébreuse perversité.

Regarde comme ce peuple, soulevé tout entier par l'infâme secte de Loyola, court se précipiter au-devant de leurs bizarres processions : vieux et jeunes, hommes et femmes, tous s'empressent de recevoir leurs hypocrites et inutiles bénédictions. Les imbéciles ! Si la peste passait en procession, ils iraient la voir aussi. Dis‑moi ? Un tel peuple est‑il fait pour la liberté ? N'est‑il pas plutôt condamné à vieillir enfant dans les langes d'un double esclavage ?

 

Rainier   andré breton
Rainier                                         André Breton

 

Heureusement la liberté a ses secrets et ses ressources. Ce peuple, qui nous semble à jamais abruti, s'instruit cependant, et s'éclaire chaque jour : pardonnons aux esclaves de courir aux distractions. Souffrons qu'une mère impudique se flatte que ses filles passeront pour vierges, quand elles auront été bénies. Ne nous étonnons pas que de vieux scélérats espèrent suer le levain du crime, en se fatiguant à porter des simulacres méprisés.

Les hommes sont encore enfants ; pourtant le genre humain grandit, et brise, en marchant, ses lisières. Le temps approche où il n'écoutera plus le boiteux qui criera d'arrêter, où il ne demandera plus son chemin à l'aveugle. Que le monde s'éclaire, Dieu le veut... Pour nous, fumons en attendant une aurore nouvelle.

O ma pipe ! Je te dois chaque jour cet emblème expressif d’humilité que la religion ne place qu’une fois par an sur le front de 1’adorateur chrétien. L'homme n est que cendre et poussière... C'est, en effet, tout ce qui reste à la fin, du coeur le plus tendre ou le plus magnanime, du coeur le plus enivré de joie et d'orgueil, ou le plus consumé de peines amères.

Ce faible reste, ces cendres mêmes le plus léger zéphyr les dissipe dans le vague de l'air. Où donc est maintenant la poussière d'Alexandre, la cendre de Gengis ? Ils ne sont plus que de vains fantômes historiques ; que es noms sonores, objet d'enthousiasme vain, ou d'inutiles malédictions.

 

 

man ray, pipe, tabac       alain, philosophe, pipe, tabac, fumer
Man Ray                                                         Alain (philosophe)

 

 

Je périrai bientôt : tout ce qui compose mon être et le nom même dont on me nomme, disparaîtra comme cette légère fumée... Dans quelques jours, peut‑être, à la place où j'écris, on ne saura pas même si ai jamais vécu... Mais, de ce corps si périssable, s'exhalera‑t‑il quelque chose qui ne périsse pas et s'élève en haut ? Réside‑t‑il en effet dans l'homme une étincelle digne d'allumer le calumet des anges sur le parvis des cieux ? ...

O ma Pipe ! chasse, bannis ce désir ambitieux et funeste de l'inconnu, de l'impénétrable.  

 

 

pipe  pipe
Celles-ci sont des pipes de lecture

A consulter également : 
Textes et images : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-1-4...
En peinture, écrivains, cinéastes,... : http://mes-ecrits-vains.over-blog.net/article-la-pipe-sui...
En Littérature : http://fumeursdepipe.net/litterature1.htm
En chansons, textes, poëmes : http://fumeursdepipe.net/litterature.htm

Pour une encyclopédie de portraits : http://fumeursdepipe.net/personnalites.htm
Se fournir en articles pour fumer : http://www.pipe.fr/boutique/liste_rayons.cfm

 

 

mardi, 05 juin 2012

La désenchantée - Rimbaud

la_desenchantee 2.jpg

 

Film : La désenchantée (1990, durée 1h18)

Réalisateur : Benoît Jacquot

Beth (Judith Godrèche), Alphonse (Marcel Bozonnet), l'oncle (Ivan Desny), l'autre (Malcom Conrath), la mère de Beth (Thérèse Liotard), Rémi le petit frère de Beth (Thomas Salsmann)

 

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Beth présente son travail à la classe. Elle écrit au tableau : "Je croyais à tous les enchantements". 

Beth : Rimaud est né désenchanté et voulait partir. Personne ne pourra définir son enchantement. Etait-il de ne pas être enchanté, de toujours chercher à l'être, ou de subir l'enchantement du désenchantement ? La ligne éperdue séparant son menton de sa bouche en dit long sur ses pensées, dévoilant l'éternelle amertume, la volonté d'enchantement qui toujours échoit. Cette ombre sur le visage n'est pas muette, elle dit sur quel enfant ténébreux elle jeta son aencre*.

Elle écrit au tableau : "Je comprends en ne sachant m'expliquer sans paroles païennes je voudrais me taire".

Beth : Invoquer l'horreur et trouver la beauté, être des désenchantés le plus chantant, de pas desserrer les dents et avoir les yeux d'outre-tombe des raisons de partir. En partant, Rimbaud a cessé d'écrire mais pas d'être poète. Quel besoin a-t-il, lui qui veut de l'or et du soleil pour bronzer son visage d'un crayon pour être poète ? Rimbaud existant, Rimbaud poète. Rimbaud trafiquant, Rimbaud poète. Quelques-uns regardant la photo de Rimbaud si jeune et celle de lui en Abyssinie seront déçus. Il est beau que cette photo déçoive, d'aventurier désenchanté, de sauvage à l'apogée de sa sauvagerie, de liberté dans l'enfer. C'est une photo de silencieux, d'un poète sans plume, représentant de la ténèbre. S'étonner de son départ revient au même que de lui poser la question.

Elle écrit au tableau : "Pour êtes-vous étrange et étranger à tout ?"

Son enseignante : Ecoute, ce que je veux te faire comprendre, c'est que si tu es aussi excessive au Bac, si tu te laisses emporter, tu n'auras pas la note à laquelle tu peux prétendre. Tu n'es pas obligée de m'écouter pour Rimbaud, mais pour le Bac, tu peux me croire.

Beth : Pour moi ce sera un sujet bien tiède, bien mou, comme ça il n'y aura pas de danger.

 

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Alphonse : Si je t'avais pas vue avec ton frère, je dirais que tu es fille unique, typique fille unique, tout tout de suite.

Beth : Je suis pas fille unique, je suis femme unique.

Alphonse : Je croyais que tu étais une enfant. Il faudrait savoir.

Beth : Je serai une femme quand je serai unique pour un seul.

Alphonse : Aimer un homme ou une femme toute une vie, autant dire qu'une bougie peut brûler toute une vie. Ca dure un mois, ça dure un an, de toute façon on finit par en avoir marre, on finit même dans le dégoût.

Beth : C'est bien pour ça qu'il faut trouver autre chose. Deux personnes ensemble pour vous, c'est forcément deux qui couchent ensemble ? Enfin je veux dire qui font des cochonneries ?

Alphonse : Autre chose ? Tu me fais rigoler. Y'a pas autre chose ! C'est cochonneries et compagnie. Le roi des animaux, pas mal trouvé, enfin, les animaux, ils font ça pour se reproduire, hein, pas pour la petite secousse. Heureusement, y'a les maladies, les choses se remettent en place.

Beth : Si personne fait plus ça, y'aura plus de genre humain, non ?

Alphonse : Et pourquoi il devrait se reproduire, le genre humain ?

Beth : Benh pour qu'on existe.

Alphonse : Et à quoi bon exister, hein ?

Beth : Pour vivre.

Alphonse : Vivre pour quoi ? ... Si on n'a pas de but, si on vit la vie pour la vie, on n'a pas de raison de vivre. Et si le but est atteint, c'est clair, benh la vie doit s'arrêter. Et le but, c'est pas l'idéal des lapins, se reproduire le plus possible. C'est pas l'idéal des singes, jouir le plus possible. Tout ça, on peut pas dire que c'est idéal. Ignoble, voilà ce qu'on peut dire. Le genre humain doit disparaître ? Pas de doute, je dois mourir, tu dois mourir. Le genre humain aussi. En attendant, l'ennemi, c'est la bête à dos.

Beth : C'est qui la bête  deux dos ?

Alphonse : Je vais te montrer, tu vas voir.

Il l'enlace.

Beth : Et la cloche vous connaissez ?

Alphonse : Ah non, la cloche, non.

Beth : C'est facile, ça va vous plaire, on se met dos à dos comme ça. Voilà, maintenant vous me soulevez et après moi je vous soulève. C'est la cloche !

 

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Beth : Ca vous ennuie pas de me le donner (un couteau) ?

Alphonse : Ce que je donne, personne ne pourra jamais me le prendre. Ce que je donne m'appartient, pour toujours.

Beth : Ce que je donne, pers... C'est votre habitude de raisonner comme ça ?

Alphonse : Oui, et tu noteras que c'est toujours tordu, y'a que les couteaux que je lance droit.

 

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L'oncle : Prends place, Beth. Comme tu voudras. Un jour tu me parleras, ce ne sera pas pour m'injurier. Non, pas pour m'injurier... Tu es sure que tu n'as pas faim ?

Il jette le poisson qu'il allait cuire pour Beth.

L'oncle : Merci, Beth, le gâchi aiguise mon appétit. Il n'y a pas que la voix à être éloquente. Le regard fait partie de la voix. Tout de toi est éloquent, si je veux. Je le sais assez, mon Dieu. Ces voix que j'ai entendues, ces regards que j'ai vus, ces corps que j'ai palpés. Ta mère est mal. Je ne sais pas ce qu'on peut. Elle souffre ta mère. L--- (amecide?) n'est pas une fée. La douleur est une fée, une fée cruelle mais une fée. Rémi m'a dit que tu veux partir, loin. Il me parle, Rémi, au moins. Il crache pas sur les cadeaux, ce garçon. Evidemment, jamais il ne m'en dira autant que toi quand tu ne me parles pas... J'ai vu Rimbaud dans ta chambre hier. "On ne part pas", c'est Rimbaud qui a écrit ça. Moi je ne pars plus. Partir c'est trop facile. C'est rester qui est difficile. Ceux qui restent, voilà les héros. Si tu pars, je risque de ne pas te revoir avant longtemps, telle que je te connais. Mais enfin, les âmes hors du commun s'entendent, même lorsqu'elles s'éloignent. Et puis, il n'y a rien de plus beau que ce que nous ne voyons plus... Tu as raison, les fraises ne devraient se manger qu'en avril, quand elles sont rares...

Le téléphone sonne.

L'oncle : Je hais tout ça, avion, train, téléphone. On veut détruire l'absence. Comment s'aimera-t-on si on détruit l'absence ? Il parait que c'est cruel ce que je dis. Quand on creuse la pensée, on trouve toujours le froid. A une certaine profondeur, le froid qu'on appelle cruauté. Maintenant que tu es ici, tu voudrais bien t'en aller. Pourtant tu ne t'en iras pas... Qu'est-ce que tu fais Beth, laisse-ça ! Quelqu'un va venir. Montre-moi tes mains. Toi tu soignes tes mains au Paic Citron. Bientôt tu n'auras plus de mains, tout juste des pattes.

Il lui donne un chèque.

L'oncle : Tu devrais le faire encadrer entre deux plaques de verres et t'en faire un petit écran pare-feu. Va au milieu. Tu es toujours belle, mais ta beauté jaillit à différents moments, de différentes sources.

 

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* Hésitant entre les vocables "encre" (qui fixe les mots) et "ancre" (qui fixe le galion), lesquels nous paraissent tous deux ici plausibles, nous les marions, tout simplement, pour donner naissance à "aencre". Dans un esprit similaire, "aevenement" est non moins fichtrement né il y a quelques semaines de la paire "avènement" - "événement".